Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La requérante n’est pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] La requérante est née en Égypte et est venue au Canada en 2002. Elle avait 51 ans lorsqu’elle a présenté une demande de pension d’invalidité au RPC en février 2018. Le dernier emploi qu’elle a occupé est celui de préparatrice de commandes et emballeuse. Elle a mentionné avoir été incapable de travailler depuis 2013 en raison d’un cartilage déchiré au genou gauche, d’un caillot sanguin au poumon et d’essoufflementNote de bas page 1. Le ministre a refusé sa demande initialement et après révision, et la requérante a interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour les besoins du RPC, une invalidité est une incapacité physique ou mentale qui est grave et prolongéeNote de bas page 2. L’invalidité de la requérante est grave si elle la rend régulièrement incapable de détenir une quelconque occupation véritablement rémunératrice. Son invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement être d’une durée longue, continue et indéfinie.

[4] Pour que la requérante ait gain de cause, elle doit prouver qu’il est plus probable que le contraire qu’elle est devenue invalide au plus tard à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) et qu’elle continue d’être invalideNote de bas page 3. Sa PMA – c’est‑à‑dire la date à laquelle elle doit prouver qu’elle était invalide – est le 31 décembre 2016. Il s’agit de la dernière date à laquelle elle avait des cotisations valides au RPC dans quatre des six dernières annéesNote de bas page 4.

[5] La requérante a aussi eu des gains de 4 002 $ en 2017Note de bas page 5. Ces gains sont inférieurs au niveau minimum requis pour l’aider à satisfaire aux exigences en matière de cotisations; cependant, si elle est devenue invalide en 2017 avant la fin août 2017, la date de fin de sa PMA sera le 31 août 2017.

Question préliminaire

[6] Il s’agit de la deuxième demande de pension d’invalidité au RPC de la requérante. Le ministre a reçu sa première demande en mai 2014Note de bas page 6. Le ministre a rejeté la demande au stade initial ainsi qu’à celui de la révision, et la requérante a interjeté appel auprès du Tribunal. En mai 2016, la division générale a rejeté l’appelNote de bas page 7.

[7] M. Zwiebel, représentant de la requérante, a reconnu que le principe de la chose jugée (c’est‑à‑dire que l’affaire a été tranchée) s’applique à la décision de mai 2016. Le principe de la chose jugée empêche qu’une nouvelle audience soit tenue ou que des questions déjà tranchées soient remises au rôle. La décision de mai 2016 avait tranché que la requérante ne souffrait pas d’une invalidité grave et prolongée à la date d’échéance de sa PMA de l’époque, le 31 décembre 2013. Aux fins du présent appel, elle doit donc être considérée comme n’ayant pas été invalide au sens du RPC avant la fin de décembre 2013.

[8] Dans la cause actuelle, les gains d’emploi de la requérante de 9 829 $ en 2016 prolongent sa PMA au 31 décembre 2016. De plus, ses gains de 4 002 $ en 2017 pourraient éventuellement prolonger sa PMA au 31 août 2017Note de bas page 8. Étant donné que la décision de mai 2016 n’est pas déterminante pour savoir si la requérante avait une invalidité grave en date du 31 août 2017, je dois déterminer si elle est devenue gravement invalide pendant la période visée, qui s’échelonne entre le 1er janvier 2014 et le 31 août 2017 (période visée).

Questions en litige

  1. Un changement et une détérioration considérables de l’état de santé de la requérante se sont-ils produits pendant la période visée de sorte qu’elle était gravement invalide à la fin août 2017?
  2. Dans l’affirmative, est-ce que son invalidité s’étend sur une période longue, continue et indéfinie?

Analyse

Invalidité grave

[9] En novembre 2012, la requérante s’est blessée au genou gauche au travail. Elle a été en arrêt de travail pendant environ une semaine, puis elle est retournée au travail et a occupé des fonctions modifiées. Ses fonctions modifiées consistaient à faire du tri au niveau de la taille ou au-dessus, sans devoir se pencher ni s’agenouillerNote de bas page 9. En mars 2013, le Dr Manolopoulos, chirurgien orthopédique, a mentionné que la requérante marchait avec une claudication antalgique (une démarche anormale pour éviter la douleur). Une IRM a révélé une déchirure du ménisque médial et le Dr Manolopoulos a recommandé une chirurgie arthroscopiqueNote de bas page 10.

[10] La requérante a arrêté de travailler en avril 2013 pour subir une chirurgie arthroscopique au genou gauche. La chirurgie a été infructueuse, et elle n’est pas retournée au travail depuis. Ses gains en 2016 et 2017 provenaient de l’aide qu’elle offrait à son époux dans son entreprise de réparation de montres lorsqu’il était occupé. Elle demeurait assise et s’occupait des clients.

L’état de santé de la requérante s’est détérioré pendant la période visée

[11] Je dois concentrer mon attention sur l’état de santé de la requérante pendant la période visée du 1er janvier 2014 au 31 août 2017.

[12] Pendant la période visée, la douleur chronique au genou gauche de la requérante s’est intensifiée jusqu’à devenir un syndrome de douleur chronique. Elle ressentait de la douleur non seulement au genou gauche, mais également au genou droit et au bas du dos. Elle a souffert de dépression, d’anxiété et d’une embolie pulmonaire, et a reçu un diagnostic d’hypothyroïdie.

[13] Dans le rapport médical au RPC de février 2018, le Dr Abdelmalek, médecin de famille, a posé les diagnostics suivants : entorse au genou gauche, rythme cardiaque instable causé par l’hypothyroïdie, thrombose veineuse profonde devenue un caillot sanguin au poumon et dépression majeureNote de bas page 11.

Syndrome de douleur chronique

[14] En août 2016, le Dr Gupta, spécialiste de la douleur chronique, a procédé à une évaluation de la douleur chronique. La requérante se plaignait principalement de douleurs au genou gauche, mais elle avait aussi des douleurs au bas du dos et au genou droit. L’état de son genou gauche s’était détérioré au cours des derniers mois. Elle avait développé un problème grave de boitement qui avait altéré sa démarche, ce qui occasionnait de la pression à son genou droit et au bas du dos et lui causait de la douleur. Elle a rapporté une douleur bilatérale cuisante et lancinante qui s’intensifiait lorsqu’elle soulevait des objets, se penchait, marchait, se tenait debout et tentait d’atteindre un objet situé au-dessus de sa tête. Elle a rapporté de la douleur au genou droit qui s’intensifiait lorsqu’elle se penchait, marchait et se tenait debout. Le Dr Gupta a posé un diagnostic de syndrome de douleur chronique, de troubles du sommeil, de troubles de l’humeur avec symptômes d’anxiété et de dépression, de douleur chronique au bas du dos avec douleur myofasciale, et de douleur chronique au genou avec probabilité d’arthrite dégénérative bilatérale et une déchirure méniscale au genou gaucheNote de bas page 12.

Embolie pulmonaire et hypothyroïdie

[15] Au début de septembre 2016, la requérante a été hospitalisée pendant trois jours. Des angiogrammes ont révélé qu’elle avait souffert d’une embolie pulmonaire (caillot sanguin au poumon). Le 29 septembre 2016, le Dr Gottesman, endocrinologue, a évalué sa thyroïde. Sa glande thyroïde avait grossi à 35 g. Les diagnostics du Dr Gottesman incluaient l’embolie pulmonaire et l’hypothyroïdieNote de bas page 13. En avril 2017, le Dr Gottesman a mentionné que la requérante se sentait bien. Elle était euthyroïdienne (sa thyroïde fonctionnait normalement), et n’avait aucun symptôme de compressionNote de bas page 14.

[16] En octobre 2016, la Dre McGowan a vu la requérante pour sa récente embolie pulmonaire non provoquée. La requérante a dit à la Dre McGowan qu’elle se sentait bien. Elle a dit ne pas souffrir de dyspnée (essoufflement) ou de douleurs à la poitrine. Sa jambe gauche était [traduction] « un peu » plus enflée que la droite, mais elle n’avait pas de douleur au mollet. La Dre McGowan a expliqué à la requérante qu’étant donné qu’il s’agissait de sa première embolie pulmonaire non provoquée, son risque de récidive était de 10 % pour la première année, et de 5 % par année par la suite. Elle a recommandé à la requérante de prendre des anticoagulantsNote de bas page 15. En novembre 2016, la requérante a dit à la Dre McGowan que les problèmes de toux et d’essoufflement pour lesquels elle s’était présentée à l’hôpital en septembre, étaient résolusNote de bas page 16. En juillet 2017, la requérante a dit à la Dre McGowan qu’elle se sentait bien, et qu’il n’y avait pas eu de réapparition de douleur à la poitrine ou de dyspnéeNote de bas page 17. En octobre 2017, la Dre McGowan a mentionné que la requérante continuait de bien aller avec les anticoagulants. Il n’y avait aucun signe ni symptôme d’embolie pulmonaire récurrenteNote de bas page 18.

Dépression et anxiété

[17] La requérante a d’abord vu un psychiatre, le Dr Philips, le 29 septembre 2016. Dans son rapport au Dr Abdelmalek, le Dr Philips a mentionné que la requérante souffrait de nombreux symptômes végétatifs de dépression. Elle était aux prises avec des pensées négatives et autodépréciatives, elle était irritable, elle s’était isolée des autres, elle était peu motivée, elle avait un sommeil perturbé et elle avait peu d’énergie. Le Dr Philips a posé un diagnostic d’épisode de dépression majeure avec anxiété, et de trouble d’ajustement avec humeur dépressive et anxieuse. Bien que ses symptômes justifiaient l’essai d’antidépresseurs, le Dr Philips a recommandé d’attendre, car la requérante pourrait commencer à prendre des anticoagulantsNote de bas page 19. Dans une note de progrès d’avril 2017, le Dr Philips a mentionné que la requérante continuait à se sentir déprimée et à souffrir de douleurs chroniquesNote de bas page 20.

Mes conclusions

[18] J’estime qu’il y a eu une détérioration de l’état de santé de la requérante pendant la période visée. L’aggravation de ses douleurs chroniques au genou gauche, sa dépression et ses nouveaux problèmes de santé, notamment l’hypothyroïdie et la thrombose veineuse profonde ont contribué à cette détérioration.

[19] Cela ne met toutefois pas fin à l’affaire. La requérante doit encore établir que son état de santé était devenu grave à la fin d’août 2017. Pour les raisons ci-dessous, j’ai déterminé qu’elle avait omis de le faire.

La requérante n’a pas établi qu’elle était incapable de détenir un autre travail à la fin d’août 2017

[20] Je dois évaluer l’état de santé de la requérante dans son ensemble et tenir compte de toutes les déficiences qui ont affecté son employabilité, et non seulement de ses déficiences les plus importantes ou de sa principale déficienceNote de bas page 21. Bien que chacun des problèmes de santé de la requérante pris séparément pourrait ne pas donner lieu à une invalidité grave, l’effet combiné de ses divers problèmes de santé pourrait la rendre gravement invalideNote de bas page 22.

[21] Étant donné que le ministre ne conteste pas le fait que la requérante était incapable de reprendre un travail exigeant sur le plan physique, la principale question que je dois trancher est celle de savoir si elle était capable de détenir un autre emploi.

[22] La question clé dans les cas de RPC n’est pas la nature ou le nom du problème de santé, mais son effet sur la capacité de travailler d’une partie requéranteNote de bas page 23. La capacité de travailler de la requérante, et non le diagnostic de sa maladie, détermine la gravité de son invalidité au titre du RPCNote de bas page 24.

[23] La requérante a affirmé qu’elle ne pouvait pas marcher, s’asseoir ou se tenir debout pendant plus d’une heure. Elle commence à ressentir une [traduction] « douleur aiguë » au genou gauche après avoir marché pendant plus d’une heure, et elle doit se reposer. Cela concorde avec son questionnaire d’invalidité de janvier 2018, dans lequel elle précisait qu’elle avait de la difficulté à s’asseoir ou à se tenir debout pendant plus d’une heure, et de la difficulté à marcher pendant plus d’une demi‑heure. Elle n’a pas concrètement fait état de problèmes de vision, d’audition, de parole, de mémoire ou de concentrationNote de bas page 25. Elle doit prendre des médicaments [traduction] « à vie » pour son hypothyroïdie et son caillot sanguin, et en raison de ces problèmes, son rythme cardiaque augmente et elle ressent de l’essoufflement si elle marche sur une trop grande distance ou si elle soulève des objets lourds. Elle a vu le Dr Philips à seulement deux reprises pour la dépression, et elle ne pouvait pas prendre d’antidépresseurs en raison d’un caillot sanguin. Elle reconnaît ne pas avoir obtenu de consultations psychologiques ni suivi de thérapie pour la dépression. Elle a mentionné qu’elle se sent [traduction] « abattue sur le plan émotionnel » parce qu’elle n’a pas été capable de trouver un emploi.

[24] Bien que les limitations décrites par la requérante l’empêchent de reprendre son ancien emploi exigeant sur le plan physique, ces limitations de devraient pas l’empêcher de détenir une occupation sédentaire. La preuve médicale soutient cette conclusion.

[25] En mai 2015, le Dr Abdelmalek a mentionné que la requérante était incapable d’occuper un quelconque emploi physique en raison de sa blessure au genouNote de bas page 26. En mars 2016, il a mentionné qu’elle était totalement incapable de détenir n’importe quel type de travail physiqueNote de bas page 27. En août 2018, le Dr Zalzal, chirurgien orthopédique, a mentionné que la requérante était capable d’exécuter un travail sédentaireNote de bas page 28. En avril 2019, le Dr Abdelmalek a mentionné que la requérante pouvait seulement marcher ou se tenir debout pendant une courte période en raison de sa douleur au genou. C’est pourquoi elle était incapable de détenir un travail physique ou manuel. Le Dr Abdelmalek a aussi mentionné que la requérante pouvait détenir un emploi où elle serait assise qui n’exigerait pas de bonnes compétences en anglais, toutefois, à ce jour, ce type d’emploi n’était pas disponibleNote de bas page 29.

[26] J’accepte qu’il y a eu une progression de la douleur chronique au genou de la requérante depuis le 1er janvier 2014. Je reconnais aussi que la requérante sent qu’elle est incapable de travailler en raison de sa douleur. Cependant, l’existence de la douleur ne suffit pas; la douleur doit être telle qu’elle l’empêche de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 30.

[27] J’estime que la requérante a conservé la capacité de détenir un travail sédentaire à la fin août 2017.

La requérante n’a pas établi qu’elle était atteinte d’une invalidité grave

[28] L’invalidité est grave si elle rend une partie requérante incapable d’exercer avec une fréquence constante une occupation véritablement rémunératrice. Je dois évaluer l’exigence relative à la gravité dans un « contexte réaliste » et tenir compte de facteurs tels que l’âge du prestataire, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie pour me prononcer sur son « employabilité »Note de bas page 31.

[29] Lorsqu’une partie requérante a une certaine capacité de travailler, elle a l’obligation de démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santéNote de bas page 32.

[30] La requérante a reconnu à l’audience qu’à l’exception du travail qu’elle a effectué pour son époux, elle n’a pas fait de démarches pour détenir un emploi sédentaire depuis qu’elle a subi, en avril 2013, sa chirurgie au genou qui n’a pas fonctionné. J’ai déjà déterminé qu’elle avait la capacité de détenir un emploi sédentaire.

[31] Étant donné que la requérante n’a pas cherché d’autre travail, elle n’a pas démontré qu’elle était incapable d’obtenir ou de conserver un emploi en raison de son état de santé. Il incombe à la requérante de démontrer qu’il est plus probable que le contraire qu’elle n’avait pas la capacité régulière de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Je considère qu’elle ne s’est pas acquittée de ce fardeau.

[32] La requérante avait seulement 51 ans en août 2017, c’est-à-dire qu’il lui restait presque 14 ans avant d’atteindre l’âge habituel de la retraite. Elle a obtenu un baccalauréat en commerce en Égypte, ainsi qu’un diplôme en comptabilité et en administration de la paye au Canada. Elle a travaillé dans le domaine de la comptabilité en Égypte pendant environ 10 ans avant d’arriver au Canada. Elle a notamment travaillé au Canada en tant que surveillante de repas, assistante en garderie et préparatrice de commandes et emballeuse. Bien que l’anglais ne soit pas sa première langue, elle a développé des compétences suffisantes en anglais pour terminer avec succès un cours en comptabilité et administration de la paye au Canada. Pour cela, il lui a fallu suivre des cours, étudier et passer des examens en anglais. Elle a mentionné qu’elle n’avait pas eu besoin de mesures d’adaptations spéciales pour terminer ce cours. Rien ne laisse entendre qu’elle souffre de troubles d’apprentissage. Ses caractéristiques personnelles, son niveau d’instruction et ses antécédents de travail n’occasionnent pas d’obstacles importants à son [traduction] « employabilité ».

[33] La requérante n’a pas établi qu’il est plus probable que le contraire qu’elle souffre d’une invalidité grave conformément aux exigences du RPC.

[34] Puisqu’elle n’a pas démontré une invalidité grave, il n’est pas nécessaire que je tranche la question du caractère prolongé.

Conclusion

[35] L’appel est rejeté.

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