Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] Je rejette l’appel. Les motifs qui suivent expliquent pourquoi.

Aperçu

[2] F. P. (requérant) travaillait comme commis aux pièces automobiles lorsqu’il a eu une crise cardiaque en juillet 2011. Après avoir pris un congé pour se rétablir, il est retourné travailler comme finisseur de cloisons sèches. En février 2015, le requérant s’est blessé au cou et au dos lors d’un accident de la route. Il n’a pas travaillé depuis.

[3] Le requérant a présenté une première demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) en février 2012. Le ministre a rejeté la demande. En juin 2017, il a présenté une autre demande, affirmant qu’il n’avait plus aucune capacité de travail en raison d’une maladie cardiaque et de hernies discales au niveau de son dos. Le ministre a rejeté cette demande initialement et après révision.

[4] Le requérant a interjeté appel devant le Tribunal. La division générale a rejeté l’appel. La division générale a conclu que, bien que le requérant n’était plus capable d’exercer un emploi exigeant sur le plan physique comme celui qu’il avait en tant que finisseur de cloisons sèches, il était capable d’exercer un emploi sédentaire. Il n’a pas démontré que ses efforts pour obtenir et conserver un emploi avaient été infructueux en raison de son état de santé.

[5] La division d’appel a accordé au requérant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Je dois décider si la division générale a commis une erreur prévue par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS). S’il y a une erreur, je dois décider comment la corriger (réparer).

Questions en litige

[6] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des éléments de preuve relatifs à la question de savoir si le requérant était régulièrement incapable de détenir un emploi véritablement rémunérateurNote de bas page 1?
  2. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ignorant la preuve du requérant et de ses témoins au sujet de son manque de capacité à travailler?
  3. La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en ignorant la preuve médicale portant sur la capacité de travail du requérant?
  4. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de l’ensemble des problèmes de santé du requérant (notamment de sa douleur chronique, de son anxiété, de sa fatigue et de son manque de mobilité)?
  5. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’analyser si le requérant aurait besoin d’un employeur bienveillant pour travailler?
  6. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’appliquer les bons critères juridiques lorsqu’elle a examiné les traitements du requérant?

Analyse

Examen des décisions de la division générale

[7] L’objectif de la division d’appel n’est pas d’instruire les causes de nouveau à partir du début. À la division d’appel, la question est à savoir si la division générale a commis une erreur. Les seules erreurs sur lesquelles la division d’appel peut mettre l’accent sont celles qui sont énumérées dans la LMEDS.

[8] L’une des erreurs prévues par la LMEDS est une erreur de droitNote de bas page 2. Une autre des erreurs prévues par la LMEDS survient si la division générale fonde « sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas page 3 ». Une erreur portant sur les faits doit être grave au point où elle pourrait influer sur la conclusion de la décision rendue (il s’agit alors qu’un « fait essentiel »). L’erreur doit découler du fait d’avoir ignoré un élément de preuve, d’avoir été délibérément à l’encontre de la preuve, ou d’avoir tenu un raisonnement qui n’est pas guidé par un jugement continuNote de bas page 4.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’examiner la question à savoir si le requérant était « régulièrement incapable » de travailler?

[9] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en omettant d’examiner la question à savoir si le requérant était régulièrement incapable de détenir un emploi véritablement rémunérateur. La décision indique que la division générale a tenu compte du témoignage de la conjointe du requérant à ce sujet et qu’elle a préféré la preuve provenant des rapports médicaux, qui venait appuyer la notion selon laquelle le requérant pourrait exercer un emploi sédentaire.

[10] Une invalidité n’est grave, au sens du RPC, que lorsqu’une personne est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 5. Chaque partie de cette définition est porteuse de sens et à ce titre, chacune doit être prise en considérationNote de bas page 6. La division générale ne doit pas simplement se demander si le requérant était incapable de détenir un emploi véritablement rémunérateur, mais aussi si cette incapacité était régulièreNote de bas page 7. La Cour d’appel fédérale a confirmé que « la prévisibilité est essentielle pour déterminer si une personne travaille régulièrement au sens du [RPC]Note de bas page 8 ».

[11] Le requérant soutient que la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’examiner s’il était « régulièrement incapable » d’exercer tout emploi véritablement rémunérateur. Le requérant invoque deux arguments à l’appui de cela. Premièrement, il affirme qu’une capacité de travailler pendant seulement deux ou trois heures dans le cadre d’un emploi sédentaire signifie quand même qu’il est « régulièrement incapable » d’exercer une occupation véritablement rémunératrice. La prévisibilité est essentielle pour déterminer le caractère régulier. Le requérant déclare que, bien qu’il ait la capacité de travailler pendant 14 à 16 heures par semaines, cela signifie quand même qu’il est « régulièrement incapable » de travailler si l’on compare cela à des heures hebdomadaires moyennes équivalant à un travail à temps plein.

[12] Deuxièmement, le requérant affirme que la division générale n’a pas tenu compte de la preuve fournie par sa conjointe au sujet de son incapacité à régulièrement détenir tout emploi véritablement rémunérateur. Lors de son témoignage, sa conjointe a soutenu que le requérant serait un employé peu fiable. Le requérant conteste le fait que la division générale a préféré la preuve des évaluateurs médicaux à celle de sa conjointeNote de bas page 9 alors que la division générale a reconnu dans une autre section de la décision que la conjointe du requérant était une professionnelle de la santé (une infirmière auxiliaire autorisée)Note de bas page 10.

[13] Le ministre convient que la division générale doit examiner la question à savoir si le requérant était « régulièrement incapable » d’exercer tout emploi véritablement rémunérateur. Le ministre soutient que la division générale a tenu compte de la preuve à ce sujet. La division générale a tenu compte du témoignage de la conjointe du requérant portant sur la question à savoir si ce dernier serait un employé fiable. La division générale a décidé d’accorder peu de poids à cette preuve, car elle a préféré la preuve médicale portant sur la capacité de travail du requérant, plus précisément celle de la Dre MunizNote de bas page 11.

[14] Selon moi, la division générale n’a commis aucune erreur de droit. Dans le cadre de l’analyse déterminant si l’invalidité est grave, la division générale se doit d’examiner si le requérant était « régulièrement incapable » d’exercer tout type d’emploi véritablement rémunérateur. À mon avis, la division générale ne s’est pas penchée sur cette question.

[15] Premièrement, la division générale n’a pas mentionné le témoignage du requérant selon lequel il serait peut-être en mesure de travailler à l’ordinateur pendant deux ou trois heures par jourNote de bas page 12. La division générale ne s’est pas fondée sur cette preuve pour conclure que le requérant était « régulièrement incapable » d’exercer tout type d’emploi véritablement rémunérateur. Le fait qu’elle n’a pas tiré cette conclusion en se fondant sur les faits est une erreur mixte de fait et de droit, et je n’ai pas le pouvoir nécessaire pour traiter de ce type d’erreur.

[16] Deuxièmement, la conjointe du requérant a fourni la preuve selon laquelle ce dernier ne serait pas un travailleur fiable, ce qui est important pour établir si une personne est « régulièrement incapable » d’exercer un emploi véritablement rémunérateur. La division générale a expressément tenu compte de cette preuve, l’a soupesée et a décidé qu’elle préférait la preuve des évaluateurs médicaux sur la question de la capacité de travail du requérant. Il s’agit là du travail de la division générale, et la LMEDS ne me donne pas la possibilité de conclure que la division générale a commis une erreur en soupesant incorrectement la preuve.

[17] Il est vrai que la conjointe du requérant se trouve être également une professionnelle de la santé, mais elle n’a pas fourni ce que le membre de la division générale a appelé une « preuve profaneNote de bas page 13 », ce qui signifie, si je comprends bien, que son témoignage portait sur les observations qu’elle avait faites au sujet de son conjoint, et non sur son opinion professionnelle formée à la suite d’une quelconque évaluation médicale.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’analyser les témoignages portant sur la capacité de travailler du requérant?

[18] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en omettant d’analyser les témoignages du requérant et de ses témoins sur sa capacité à travailler. La division générale a résumé ces éléments de preuve, les a soupesés par rapport aux éléments de preuve médicale et a décidé que le requérant avait la capacité d’exercer un emploi sédentaire.

[19] La décision de la division générale résume les témoignages du requérant et de ses témoins sur son manque de capacité de travailNote de bas page 14.

[20] Le membre de la division générale a décidé que le témoignage du collègue de travail du requérant n’aidait pas ce dernier, car il a tout simplement réitéré le fait que le requérant ne pouvait pas reprendre son ancien emploi de finisseur/jointoyeur de cloisons sèchesNote de bas page 15.

[21] La division générale a tenu compte des éléments de preuve fournis par la conjointe du requérant, selon lesquels le requérant serait un employé peu fiableNote de bas page 16. Cependant, la division générale a soupesé ces éléments de preuve avec ceux de la Dre Muniz. La division générale a préféré le rapport de l’évaluatrice médicale à celui de la conjointe du requérant.

[22] Le requérant fait valoirNote de bas page 17 qu’il a fourni de nombreux éléments de preuve concernant ses restrictions et limitations physiques et émotionnelles. La division générale n’a tiré aucune conclusion quant au manque de crédibilité ou de fiabilité de ses éléments de preuve. Le requérant soutient que la division générale devait discuter de la manière dont les problèmes émotionnels, la fatigue, le manque de motivation et les douleurs du requérant auraient une incidence sur son employabilité dans un contexte réaliste. Le requérant affirme que le fait de ne pas tirer une telle conclusion constitue une erreur de droitNote de bas page 18.

[23] Le requérant semble soutenir que la façon dont la division générale a examiné les éléments de preuve des témoins a également entraîné une erreur. Le requérant fait valoir que, bien que préoccupé par les limites du témoignage de l’ancien collègue du requérant, le membre de la division générale n’a pas posé de questions de clarification pour se faire une opinion sur la possibilité pour le requérant d’effectuer un travail sédentaire.

[24] À mon avis, la division générale n’a pas commis d’erreur de droit en ignorant les témoignages des témoins. La division générale a expressément traité des éléments de preuve de ces témoinsNote de bas page 19. L’argument du requérant concernant le poids que la division générale a accordé à cette preuve va au cœur du rôle d’établissement des faits de la division générale et ne donne à la division d’appel aucune voie légitime pour intervenir.

[25] À mon avis, il n’y a pas non plus d’erreur dans l’approche que la division générale a adoptée en ce qui concerne les témoignages des témoins à l’audience. La division générale a préféré la preuve médicale au témoignage de la conjointe du requérant. Un autre membre aurait pu choisir de poser une question de suivi à son collègue pour savoir s’il pensait que le requérant était capable d’exercer un emploi sédentaire dans un autre domaine. Cependant, je ne peux pas conclure que le fait de ne pas poser cette question à l’un ou l’autre des témoins du requérant entraîne une quelconque erreur prévue par la LMEDS. La charge de la preuve incombe au requérant. Je suis convaincue qu’il a eu une occasion équitable de présenter sa preuve.

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en ignorant la preuve médicale concernant la capacité à travailler du requérant?

[26] La division générale n’a pas commis une erreur de fait en ignorant la preuve médicale concernant la capacité de travail du requérant.

[27] Le requérant fait valoir que la division générale a commis une erreur en concluant qu’il avait la capacité d’exercer un emploi sédentaire. Le requérant soutient qu’il n’existe aucune preuve médicale qui confirme qu’à la fin de sa période minimale de qualification (PMA) en décembre 2017, il était régulièrement capable d’exercer une occupation véritablement rémunératrice. Le requérant a également énuméré plusieurs rapports qui, selon lui, ont été ignorés par la division générale en ce qui concerne la question de la capacité à travailler :

  • L’examen de la Dre Ballard daté du 25 août 2016Note de bas page 20 dans le cadre de l’indemnité de remplacement du revenu. Le rapport traite de la douleur ressentie par le requérant et la Dre Ballard conclut qu’il s’agit d’une entorse lombaire et d’une foulure avec symptômes radiculaires. Le rapport conclut qu’il ne peut pas répondre aux exigences de son travail de jointoyeur de cloisons sèches, qui consiste à se pencher constamment pour sabler. La Dre Ballard a conclu, après des séances de thérapie exhaustives, que l’état du requérant avait atteint un plateau et qu’il était toujours atteint de maux de dos. Le pronostic était réservé étant donné le temps qui s’est écoulé depuis l’accident de voiture.
  • Le rapport du Dr Jones en date du 8 septembre 2016Note de bas page 21, qui indique que le requérant présente des symptômes d’anxiété et de phobie très élevés, ainsi que d’importants symptômes dépressifs. On s’inquiétait de ses symptômes physiques, de ses relations interpersonnelles et de sa santé psychologique. Le diagnostic était le suivant : trouble de l’adaptation mixte avec anxiété et humeur dépressive, trouble à symptomatologie somatique (persistant avec douleur prédominante) et phobie situationnelle spécifique (liée à la conduite). Son score à l’évaluation globale du fonctionnement était de 55.
  • Le rapport d’évaluation psycho-professionnelle du Dr Shujah (psychologue) daté du 24 octobre 2016Note de bas page 22, qui indique que le requérant est atteint d’un trouble dépressif majeur (modéré, un seul épisode), d’un trouble de l’adaptation avec anxiété et d’un trouble à symptomatologie somatique (modéré). Le rapport indique que [traduction] « [d]ans l’ensemble, la nature et la gravité de ses troubles psychologiques liés à l’accident font en sorte que sa capacité actuelle à occuper un emploi à temps plein pour lequel il est raisonnablement qualifié compte tenu de son éducation, de sa formation et de son expérience est limitée ». Le Dr Shujah a recommandé un programme pluridisciplinaire de gestion de la douleur.
  • Le rapport du programme de gestion de la douleur daté du 8 mars 2017Note de bas page 23, qui indique que, même avec le programme de six semaines proposé, le pronostic était réservé en ce qui concerne l’obtention d’une aptitude au travail.
  • Le rapport psychologique du Dr Jett daté du 7 décembre 2017Note de bas page 24, qui conclut que les problèmes émotionnels du requérant sont de modérés à graves et qu’ils diminuent ses ressources pour faire face à la vie en général et interfèrent avec sa capacité à fonctionner efficacement dans les environnements professionnels ou à la maison et dans les environnements sociaux. Le rapport d’étape du Dr Jett du 30 novembre 2018Note de bas page 25. Le Dr Jett soutient que sa capacité d’adaptation reste réduite, et qu’il n’a connu que peu d’améliorations, voire aucune.
  • Le rapport de la Dre Muniz en date du 29 janvier 2019Note de bas page 26. Le rapport conclut que le requérant a [traduction] « une incapacité totale d’exercer toute occupation pour laquelle il est qualifié compte tenu de son éducation, de sa formation et de son expérience, en raison des blessures subies » à la suite de son accident de voiture.

[28] La ministre soutient que le membre de la division générale a expliqué sur quels rapports médicaux il s’est appuyé pour conclure que le requérant avait une capacité résiduelle de travail.

[29] La division générale n’a pas commis une erreur de fait en ignorant la preuve concernant la capacité à travailler du requérant. La division générale a tenu compte du rapport de la Dre Ballard et a conclu qu’il ne fournit qu’un avis sur la capacité du requérant à exercer l’emploi qu’il occupait avant son accidentNote de bas page 27.

[30] La division générale a examiné l’avis du Dr Jones et a conclu que le Dr Jones ne pensait pas que les déficiences psychologiques du requérant étaient la raison principale de son incapacité à accomplir ses tâches professionnelles. Il a fourni au requérant un bon pronosticNote de bas page 28.

[31] La division générale a examiné le rapport du Dr Shujah et sa conclusion sur le fait que les problèmes de gestion de la douleur et les difficultés émotionnelles du requérant devraient être réglés avant qu’un recyclage professionnel puisse être envisagé. La division générale a également noté expressément l’opinion du Dr Shujah concernant la santé psychologique du requérant qui l’empêche d’exercer le type d’emploi pour lequel il est le plus qualifié.

[32] La division générale a examiné le rapport du Dr Jett, notamment le fait qu’il ressentait une douleur constante qui était exacerbée par le fait d’être assis, debout ou en train de marcher pendant de longues périodesNote de bas page 29.

[33] La division générale a examiné le rapport de la Dre Muniz. La division générale a noté la partie même du rapport que le requérant souligne dans son appel, à savoir que le requérant était dans l’incapacité totale d’exercer tout emploi pour lequel il était qualifié compte tenu de son éducation, de sa formation et de son expérience. Cependant, la division générale a également noté que la Dre Muniz a convenu que le requérant pouvait avoir des déficiences majeures qui l’empêchaient d’envisager ou d’explorer des emplois qui ne sont pas exigeants sur le plan physiqueNote de bas page 30.

[34] La division générale a mentionné les rapports mêmes qui, selon le requérant, étaient importants. Cependant, la division générale a soupesé ces rapports et a également examiné d’autres rapports, notamment ceux du Dr Heitzner et du Dr KarpNote de bas page 31, et a décidé que le requérant avait la capacité d’exercer un emploi sédentaire. Je ne peux pas conclure que la division générale a ignoré les rapports médicaux. La division générale n’est pas parvenue à la conclusion que le requérant aurait souhaitée au sujet de ces rapports, mais cela ne constitue pas le fondement d’une erreur prévue par la LMEDS.

Question en litige no 4 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de l’ensemble des problèmes de santé du requérant?

[35] La division générale n’a pas commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de l’ensemble des problèmes de santé du requérant. La division générale a examiné tous les problèmes médicaux qui ont eu une incidence sur la capacité de travail du requérant, y compris ses douleurs chroniques, sa dépression, son anxiété, sa fatigue et son manque de mobilité.

[36] La division générale doit examiner tous les problèmes de santé du requérantNote de bas page 32. Il est présumé que la division générale a tenu compte de l’ensemble de la preuve, même si la décision n’en fait pas mentionNote de bas page 33. Un élément de preuve aura préséance sur cette présomption si cet élément de preuve est probant (c’est-à-dire suffisamment important) qu’il devait être mentionné et qu’il ne l’a pas étéNote de bas page 34.

[37] Le requérant fait valoir que la division générale n’a pas tenu compte de l’incidence de ses douleurs chroniques, de sa dépression, de son anxiété, de sa fatigue et de son manque de mobilité sur sa capacité à travailler.

[38] Le ministre soutient que la division générale a bien pris en considération l’état de santé du requérant dans sa totalité, et qu’il n’y a donc pas d’erreur. Le ministre affirme que la division générale a résumé les témoignages des témoins ainsi que la preuve écrite. Le ministre fait valoir que la décision contient expressément la liste de tous les problèmes de santé du requérant. Ensuite, le membre de la division générale a déclaré qu’après avoir examiné l’ensemble de la preuve médicale, il était convaincu que le requérant avait la capacité de faire un travail sédentaire.

[39] À mon avis, la division générale n’a pas commis d’erreur de droit en ne tenant pas compte de tous les problèmes de santé du requérant. La décision de la division générale décrit de manière assez détaillée de nombreux aspects clés des éléments de preuve médicale.

[40] La division générale a résumé la position du requérant sur la question de la capacité de travail de la manière suivante :

Le représentant légal du requérant a fait valoir que ce dernier n’avait pas pu retourner exercer tout type d’emploi compétitif en raison de douleurs chroniques au niveau du cou et du dos, ce qui a entraîné une limitation de l’amplitude de ses mouvements. La dépression, l’anxiété et le sommeil non réparateur du requérant ont entraîné de la fatigue, de l’épuisement et des troubles cognitifs qui l’ont rendu inemployable. Le représentant légal a également fait valoir que le requérant n’est pas un candidat approprié pour reprendre tout type d’emploi, y compris les emplois sédentaires.

[41] Cette déclaration montre notamment que la division générale a examiné les arguments du requérant concernant l’incidence de la douleur chronique, de l’absence d’amplitude de mouvement, de la dépression, de l’anxiété et du manque de sommeil. Le membre de la division générale explique précisément pourquoi il a rejeté l’argument du requérant, invoquant à la fois des rapports médicaux et des témoignagesNote de bas page 35.

Question en litige no 5 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’analyser si le requérant aurait besoin d’un employeur bienveillant pour travailler?

[42] La décision de la division générale ne traite pas de l’idée d’un employeur bienveillant, mais la loi ne l’exigeait pas.

[43] Une partie requérante est réputée être atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Un emploi auprès d’un employeur dit « bienveillant » n’est pas considéré comme une « occupation » lorsqu’il est question de savoir si une invalidité est graveNote de bas page 36. Selon le document du ministre énonçant sa politique, le Cadre d’évaluation de l’invalidité du Régime de pensions du Canada (Cadre), un « employeur bienveillant » est un employeur qui variera les conditions de travail et ses attentes à l’égard de l’employé en raison de ses limitations et en deçà des nécessités du marché du travail concurrentiel.

[44] Le requérant fait valoir qu’il ne trouverait pas d’employeur bienveillant qui s’adapterait à ses restrictions physiques, à son endurance réduite et à ses restrictions psychologiques (y compris à sa dépression et à son manque de motivation dans un contexte réaliste). Le requérant soutient que la division générale a commis une erreur de droit en ne reconnaissant pas ces questionsNote de bas page 37.

[45] Le ministre soutient que la question de l’emploi bienveillant n’a pas été soumise à la division générale et ne peut donc pas constituer le fondement d’un appel devant la division d’appel. Autrement, le ministre fait valoir que la décision de la division générale n’a pas pour effet d’obliger le requérant à trouver un employeur bienveillant. La division générale a conclu, en se fondant sur la preuve médicale, que le requérant avait la capacité d’exercer un emploi sédentaire. La division générale a conclu qu’il n’avait pas tenté de se trouver un emploi de ce type et qu’il n’avait donc pas droit à une pension d’invalidité.

[46] À mon avis, la division générale n’a pas commis d’erreur de droit en omettant de discuter de la question de savoir si les mesures d’adaptation dont le requérant avait besoin étaient telles qu’il ne pouvait exercer qu’un emploi sédentaire pour un employeur bienveillant. L’idée de l’employeur bienveillant se présente le plus souvent lorsqu’il s’agit d’évaluer si le travail que le requérant a effectivement effectué (pendant ou après sa PMA) constituait une preuve de sa capacité de travail. Il semblerait que le requérant soutienne que la notion d’employeur bienveillant doit être discutée lorsque le requérant fournit des éléments de preuve concernant les limitations et les mesures d’adaptation dont il pourrait avoir besoin s’il essayait de travailler.

[47] En l’espèce, la division générale a soupesé la preuve médicale et les témoignages concernant les limitations du requérant et ce que lui et ses témoins pensaient qu’il pouvait faire, et a décidé qu’il avait la capacité d’exercer un emploi sédentaire. La division générale a analysé la preuve et a ensuite tiré la conclusion selon laquelle le requérant avait la capacité d’exercer un emploi sédentaire. En l’espèce, il ressort implicitement de cette conclusion que la capacité du requérant à exercer un emploi sédentaire n’était pas limitée uniquement à des situations où il y aurait un employeur bienveillant.

Question en litige no 6 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit concernant les traitements du requérant?

[48] Même si la division générale ne s’est pas penchée sur la question de savoir si le refus du requérant d’essayer des injections était raisonnable, la division générale n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’elle a fait l’analyse des traitements du requérant. La division générale n’a pas fondé sa décision sur l’idée que le requérant avait refusé de façon déraisonnable le traitement.

[49] Lorsqu’une partie requérante refuse de façon déraisonnable un traitement, la division générale peut décider que la partie requérante n’est pas admissible à une pension d’invaliditéNote de bas page 38.

[50] Le requérant soutientNote de bas page 39 que la division générale a commis une erreur de droit en tirant une conclusion négative concernant le fait que le requérant avait décidé de ne pas essayer les injections contre la douleur pour son dos, et ce, sans d’abord examiner si sa décision était raisonnable. Lors de l’audience devant la division générale, le requérant a affirmé qu’il avait envisagé d’essayer les injections contre la douleur et qu’il avait fait des recherches à ce sujet. Il ne se sentait pas à l’aise avec l’idée de se faire injecter des produits chimiques dans son dos. Puis, il a appris que le médecin qui avait recommandé ce traitement était impliqué dans une affaire juridique, et cela a fait en sorte qu’il ne se sentait vraiment pas à l’aise d’aller de l’avant avec cette recommandationNote de bas page 40.

[51] Le ministre soutient que la division générale n’a pas commis d’erreur juridique en mentionnant le traitement que le requérant n’a pas essayé. La division générale n’a pas tiré de conclusion négative au sujet du défaut du requérant de suivre un traitement recommandé puisque cela n’a pas servi de fondement à la décision selon laquelle le requérant n’était pas admissible à une pension d’invalidité. La division générale a résumé le témoignage du requérant et a noté que ce dernier a soutenu qu’un médecin avait suggéré des injections contre la douleur, mais qu’après avoir fait des recherches à ce sujet, le requérant avait décidé de ne pas essayer ce traitementNote de bas page 41. La décision ne contient aucune autre mention de recommandations de traitements que le requérant n’aurait pas suivies.

[52] À mon avis, la division générale n’a commis aucune erreur de droit. La division générale n’a pas tiré de conclusion négative à partir du fait que le requérant n’avait pas convenu d’avoir des injections contre la douleur au niveau de son dos. La division générale a tout simplement traité des traitements du requérant, ce qui fait partie de son obligation qui consiste à examiner les problèmes de santé du requérant ainsi que son témoignage au sujet de ces problèmes.

[53] Même si j’avais tort et que la mention par la division générale du témoignage au sujet des injections contre la douleur constitue une conclusion négative, cette erreur n’aurait aucune incidence sur l’issue de l’affaire. La division générale a décidé que le requérant n’était pas admissible à une pension d’invalidité, car il avait une capacité résiduelle de travail. Il n’a pas démontré que ses efforts pour obtenir et conserver un emploi avaient été infructueux en raison de son état de santé. Les injections contre la douleur pour son dos (ou le fait de ne pas les avoir essayées) ne jouent aucun rôle dans cette analyse.

Conclusion

[54] Je rejette l’appel.

Date de l’audience :

Le 17 janvier 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

George Dietrich, représentant de l’appelant
Viola Herbert, représentante de l’intimé

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