Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] B. H. est la requérante en l’espèce. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a accordé à la requérante une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), fixant la date de début à février 2009.

[2] Le ministre a mis fin au paiement de la pension d’invalidité. Il était d’avis que la requérante avait cessé d’être invalide au sens du RPC à compter du 30 septembre 2012.

[3] La requérante a interjeté appel de la décision du ministre devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[4] J’accueille l’appel de la requérante. Je conclus que le ministre n’aurait pas dû mettre fin à la pension d’invalidité de la requérante.

[5] Voici les motifs de ma décision.

Aperçu

[6] La requérante est née en 1960. Elle a terminé sa 10e année. Elle a travaillé comme conductrice de camion de gravier, jusqu’à ce qu’elle subisse un accident vasculaire cérébral (AVC) en novembre 2008. Elle a alors cessé de travailler. Elle a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC, que le ministre a agréée.

[7] La requérante a tenté de faire de la réadaptation après son AVC. Elle a réobtenu son permis de conduire. Elle a communiqué avec le ministre et l’a informé qu’elle retournait travailler en juin 2011. Elle est retournée travailler pour son employeur précédent comme conductrice de camion.

[8] La requérante a travaillé de juin à novembre 2011, jusqu’à la fin de la saison de la construction. Elle a dit au ministre que le travail la fatiguait. Le ministre a permis à la requérante de conserver ses prestations d’invalidité du RPC pour la période pendant laquelle elle avait travaillé en 2011 puisqu’elle n’avait pas terminé de période d’essai. Le ministre a demandé à ce qu’elle communique avec lui si elle retournait au travail en 2012 et qu’elle obtenait plus de 5 000 $ de gainsNote de bas page 1. La requérante a gagné 24 171 $ dans le cadre de son emploi chez son ancien employeur en 2011. Le ministre lui a permis de continuer à toucher sa pension d’invalidité en 2011 parce qu’elle n’avait pas terminé sa période d’essai.

[9] La requérante a travaillé en 2012. Le ministre a réexaminé son dossier et a appris que la requérante avait gagné 10 130 $ auprès d’une entreprise de camionnage et 13 301 $ auprès d’une municipalité en 2012. Le ministre a demandé à la requérante de lui fournir plus d’information sur ses gains pour 2012Note de bas page 2. À la demande du ministre, la requérante a rempli des questionnaires en juillet et en août 2014.

[10] Dans ces questionnaires, la requérante a informé le ministre que son état de santé n’avait pas changé en 2012. Elle se rétablissait toujours de son AVC et avait développé des problèmes cardiaquesNote de bas page 3. Elle a reconnu avoir travaillé en 2012, mais le travail était trop pour elleNote de bas page 4.

[11] Le ministre a dit à la requérante qu’il allait mettre fin à ses prestations d’invalidité du RPC dans une lettre datée du 19 janvier 2015. Le ministre était d’avis que la requérante avait commencé à travailler pour l’entreprise de camionnage en décembre 2011 et qu’elle avait régulièrement occupé un emploi rémunérateur de juin 2012 à août 2012. Elle a aussi fait des travaux saisonniers pour une municipalité d’août à décembre 2012. La requérante a gagné 23 431 $ en 2012. Le ministre a conclu que la requérante n’était plus invalide au sens du RPC. Le ministre a mis fin à ses prestations d’invalidité du RPC en date du 30 septembre 2012. Le ministre a informé la requérante qu’elle devait rembourser la somme de 18 287,64 $ au RPC pour les prestations qu’elle avait touchées d’octobre 2012 au 30 juin 2014Note de bas page 5.

[12] La requérante a soutenu que toutes ses tentatives de travailler après son AVC avaient été vaines et qu’elle ne pourrait plus jamais travaillerNote de bas page 6.

Question en litige

[13] Le ministre a-t-il prouvé que la requérante avait cessé d’être invalide au sens du RPC après le 30 septembre 2012?

Analyse

[14] Le ministre doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable que la requérante a cessé d’être invalide au sens du RPC après le 30 septembre 2012Note de bas page 7.

[15] Pour être considérée comme étant invalide au sens du RPC, une personne doit avoir une invalidité à la fois grave et prolongée. Une personne a une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. L’invalidité est prolongée si elle est vraisemblablement d’une durée longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas page 8.

[16] Le ministre se fonde sur les gains de la requérante pour établir qu’elle a récupéré la capacité de régulièrement occuper un emploi véritablement rémunérateur.

Les revenus de la requérante ne montrent pas qu’elle n’a plus d’invalidité grave au sens du RPC.

[17] Je reconnais que des revenus significatifs peuvent montrer qu’une partie requérante a récupéré la capacité de régulièrement détenir un emploi véritablement rémunérateur, mais il ne s’agit là que l’un des facteurs que je dois examiner. Pour déterminer si l’emploi d’une partie requérante est véritablement rémunérateur, il n’y a pas d’approche universelle. Chaque cas doit être analysé de façon individuelle selon les faits propres à celui-ciNote de bas page 9.

[18] La requérante a fourni des éléments de preuve. Elle a reçu de l’aide de son ancien conjoint de fait lors de l’audience en raison de ses problèmes de mémoire.

[19] La requérante a témoigné qu’elle a quitté l’école pendant sa 10e année. Elle a travaillé dans un entrepôt. Elle a ensuite travaillé comme conductrice d’autobus, puis comme conductrice de camion de septembre 2005 à novembre 2008, jusqu’à ce qu’elle subisse un grave AVC. Elle a dû réapprendre à utiliser la salle de bain. Elle a perdu son permis de conduire régulier et son permis de conduire des véhicules commerciaux.

[20] La requérante a touché des prestations d’invalidité à long terme après avoir subi son AVC. Son assureur privé lui a recommandé de présenter une demande de pension d’invalidité du RPC après la fin de ses prestations d’invalidité à long terme.

[21] La requérante voulait retourner travailler. Elle a réobtenu son permis de conduire régulier en 2010. Son examinateur ne pensait pas qu’elle serait en mesure de conduire un autobus à nouveau en raison de ses problèmes de santé. Elle a néanmoins réobtenu son permis de conduire lui permettant de conduire des camions de gravier.

[22] La requérante a témoigné qu’elle ne s’est jamais complètement rétablie de son AVC. La requérante a répondu à un questionnaire pour appuyer sa demande de pension d’invalidité du RPC en 2010. Elle a déclaré dans ce questionnaire qu’elle avait des problèmes d’inattention. Elle avait de graves problèmes cognitifs et peinait à résoudre des problèmes. Elle avait des problèmes de concentration. Elle avait de la difficulté à s’asseoir, à se lever, à marcher, à soulever des objets, à se pencher, à dormir, à conduire et à mener ses tâches ménagèresNote de bas page 10. La requérante a témoigné qu’elle vivait toujours avec ces déficiences. Elle a toujours des problèmes de mémoire à court terme.

[23] La requérante a parlé de ses tentatives de retourner travailler après son AVC lors de son témoignage. Je considère que les tentatives de retour au travail de la requérante après son AVC ne constituent pas une preuve de sa capacité à détenir régulièrement un emploi véritablement rémunérateur. J’estime plutôt qu’il s’agit de vaines tentatives de retour au travail.

[24] Voici un résumé des efforts déployés par la requérante pour retourner au travail après son AVC :

  • En juin 2011, elle est retournée travailler pour son employeur précédent comme conductrice de camion de gravier. Elle a trouvé cela stressant. Conduire lui causait de l’anxiété. Son niveau de concentration était faible et elle avait souvent un besoin urgent d’aller aux toilettes. Elle a été mise à pied en novembre 2011, à la fin de la saison de la construction.
  • La requérante a témoigné qu’elle était retournée travailler pour l’entreprise de camionnage en mai 2012. Ses difficultés se sont poursuivies. Son employeur lui a offert des mesures d’adaptation. Elle n’avait pas à travailler plus de six heures par quart de travail. Elle a tout de même dû quitter cet emploi pour des raisons médicales en août 2012.
  • La requérante a témoigné qu’elle a commencé à travailler comme manœuvre pour une municipalité en août 2012. Elle a cessé d’occuper cet emploi en décembre 2012. Elle avait été embauchée par le département de l’entretien routier. Son poste a été modifié, toutefois. Elle n’avait pas l’autorisation de manœuvrer de l’équipement. La personne qui l’avait embauchée la connaissait et était au courant de son état de santé. Le poste était censé être à temps plein, mais elle n’avait généralement pas des heures à temps plein. Son patron lui donnait des tâches légères de nettoyage. Toutefois, elle avait tout de même de la difficulté avec cet emploi. Elle a été mise à pied à la fin de la saison de travail. Elle a déménagé et n’est pas retournée travailler dans ce poste.
  • Elle a aussi travaillé en 2016 ou 2017 dans une entreprise d’autobus scolaire comme accompagnatrice. Elle ne conduisait pas d’autobus. Elle surveillait des enfants qui avaient des problèmes de comportement. Elle a quitté cet emploi parce que le conseil scolaire a mis fin à son contrat avec son employeur, et parce qu’elle était aussi fréquemment victime d’agressions.

[25] Les parties requérantes qui génèrent des revenus peuvent tout de même être réputées invalides s’ils bénéficient de mesures d’adaptation au travail ou si leurs exigences de productivité sont différentes de celles de leurs collèguesNote de bas page 11. En l’espèce, il est important d’examiner l’état de santé de la requérante, ses limitations fonctionnaires, ses antécédents professionnels, ainsi que ses conditions de travail et les circonstances dans lesquelles elle travaille.

[26] Je suis d’avis que les emplois occupés par la requérante après son AVC étaient irréguliers et lui offraient des mesures d’adaptation.

[27] L’entreprise de camionnage a produit un relevé d’emploi qui indiquait qu’elle avait travaillé de décembre 2011 à août 2012. L’ancien conjoint de fait de la requérante était d’avis que plusieurs de ces heures étaient des [traduction] « heures accumulées ». Le relevé d’emploi montre que la requérante a travaillé très peu d’heures jusqu’en mai 2012. Le relevé d’emploi montre que la requérante travaillait généralement des heures à temps partiel avant qu’elle quitte cet emploi en août 2012.

[28] Le relevé d’emploi produit par la municipalité semble indiquer qu’elle a travaillé presque à temps plein d’août à décembre 2012. J’estime qu’il ne s’agit pas d’une tentative réussie de retour au travail. La requérante trouvait cela difficile d’occuper cet emploi. Le ministre se fonde sur le fait que la municipalité a produit un relevé d’emploi parce que la saison de travail avait pris fin. Cela laisse entendre que la requérante n’a pas quitté cet emploi pour des raisons médicales. La requérante a témoigné qu’elle aurait tenté de retourner à ce travail si elle n’avait pas déménagé dans une autre municipalité.

[29] Le ministre s’est aussi fondé sur un questionnaire remploi par la municipalité pour appuyer sa position selon laquelle la requérante n’était plus invalide au sens du RPC. L’employeur a informé le ministre que la requérante n’avait pas bénéficié de mesures d’adaptation au travailNote de bas page 12. Je n’accorde toutefois pas beaucoup de poids à ce document. Le ministre a demandé à la municipalité si le travail de la requérante était insatisfaisant en raison de ces problèmes de santé. La municipalité a répondu qu’elle ne connaissait pas la réponse à cette question. Elle avait perdu le dossier de la requérante.

[30] Je ne pense pas que la requérante était capable de travailler dans un contexte réaliste depuis son AVC subi en 2008. J’accepte la preuve fournie lors de l’audience, selon laquelle elle n’a pas de force dans les bras et que sa capacité à rester assise ou debout est limitée. Je reconnais aussi qu’elle a de graves problèmes cognitifs qui l’empêchent de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[31] La requérante a témoigné qu’elle aurait probablement postulé à nouveau un emploi pour la municipalité si elle n’était pas déménagée. Toutefois, je ne crois pas que la requérante aurait pu continuer à travailler de façon réaliste comme manœuvre en raison de ses déficiences graves. Je pense que la requérante se faisait des illusions lorsqu’elle a témoigné au sujet de sa capacité à travailler. Elle a affirmé, lors de l’audience, qu’elle avait de grandes difficultés à travailler depuis son AVC. J’estime qu’aucune de ses tentatives de retourner au travail n’a réussi.

[32] Je conclus que le ministre n’a pas prouvé que les gains de la requérante après son AVC montraient qu’elle avait récupéré la capacité à régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.

Le ministre n’a pas prouvé que la requérante n’était plus invalide au sens du RPC après le 30 septembre 2012.

[33] J’ai tenu compte de l’ensemble du contexte de l’état de santé de la requérante et de sa capacité à travailler depuis l’AVC qu’elle a subi en 2008.

[34] Le ministre n’a pas présenté de preuve que l’état de santé de la requérante avait substantiellement changé et qui justifierait de tirer la conclusion que la requérante n’était plus invalide au sens du RPC.

[35] Les dossiers médicaux de la requérante montrent qu’elle a subi un AVC en 2008. Son médecin de famille a rempli un rapport médical pour le ministre en juin 2010. La requérante avait toujours des faiblesses au côté gauche du corps. La requérante a suivi un programme de réadaptation, mais on l’avait jugée incapable de conduire un camionNote de bas page 13.

[36] En juillet 2014, la requérante a informé le ministre que son état de santé était resté identique et qu’elle avait développé des problèmes cardiaquesNote de bas page 14.

[37] Le médecin de famille de la requérante a fourni des notes cliniques datant de 2012 et de 2013. La requérante se plaignait de douleurs à la hanche en 2012. Il a vu la requérante en 2013 pour un examen médical de conducteurNote de bas page 15. La requérante n’a peut-être pas consulté son médecin de famille fréquemment en 2012 et en 2013, mais je n’accorde pas beaucoup de poids à cela. En juin 2010, le médecin de famille de la requérante a affirmé que son état de santé était stableNote de bas page 16. Je pense que l’état de santé de la requérante ne s’est jamais amélioré au point où elle pouvait régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[38] J’estime par ailleurs que la requérante est une témoin crédible. Elle avait de la difficulté à livrer son témoignage et avait de la difficulté à se souvenir des dates. Son ancien conjoint de fait devait fournir des détails à sa place. Je suis convaincu que la requérante a toujours des déficiences graves découlant de son AVC.

[39] Le ministre se fonde largement sur les gains réalisés par la requérante pour justifier sa décision de mettre fin à ses prestations d’invalidité.

[40] La requérante a gagné plus de revenus en 2012 que la somme correspondant à un revenu véritablement rémunérateur fixée dans les lignes directrices du ministèreNote de bas page 17. Toutefois, j’estime que ce fait, par lui-même, ne suffit pas à montrer que la requérante a cessé d’être invalide au sens du RPC. Je pense que les tentatives de la requérante de retourner travailler en 2012 ont été vaines. De plus, la requérante a gagné beaucoup plus que la somme correspondant à des gains véritablement rémunérateurs en 2011. Le ministre a toutefois décidé de lui laisser conserver ses prestations pour cette année. J’estime qu’il n’y a pas beaucoup de différence entre les circonstances de la requérante en 2011 et en 2012. Elle a obtenu un revenu semblable et a eu de la difficulté à travailler.

[41] Il semble que le ministre avait adopté une politique selon laquelle les parties requérantes pouvaient conserver leurs prestations d’invalidité si elles ne réussissaient pas un essai de retour au travail. Toutefois, je ne suis pas lié par les politiques et lignes directrices du ministre. Je suis lié plutôt à la législation et aux décisions des tribunaux qui ont examiné la définition d’invalidité au sens du RPC. Je pense que la requérante n’a jamais récupéré la capacité de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice après avoir subi son AVC. Depuis son AVC, elle a travaillé de façon sporadique, irrégulière, et ce, sans succès.

[42] J’estime que l’occupation qu’elle a détenue auprès de l’entreprise d’autobus scolaires n’était pas véritablement rémunératrice. Ses efforts de retour au travail ont été vains puisqu’elle ne pouvait pas tolérer le travail. En 2016 et en 2017, elle a aussi gagné moins que la somme correspondant à un revenu véritablement rémunérateur dans le cadre de cet emploi.

[43] Je conclus que le ministre n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que la requérante n’était plus invalide au sens du RPC.

Conclusion

[44] L’appel est accueilli.

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