Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le requérant (R. L.) est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) payable à partir de novembre 2017.

Aperçu

[2] Le requérant était âgé de 51 ans à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2017. Il affirme être incapable de travailler en raison d’une blessure à sa main gauche, d’une dépression et d’anxiété. Il a cessé de travailler dans un entrepôt de déchets recyclés en mars 2017. Le requérant a demandé une pension d’invalidité du RPC en septembre 2018. Le ministre a rejeté sa demande. Il a fait appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à des prestations d’invalidité du RPC, le requérant doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, le requérant doit être déclaré invalide au sens du RPC au plus tard à la date marquant la fin de sa PMA. Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations du requérant au RPC. Je conclus que la date de fin de la PMA du requérant est le 31 décembre 2017.

Questions en litige

[4] Il y a deux questions que je dois trancher dans cet appel :

  1. Le requérant était-il atteint d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2017?
  2. Dans l’affirmative, l’invalidité du requérant était-elle également prolongée le 31 décembre 2017?

[5] Le RPC définit l’invalidité comme une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 1. La partie requérante est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès. Le requérant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que son invalidité satisfait aux deux parties du critère. Cela signifie que si le requérant ne satisfait qu’à une partie, il n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

L’argument du ministre

[6] Le ministre soutient que la blessure à la main du requérant ne l’empêcherait pas de trouver un emploi convenable. En outre, les problèmes de santé mentale du requérant, y compris la dépression, l’anxiété et le trouble lié à la consommation d’alcool, ne sont pas « graves » au sens du RPC. Le ministre affirme que la preuve ne permet pas de conclure que le requérant était invalide en date du 31 décembre 2017 ainsi que par la suite. C’est pourquoi sa demande a été rejetée.

Analyse

[7] Je dois évaluer l’état de santé du requérant dans sa totalité. Cela signifie que je dois tenir compte de toutes les déficiences possibles, et non uniquement de celles qui sont les plus importantes ou de la principale déficienceNote de bas de page 2. Le requérant souffre à la fois de problèmes de santé physique et mentale.

i) Blessure à la main

[8] Le requérant s’est blessé à la main gauche lors d’un accident survenu en août 2015. Le ministre a soutenu que, même si le requérant a des limitations à la main gauche, il a la capacité de travailler. Il a basé cette opinion sur la preuve selon laquelle le requérant était capable d’effectuer des tâches modifiées ou légères pour son employeur. Cet emploi a pris fin pour une raison non médicale. Je suis d’accord avec le ministre. Le requérant m’a dit qu’il voulait retourner travailler au X, mais que cela n’était pas possible en raison de sa main. Cependant, pour déterminer si une invalidité est « grave », il ne s’agit pas de savoir si la personne a des déficiences graves, mais si l’invalidité l’empêche de gagner sa vie. Il ne s’agit pas de déterminer si une personne est incapable d’exercer son emploi ordinaire, mais plutôt si elle est incapable d’exercer un travail véritablement rémunérateurNote de bas de page 3. Bien que la main blessée du requérant l’ait empêché de reprendre son travail au programme de jour, il était capable de travailler au X. Il m’a dit qu’il n’avait pas prévu de quitter cet emploi. L’employeur du requérant a jugé qu’il n’avait pas respecté la politique en matière de conflit d’intérêts et de confidentialitéNote de bas de page 4. C’est la raison pour laquelle il a été mis à pied.

ii) Problèmes de santé mentale

[9] Le ministre a fait valoir que la preuve médicale n’appuie pas la conclusion selon laquelle le requérant est invalide en raison d’un problème de santé mentale. Je ne suis pas d’accord. J’estime que la preuve montre que, même si le requérant est aux prises avec des problèmes de santé mentale depuis de nombreuses années, son état de santé est devenu « grave » en juillet 2017. Cela signifie que depuis juillet 2017, il est régulièrement incapable d’occuper tout emploi véritablement rémunérateur en raison de sa santé mentale. Les motifs de ma décision sont expliqués ci-après.

[10] La dépression du requérant a empiré après sa deuxième chirurgie en juillet 2016. Toutefois, il a continué à travailler jusqu’en mars 2017. Cela me montre que, même s’il éprouvait des symptômes croissants, il conservait une capacité de travailler. Il a perdu son emploi en mars 2017, mais ce n’était pas en raison de ses problèmes de santé mentale.

[11] La dépression et l’anxiété du requérant ont empiré à la suite de son congédiement. Il a été orienté vers des services en psychiatrie en mars 2017Note de bas de page 5. Il continuait de se soigner lui-même en consommant de l’alcool et en prenant du ValiumNote de bas de page 6. Sandy Sydor (travailleuse sociale autorisée) a fourni des services de thérapie au requérant à partir de janvier 2017. Elle m’a dit que [traduction] « les choses allaient bien » jusqu’en juillet 2017.

[12] En juillet 2017, le requérant a eu une altercation avec la policeNote de bas de page 7. Il a expliqué qu’il avait été [traduction] « battu » par la police. Après avoir été battu, il a fait une crise d’épilepsie et s’est rendu à l’hôpital. On lui a dit qu’il avait des saignements à l’intérieur de la tête. Il a été admis à l’hôpital, mais il est parti. Il a été ramené et retenu. Le requérant a mentionné qu’après avoir obtenu son congé de l’hôpital, il est allé à la maison et ne pouvait plus sortir de chez lui en raison de son anxiété. Il a appelé Sandy pour avoir du soutien. À la suite de l’incident avec la police, la thérapie générale d’autorégulation qu’elle fournissait est devenue plus compliquée. Elle a expliqué que le requérant avait vécu un évènement traumatisant et que sa santé mentale continuait à se détériorer, ce qui a mené à son hospitalisation en août 2018.

[13] Le Dr Dalling (médecin de famille) estime que l’état de santé du requérant s’est [traduction] « grandement détérioréNote de bas de page 8 » après l’altercation avec la police. Il a subi un traumatisme crânien, ce qui a causé des maux de tête et une détérioration continue de sa dépression.

[14] Le Dr Dalling a dit en juillet 2017 que le requérant souffrait d’anxiété chronique grave et d’un trouble lié à la consommation d’alcoolNote de bas de page 9. À cette époque, le requérant attendait encore sa consultation psychiatrique. Le médecin de famille espérait que le requérant soit en mesure de retourner au travail dans un délai de 6 à 12 mois [traduction] « si le traitement psychiatrique allait de l’avantNote de bas de page 10 ». Je ne vois pas cela comme une indication que le requérant a la capacité de travailler ou qu’il l’aura dans le futur. L’opinion du Dr Dalling dépend des bienfaits du traitement et des soins en psychiatrie sur le requérant. Le requérant a consulté un psychiatre le mois suivant.

[15] Le psychiatre (Dr Nepon) a déterminé que le requérant avait un trouble lié à la consommation d’alcool, des troubles anxieux et de l’humeur dus à la toxicomanie et un trouble dépressif grave avec anxiété et détresseNote de bas de page 11. Il a recommandé que le requérant cesse complètement de consommer de l’alcool et qu’il suive des séances de thérapie comportementale dialectique. L’épouse du requérant a mentionné qu’il avait participé à ces séances de groupe. Dr Nepon a aussi apporté plusieurs changements à sa médication. Le médecin de famille du requérant a prescrit la nouvelle médication et en septembre 2017, le requérant a dit qu’il prenait cette nouvelle médication et se sentait [traduction] « bien », mais qu’il avait encore des humeurs très anxieusesNote de bas de page 12. L’état de santé du requérant s’est détérioré jusqu’en août 2018, au moment où il a eu un mini-accident vasculaire cérébral. Il a été hospitalisé et a cessé de consommer de l’alcoolNote de bas de page 13. J’ai estimé que la recommandation principale du psychiatre était que le requérant cesse de consommer de l’alcool. Il a finalement suivi cette recommandation en août 2018. Cependant, malgré le fait qu’il a suivi les recommandations du psychiatre en août 2018, son état de santé ne s’est pas amélioré.

[16] Le requérant a mentionné que la médication le rendait moins [traduction] « nerveux et plus calme ». Son épouse a expliqué que la médication l’empêche de « sortir de ses gonds ». Cela fait un an et demi qu’il ne consomme plus d’alcool, mais il continue d’avoir des symptômes de dépression et d’anxiété qui ont une incidence sur son fonctionnement au quotidien. Depuis juillet 2017 jusqu’à ce jour, le requérant continue à avoir des troubles de mémoire, des problèmes cognitifs, et il dépend de son épouse pour toutes les activités de la vie quotidienne, et ce, même s’il a cessé de consommer de l’alcool. Au cours de l’audience, son épouse a expliqué qu’elle fait [traduction] « pratiquement tout ». Elle aide le requérant à prendre sa douche et son bain, et elle lui rappelle de prendre sa médication et de manger. L’anxiété du requérant le garde encore confiné à son domicile la plupart du temps. Entre août 2017 et 2020, le requérant était trop anxieux pour conduire.

[17] Bien que Dr Dalling ait eu initialement espoir que le requérant puisse retourner au travail dans un délai de 6 à 12 mois après son traitement psychiatrique, il avait une opinion différente en décembre 2018. Le requérant avait cessé de consommer de l’alcool 5 mois avant ce rapport. Cependant, son pronostic était maintenant que [traduction] « rien n’indique qu’il [le requérant] pourra se rétablir au point de détenir un emploi pertinent ». En mai 2019, il demeurait persuadé que le requérant était inapte au travail en raison de la combinaison de sa blessure à la main, de son anxiété et de sa dépressionNote de bas de page 14.

La situation personnelle du requérant

[18] Je dois évaluer l’aspect du critère ayant trait à la gravité dans un contexte réalisteNote de bas de page 15. Cela signifie qu’au moment de décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de facteurs comme l’âge, le niveau de scolarité, les compétences linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de la vie.

[19] Le requérant était âgé de 51 ans à la date de fin de sa PMA, le 31 décembre 2017. Il n’a pas terminé ses études secondaires et n’a pas d’autre formation postsecondaire. Il a des antécédents de travail diversifiés et de longue date. Il a déjà travaillé comme travailleur de soutien dans un programme de jour pour les personnes ayant une déficience. Il a également travaillé en tant que manœuvre dans le domaine de la production alimentaire. Son âge et ses antécédents de travail appuieraient la position selon laquelle il possède certaines compétences transférables, si ce n’était de l’état de sa santé mentale qui l’empêche d’exercer l’un de ces emplois ou toute autre profession. Son niveau d’éducation limité et ses problèmes cognitifs, y compris ses troubles de mémoire, appuieraient le fait qu’il n’est pas un bon candidat pour se recycler professionnellement.

[20] En me fondant sur ses limitations fonctionnelles, j’estime que le requérant n’a pas la capacité de travailler ou la capacité de se recycler professionnellement. Son état de santé l’empêche de reprendre tout type d’emploi rémunérateur. J’estime que les éléments de preuve appuient le fait que l’invalidité du requérant est grave. La prochaine question que je dois trancher est celle de savoir si son invalidité est prolongée.

L’invalidité du requérant est prolongée

[21] Une invalidité est prolongée si elle dure pendant une période longue et qu’elle semble se poursuivre indéfiniment, ou si elle entraînera le décès d’une personneNote de bas de page 16.

[22] Je ne trouve aucun élément de preuve qui me porterait raisonnablement à croire que l’état du requérant sera résolu dans un avenir prévisible. Le requérant continue de souffrir d’anxiété et de dépression majeure. Cela perdure depuis de nombreuses années, mais a empiré en juillet 2017, au point où il est incapable de travailler. Le Dr Dalling, celui qui a traité le requérant pendant 13 ans, a dit un an et demi après la date de fin de sa PMA qu’il était toujours incapable de travailler en raison de l’anxiété et de la dépression, et ce, malgré les traitements continus avec Sandy, le fait d’avoir cessé de consommer de l’alcool et la prise des médicaments prescrits.

[23] Le requérant a fait ce que ses médecins lui ont dit de faire, mais son état ne s’est pas amélioré. Cela m’indique que son état va continuer indéfiniment. Je conclus que son invalidité est prolongée et grave.

Conclusion

[24] Le requérant était atteint d’une invalidité grave et prolongée en juillet 2017, lorsqu’il n’avait plus la capacité de travailler. Les versements commencent quatre mois après la date d’invalidité, soit en novembre 2017Note de bas de page 17.

[25] L’appel est accueilli.

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