Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] B. J. (requérante) a terminé ses études secondaires. Elle a travaillé comme fleuriste pendant plusieurs années, puis comme aide-soignante dans une résidence pour personnes âgées. En janvier 2016, elle a subi un accident de voiture. Elle a depuis de la douleur chronique, et a des blessures au niveau du cou, ainsi qu’au niveau de son épaule, de son bras et de sa main gauches.

[3] La requérante a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada et a déclaré qu’elle était invalide en raison de ces problèmes de santé. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. La requérante a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel. Elle a décidé que la requérante n’avait pas d’invalidité grave et qu’elle n’avait pas pris de mesures pour tenter de travailler malgré ses limitations.

[4] J’ai lu la décision de la division générale et les documents présentés au Tribunal. J’ai entendu les observations orales des parties. L’appel est rejeté parce que la division générale n’a pas fondé sa décision sur une erreur de fait importante, n’a pas fait preuve de partialité et n’a pas commis d’erreur de droit.

Questions en litige

[5] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur au moins l’un de ces types d’erreurs de fait importants?

  1. Elle a estimé que l’opinion du Dr Richard était fondée sur les symptômes rapportés par la requérante, sans qu’il ne tienne compte de l’examen des documents, et des autres éléments de preuve présentés par la requérante.
  2. Elle n’a pas montré qu’elle avait tenu compte des conséquences des douleurs chroniques de la requérante sur sa capacité à régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.
  3. Elle a établi que la capacité de la requérante à travailler à l’ordinateur pendant 20 minutes équivalait à avoir la capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.
  4. Elle a conclu que l’invalidité de la requérante n’était pas grave.

[6] La division générale a-t-elle excédé ses compétences lorsqu’elle a donné préséance à sa propre opinion au sujet de la preuve plutôt qu’à celle des médecins de la requérante?

[7] Le membre de la division générale a-t-il fait preuve de partialité?

[8] La division générale a-t-elle fait une erreur de droit :

  1. en omettant de tenir compte du fait que la requérante n’avait pas fait d’études et que son expérience de travail la limitait à des emplois exigeants sur le plan physique?
  2. en omettant de se demander si la requérante pouvait travailler de façon prévisible?

Analyse

[9] Un appel à la division d’appel du Tribunal n’est pas une nouvelle audience portant sur la demande originale. La division d’appel ne peut en revanche que déterminer si la division générale :

  1. a omis d’offrir un processus équitable;
  2. a omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher, ou tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. a commis une erreur de droit;
  4. a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

[10] D’abord, la requérante soutient que la division générale a fondé sa décision sur diverses erreurs de fait importantes. Pour que son appel soit tranché en sa faveur, la requérante doit prouver trois choses :

  1. qu’il y a eu une conclusion de fait erronée (qui constituait une erreur);
  2. que la conclusion a été tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale;
  3. que la décision était fondée sur cette conclusion de fait.

Rapports du Dr Richards

[11] La requérante soutient que la division générale a commis diverses erreurs révisables en raison de la façon dont elle a abordé la preuve médicale du Dr Richards. Le premier rapport du Dr Richards est daté du 26 janvier 2018Note de bas de page 2. Dans ce rapport, il fait un résumé des blessures subies par la requérante lors de son accident de voiture et des traitements qu’elle a suivis par la suite. Il affirme que malgré les traitements, la requérante a continué de présenter plusieurs symptômes graves et importants, dont de la douleur, des maux de tête, des raideurs, de la faiblesse, des troubles du sommeil et une incapacité à retourner au niveau d’activité d’avant son accident. Le rapport indique aussi que la requérante a de la douleur chronique au bras et à l’épaule gauches ainsi qu’au cou, et qu’elle prend Tylenol Extra fort pour la gérer.

[12] Ce rapport indique aussi que la requérante était entièrement responsable de certaines tâches avant ses blessures, et qu’elle les exécute toujours avec l’aide de membres de sa famille :

  • Faire la cuisine, en utilisant sa main gauche pour mélanger, malgré ses difficultés pour atteindre des objets et pour utiliser un ouvreboîte.
  • Faire le ménage, malgré ses difficultés à passer la vadrouille et à nettoyer les salles de bain.
  • Faire la lessive, malgré que son mari doive transporter le panier dans les escaliers.
  • Faire l’épicerie, avec de l’aide.
  • Elle ne fait plus de travaux extérieurs ni de poterie.

[13] Le rapport du Dr Richards résume aussi les résultats d’examen sur sa mobilité et sa force. Il conclut que la requérante a des limitations permanentes concernant les activités qui impliquent des impacts, de soulever des objets, de soulever les bras au-dessus de la tête, de grimper, ou de faire toute utilisation répétitive ou toute utilisation impliquant de la résistance ou de la force de son bras droit. Ainsi, cela a des conséquences négatives sur son emploi.

[14] Le deuxième rapport du Dr Richards est daté d’août 2018Note de bas de page 3. Ce rapport conteste les conclusions tirées par un autre médecin. Dans ce rapport, le Dr Richards conclut que la requérante a les mêmes problèmes de santé, qu’elle est incapable d’occuper un quelconque travail pour lequel elle serait qualifiée selon ses études, sa formation et son expérienceNote de bas de page 4.

[15] La division générale a examiné cet élément de preuve et a entendu les observations de la requérante à ce sujet. Elle a conclu que cette preuve n’était pas convaincante parce qu’elle était fondée sur trop peu de consultations de la requérante chez ce médecinNote de bas de page 5.

[16] La requérante soutient que la division générale a commis une erreur en ce qui concerne cet élément de preuve. D’abord, elle soutient que la division générale a omis de tenir compte du deuxième rapport du Dr Richards. Toutefois, la division générale est présumée avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve qui lui a été présenté. Elle n’est pas tenue de faire mention de chacun des éléments de preuve dans sa décision écriteNote de bas de page 6.

[17] Cette présomption peut être réfutée si le preneur ou la preneuse de décision ne montre pas qu’il ou elle a tenu compte d’éléments de preuve importants, surtout si cet élément de preuve est contraire à la décision rendueNote de bas de page 7. La présomption n’est pas réfutée en l’espèce. La décision de la division générale ne cite pas le deuxième rapport du Dr Richards dans son résumé de la preuve. Elle mentionne toutefois que le Dr Richards contredisait le rapport d’un autre médecinNote de bas de page 8 et fait référence à la conclusion selon laquelle la requérante est incapable d’occuper tout emploi pour laquelle elle est qualifiée selon son éducation, sa formation et son expérienceNote de bas de page 9. Ces affirmations ne se trouvent que dans le deuxième rapport.

[18] La requérante soutient également que la division générale a commis une erreur dans son examen de la preuve du Dr Richards lorsqu’elle a déclaré que l’avis du Dr Richards était principalement fondé sur les affirmations subjectives de la requérante, alors qu’en réalité, il avait examiné ses traitements, avait fait ses propres tests et avait écouté ses affirmations subjectives. Le membre de la division générale a écrit ce qui suit dans sa décision :

  1. Un examen du rapport du Dr Richard indique qu’il répète largement l’information subjective fournie par la requérante. Il a mené un examen physique, mais son opinion était largement fondée sur les rapports qui lui avaient été présentés. Il y affirme que la requérante a des limitations permanentes, comme toute activité impliquant des impacts, de soulever des charges lourdes, ou de faire toute utilisation répétitive ou toute utilisation impliquant de la résistance ou de la force de ses extrémités supérieures droites. Il conclut que ces déficiences l’empêchent d’occuper toute forme d’emploi. Il écrit que son opinion est fondée sur les antécédents présentés par la requérante, sur un examen physique de la requérante et sur un examen de son dossier médicalNote de bas de page 10.

Ses conclusions de fait étaient fondées sur la preuve. Ainsi, la division générale n’a commis aucune erreur révisable à cet égard. L’appel ne peut être accueilli sur ce fondement.

Douleur chronique

[19] La requérante soutient également que la division générale a fondé sa décision sur une importante erreur de fait, car elle a omis de tenir compte des conséquences de sa douleur chronique sur sa capacité à régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. La décision de la division générale fait référence au témoignage de la requérante concernant sa douleur et le fait que cela lui impose plusieurs limitations, y compris celle de ne pouvoir conduire que pendant 15 minutesNote de bas de page 11. Elle fait également mention de la demande de pension d’invalidité dans laquelle la requérante a indiqué que son niveau de concentration et sa capacité d’apprendre de nouvelles choses étaient [traduction] « corrects », malgré sa douleur. La division générale a conclu que ce problème de santé ne rendait pas la requérante incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[20] Cette conclusion de fait était fondée sur la preuve. Ainsi, la division générale n’a commis aucune erreur révisable à cet égard.

Travail à l’ordinateur

[21] La requérante soutient également que la division générale a fondé sa décision sur une importante erreur de fait parce qu’elle a considéré que sa capacité à regarder un écran d’ordinateur pendant 20 minutes équivalait à une capacité à régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. Toutefois, la division générale n’a pas fait cela. La décision indique que pour évaluer si la requérante a une invalidité grave au sens du Régime de pensions du Canada (RPC), la division générale doit tenir compte de facteurs comme son âge, sa scolarité, ses compétences linguistiques et son expérience professionnelle et de vieNote de bas de page 12. Elle a ensuite analysé ces aspects. Je cite :

  1. La requérante n’avait que 48 ans au moment de sa PMA. Elle a terminé ses études secondaires. Elle parle l’anglais. Elle a travaillé dans le domaine de la fleuristerie pendant plusieurs années, ainsi que comme aide-soignante. Elle a acquis des compétences transférables au fil de sa carrière. Elle a la capacité de se concentrer, d’apprendre de nouvelles choses, d’écrire un courriel, de regarder un écran d’ordinateur pendant au moins 20 minutes, d’utiliser un clavier d’ordinateur et de s’asseoir pour 20 minutes. Ces capacités montrent qu’elle a la possibilité de se recycler, d’acquérir de nouvelles compétences ou de faire d’autres études pour améliorer ses compétences professionnellesNote de bas de page 13.

La division n’a pas établi d’équivalence entre le fait de pouvoir regarder un écran d’ordinateur pendant 20 minutes et la capacité de travailler. Elle a tenu compte de l’ensemble des caractéristiques personnelles de la requérante. Elle a conclu, à la lumière de tous ces facteurs, qu’elle pouvait se recycler ou acquérir de nouvelles compétences, et qu’elle n’était pas incapable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[22] Elle n’a commis aucune erreur révisable à cet égard.

Invalidité grave et compétence

[23] Ensuite, la requérante soutient que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que son invalidité n’était pas grave. Elle affirme que la preuve médicale incontestée établit que son invalidité est grave. Toutefois, ce n’est pas aux médecins de décider si la requérante répond au critère juridique d’invalidité grave au sens du RPC. C’est au membre de la division générale de recueillir l’ensemble de la preuve des parties, de la soupeser, et de rendre une décision fondée sur le droit et sur les faits. C’est ce que la division générale a fait.

[24] Elle n’a pas fondé sa décision sur les croyances personnelles du membre du Tribunal.

[25] La division générale n’a pas excédé ses compétences. Elle a accueilli la preuve des parties, l’a soupesée, et a rendu une décision fondée sur le droit et les faits. La division générale a expliqué par écrit les motifs qui justifient sa décision.

[26] Ce n’est pas le rôle de la division d’appel de soupeser à nouveau la preuve pour tirer une conclusion différente.

[27] Ces moyens d’appel sont rejetés.

Partialité

[28] La requérante soutient également que la division générale était partiale, parce qu’elle n’a pas évalué la preuve de façon juste. Il est difficile de prouver qu’un membre du Tribunal était partial. Les preneurs et preneuses de décision sont présumés impartiaux. Le critère juridique pour établir qu’il y a partialité est d’établir ce qu’une personne bien informée, qui examinerait en profondeur la question de façon réaliste et pratique, conclurait. Cette personne penserait-elle qu’il est plus probable qu’improbable que le preneur ou la preneuse de décision, consciemment ou non, ne rendrait pas une décision justeNote de bas de page 14?

[29] Rien ne me laisse croire qu’une personne raisonnable conclurait que la division générale pourrait avoir tranché cet appel de façon injuste. La décision résume la preuve qui a été présentée à la division générale, y compris les éléments de preuve qui favorisaient chacune des positions juridiques des parties. Elle explique le droit et l’applique aux faits. La décision est logique, intelligible et raisonnable.

[30] Ainsi, ce moyen d’appel est également rejeté.

Scolarité et expérience professionnelle de la requérante

[31] La requérante soutient également que la division générale a commis deux erreurs de droit. D’abord, elle soutient que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a pris en considération sa scolarité et son expérience professionnelle. Comme je l’ai indiqué précédemment, la division générale doit tenir compte des caractéristiques d’une partie prestataire en plus de ses problèmes médicaux lorsqu’elle détermine si celle-ci a une invalidité graveNote de bas de page 15. C’est ce que la division générale a fait. La décision indique que la requérante avait 48 ans à la fin de sa PMA, qu’elle avait terminé ses études secondaires et qu’elle avait travaillé comme fleuriste et comme aide-soignante, ce qui lui donnait des compétences transférables. Elle peut également se concentrer, utiliser un ordinateur et s’asseoir pendant 20 minutes, une information fournie par la requérante dans sa demande de pension d’invalidité et qu’elle a confirmée pendant son témoignage. La division générale conclut que cela indique qu’elle a la capacité de se recycler ou d’acquérir de nouvelles compétencesNote de bas de page 16.

[32] La division générale a manifestement tenu compte des caractéristiques personnelles de la requérante en plus de ses problèmes médicaux. Il ne suffit pas que la requérante soit en désaccord avec la conclusion tirée pour que l’appel soit accueilli sur ce fondement. Ce moyen d’appel est rejeté.

Prévisibilité

[33] Ensuite, la prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit parce qu’elle a omis de prendre en considération si elle était en mesure de travailler de façon prévisible. La Cour d’appel fédérale a dit que chaque mot de la définition de grave (incapable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice) a un sens que l’on doit respecterNote de bas de page 17. Elle a également dit que la prévisibilité était essentielle pour déterminer si une personne peut travailler régulièrementNote de bas de page 18. Ainsi, la division générale doit se demander si une partie prestataire peut travailler de façon prévisible lorsqu’elle détermine si elle a une invalidité grave.

[34] La division générale s’est demandé si la prestataire pouvait travailler de façon prévisible. La décision indique les limitations de la prestataire relatives à l’utilisation de son bras et de son épaule gauches ainsi que la douleur qui y était associée ne feraient pas d’elle une employée imprévisibleNote de bas de page 19. Elle n’a donc commis aucune erreur de droit.

Conclusion

[35] La division générale n’a pas commis d’erreur révisable.

[36] Ainsi, l’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 17 juin 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

David Wallbridge, avocat de l’appelante

Viola Herbert, représentante de l’intimée

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