Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] La pension d’invalidité du requérant (A. G.) ne peut pas être payée avant mai 2017 selon le Régime de pension du Canada (RPC).

Aperçu

[2] Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité du requérant le 3 avril 2018. Le ministre a approuvé la demande et conclu que l’invalidité du requérant avait débuté en janvier 2017. Le requérant a pu bénéficier de la période de rétroactivité maximale. Le paiement de sa pension commençait donc quatre mois plus tard, en mai 2017. Le requérant a fait appel de cette décision. Il n’était pas d’accord avec le ministre, qui jugeait qu'il n’avait pas été frappé d’incapacité avant de faire sa demande de pension d’invalidité Note de bas de page 1. Le requérant a fait appel au Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige

[3] Le requérant avait-il été incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande avant avril 2018, ce qui permettrait à sa pension d’invalidité d’être versée encore plus tôt?

Analyse

[4] Selon le RPC, une personne ne peut être considérée comme invalide plus de 15 mois avant la présentation de sa demande de pension d’invaliditéNote de bas de page 2. Le requérant a demandé une pension d’invalidité en avril 2018. Il a été réputé invalide en date de janvier 2017, soit 15 mois avant la date de sa demande. Le ministre a utilisé cette date pour calculer les paiements rétroactifs auxquels il avait droit.

[5] Le RPC prévoit une exception à la règle des 15 mois pour la rétroactivité des paiements. En effet, la pension peut commencer à être versée encore plus tôt si le requérant était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande plus tôt que la date où il l'a faiteNote de bas de page 3.

Incapacité selon le RPC

[6] Pour satisfaire à la définition de l’incapacité, le requérant doit démontrer qu’il a été incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de pension avant la date où il l’a réellement faite. La preuve médicale relative à son invalidité durant la période présumée d’incapacité est importante. Il est aussi important d’examiner les autres activités du requérant au cours de cette période. Ces activités pourraient démontrer sa capacité à former ou à exprimer l'intention de faire une demandeNote de bas de page 4.

Invalidité du requérant

[7] La preuve au dossier révèle que le requérant souffre d’un trouble de stress post-traumatique, de dépression et d’anxiété. Pour remplir le critère en matière d’incapacité, il faut absolument que le requérant eût été incapable, pendant une certaine période, de former l’intention de faire une demande de pension ou de communiquer cette intention. La preuve de son invalidité ne suffit pas à prouver son incapacité, à défaut d’une preuve montrant qu’il ne pouvait pas former ou exprimer son intention de faire une demande. La preuve au dossier et le témoignage du requérant ne permettent pas de conclure qu’il avait satisfait à la définition de l’incapacité durant une quelconque période.

[8] Selon une déclaration d’incapacité remplie par le docteur Rai, l’incapacité du requérant avait commencé en septembre 2010. La fin de l’incapacité n'est pas préciséeNote de bas de page 5. Le requérant a affirmé qu’il avait souffert de nombreuses années à cause de traumatismes remontant à son enfance. Il ne s’était pas senti capable de parler des agressions dont il avait été victime ni de consulter un professionnel avant 2012; c’est alors qu’il en avait parlé à son médecin de familleNote de bas de page 6. Il consommait de la marijuana pour, à sa façon, soulager son anxiété et oublier ses agressions.

[9] L’invalidité du requérant n’est pas remise en cause. Le ministre a reconnu que le requérant est atteint d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC et qu’il est admissible à une pension d’invalidité. Je n’écarte pas le témoignage du requérant et n’en doute aucunement. Je crois effectivement qu’il a souffert pendant de nombreuses années à cause des agressions dont il a été victime. Cependant, le critère que je dois évaluer est plus précis. Il n’est pas question de savoir si le requérant est invalide, mais bien de savoir s’il avait été incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de pension.

Activités du requérant durant la prétendue période d’incapacité

[10] En plus de la preuve médicale, il est important de considérer les activités menées par le requérant durant la période où il prétend avoir été incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de pension. Ses activités peuvent aider à savoir s’il avait la capacité telle que le RPC la définitNote de bas de page 7. La capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande n’est pas différente de la capacité d’exercer d’autres choix.

[11] J’estime que les activités pratiquées par le requérant avant la présentation de sa demande de pension ne démontrent pas qu’il avait été incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire sa demande.

[12] Le requérant m’a dit qu’il avait travaillé pour l’entreprise familiale depuis l’âge de 15 ans, et jusqu’en 2009. Il a dit avoir travaillé ailleurs pour la première fois en 2010. Un homme lui avait offert plus de 100 000 $ pour qu’il travaille pour lui. Le requérant a affirmé qu’il avait accepté l’emploi même s’il n’était pas dans un bon état de santé mentale à l’époque. Le tout n’avait duré que six mois et s’était terminé le 1er juin 2010Note de bas de page 8. Sa décision de ne plus travailler pour sa famille et de commencer un nouvel emploi démontre sa capacité.

[13] Le requérant m’a confié qu’il avait décidé de ne pas parler à sa famille des agressions qu’il avait subies. Il avait décidé d’en parler à son médecin de famille en 2012. Même si ce médecin le suivait depuis des décennies, et malgré leur relation de longue date (il lui donnait notamment des conseils boursiers), le requérant m'a dit qu'il n’était pas à l’aise de parler des agressions dont il avait été victime. Même si je suis sensible à la difficulté de révéler de telles informations, les circonstances décrites sont des décisions du requérant. Il s’était lui-même rendu à des rendez-vous et était le seul responsable des décisions concernant sa santé.

[14] Il est tout à son honneur d’avoir décidé de tenir les gens responsables des gestes posés par l’agresseur. En 2014, il avait décidé d’en parler à un frère de l’institut. Il m’a dit que ce frère était son ami et qu’il voulait lui parler avant de déposer une poursuite judiciaire. Il m’a dit avoir trouvé beaucoup de [traduction] « réconfort », et avoir été encouragé à entamer la poursuite. Son entretien avec le frère de l’institut, préalable aux procédures judiciaires, témoigne d’une décision réfléchie.

[15] Le requérant m’a expliqué qu’il avait un jour, en fouillant sur le Web, trouvé un cabinet d'avocats en particulier qui aidait les victimes d’agressions sexuelles. Il a dit qu’il avait attendu quelques mois avant sa rencontre avec les avocats. Il avait par la suite engagé des avocats pour l’aider avec une poursuiteNote de bas de page 9. Une déclaration du requérant a été déposée le 2 avril 2015, puis une déclaration de la défense a été déposée le 20 novembre 2015. En embauchant un avocat, en lui donnant des instructions et en intentant une poursuite, le requérant a montré son aptitude à prendre des décisions, ce qui témoigne d’une capacité.

[16] Les avocats du requérant ont recommandé qu'il se soumette à une évaluation en juin et juillet 2017Note de bas de page 10. Le requérant y a consenti et le psychologue a donc fait l'évaluation. Le requérant a décrit sa famille et sa situation familiale, ses antécédents familiaux, ainsi que ses problèmes liés à l'école, au travail, et à la toxicomanieNote de bas de page 11.

[17] Le requérant m’a confié qu’il avait choisi de faire don de la somme qui lui avait été accordée. Il a choisi de la partager entre différents individus dont il connaissait les besoins financiers.

[18] Le requérant a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 3 avril 2018. Il m’a dit que sa fille l’avait aidé comme il avait de la difficulté à lire et à remplir les formulaires. Il m’a dit qu’il avait toujours eu ces difficultés, même à l’université.

Conclusion

[19] Je sympathise avec la situation du requérant. Je comprends que sa vie a été teintée des agressions dont il a été victime. Personne ne remet en question son invalidité. Toutefois, le critère sur lequel je dois me prononcer est de savoir s’il avait été incapable de former ou d’exprimer l’intention de demander la pension d’invalidité du RPC plus tôt qu’il ne l’a fait, en avril 2018.

[20] Le tableau brossé par le requérant de son état et de ses activités et la preuve au dossier ne permettent pas conclure qu’il était plus probable qu’improbable (qu’il y avait plus de chances que non) que le requérant avait été incapable, à moment donné, de former ou d’exprimer l’intention de faire sa demande avant le 3 avril 2018. Le requérant n’a donc pas droit à des prestations d’invalidité rétroactives additionnelles.

[21] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.