Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La requérante n’est pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] La requérante avait 42 ans lorsqu’elle a demandé une pension d’invalidité du RPC, en octobre 2018. Son dernier emploi avait été du travail de bureau dans une imprimerie. Elle a affirmé qu’elle était incapable de travailler depuis mai 2014 en raison des problèmes suivants : fibromyalgie, migraines, douleur à la hanche, dépression et anxiété. Lors de l’audience, elle a affirmé que la fibromyalgie et la dépression étaient ses principaux problèmes de santé. En décembre 2015, janvier 2016 et janvier 2017, elle avait essayé brièvement de reprendre le travail, mais avait été incapable de continuerNote de bas page 1. Elle n’a pas travaillé depuis. Le ministre a rejeté la demande de la requérante une première fois, puis une seconde fois, après révision. La requérante a interjeté appel de la décision de révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Le ministre a soutenu que la requérante ne s’était pas soumise au traitement; elle n’avait pas collaboré avec le programme offert en 2018 par les Odyssey Health Services [services de santé Odyssey].

[4] Dans le cadre du RPC, une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas page 2. Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie.

[5] Pour avoir gain de cause, la requérante doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était invalide à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Sa PMA, soit la date limite pour devenir invalide, est établie selon les cotisations qu’elle a versées au RPCNote de bas page 3.La sienne a pris fin le 31 décembre 2018.

Question en litige

[6] La requérante était-elle, à cause de ses problèmes de santé, atteinte d’une invalidité grave, de sorte qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice le 31 décembre 2018?

[7] Le cas échéant, la durée de son invalidité était-elle longue, continue et indéfinie à cette date?

Invalidité grave

[8] Pour déterminer si l’état de santé de la requérante est grave, je dois tenir compte de chaque problème de santé pouvant nuire à son employabilitéNote de bas page 4.

L’invalidité de la requérante l’empêchait de travailler en date du 31 décembre 2018

État de santé physique

[9] En avril 2016, la requérante a commencé à voir un algologue pour les symptômes de fibromyalgie dont elle souffrait depuis cinq ans. En octobre 2016, le docteur P. Aazami, algologue, a rapporté que sa douleur touchait principalement son cou, ses épaules et le bas de son dos. Sa douleur avoisinait une intensité de 5/10 (10 étant la pire douleur possible). L’amplitude du mouvement de son cou et de sa colonne lombaire était normale, et ses épaules s’étaient révélées normales après examen. Elle avait essayé la massothérapie et la physiothérapie, ce qui ne l’avait que peu aidée. Elle n’arrivait pas à tolérer le timbre de Butrans, mais avait récemment commencer à prendre de la gabapentine pour soulager sa douleurNote de bas page 5. En octobre 2017, le docteur Aazami a rapporté que la requérante ne tolérait pas les anesthésies tronculaires. Elle prenait du Lyrica pour soulager sa douleur. Son niveau moyen de douleur demeurait à 5/10Note de bas page 6.

[10] En décembre 2017, la docteure Flora Yeracaris, psychologue, a fait part de ses conclusions après avoir interviewé la requérante, discuté avec son médecin de famille, examiné ses dossiers médicaux, interviewé son employeur, et mené différents tests psychologiques. La requérante a affirmé qu’elle [traduction] « ne faisait vraiment pas grand-chose à cause de [s]es symptômes ». Elle essayait de participer à des activités, mais ce qu’elle pouvait faire était limitéNote de bas page 7. Elle se plaignait de fatigue. Elle dormait cinq ou six heures la nuit, et faisait une à deux heures de sieste par jourNote de bas page 8. La docteure Yeracaris a jugé que la requérante s’imposait ses propres limites, laissant la douleur et la fatigue guider ses activités. Le fait qu’elle se reposait durant le jour l’empêchait de bien dormir la nuit. En misant sur des activités qui limitaient sa douleur, la requérante perpétuait un cycle où coexistaient une humeur dépressive, une diminution de l’activité et une maigre variété d’expériencesNote de bas page 9.

[11] En février 2018, la requérante a subi une fracture au poignet gauche. Elle a dû porter un plâtre durant six semainesNote de bas page 10. En avril 2018, monsieur Lopez, physiothérapeute, a affirmé que la capacité de la requérante à faire de l’entraînement musculaire pourrait être temporairement limité à cause de sa faiblesseNote de bas page 11. En novembre 2018, le docteur J. Haverstock, chirurgien orthopédiste, a rapporté que l’amplitude du mouvement de son poignet s’était grandement amélioré et qu’elle pouvait utiliser un clavierNote de bas page 12.

[12] En juillet 2015, une IRM a révélé de légères dégénérescences et une bursite éventuelle aux hanches de la requéranteNote de bas page 13.

[13] En 2018, la requérante s’est rendue trois fois à l’urgence en raison d’une douleur abdominale fulgurante.Note de bas page 14 À l’audience, elle a affirmé que des douleurs à l’estomac la surprennent tous les trois à cinq mois. Lorsque ces crises surviennent, on lui donne des antidouleurs à l’urgence. Le diagnostic provisoire est une infection urinaire.

[14] À l’audience, la requérante a dit qu’elle avait des maux de tête toutes les semaines. Elle les soulageait grâce à des médicaments en vente libre. Elle a aussi des migraines aux deux ou trois mois. En décembre 2017, elle a confié à la docteure Yeracaris qu’elle avait appris à vivre avec les maux de tête ordinaires et qu’elle ne se préoccupait pas outre mesure des migrainesNote de bas page 15.

État de santé mentale

[15] En avril 2013, la requérante a commencé à souffrir de dépression. En septembre 2014, elle a consulté la psychiatre Elizabeth Bishop. Celle-ci a posé un diagnostic de trouble dépressif majeur et recommandé un changement de médicationNote de bas page 16. En avril 2015, la requérante a vu le travailleur social Neil Tarswell. Il a rapporté que la requérante avait terminé un programme de jour en santé mentale et qu’elle consultait un thérapeuteNote de bas page 17. En mars 2016, elle a rencontré le docteur Brian Butler, psychiatre, qui a changé sa médication. En mai 2016, il a noté que son sommeil était stable et qu’elle continuait à mieux se porter. Elle avait continué les consultations externesNote de bas page 18. En janvier 2017, un autre psychiatre, le docteur O. Adegboyega-Conde, a posé des diagnostics de trouble dépressif majeur récurrent et de trouble obsessif-compulsifNote de bas page 19. En août 2017, le docteur Adegboyega-Conde a rapporté des améliorations notables chez la requérante au cours de derniers moisNote de bas page 20.

[16] En décembre 2017, la docteure Yeracaris a affirmé que la requérante rapportait des variations quant au niveau de sa motivation, de son ambition et de sa concentration. Toutefois, selon le médecin, rien ne laissait croire que sa fonction cognitive était altérée.Note de bas page 21

[17] À l’audience, la requérante a affirmé qu’elle n’avait pas participé à un programme de jour en santé mentale depuis 2016. Elle n’avait pas vu de psychiatre depuis le début de 2018. Elle voyait un travailleur social seulement tous les trois ou quatre mois. Elle prenait encore les antidépresseurs que son médecin de famille avait établis en octobre 2018. À l’époque, le docteur Gvozdic avait rapporté que la médication avait été bénéfique pour son sommeil et sa douleur chroniqueNote de bas page 22. Durant l’audience, la requérante a confirmé un certain bienfait du traitement sur sa santé mentale.

Limitations fonctionnelles

[18] À l’audience, la requérante a déclaré qu’elle était capable, en décembre 2018, de cuisiner pour sa famille et de faire les courses, et de nettoyer un peu la maison. La douleur était toujours son principal problème. Son intensité varie de jour en jour, ce qui l’empêche de respecter un horaire précis.

[19] En octobre 2018, le docteur Gvozdic a affirmé que la requérante souffrait de dépression, ainsi que d’un manque d’attention et de concentration. Elle souffrait aussi de fatigue extrême en raison de sa douleur chronique et de ses problèmes de sommeil. Elle avait des difficultés avec la communication interpersonnelle. Le docteur Gvozdic a précisé que la requérante avait aussi de la difficulté à rester assise ou debout et à marcher longtemps à cause de sa fibromyalgie.

[20] Je juge qu’il est plus probable qu’improbable que les problèmes de santé de la requérante l’empêchaient de travailler à la fin du mois de décembre 2018.

La requérante n’a pas suivi les traitements raisonnables recommandés

[21] Une partie requérante est tenue de suivre les traitements qui lui ont été recommandés et qui sont raisonnables. Si elle ne les suis pas, je dois juger de l’incidence éventuelle sur son invaliditéNote de bas page 23. Si la personne ne se soumet pas à des traitements raisonnables qui lui ont été recommandés et qui ont de fortes chances d’améliorer grandement son état de santé, elle ne pourra pas établir qu’elle est invalideNote de bas page 24.

[22] Comme je l’ai précisé précédemment, la requérante a essayé différents médicaments pour soulager sa douleur et sa dépression. Elle avait aussi fait de la massothérapie et de la physiothérapie. Pour ses problèmes de santé mentale, elle avait consulté des psychiatres et des thérapeutes et participé à des groupes externes en santé mentale. Cependant, elle n’avait pas suivi les recommandations de traitements raisonnables pour une chose très importante.

[23] Au début de mars 2018, la requérante a suivi un traitement comportemental intensif individuel de 18 semaines par l’entremise des Odyssey Health Services (Odyssey).Note de bas page 25 Avant que son programme débute, son médecin de famille et son algologue s’entendaient pour dire que rien ne l’empêchait, d’un point de vue médical, de suivre les traitements suggérés. Son physiothérapeute était du même avisNote de bas page 26. Le programme devait l’aider avec sa douleur chronique, sa fatigue et son humeur dépressive, en augmentant graduellement son niveau d’activité. Un programme d’études et des consultations psychologiques lui proposaient également une nouvelle façon de composer avec sa douleurNote de bas page 27. À la fin de juin 2018, la requérante avait bénéficié de 30 visites sur places (72 heures de contact) et de 5 entrevues psychologiques/cliniques avec les professionnels de la santé d’OdysseyNote de bas page 28.

[24] Durant le programme, le personnel d’Odyssey a tenté de faire comprendre à la requérante qu’elle pourrait devenir de plus en plus fonctionnelle et engagée dans sa vie si elle suivait leurs recommandations de traitementsNote de bas page 29. Néanmoins, les rapports réguliers de la docteure Yeracaris ne permettent pas de conclure que la requérante aurait faire de son mieux dans cette voie. Par exemple, le programme ne recommandait pas de repos durant le jour comme cela nuisait à sa remise en forme. Au début d’avril 2018, la requérante évitait seulement de se reposer durant le jour 26 % du tempsNote de bas page 30.

[25] La requérante a aussi résisté au programme des façons suivantes :

  • Elle avait d’abord refusé de communiquer avec son physiothérapeute, suivant la permission de la docteure Yeracaris, pour connaître les restrictions éventuelles concernant son poignetNote de bas page 31.
  • Elle ne voulait jamais prendre de rendez-vous lorsque ses enfants d’âge scolaire étaient à la maisonNote de bas page 32. Rien ne permet de croire qu’elle aurait essayé de trouver une autre solution de garde d’enfant.
  • Elle avait annulé de nombreuses visites sur placeNote de bas page 33.
  • Elle ne voulait pas faire de recherche d’emploi, affirmant que cette activité lui était inutileNote de bas page 34.
  • Elle ne faisait aucune des lectures obligatoires. Elle prétendait qu’elles étaient répétitives; pourtant, l’équipe qui la suivait était d’avis qu’elle n’avait rien fait pour appliquer l’approche préconiséeNote de bas page 35. Interrogée à ce sujet lors de l’audience, la requérante a dit qu’elle ne trouvait pas les lectures obligatoires intéressantes et qu’elle voulait juste lire ce qui lui tentait de lire.

[26] Le personnel d’Odyssey a appliqué le programme en faisant preuve de flexibilité, prenant en considération la situation de la requérante.

  • Son programme d’entraînement physique avait été modifié quand elle s’était blessée au poignet.
  • Un éventail de stratégies pour la gestion de la douleur ont été proposées, même si le personnel a trouvé que la requérante ne leur avait pas véritablement donné une chanceNote de bas page 36.
  • La requérante s’était vu offrir les services d’un autre psychothérapeute lorsqu’elle s’était dite frustrée du sien. Cependant, elle n’avait pas collaboré avec le second psychothérapeute non plusNote de bas page 37.

[27] En date du 1er juillet 2018, l’assureur a mis fin au programme d’Odyssey avant la date prévue. La docteure Yeracaris a rapporté que la requérante se montrait peu coopérante avec le traitement, qu’elle n’avait pas augmenté son niveau d’activité, et qu’elle n’avait pas voulu repenser sa relation avec sa douleurNote de bas page 38. La docteure Yeracaris a conclu que la requérante, en ne respectant pas le traitement, a montré qu’elle n’était pas intéressée à reprendre le travail, contrairement à ses prétentionsNote de bas page 39. La requérante n’a pas spécifié vouloir poursuivre le traitement. L’assureur a insisté sur le fait que rien ne démontrait, d’un point de vue médical, qu’elle était incapable de prendre part au programme. La compagnie a jugé que la requérante ne s’était pas conformée au traitementNote de bas page 40.

[28] En juillet 2018, la docteure Yeracaris a rapporté que le personnel s’était concerté avec la requérante à maintes reprises, de différentes manières et avec différents thérapeutes, et que leur programme était basé sur le principe de traitement le plus efficace fondé sur des données probantesNote de bas page 41. Tout en reconnaissant que la requérante souffrait de fatigue et de douleur, elle a affirmé que [traduction] « l’objectif même du plan de traitement était de l’outiller de différents trucs pour composer avec ses symptômes »Note de bas page 42 Malgré tout, la requérante a continué de soutenir que sa fatigue et sa douleur l’empêchaient de participer davantage au programme. À l’audience, elle a affirmé que les employés ne passaient pas assez de temps avec elle. Je lui ai fait remarquer qu’ils avaient passé plus de 70 heures avec elle en quatre mois, en date de juin 2018. Elle a dit qu’elle ne les voyait qu’une ou deux heures à la fois, et qu’ils ne pouvaient donc pas comprendre à quoi ressemblait une journée entière pour elle. Ce reproche envers Odyssey est curieux, comme la docteure Yeracaris avait précisé, dans son rapport d’avril 2018, que la requérante avait elle-même décidé d’écourter ses visites sur placeNote de bas page 43.

[29] Le représentant de la requérante, monsieur Sacco, a soutenu que la blessure au poignet gauche de la requérante avait été un obstacle important relativement au programme établi par Odyssey. En février 2018, le docteur Gvosdic a demandé que les rigueurs du programme soient quelque peu assouplies, comme la requérante devait porter un plâtre durant six semainesNote de bas page 44. Le physiothérapeute de la requérante a par contre rapporté, en avril 2018, que la blessure à son poignet était guérieNote de bas page 45. En juin 2018, la docteure Yeracaris a rapporté l’interruption des étirements et de la musculation vu l’état de son poignet, précisant que l’entraînement cardiovasculaire se poursuivaitNote de bas page 46. La requérante a elle-même déclaré que son poignet n’avait que peu ralenti sa progression dans le programme d’Odyssey.

[30] Pour conclure que la requérante n’a pas respecté le programme d’Odyssey, j’ai tenu compte de son argument voulant que sa douleur et sa fatigue l’empêchaient de s’y conformer. J’ai également considéré que l’intensité d’une douleur est subjective. Malgré tout, je juge que la requérante a manqué de se conformer aux traitements raisonnables recommandés. Son médecin de famille, son algologue et son physiothérapeute ont tous rapporté que rien ne l’empêchait, d’un point de vue médical, de suivre le programme offert par Odyssey. Ce programme était attentivement surveillé par des professionnels de la santé compétents et dirigé par un psychologue. Je note en outre que la requérante n’avait pas respecté des aspects du programme, comme les lectures obligatoires et la recherche d’emploi, dont l’exécution ne serait que peu influencée par la douleur, voire aucunement.

[31] Puisque j’ai conclu que la requérante n’a pas suivi les traitements raisonnables recommandés, je dois déterminer l’effet possible de sa transgression sur son invalidité. Selon la docteure Yeracaris, le docteur Gvozdic avait dit à la requérante que le programme offert par Odyssey lui donnerait [traduction] « la meilleure chance de reprendre le travailNote de bas page 47 ». En décembre 2017, la docteure Yeracaris a affirmé qu’il y avait 75 % de chances que la requérante puisse reprendre un emploi rémunérateur [traduction] « d’une manière prévisible et constante » si elle [traduction] « participait suffisamment » au programme d’OdysseyNote de bas page 48. La requérante n’a pas suffisamment participé au programme d’Odyssey. J’estime qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle aurait pu reprendre un emploi rémunérateur si elle y avait suffisamment participé.

[32] Comme j’ai conclu que la requérante n’a pas suivi les traitements raisonnables recommandés qui avaient de fortes chances d’améliorer grandement son état de santé, il n’est pas nécessaire que j’entame une analyse du « contexte réaliste »Note de bas page 49.

[33] Je conclus que la requérante n’est pas parvenue à prouver une invalidité grave de façon plus probable qu’improbable en date du 31 décembre 2018.

Invalidité prolongée

[34] Puisque j’ai conclu que l’invalidité n’était pas grave, je n’ai pas besoin de chercher à savoir si elle était de nature prolongée.

Conclusion

[35] L’appel est rejeté.

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