Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] La requérante a commencé à être atteinte de dermatite à la fin de 2011. À ce moment-là, elle travaillait comme aide diététique dans une maison de soins infirmiers. Elle devait se laver fréquemment les mains, ce qui irritait sa peau. Le port de gants a empiré les choses. Elle dit qu’en 2014, elle n’était plus capable d’effectuer ce travail.

[3] Elle a essayé de travailler comme représentante du service à la clientèle, mais ses mains étaient couvertes d’éruptions et d’ampoules. Elle a essayé de travailler de la maison, mais elle n’était pas productive, car elle avait de la difficulté à taper au clavier. Les crèmes protectrices avaient seulement un effet limité.

[4] En juin 2018, quand elle avait 25 ans, la requérante a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), parce qu’elle affirmait ne plus pouvoir travailler. Le ministre a rejeté sa demande parce que la requérante n’avait pas démontré qu’elle souffrait d’une invalidité grave et prolongée.

[5] La requérante a interjeté appel du refus du ministre auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a tenu une audience par téléconférence et, dans une décision datée du 31 octobre 2019, a rejeté l’appel après avoir conclu que la preuve médicale ne suffisait pas à prouver que la requérante était invalide.

[6] Le 4 février 2020, la requérante a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel, en soutenant que la division générale avait commis diverses erreurs. J’ai accordé à la requérante la permission d’en appeler, car selon moi, ses arguments avaient une chance raisonnable de succès en appel.

[7] J’ai organisé une téléconférence, parce que d’après moi, ce format respecte l’exigence au titre du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent. Le 4 avril 2020, le ministre a déposé des observations écrites en soutenant qu’étant donné que la division générale n’a pas commis d’erreur, sa décision devrait être maintenue.

[8] J’ai examiné les observations écrites et orales des parties et j’ai conclu que la division générale a commis au moins une erreur en rendant sa décision. J’ai décidé que la réparation appropriée en l’espèce est de faire ma propre évaluation de la demande d’invalidité de la requérante et de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Par conséquent, j’annule la décision de la division générale, mais je la remplace par ma propre décision de ne pas accorder de pension d’invalidité du RPC à la requérante.

Questions en litige

[9] La requérante soutient que la division générale a commis trois erreurs en rendant sa décision :

  • elle n’a pas tenu compte de manière significative du fait que la requérante avait fait des tentatives considérables pour détenir un autre travail;
  • elle n’a pas fourni de raisons adéquates pour appuyer sa conclusion selon laquelle la requérante n’avait pas fait de tentatives significatives pour détenir un autre travail;
  • elle a conclu par erreur qu’aucun élément de preuve ne montrait une détérioration importante de l’état de santé après la mi-2017.

Analyse

[10] Il existe seulement trois moyens d’appel devant la division d’appel. Une partie requérante doit prouver que la division générale a agi de manière inéquitable, a interprété la loi incorrectement, ou a fondé sa décision sur une importante erreur de faitNote de bas de page 1.

[11] Après avoir examiné les observations des parties, je suis convaincu que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion erronée au sujet des efforts de la requérante pour retourner au travail. Je pense aussi que la division générale a omis d’expliquer pourquoi selon elle la requérante n’avait pas fait assez de tentatives pour détenir un autre travail. Étant donné que la décision de la division générale peut être annulée uniquement pour ces raisons, il n’est pas nécessaire que j’aborde l’autre allégation d’erreur de la requérante.

La division générale n’a pas tenu compte de façon significative de la preuve selon laquelle la requérante avait fait des efforts considérables pour détenir un autre travail

[12] Je suis convaincu que la division générale a mal décrit les tentatives de la requérante de demeurer sur le marché du travail après qu’elle a quitté son emploi comme aide diététique.

[13] Les tentatives de la requérante pour détenir un autre travail sont pertinentes à cause de l’arrêt Inclima c Canada. Dans cette cause, la Cour d’appel fédérale a soutenu que lorsque les parties requérantes ont au moins une certaine capacité de travailler, elles doivent aussi démontrer que leurs efforts pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de leur état de santé. Par la suite, la jurisprudence a confirmé que les parties requérantes doivent faire de véritables efforts pour trouver un emploi.

[14] Dans sa décision écrite, la division générale a établi que la partie requérante avait fait [traduction] « très peu de tentatives pour trouver un autre travail » et qu’elle n’avait donc « pas démontré que ses efforts pour obtenir et conserver un emploi [avaient] été infructueux en raison de son état de santé »Note de bas de page 2. Cela était mentionné après une description détaillée par la division générale des tentatives de travail de la requérante après avoir quitté son emploi à la maison de soins infirmiers. Après 2014, elle a détenu les postes suivants :

  • Caissière et représentante du service à la clientèle à X;
  • Rôle de soutien à la supervision à X;
  • Vendeuse pour une entreprise à domicile pour X;
  • Représentante de service et associée aux ventes à X;
  • Stagiaire à la boulangerie.

À première vue, il est difficile de comprendre pourquoi la division générale a conclu que cette série d’emplois et d’essais au travail représentait [traduction] « très peu ». La preuve montre que la requérante n’est pas demeurée inactive, mais a détenu différentes occupations dans ce qu’elle appelle un effort funeste pour demeurer employée malgré sa dermatite des mains.

[15] Pour être équitable envers la division générale, je dois reconnaître qu’elle a qualifié sa conclusion : elle a affirmé que la requérante avait fait « très peu de tentatives pour trouver un autre travail [mise en évidence par le soussigné] ». De plus, le contexte dans lequel cette phrase a été écrite fait qu’il est clair que la division générale voulait vraisemblablement dire « très peu de tentatives pour trouver un autre travail qui aurait été mieux adapté à son problème de santé [mise en évidence également par le soussigné] ».

[16] Cette conclusion concordait-elle avec la preuve? Selon moi, non. La division générale a consacré plusieurs paragraphesNote de bas de page 3 au résumé des antécédents professionnels de la requérante après qu’elle a quitté son emploi à la maison de soins infirmiers. Elle a mentionné son témoignage selon lequel son problème de santé l’avait empêchée de réussir dans divers emplois, même si elle avait cherché des emplois pour lesquels elle n’était pas tenue de se mouiller les mains. Elle a essayé de travailler à X, d’abord comme caissière, puis comme superviseure, mais elle est devenue immunisée contre la crème protectrice qu’elle utilisait et a eu des éruptions qui saignaient. Elle a essayé de travailler pour une entreprise de vente à domicile qui vendait des produits parfumés, mais elle a trouvé cela difficile de traiter les commandes parce qu’elle devait taper au clavier et, de toute façon, elle a fait très peu d’argent avec cette entreprise. Elle a essayé de travailler comme représentante du service à la clientèle, mais elle a abandonné cet emploi parce que, là aussi, elle devait saisir des données à l’aide d’un ordinateur.

La division générale n’a pas fourni de raisons adéquates pour appuyer sa conclusion selon laquelle la requérante n’avait pas fait de tentatives significatives pour détenir un autre travail

[17] Plus tard, dans son analyse, la division générale a abordé les efforts de la requérante pour travailler malgré sa dermatite, mais elle l’a fait très brièvement. La division générale a rejeté à juste titre l’emploi de courte durée de la requérante comme assistante dans une boulangerie parce que cet emploi exigeait qu’elle se lave les mains fréquemment et qu’elle utilise des gants en latex; ces deux activités aggravaient vraisemblablement son problème. Cependant, tout en reconnaissant brièvement la difficulté de la requérante pour taper au clavierNote de bas de page 4, la division générale n’a pas exploré les répercussions de son affirmation selon laquelle elle ne pouvait pas faire quoi que ce soit qui exigeait l’utilisation de ses mains. Cette affirmation, si elle est vraie, éliminerait effectivement non seulement le travail manuel ou les tâches administratives, mais à peu près toutes les professions imaginables dans notre économie de plus en plus fondée sur l’information, qu’il s’agisse de professions de nature administrative, de gestion ou autres.

[18] La division générale n’a pas seulement établi que la quantité de tentatives de travailler de la requérante était insuffisante; elle a aussi établi que la qualité de ses tentatives de travailler était inadéquate. La requérante a assumé des fonctions administratives et de supervision pour X, mais elle affirme néanmoins que ces fonctions causaient une pression insupportable pour ses mains. La requérante a aussi essayé d’occuper des emplois à la maison qui lui promettaient du confort et de la flexibilité, mais elle dit que ses déficiences ne lui ont laissé d’autres choix que de les abandonner. La division générale a conclu qu’aucune de ces tentatives d’emploi n’avait échoué en raison de l’état de santé de la requérante, mais elle n’a pas expliqué comment elle en est venue à cette conclusion. Une lectrice ou un lecteur de la décision de la division générale demeure avec la question suivante restée sans réponse : si la requérante avait effectivement un problème cutané qui l’empêchait d’occuper des fonctions de vendeuse ou de superviseure, quel autre type d’emploi pourrait-elle raisonnablement s’attendre à occuper?

Réparation

Il existe trois façons possibles de réparer l’erreur de la division générale

[19] La division d’appel a le pouvoir de remédier aux erreurs que la division générale pourrait avoir commisesNote de bas de page 5. J’ai le pouvoir de :

  • confirmer, infirmer ou modifier la décision de la division générale;
  • renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen;
  • rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

J’ai aussi le pouvoir de trancher toute question de fait ou de droit nécessaire pour mettre en œuvre les réparations ci dessus.

[20] Le Tribunal est tenu de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent. De plus, la Cour d’appel fédérale a mentionné qu’un décideur doit tenir compte du délai pour en venir à une conclusion concernant une demande de pension d’invalidité. Cela fait maintenant deux ans que la requérante a présenté une demande de pension d’invalidité. Si cette affaire était renvoyée à la division générale, cela ne ferait que retarder la résolution finale.

[21] Dans les observations orales qui ont été portées à ma connaissance, la requérante et le ministre ont convenu que si je devais établir que la division générale avait commis une erreur dans sa décision, la réparation appropriée serait que je rende la décision que division générale aurait dû rendre et que je fasse ma propre évaluation du contenu de la demande de pension d’invalidité de la requérante. Évidemment, les parties ont des avis différents au sujet du fond de la demande de pension d’invalidité de la requérante. La requérante a fait valoir que, si la division générale avait caractérisé efficacement ses efforts pour retourner au travail, elle l’aurait jugée invalide et son résultat aurait été différent. Le ministre a soutenu pour sa part que, quelles que soient les erreurs de la division générale, le reste de la preuve disponible démontrait tout de même une conclusion selon laquelle la requérante était régulièrement capable de détenir un emploi véritablement rémunérateur.

Le dossier est suffisamment complet pour statuer sur le fond de cette affaire

[22] Je suis convaincu que le dossier qui a été porté à ma connaissance est complet. La requérante a déposé de nombreux rapports médicaux auprès du Tribunal, et je dispose de beaucoup d’information au sujet de ses antécédents d’emploi et de rémunération. La division générale a tenu une longue audience orale, pendant laquelle la requérante a été questionnée au sujet de son état de santé, ses répercussions sur sa capacité de travailler et ses efforts pour détenir un autre emploi. Je doute que la preuve de la requérante soit véritablement différente si l’affaire est instruite à nouveau.

[23] Par conséquent, ma position me permet d’évaluer la preuve qui a été portée à la connaissance de la division générale et de rendre la décision qu’elle aurait dû rendre si elle n’avait pas commis d’erreur. Selon moi, même si la division générale avait examiné adéquatement les antécédents professionnels de la requérante après qu’elle a quitté son poste à la maison de soins infirmiers, elle en serait venue au même résultat. Ma propre évaluation du dossier me convainc que la requérante n’avait pas une invalidité grave et prolongée en date de l’audience.

La preuve médicale ne démontre pas une invalidité grave

[24] Les parties requérantes de prestations d’invalidité ont le fardeau de prouver qu’elles avaient une invalidité grave et prolongéeNote de bas de page 6. J’ai examiné le dossier, et j’ai conclu que la requérante ne s’était pas acquittée de ce fardeau selon le critère énoncé dans le Régime de pensions du Canada. Je ne doute pas que la requérante souffre de dermatite, toutefois je n’ai simplement pas trouvé que les éléments de preuve étaient suffisants pour démontrer que les symptômes associés à ce problème l’empêchaient de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[25] La requérante affirme qu’elle est invalide en raison de gerçures, de saignements et d’ampoules chroniques aux mains et aux doigts. Elle soutient que sa peau est constamment rouge, endolorie et pelée. Elle insiste pour dire qu’elle ne peut pas saisir ou agripper des objets. Ses médecins lui ont conseillé de minimiser son utilisation de savon et d’autres produits chimiques et de porter des gants de coton et de caoutchouc.

[26] Bien que la requérante puisse sentir qu’elle est incapable de travailler, je ne dois pas fonder ma décision uniquement sur son opinion subjective de sa capacité. En l’espèce, la preuve examinée dans son ensemble ne donne pas à penser qu’elle a une déficience grave qui l’empêche d’exercer un emploi convenable tenant compte de ses limitations. La requérante est assujettie à certaines limitations, mais elle n’est pas dans l’incapacité d’exercer tout type de travail.

[27] En plus des soins réguliers de son médecin de famille, la requérante a consulté de nombreux spécialistes. Bien que tous aient confirmé que la requérante est assujettie à des restrictions, aucun n’a éliminé l’emploi :

  • En février 2014, la Dre Alam, dermatologue, a diagnostiqué une dermatite atopique des mains chez la requérante. La Dre Alam a prescrit à la requérante deux onguents topiques et lui a recommandé d’utiliser des gants hydratantsNote de bas de page 7.
  • En novembre 2014, un autre dermatologue, le Dr Kunynetz, a rapporté que la requérante présentait des éruptions cutanées aux mains et qu’elle disait que cela augmentait avec le stress, mais que ça allait mieux l’été. Le Dr Kunynetz a posé chez la requérante un diagnostic d’eczéma dyshydrosiforme et lui a prescrit une crème CeraVe pour le travailNote de bas de page 8.
  • En juin 2015, le Dr Fischer, immunologue, a rapporté que la requérante avait des éruptions récurrentes entre les doigts. Lors de l’examen, le Dr Fischer a noté [traduction] « une certaine quantité » de dermatite sur les faces palmaires et « un peu » entre les doigts. Des examens ont révélé des résultats positifs quant à des allergies au nickel et au cobalt, et le Dr Fischer a remarqué que le petit-ami de la requérante, qui travaillait dans une usine, rentrait à la maison après le travail « couvert de copeaux de métal »Note de bas de page 9.
  • En novembre 2016, le Dr Cote, dermatologue, a rapporté que la requérante avait la dermatite des mains. Le Dr Cote a recommandé exhorté la requérante à utiliser une crème protectrice, à éviter les produits parfumés et à porter des gants de coton sous des gants de caoutchouc pour les tâches qui l’obligent à se mouiller les mainsNote de bas de page 10.

[28] Dans le questionnaire médical qui accompagnait sa demande de pension d’invalidité, le Dr McNaull a écrit que le pronostic de la requérante était [traduction] « réservé »Note de bas de page 11. Dans une série d’examens médicaux prénataux tout au long de l’année 2017, l’obstétricien de la requérante a décrit l’état de santé de la requérante comme étant [traduction] « bon », à l’exception du diabète gestationnelFootnote 12. Dans ses notes cliniques de juillet 2018 à juin 2019Note de bas de page 13, le Dr McNaull a mentionné des problèmes médicaux comme la dépression, l’insomnie et des douleurs dentaires, mais il n’a rien dit au sujet de la dermatite de la requérante. En décembre 2018, à la demande de la représentante juridique de la requérante, le Dr McNaull a écrit une lettre expliquant que la requérante avait visité son cabinet pour des problèmes autres que sa dermatite des mains. Il a répété son pronostic précédent de « réservé » et a noté que la requérante avait d’importantes éruptions qui étaient [traduction] « occasionnellement » incapacitantesNote de bas de page 14.

Les autres problèmes de santé de la requérante ne sont pas d’importants facteurs contribuant à une déficience

[29] J’ai conclu qu’en soi, le problème aux mains de la requérante ne l’empêche pas de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. De plus, je ne pense pas que la dermatite de la requérante, combinée à ses autres problèmes de santé, représente une invalidité. Son obstétricien a mentionné l’hypertension et le diabète gestationnels, mais rien ne montre que ces problèmes ont exigé un traitement après sa grossesse. En octobre 2018, le Dr McNaull a posé un diagnostic de dépression en date de la naissance de son enfantNote de bas de page 15. Il lui a prescrit de l’Ativan et du Cipralex et, après avoir constaté une certaine amélioration de son humeur, il a décidé de ne pas l’orienter vers du counselling en psychiatrie.

Les antécédents et les caractéristiques personnelles de la requérante ne l’empêchent pas de travailler

[30] Villani c CanadaNote de bas de page 16 est une décision de principe qui exige que l’invalidité soit évaluée dans un contexte réaliste. Au moment de son audience devant la division générale, la requérante avait seulement 26 ans; elle était donc bien en deça de l’âge typique de la retraite et assez jeune pour s’adapter à de nouvelles situations. Sa langue maternelle est l’anglais et elle a un diplôme d’études secondaires. La requérante a certainement des problèmes médicaux, mais je ne vois pas en quoi, en regard de ses antécédents et de ses caractéristiques personnelles, ils l’empêcheraient de travailler ou de se recycler.

Les tentatives de la requérante pour retourner au travail ne prouvent pas qu’elle était invalide

[31] Comme nous l’avons vu, la requérante a détenu une série d’emplois de courte durée après avoir quitté son emploi dans la maison de soins infirmiers. Elle soutient que ces tentatives de travail ont été infructueuses en raison de ses problèmes de santé. Après avoir examiné la preuve, je me dois d’être en désaccord. Il est vrai qu’une véritable tendance d’emplois sporadiques dénote parfois une invalidité, particulièrement lorsque cela se produit en fin de carrière, mais une telle tendance n’est pas concluante. Ce ne sont pas toutes les personnes aux prises avec un problème de santé et qui ont de la difficulté à trouver et à conserver un emploi qui sont admissibles à une pension d’invaliditéNote de bas de page 17.

[32] Les tentatives de la requérante pour demeurer sur le marché du travail sont admirables, toutefois une série d’emplois de courte durée n’est pas en soi une preuve d’invalidité. Il existe de nombreuses autres raisons pour lesquelles une personne quitte un emploi outre la maladie ou une incapacité. La requérante insiste sur le fait que son mauvais état de santé l’a obligée à quitter ses emplois (comme caissière, puis par la suite comme superviseure adjointe à X, comme vendeuse de commerce à domicile pour X, télévendeuse à domicile pour X, et stagiaire dans une boulangerie. Ce dernier emploi, que la requérante a détenu pendant moins d’une journée, ne peut pas être considéré comme une tentative sérieuse de retour au travail, car il exposait ses mains à des liquides, précisément le type de conditions que ses médecins lui ont dit d’éviter.

[33] Les autres emplois, à domicile ou dans un environnement de vente au détail, exigeaient tous une certaine forme de saisie de données, comme la rédaction ou la saisie au clavier. La requérante a affirmé que de telles tâches irritaient sa peau, causaient de la douleur, de la sécheresse et des saignements, et que l’utilisation de gants ou de crèmes ne l’aidait pas beaucoup.

[34] Le témoignage de la requérante est la seule preuve au dossier concernant ces emplois et la raison pour laquelle ils ont pris fin. Cependant, il est difficile de faire concorder cette preuve avec les autres affirmations que la requérante et sa mère ont faites à l’audience. La requérante a insisté sur le fait que sa dermatite a rendu ses mains essentiellement inutiles, mais elle a aussi affirmé qu’elle demeure à la maison toute la journée et prend soin de sa fille. Bien que je ne doute pas que la requérante souffre d’un problème de peau, j’ai trouvé cela difficile de croire que la requérante est aussi frappée d’incapacité que ce qu’elle prétend, à la lumière du fait qu’elle est la principale dispensatrice de soins d’un bébé, maintenant une jeune enfant, depuis les deux dernières années.

[35] À l’audience de la division générale, la requérante a affirmé qu’elle est incapable d’exécuter toute tâche ménagère ou parentale. Elle a dit qu’elle ne peut pas cuisiner, faire du ménage, conduire, laver la vaisselle ou faire la lessive. Elle a dit qu’elle ne peut habiller ou nourrir sa fille ni lui donner le bain, et qu’elle ne peut même pas lui faire la lecture, car elle ne peut pas tourner les pages d’un livre. Lorsqu’on lui a demandé comment elle arrive à s’occuper de sa fille compte tenu de ces limitations, la requérante a répondu qu’elle compte énormément sur l’aide de son époux et de sa mère.

[36] La requérante a affirmé que, malgré qu’ils aient des emplois à temps plein, son époux et sa mère effectuent toutes les tâches domestiques qu’elle même n’est pas en mesure d’accomplir. Elle a dit que son mari est soudeur et qu’il quitte la maison à 6 h et travaille pendant de longues heures, six jours par semaineNote de bas de page 18. Malgré cela, son époux fait presque toute la cuisine, le ménage et le lavage. La mère de la requérante a affirmé que son gendre prépare tous les repas de sa fille et lui donne son bain : « Il fait tout »Note de bas de page 19. La mère de la requérante, qui est employée comme préposée au soutien, a aussi affirmé qu’elle reçoit souvent des appels de la part de la requérante ou de son époux pour lui demander de l’aide. En de telles occasions, elle a dit qu’elle doit prendre congé pour s’occuper de sa petite-fille. Quand on lui a demandé de préciser à quelle fréquence ces absences se produisent, elle a répondu une fois ou deux par moisNote de bas de page 20.

[37] Cette preuve laisse entendre que, malgré le fait que la requérante insiste pour dire qu’elle est incapable de s’acquitter des tâches associées aux soins des enfants, il demeure qu’elle passe régulièrement de longues périodes avec sa fille en bas âge. Je reconnais que la requérante reçoit de l’aide de son époux et de sa mère, mais cela ne change pas le fait que sa fille, qui a maintenant deux ans, a vraisemblablement des besoins immédiats qui ne peuvent pas être délégués à des membres de la famille qui ne sont pas présents la plupart du temps. Prendre soin d’une jeune enfant est exigeant, et il est difficile de croire que la requérante pourrait avoir réussi à le faire pendant plus de deux ans si son problème aux mains était aussi grave qu’elle le prétend.

Il existe une preuve suffisante selon laquelle la requérante a une invalidité prolongée

[38] D’après la preuve, la requérante a de l’eczéma depuis qu’elle est enfant. Elle a affirmé qu’elle a commencé à avoir la dermatite des mains à la fin de 2012 lorsque la maison de soins infirmiers où elle travaillait a changé le type de savon désinfectant qu’il utilisait. Elle a consulté des spécialistes et elle a essayé de traiter ce problème à l’aide de diverses crèmes et onguents topiques, apparemment avec peu de résultats.

[39] Cependant, plusieurs indications dans le dossier montrent que la requérante n’a pas encore essayé toutes les options de traitements. Au moins deux spécialistes ont recommandé Toctino, un médicament administré oralement qui est utilisé pour traiter les cas graves d’eczéma et de dermatite pour lesquels d’autres mesures n’ont pas donné de résultats. En février 2014, la Dre Alam a discuté du Toctino avec la requérante et a noté que la [traduction] « patiente décidera »Note de bas de page 21. En novembre 2016, la Dre Cote a écrit qu’elle songerait au Toctino « si les crèmes topiques ne sont pas utiles et que [la requérante] n’essaie pas de concevoir un enfant ou si elle est enceinte »Note de bas de page 22.

[40] Comme nous l’avons vu, la requérante est tombée enceinte un peu plus d’un an après. Dans sa lettre de décembre 2018, le Dr McNaull a laissé entendre que le Toctino était encore une possibilité, bien qu’il conseillait la prudenceNote de bas de page 23. À l’audience devant la division générale, la requérante a affirmé qu’après avoir donné naissance, le Dr McNaull et elle avaient discuté du Toctino à nouveau. Elle a dit qu’ils allaient aller de l’avant avec le médicament, mais qu’il n’était pas couvert par son régime : [traduction] « Cela coûterait 1 200 $ ou plus selon la dose dont j’aurais besoin »Note de bas de page 24.

[41] On ne sait pas exactement si la requérante fait référence à une simple dose ou à la quantité nécessaire pendant une période d’une semaine, d’un mois ou d’une année. On ne sait pas non plus si le Dr McNaull, ou un spécialiste, envisageait prescrire du Toctino à l’essai ou sur une base permanente. Quoi qu’il en soit, j’estime qu’il serait raisonnable que la requérante songe sérieusement à tout le moins à essayer un médicament, même un médicament coûteux, pour voir s’il produit un effet thérapeutique. Si, comme la requérante insiste pour le dire, la dermatite l’a privée de sa capacité d’élever activement sa fille ou de poursuivre une carrière, alors je m’attendrais à ce qu’elle démontre plus de volonté à faire un sacrifice financier à court terme pour trouver une solution potentielle à ses problèmes de santé.

[42] Pour qu’une invalidité soit prolongée, elle doit [traduction] « vraisemblablement être d’une durée longue, continue et indéfinie ou vraisemblablement entraîner le décès »Note de bas de page 25. Étant donné que la requérante n’a pas encore essayé un médicament recommandé qui pourrait alléger ses symptômes, je ne peux pas être convaincu que son problème de santé est d’une durée indéfinie.

Conclusion

[43] Je rejette l’appel. Bien que la division générale ait commis une erreur en caractérisant à tort les antécédents de travail de la requérante, mon propre examen de la preuve ne me convainc pas qu’elle avait une invalidité grave et prolongée.

Date de l’audience :

Le 1er mai 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

C. F., appelante

C. Y., représentante de l’appelante

Susan Johnstone, représentante de l’intimée

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.