Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] Je rejette l’appel. La division générale n’a commis aucune erreur. La requérante n’est pas admissible à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] T. H. (requérante) était coordonnatrice de la logistique de 2013 à 2016. Elle a travaillé comme adjointe en gestion immobilière jusqu’au début de 2018. Elle a demandé une pension d’invalidité aux termes du RPC en janvier 2018. Dans sa demande, elle a expliqué avoir arrêté de travailler en octobre 2016 à cause d’un syndrome du tunnel carpien. Elle souffre également de dépression et d’anxiété.

[3] Le ministre a rejeté sa demande initialement et après révision. La requérante a interjeté appel auprès de ce Tribunal. La division générale a jugé que la requérante n’avait pas démontré qu’elle avait une invalidité grave à la date de l’audience. J’ai accordé à la requérante la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale. J’ai estimé que l’on peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de l’état de la requérante dans son ensemble.

[4] Je dois décider si la division générale a commis une erreur au titre de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). Si la division générale a commis une erreur, je dois décider comment la corriger (réparer).

[5] À mon avis, la division générale n’a commis aucune erreur. Je rejette l’appel.

Questions préliminaires

[6] La requérante a fourni à la division d’appel une mise à jour sur sa santé et sur son traitement médical depuis l’audience de la division générale.

[7] Pendant l’audience à la division d’appel, j’ai expliqué à la requérante que je ne tiendrais compte d’aucun des nouveaux éléments de preuve qu’elle a fournis. Mon travail est de décider si la division générale a commis une erreur dans sa décision quant à la question de savoir si l’invalidité de la requérante était grave et prolongée à la date de l’audience de la division générale. La preuve concernant son état après cette date ne m’aidera pas à rendre cette décisionNote de bas de page 1.

[8] L’état de santé à jour de la requérante est important en ce sens que sa période minimale d’admissibilité (PMA) n’est pas encore terminée; elle peut toujours présenter une autre demande de pension d’invalidité, en fournissant tous les renseignements médicaux à jour qui expliquent comment ses troubles entraînent une invalidité grave et prolongée.

Questions en litige

[9] Je dois trancher les questions suivantes :

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’examiner ensemble tous les troubles de la requérante?
  2. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans sa façon d’envisager le traitement de la requérante?

Analyse

Examen des décisions de la division générale

[10] La division d’appel ne donne pas aux parties la possibilité de présenter pleinement leur position à nouveau dans le cadre d’une nouvelle audience. La division d’appel examine plutôt la décision de la division générale afin de déterminer si elle contient une erreur. L’examen de la division d’appel est basé sur le libellé de la Loi sur le MEDS, qui énonce les moyens d’appel sur lesquels doit être fondé tout appelNote de bas de page 2. Si la division générale commet une erreur de droit, la Loi sur le MEDS précise que la division d’appel peut la corrigerNote de bas de page 3.

Invalidité grave au sens du RPC

[11] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, une personne doit avoir une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa PMA ou avant cette date. Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.Note de bas de page 4

[12] Pour décider si l’invalidité est grave, la division générale doit examiner si les troubles médicaux de la requérante entraînent des limitations fonctionnelles qui ont une incidence sur sa capacité de travailler. La division générale doit évaluer l’état de santé de la requérante dans sa totalité, ce qui signifie qu’elle doit tenir compte de toutes les déficiences possibles, et non pas uniquement de celles qui sont les plus importantes ou les principalesNote de bas de page 5.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’examiner ensemble tous les troubles médicaux?

[13] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en omettant d’examiner ensemble tous les troubles médicaux. La division générale n’a pas semblé approfondir l’incidence du trouble de la personnalité du groupe B sur la capacité de travailler de la requérante. Cependant, je suis convaincue que c’était parce que les rapports au dossier n’en disent pas assez sur l’incidence que ce trouble a pu avoir sur sa capacité de travailler.

[14] Il semble que le dossier de la division générale renferme trois rapports-clés sur l’état de la santé mentale de la requérante. Il y a premièrement un rapport médical de la médecin de famille de la requérante daté du 25 avril 2017. Ce rapport énonce la dépression et l’anxiété comme étant les déficiences de la requéranteNote de bas de page 6.

[15] Deuxièmement, dans une lettre datée du 21 août 2017Note de bas de page 7, la psychothérapeute de la requérante a affirmé que celle-ci avait vraisemblablement un trouble d’anxiété généralisée plutôt qu’un trouble dépressif caractérisé, mais que les troubles de la personnalité étaient sans doute importants. La requérante a été rejetée comme candidate à la psychothérapie axée sur l’intuition et l’évaluatrice l’a décrite comme non intelligente, ainsi que [traduction] « régie par des conceptions figées, est très vague, a une faible intuition ». Il me semble que la psychothérapeute a été déroutée par une grande partie de ce que la requérante lui a dit, et qu’elle a été incapable de rassembler un historique psychiatrique auprès de la requérante.

[16] Troisièmement, il y a une évaluation en santé mentale signée le 5 juillet 2018Note de bas de page 8, qui semble avoir été remplie pour le fournisseur de l’assurance-invalidité de longue durée de la requérante. Dans ce rapport, la Dre Grabovac (psychiatre), a conclu que la requérante avait des traits de personnalité du groupe B (narcissique, limite, histrionique). La Dre Grabovac a affirmé que la requérante n’avait pas de trouble de l’humeur.

[17] Dans sa demande de permission d’en appeler, la requérante a soutenu que la division générale aurait dû conclure qu’elle satisfaisait au critère d’invalidité sévère et prolongéeNote de bas de page 9. J’ai accordé la permission d’en appeler parce qu’il était possible que la division générale n’ait pas examiné ensemble tous les troubles médicaux de la requérante (en particulier ses troubles de santé mentale et les traits de personnalité du groupe B démontrés dans deux des trois rapports ci-dessus).

[18] Le ministre soutientNote de bas de page 10 que bien que la division générale n’ait pas précisément fait référence au rapport de 2018 dans sa décision, elle n’était pas tenue de le faire. La division générale n’a pas à mentionner chacun des éléments de preuve dans sa décision. Les rapports sur le trouble de la personnalité du groupe B de la requérante n’étaient pas suffisamment importants (probants) pour que la division générale doive en parler dans la décision. Nous supposons que le membre de la division générale a examiné toute la preuve en rendant sa décision, et que cette présomption n’a pas été renversée dans cette affaireNote de bas de page 11.

[19] Le ministre soutient ce qui suit.

  • Le rapport de 2018 renferme peu d’éléments de preuve probants concernant la question de savoir si les traits de personnalité du groupe B ont eu une incidence sur sa capacité de travailler.
  • Le rapport de 2018 a été finalisé quinze mois avant l’audience, et ne fait mention d’aucune limitation fonctionnelle causée par les traits de personnalité du groupe B.
  • Le rapport de 2018 n’a pas affirmé que l’état de santé de la requérante l’empêche de faire tout type de travail.
  • La requérante n’a fourni aucun autre rapport ou rapport plus récent qui donne plus de détails à propos du diagnostic, du traitement ou du pronostic quant aux traits de personnalité du groupe B.
  • La requérante n’a pas inscrit les troubles de la personnalité (narcissique, limite, histrionique) comme étant l’un des troubles causant une invalidité dans son questionnaire du RPC.

[20] Le ministre souligne aussi que pendant l’audience, le membre de la division générale a demandé précisément à la requérante pourquoi elle avait cessé de travaillerNote de bas de page 12. Le membre de la division générale a dit à la requérante qu’il avait examiné les rapports de psychiatrie et a signalé qu’elle avait reçu un diagnostic psychiatrique. Il a demandé à la requérante si ce diagnostic était un facteur expliquant pourquoi elle ne pouvait pas garder son emploi chez Oxford. La requérante a reconnu que c’était un facteur, mais a continué en expliquant que ses oublis étaient la raison pour laquelle elle ne pouvait plus conserver cet emploi.

[21] À mon avis, la division générale n’a pas commis d’erreur en omettant de mentionner et d’approfondir ensemble les troubles de la personnalité du groupe B avec les autres diagnostics. Le rapport médical de la médecin de famille ne mentionne pas les traits de personnalité du groupe B, mais ceux-ci sont mentionnés à la fois dans la lettre de la psychothérapeute et dans le rapport en santé mentale de 2018. Bien qu’il ait été idéal que la division générale ait reconnu ce diagnostic, elle n’a commis aucune erreur de droit. Il semble que la division générale ne s’est pas concentrée sur le trouble de la personnalité du groupe B parce qu’il n’y avait pas assez de renseignements sur l’incidence de ce trouble sur la capacité de travailler de la requérante.

[22] Certains des écrits de la Dre Grabovac laissent croire à première vue que le trouble aurait une incidence sur la capacité de travailler de la requérante, en particulier la référence au dérèglement émotionnel chronique, au conflit relationnel, à la diffusion d’identité légère, à l’impulsivité légère, et à la sensibilité au rejet ou à la critique perçus. Aussi, la requérante a écrit sur les défis qu’elle vivait sur le plan de l’attention, de la concentration et [traduction] « de la communication interpersonnelle »Note de bas de page 13.

[23] Toutefois, même quand le membre de la division générale l’a questionnée sur ses troubles de santé mentale pendant l’audience et lui a demandé si c’était l’une des raisons pour lesquelles elle avait cessé de travailler, le témoignage de la requérante était vague à ce stade. Il n’y avait pas là assez de renseignements pour analyser la façon dont les traits de personnalité du groupe B ont eu une incidence sur la capacité de travailler de la requérante.

[24] Selon moi, la division générale aurait pu s’attaquer directement à ces faits concernant les diagnostics de santé mentale de la requérante (notamment les traits de personnalité du groupe B). Cependant, le fait de ne pas avoir procédé ainsi ne peut pas être assimilé à une erreur parce que la preuve n’était pas suffisante pour analyser l’incidence de ce problème sur la capacité de travailler de la requérante.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans sa façon d’envisager le traitement de la requérante?

[25] La division générale n’a pas commis d’erreur dans sa façon d’envisager le traitement de la requérante. Il est difficile d’évaluer comment l’invalidité de la requérante peut influer sur les décisions qu’elle prend au sujet du traitement. La division générale n’a cependant pas commis d’erreur dans cette affaire en signalant que la requérante ne suivait pas les recommandations de prise de médication prescrite.

[26] Pour décider de la gravité de l’invalidité, la division générale examine (entre autres facteurs) la question de savoir si la requérante a pris des mesures pour gérer son invaliditéNote de bas de page 14. La division générale peut aussi conclure qu’une partie requérante n’est pas admissible à une pension d’invalidité si elle a refusé le traitement de façon déraisonnableNote de bas de page 15. L’incidence que le traitement devrait avoir sur l’invalidité est pertinente.

[27] La division générale a conclu que [traduction] « le traitement significatif de son syndrome du tunnel carpien ne fait que commencer. Elle ne suit pas les recommandations de traitement sur la prise de médicaments. »Note de bas de page 16

[28] Dans la décision accordant la permission d’en appeler, j’ai accueilli favorablement des observations sur la question de savoir si la division générale a commis une erreur de droit dans son approche de l’analyse du traitement de la requérante. Je n’ai pas compris si la division générale devait analyser le refus de la requérante de prendre une médication et examiner le rôle que ses traits de personnalité du groupe B (comme le manque d’intuition et un mauvais jugement) auraient joué dans sa décision de ne pas suivre à la lettre des recommandations de traitement.

[29] Le ministre signale que la division générale a conclu que la demande de la requérante était prématurée parce qu’elle n’avait entrepris aucun traitement significatif pour son syndrome du tunnel carpien. Il n’y avait pas de preuve médicale récente au dossier de la division générale montrant que la requérante avait essayé un traitement significatif pour ce syndrome. Dans le passé, elle avait refusé d’essayer la chirurgie pour ce problèmeNote de bas de page 17. La décision de la division générale signale que la requérante assistait à des séances de thérapie de groupe une fois par semaine pour la dépression et l’anxiété. Elle ne prenait pas sa médication prescrite pour son anxiété et sa dépression. En fait, elle a déclaré qu’elle ne prenait aucun médicament actuellement et que dans la dernière année, elle ne prenait que des vitamines, des suppléments naturels et des produits en vente libre comme de l’AdvilNote de bas de page 18.

[30] Le ministre signale que la requérante avait une prescription d’antidépresseur. Pendant l’évaluation de santé mentale avec la Dre Grabovac, la requérante a d’abord répondu vaguement à la question de savoir si elle le prenait ou non, mais elle a finalement dit qu’elle ne le prenait pas parce qu’elle l’avait terminé et n’avait pas renouvelé sa prescriptionNote de bas de page 19. La requérante a dit qu’il lui arrivait souvent de ne pas le prendre et elle a donné l’impression de le prendre moins de 25 % des jours où elle le faisait. La requérante avait aussi une autre prescription pour un autre médicament dont elle ignorait le nom et qu’elle ne prenait pas.

[31] Le ministre signale également que l’évaluation de la Dre Grabovac décrit un autre exemple de situation dans laquelle la requérante n’a pas suivi une recommandation de traitementNote de bas de page 20. La Dre Grabovac indique que la requérante a vu la Dre Kulpas (psychiatre) en 2018. La Dre Kulpas a recommandé à la requérante de consulter une ou un psychologue. La requérante a interprété sa conversation avec la Dre Kulpas comme un refus de la médecin de collaborer de nouveau avec elle. Cependant, elle a aussi admis que la psychiatre lui a demandé de prendre un rendez-vous de suivi avec elle, ce que la requérante n’a pas fait.

[32] Le ministre conclut que de refuser de manière déraisonnable de suivre les recommandations de traitement et d’assister à des rendez-vous de suivi montre que la requérante n’a pris aucune mesure pour gérer son invalidité. La requérante n’a pas fourni d’explication raisonnable pour ne pas avoir pris la médication ou pris le rendez-vous de suivi.

[33] La Dre Grabovac a conclu que bien que le traitement par médicament puisse aider à traiter le dérèglement émotionnel du trouble de la personnalité limite, la médication devrait être prise de façon constante pour évaluer son efficacité.

[34] Le ministre soutient que puisque le dossier démontre que la requérante a un [traduction] « désintérêt » de suivre un traitement, la division générale n’a eu [traduction] « d’autre choix » que de décider que la requérante a manqué à son devoir de gérer ses problèmes de santéNote de bas de page 21.

[35] À mon avis, la division générale n’a pas commis d’erreur de droit dans sa façon d’envisager le traitement de la requérante.

[36] Certains diagnostics en santé mentale (comme les troubles de la personnalité) peuvent comprendre une pensée et un comportement imprévisibles, ainsi qu’une mauvaise compréhension du problème. Une personne qui reçoit ce genre de diagnostic peut très bien avoir refusé le traitement à un moment donné : par exemple, des personnes ayant un trouble de la personnalité peuvent cesser de prendre un médicament prescrit, refuser de le prendre ou le faire de façon inconstante. Certaines personnes ayant un trouble de la personnalité peuvent aussi ne pas être constantes ou fiables dans leur façon de décrire la prise de leur médication.

[37] Si la partie requérante refuse le traitement, la division générale doit décider si cette décision est raisonnableNote de bas de page 22. Dans cette affaire, le dossier médical montre un diagnostic de traits associés à un trouble de la personnalité du groupe B. Des documents au dossier décrivent la requérante comme étant inintelligente et légèrement impulsive. Elle est décrite comme étant incapable d’établir clairement son historique de santé en se contredisant fréquemment (y compris quand il est question de savoir si elle prend sa médication). Une évaluation médicale indépendante a affirmé qu’il était [traduction] « extrêmement difficile d’obtenir des détails sur les symptômes ou les événements des deux dernières années ». Elle était [traduction] « très vague » à propos de la prise de sa médication. Elle a été rejetée pour la psychothérapie axée sur l’intuition.

[38] Le rôle de la division générale est de décider si la requérante a refusé de prendre sa médication, et dans l’affirmative, si elle s’est conduite raisonnablementNote de bas de page 23. Dans cette affaire, la division générale a conclu qu’elle ne prenait pas ses médicaments pour l’anxiété et la dépression. La division générale n’a pas donné de motifs détaillés montrant qu’elle a abordé la question de savoir si cette décision était raisonnable.

[39] Cependant, il ne s’agit pas d’une erreur ici puisque la division générale avait déjà décidé qu’il n’y avait pas assez de preuves médicales sur son état de santé pour démontrer qu’elle était incapable de travailler régulièrement. Si la division générale avait décidé que la requérante n’était pas admissible à la pension d’invalidité au seul motif qu’elle refusait le traitement de manière déraisonnable, alors l’analyse de la preuve sur ses traits associés au trouble de la personnalité du groupe B (le manque d’intuition en particulier) aurait pu être plus déterminante. Mais ce n’est pas le cas dans cet appel.

Remarque finale à propos de prochaines étapes possibles pour la requérante

[40] Selon les renseignements dont disposait la division générale au moment de l’audience, la PMA de la requérante se termine le 31 décembre 2021. Comme l’état de santé de la requérante change avec le temps, elle peut choisir de redemander la pension d’invalidité. Si elle décide de faire une nouvelle demande, elle serait bien avisée de fournir des renseignements médicaux à jour pour démontrer comment son invalidité est devenue grave entre la date de l’audience de la division générale et à la fin de sa PMA le 31 décembre 2021 ou avant cette date.   

Conclusion

[41] Je rejette l’appel. La division générale n’a commis aucune erreur.

 

Date de l’audience :

Le 26 mai 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

T. H., appelante

Suzette Bernard, représentante de l’intimé

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