Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] J’accueille l’appel. La division générale a commis une erreur de droit. Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre : la requérante a prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au sens du Régime de pensions du Canada (RPC) lorsqu’elle a présenté sa demande de pension d’invalidité en juillet 2017. Les versements doivent commencer quatre mois plus tard, soit en novembre 2017.

Aperçu

[2] L. M. (requérante) souffre d’un trouble dépressif chronique majeur résistant au traitement, d’un trouble anxieux généralisé et d’un trouble panique. Le Dr Hooley, son médecin de famille, a déclaré qu’elle avait fréquemment des idées suicidaires et ses antécédents médicaux comprennent une tentative de suicide très grave. Elle est mère monoparentale d’une jeune fille qui réussit bien à l’école. La requérante est fière de sa fille. Elle a travaillé de façon saisonnière comme cuisinière pour subvenir aux besoins de sa fille avant et après avoir présenté sa demande de pension d’invalidité.

[3] Le Dr Hooley affirmeFootnote 1 que la requérante n’avait pas d’autre choix que de travailler et qu’elle était en [traduction] « mode survie ». Il dit qu’elle a perdu des emplois et manqué beaucoup d’heures de travail au cours des années en raison de sa dépression. Il déclare qu’il y a des périodes où elle ne quitte pas son lit pendant plusieurs semaines d’affilée. Il ne [traduction] « s’attend pas à ce qu’elle connaisse des périodes d’emploi prolongées ». La requérante prend plusieurs médicaments pour lui permettre de composer avec son invalidité et suit une thérapie cognitivo‑comportementale (TCC) et une électroconvulsothérapie (ECT) de maintien.

[4] La requérante a présenté une demande de pension d’invalidité en juillet 2017. Le Dr Hooley a été [traduction] « estomaqué » quand le ministre a rejeté la demandeFootnote 2. La requérante a interjeté appel devant le Tribunal. La division générale a conclu que la requérante avait prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date de septembre 2019Footnote 3, et que, par conséquent, ses versements devaient commencer quatre mois plus tard, en janvier 2020.Footnote 4

[5] La requérante a demandé à la division d’appel la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale. Elle a soutenu qu’elle a prouvé qu’elle était admissible à la pension d’invalidité lorsqu’elle a présenté sa demande en juillet 2017, de sorte que la date de début de son invalidité aux fins du RPC devait être établie au mois de juillet 2017, et non pas de septembre 2019. Je lui ai accordé la permission d’en appeler.

[6] Je dois maintenant déterminer si la division générale a commis une erreur prévue dans la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS). Si la division générale a commis une erreur, je dois déterminer comment la corriger (réparer).

[7] J’accueille l’appel. La division générale a commis une erreur de droit en négligeant d’évaluer si l’invalidité de la requérante était grave et prolongée avant l’audience devant la division générale. Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre : la requérante a prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée lorsque son médecin a signé le rapport médical du RPC en juillet 2017. Les versements doivent commencer quatre mois plus tard, en novembre 2017.

Question en litige

[8] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en n’expliquant pas comment elle en est venue à déterminer que la requérante était invalide à la date de l’audience et non à un moment quelconque avant l’audience?

Analyse

Examen des décisions de la division générale

[9] La division d’appel ne donne pas aux parties la possibilité de présenter pleinement leur position à nouveau dans le cadre d’une nouvelle audience. La division d’appel examine plutôt la décision de la division générale afin de déterminer si elle contient une erreur. Cet examen se fonde sur le libellé de la LMEDS, qui établit les trois moyens (ou motifs) d’appel qu’il est possible d’invoquerFootnote 5. Si la division générale commet une erreur de droit, la LMEDS indique clairement que la division d’appel peut la corrigerFootnote 6.

La preuve qu’une invalidité est « grave »

[10] Pour toucher une pension d’invalidité, une personne doit prouver que son invalidité était grave et prolongée au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA)Footnote 7. Le ministre calcule la PMA d’une personne en fonction de ses cotisations au RPC. La requérante a travaillé pendant de nombreuses années et a donc beaucoup cotisé au RPC. D’après les renseignements dont disposait la division générale, sa PMA ne se termine pas avant le 31 décembre 2021Footnote 8.

[11] Lorsque la PMA prend fin dans le futur, la division générale examine si la partie requérante a prouvé que son invalidité était grave et prolongée jusqu’à la date de l’audience.

[12] D’après le RPC, une personne est réputée être atteinte d’une invalidité grave lorsqu’elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceFootnote 9.

Absence de motifs suffisants

[13] Le fait de ne pas fournir les motifs concernant une question clé dans les circonstances où une explication est nécessaire peut constituer une erreur de droitFootnote 10. La division générale n’a pas besoin de traiter de l’ensemble de la preuve, des arguments, des dispositions législatives ou de la jurisprudence dans une décision. Cependant, les motifs doivent être suffisants pour permettre aux parties de comprendre le fondement de la décision du tribunal et pour procéder à une révision ou interjeter appelFootnote 11. La Cour d’appel de l’Ontario a déclaré ce qui suit :

[traduction]

La voie choisie par le tribunal pour rendre sa décision doit être claire selon les motifs lus dans le contexte de l’instance, mais il n’est pas nécessaire que le tribunal décrive chaque point de repère en cours de routeFootnote 12.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit?

[14] La division générale a commis une erreur de droit. La division générale n’a pas expliqué pourquoi la requérante ne satisfaisait pas au critère relatif à une invalidité grave à un moment quelconque avant la date de l’audience devant la division générale. Il s’agissait d’une question clé qui nécessitait des explications, car elle a conduit la division générale à considérer que la date de l’audience était la date de début de l’invalidité. Cela a une incidence sur le montant des versements que la requérante peut toucher.

[15] La division générale a reconnu que la requérante a travaillé de façon saisonnière comme cuisinière depuis 2011. Le ministre a fait valoir que cela montrait que la requérante était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice et qu’elle n’était donc pas atteinte d’une invalidité grave. La division générale a examiné les gains de la requérante en 2017 et 2018 et a noté qu’ils n’étaient pas égaux ou supérieurs au seuil minimum considéré comme étant « véritablement rémunérateur » prévu dans le Règlement sur le Régime de pensions du CanadaFootnote 13. La division générale a noté que le fait que la requérante était capable de travailler une partie de l’année témoignait de sa détermination à subvenir aux besoins de sa fille, mais qu’il ne constituait pas une preuve qu’elle était capable de travailler davantageFootnote 14.

[16] La division générale a résumé la preuve médicale et le témoignage de la requérante concernant ses problèmes de santé, puis a conclu que l’état de santé de la requérante s’était détérioré en 2019 et qu’elle avait prouvé que son invalidité était grave et prolongée en date du mois où l’audience a eu lieu en 2019Footnote 15.

[17] La requérante fait valoir que son invalidité était grave lorsqu’elle a présenté sa demande de pension d’invalidité en 2017 et que la division générale a commis une erreur en ne le reconnaissant pasFootnote 16. Elle soutient que le fait qu’elle ait réussi à travailler pour subvenir aux besoins de sa fille montre que [traduction] que « les femmes sont fortes », et non qu’elle aurait pu occuper un emploi véritablement rémunérateur.

[18] Le ministre concède que la division générale a commis une erreur en négligeant d’examiner la possibilité que la requérante ait pu être invalide avant la date de l’audienceFootnote 17. Le ministre reconnaît que la division générale a résumé le rapport d’août 2019 de la Dre Amanullah ainsi que les rapports d’octobre 2017 et d’août 2018 du Dr Hooley qui confirmaient que l’état de santé de la requérante s’était détérioré, mais l’analyse n’est pas allée plus loin.Footnote 18 Ce faisant, la division générale n’a pas réellement déterminé si la requérante était invalide avant l’audience en septembre 2019.

[19] J’estime que la division générale a commis une erreur de droit. Bien que la division générale ait examiné certains éléments de preuve concernant l’invalidité de la requérante avant la date de l’audience, la décision n’explique pas pourquoi la date de début de l’invalidité est fixée à septembre 2019 et pas avant. La date à laquelle la requérante a satisfait au critère relatif à l’invalidité grave est absolument essentielle. Les motifs sont insuffisants à cet égard, ce qui constitue une erreur de droit. Il appartenait à la division générale de juger que l’état de santé de la requérante s’est détérioré en septembre 2019, mais la requérante devait démontrer que son invalidité était grave à la date de l’audience ou avant cette date. La membre de la division générale devait se concentrer sur la preuve déposée avant et au moment de l’audience.

[20] En l’espèce, la division générale a mis l’accent sur la date de l’audience (et la date à laquelle la requérante a fourni plus de renseignements au sujet de la détérioration de son état de santé) sans expliquer si la requérante avait prouvé que son invalidité était grave avant cela. La division générale a souligné à juste titre que l’emploi qu’occupait la requérante entre le moment où elle a présenté sa demande et la date de l’audience ne l’empêchait pas nécessairement de recevoir une pension d’invalidité. Il ne s’agissait pas d’un emploi véritablement rémunérateurFootnote 19. La division générale a clairement reconnu que l’état de santé de la requérante s’est détérioré en 2019 et qu’il correspondait à la définition d’une invalidité grave à ce moment-là.Footnote 20

[21] La membre de la division générale a été beaucoup moins claire sur la manière dont elle est parvenue à la conclusion que l’état de santé de la requérante ne correspondait pas à la définition d’une invalidité grave entre le moment de sa demande en 2017 et la date de l’audience en 2019. La division générale a mentionné que la preuve n’était pas suffisante pour conclure que l’état de santé de la requérante répondait à cette définition, mais n’a pas expliqué pourquoi il en était ainsi.

[22] La division générale a commis une erreur de droit.

Réparation

[23] Lorsque je constate que la division générale a commis une erreur, je peux renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle soit réexaminée, ou je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendreFootnote 21.

[24] Le ministre a demandé à la division d’appel de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. La requérante ne s’est pas opposée à cette démarche.

[25] Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Il s’agit de la façon la plus équitable et efficace de procéder en l’espèceFootnote 22.

[26] J’estime que la requérante a des limitations fonctionnelles liées à son trouble dépressif majeur et à son trouble panique qui ont une incidence importante sur sa capacité à travailler. Elle souffre d’autres problèmes de santé, mais ce sont son trouble dépressif majeur et son trouble panique qui entraînent ses principales limitations fonctionnelles qui l’empêchent de travailler. Elle a pris des mesures pour gérer ses problèmes de santé. Elle n’a refusé aucun traitement, mais ses problèmes de santé sont résistants au traitement. Le fait qu’elle a travaillé en 2017 et 2018 ne prouve pas qu’elle est capable d’occuper un emploi véritablement rémunérateur. La requérante est incapable de travailler, et je n’ai donc pas à fournir de plus amples renseignements sur d’autres facteurs qui ont une incidence sur son employabilité comme son âge et son niveau d’instructionFootnote 23.

[27] La requérante a prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC en juillet 2017 lorsqu’elle a présenté sa demande de pension d’invalidité.

La preuve qu’une invalidité est « grave »

[28] L’invalidité d’une personne est grave lorsqu’elle rend celle-ci incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceFootnote 24.

[29] Lorsque j’examine les limitations fonctionnelles de la requérante liées à ses problèmes de santé, je dois évaluer son état de santé dans sa totalité. Cela signifie que je dois tenir compte de toutes les déficiences possibles, et non pas uniquement de celles qui sont les plus importantes ou les principalesFootnote 25.

Problèmes de santé et limitations fonctionnelles de la requérante

[30] La requérante a fourni une preuve médicale et a livré un témoignage sur ses problèmes de santé. Le rapport médical du RPC du Dr Hooley daté du 18 juillet 2017Footnote 26 indique que les principaux problèmes de santé de la requérante sont un trouble dépressif majeur chronique et un trouble de paniqueFootnote 27. La requérante a témoigné au sujet de ses douleurs sciatiques, de ses douleurs à la main, de ses tremblements et de son syndrome des jambes sans repos. Je note que ces problèmes de santé lui occasionnent des limitations qui ont une incidence sur son travail, mais cette décision mettra l’accent sur ses problèmes santé mentale qui l’empêchent de travailler.

[31] Dans son rapport médical, le Dr Hooley souligne que la requérante a été admise à l’hôpital à plusieurs reprises. Il déclare que la requérante a tenté de se suicider en 2007, qu’elle a fréquemment des idées suicidaires et qu’elle présente des caractéristiques associées à un haut risque de suicide. Le Dr Hooley a noté qu’elle continuait à prendre une forte dose de médicaments antidépresseurs et un psychorégulateur. Il considérait qu’elle présentait des risques élevés de suicide.

[32] Le Dr Hooley a également indiqué dans son rapport que la requérante éprouvait de plus en plus de difficultés sur les plans social et professionnel en raison de sa dépression. Elle avait des problèmes de concentration, elle était atteinte d’une diminution de la mémoire, son jugement était altéré, elle avait des humeurs dépressives et elle était irritable. Le Dr Hooley a affirmé que ses crises de panique perturbaient grandement sa vie quotidienne et qu’elle évitait de quitter sa maison. Il a déclaré que la dépression de la requérante était la plus grave qu’il avait vue dans toutes ses années de pratique.

[33] La Dre Keizer (la psychiatre de la requérante) a noté en mai 2017 que la requérante avait beaucoup de mal [traduction] « à se lever pour entamer ses journées et […] aimerait réessayer l’ECTFootnote 28 ». La Dre Keizer a noté que le score de l’évaluation globale du fonctionnement de la requérante était de 40 et qu’elle présentait des risques de suicideFootnote 29.

[34] La requérante a vu une autre psychiatre à l’été 2019, la Dre Amanullah, qui a affirmé dans son rapport que la requérante était [traduction] « actuellement » relativement fonctionnelle. Elle a confirmé que la requérante :

  • souffrait depuis longtemps d’un trouble dépressif grave résistant au traitement;
  • se sentait dépassé par les événements;
  • avait ressenti un certain soulagement grâce à l’ECT et en avait besoin, mais ne pouvait pas participer à des séances en raison de son travail;
  • avait besoin d’une TCC continueFootnote 30.

[35] La requérante a mentionné dans le questionnaire qu’elle a présenté à l’appui de sa demandeFootnote 31 qu’elle avait du mal à quitter la maison en 2017. Elle a déclaré qu’elle attendait de participer à des séances d’ECT. Elle avait des difficultés à effectuer des tâches ménagères, à se concentrer et à dormir. Elle a déclaré qu’elle avait une piètre mémoire à court terme.

[36] La requérante a témoigné que sa dépression s’aggrave à l’automne et qu’au moment où elle a présenté sa demande de pension d’invalidité en 2017, sa dépression était pire à longueur d’année. La requérante a témoigné au sujet de ses autres problèmes de santé physique, notamment son syndrome des jambes sans repos, qui s’est aggravé au cours de l’année précédant l’audience (et qui est traité au moyen de médicaments pour la maladie de Parkinson), ses tremblements et les répercussions qu’une opération a sur ses poumons depuis plusieurs années.

[37] La requérante a témoigné au sujet de ses limitations fonctionnelles. Elle a mentionnéFootnote 32 ce qui suit :

  • elle ne quitte pas la maison;
  • elle n’a pas de vie et elle éteint son téléphone;
  • faire l’épicerie est très difficile;
  • elle a du mal à se motiver à descendre au sous-sol pour faire la lessive;
  • lorsqu’elle travaille, elle veut rentrer chez elle à la fin de son quart de travail et se coucher, même s’il est 17 h 30;
  • elle n’emmène sa fille nulle part, par exemple au cinéma;
  • sa fille a manqué 60 jours d’école parce qu’elle n’a pas été capable de se lever à l’heure pour l’emmener à l’école.

[38] La requérante a témoigné que l’année où elle a présenté sa demande de pension d’invalidité, sa dépression [traduction] « s’est intensifiée par dix » et n’était plus saisonnière, mais pire à longueur d’année.

[39] À mon avis, lorsque la requérante a présenté sa demande de pension d’invalidité en 2017, elle souffrait de plusieurs limitations fonctionnelles graves en raison de son trouble dépressif majeur et de ses crises de panique. Le score de son évaluation globale de fonctionnement correspondait à celui d’une personne qui a d’importantes difficultés à fonctionner au travail, à l’école et dans des situations sociales. Les dossiers médicaux de la requérante indiquent clairement que son invalidité l’affectait d’une façon qui faisait qu’il était difficile pour elle de travailler et soulignent spécifiquement l’incidence que son invalidité avait notamment sur son énergie, sa concentration et son humeur. J’accorde beaucoup d’importance au témoignage de la requérante au sujet de ses limitations fonctionnelles, qui était conforme aux dossiers médicaux. À mon avis, le témoignage du Dr Hooley concernant les limitations fonctionnelles de la requérante en 2017 est clair.

La requérante essaie de gérer ses problèmes de santé et ne refuse pas de traitement

[40] La requérante prend plusieurs médicaments pour traiter ses problèmes de santé. Elle souffre de que l’on appelle une dépression « résistante au traitement ». Le Dr Hooley a non seulement énuméré les médicaments que la requérante prenait au moment de sa demande, mais a également fourni une liste des médicaments qui n’ont pas fonctionnéFootnote 33.

[41] La requérante a témoigné en détail au sujet de l’ECT. Elle a déclaré que ce traitement particulier a une forte incidence sur sa mémoire à court terme. Il exige également que quelqu’un l’aide pour se rendre à l’hôpital et en revenir, car elle n’est pas autorisée à rentrer chez elle par ses propres moyens après une séance. Elle a besoin de temps pour récupérer après chaque séance.

[42] La requérante a déclaré qu’elle voyait une psychiatre environ tous les six mois et son médecin de famille régulièrement. Elle a essayé de consulter des conseillers, mais n’a pas trouvé cela utile. Elle a également du mal à consulter des conseillers, car elle dit qu’elle ne peut pas sortir de la maison. Son médecin de famille a mentionné le counseling et la psychothérapie parmi les traitements que la requérante a essayés [traduction] « sans grand succès »Footnote 34.

[43] La requérante a également témoigné au sujet de certains des traitements qu’elle a suivis pour ses problèmes physiques. Elle a déclaré qu’elle avait reçu pendant longtemps des injections de cortisone dans le dos, le pied et la main, mais que le deuxième médicament pour le Parkinson qu’elle avait essayé l’aidait.

[44] Je suis entièrement convaincue que la requérante a déployé des efforts soutenus et importants pour gérer ses problèmes de santé.

Les activités professionnelles de la requérante en 2017 et 2018 prouve pas qu’elle avait une certaine capacité de travailler

[45] Les activités professionnelles de la requérante en 2017 et 2018 ne prouvent pas que la requérante avait une certaine capacité (résiduelle) de travailler. L’emploi de la requérante comme cuisinière était saisonnier, n’était pas véritablement rémunérateur et elle ne pouvait travailler davantage compte tenu de son invalidité.

[46] Dans son rapport médical à l’appui de la demande de pension d’invalidité, le Dr Hooley a déclaré que la requérante souffrait de problèmes de santé mentale très graves et qu’elle devait donner tout ce qu’elle avait pour continuer à effectuer son travailFootnote 35. Le Dr Hooley a affirmé que la requérante devait prendre une forte dose de benzodiazépine avant de travailler afin de calmer l’anxiété que cela lui occasionnait. Elle devait ensuite aussi prendre un stimulant pour demeurer suffisamment alerte pour fonctionner.

[47] Lorsque le ministre a rejeté la demande initialement, le Dr Hooley a reconnu que bien que la requérante travaillait, elle réduisait son existence au strict minimum et se battait chaque jour pour fonctionner. Il a expliqué qu’elle avait beaucoup de difficultés dans ses relations interpersonnelles, au travail, avec son rôle de mère et dans toutes ses activités quotidiennesFootnote 36.

[48] La requérante a témoigné qu’au moment où elle a présenté sa demande de pension d’invalidité en 2017, elle se forçait pour travailler de façon saisonnière. Elle pouvait accomplir son travail, mais elle devait s’absenter pour des raisons médicales. Elle cachait son invalidité à ses collègues. En 2017, la requérante a témoigné que son patron (et non le propriétaire) savait qu’elle était invalide. Il a réduit ses quarts de travail de cinq à trois par semaine en raison de ses absences.

[49] La requérante fait valoir que même si elle a travaillé en 2017 et 2018, elle était incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice pendant cette période.

[50] Le ministre soutient que la requérante était invalide depuis février 2019, date à laquelle elle a cessé de recevoir des prestations régulières d’assurance-emploiFootnote 37. Le ministre reconnaît que les gains de la requérante en 2017 et 2018 sont inférieurs au seuil minimum correspondant à une occupation véritablement rémunératrice : elle occupait son emploi saisonnier entre les mois d’octobre et de mai. Toutefois, l’employeur soutient dans son rapport que le travail de l’appelante était satisfaisant et qu’elle a travaillé à temps plein pendant cette périodeFootnote 38.

[51] Selon moi, le fait que la requérante ait réussi à travailler comme cuisinière de façon saisonnière en 2017 et 2018 ne prouve pas qu’elle avait la capacité d’exercer un travail véritablement rémunérateur. Les gains qu’elle tirait de son travail étaient inférieurs au seuil minimum considéré comme véritablement rémunérateur. La requérante a témoigné qu’elle a caché l’incidence de son invalidité à ses collègues de travail. J’accorde peu de poids au rapport de l’employeur. À mon avis, il est incomplet et vague. Le ministre a raison de souligner que le rapport indique que le travail de la requérante était satisfaisant et qu’elle travaillait à plein temps de façon saisonnière. Toutefois, le rapport indique également que son assiduité n’était que [traduction] « passable » et que ses absences étaient liées à des raisons médicales (et qu’elle aurait une note d’une médecin). Le rapport de l’employeur est incomplet à plusieurs égards. Par exemple, l’employeur n’a pas répondu à la question [traduction] « son état de santé affecte-t-il sa capacité à répondre aux exigences de l’emploi? ».

[52] La requérante a fait des efforts considérables pour subvenir aux besoins de sa fille malgré la gravité de ses problèmes de santé. J’accepte la preuve selon laquelle elle a de nouveau eu besoin d’ECT en mai 2017, et j’accepte son témoignage concernant le fait que pendant ce traitement, il n’était plus possible pour elle de continuer à travailler. La requérante a témoigné avec courage et franchise sur l’incidence que son trouble dépressif majeur chronique a sur sa capacité à travailler et à fonctionner dans sa famille et sa collectivité. J’accepte les lettres détaillées et passionnées du Dr Hooley à l’appui de sa patiente. Le Dr Hooley a décrit les limitations fonctionnelles auxquelles la requérante est confrontée, et le défi de constitue la prestation de traitements à une patiente souffrant de problèmes de santé graves et résistants au traitement.

L’invalidité de la requérante est prolongée

[53] L’invalidité de la requérante durera vraisemblablement pendant une période longue, continue et indéfinie. Cela signifie qu’elle est prolongée au sens du RPCFootnote 39.

[54] La requérante souffre d’une dépression depuis 1994 et est résistante au traitement. Elle doit prendre des médicaments pour traiter sa dépression, ce qui nécessite un suivi et des ajustements. Elle doit suivre une ECT et une TCC qui affectent toutes deux directement sa capacité à travailler. Ses symptômes et sa capacité fonctionnelle s’améliorent quelque peu lorsqu’elle s’absente du travail et qu’elle participe à une séance d’ECT, mais ils ne disparaissent pas complètement et les périodes pendant lesquelles elle se porte mieux sont de plus en plus courtes et de moins en moins fréquentes.

[55] En juillet 2018, le Dr Hooley a déclaré [traduction] « qu’à long terme [il] ne s’attend pas à ce qu’elle connaisse des périodes d’emploi prolongéesFootnote 40 ». Le Dr Hooley a abordé la question de savoir si l’état de santé de la requérante est prolongé dans l’une de ses lettres. La lettre dit ce qui suit :

[traduction]

« Prolongée » – Elle est venue me consulter à mon bureau des centaines de fois pour cela. Si sa dépression était légère ou modérée, elle ne m’aurait pas consulté et n’aurait pas consulté des conseillers et des psychiatres de façon continue pendant des décennies. S’il y avait un accès approprié aux services psychiatriques, ces visites se compteraient par centaines, sur une base continue. Elle a vu au moins une demi‑douzaine de psychiatres au cours de la dernière décennie. Il ne fait absolument aucun doute que son invalidité liée à sa dépression est prolongéeFootnote 41.

[56] Selon moi, la requérante a prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en juillet 2017 lorsque son médecin a signé le rapport médical pour le RPC.

Conclusion

[57] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit. La requérante a prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en juillet 2017 lorsqu’elle a présenté sa demande de pension d’invalidité du RPC. Les versements doivent commencer quatre mois plus tard, soit en novembre 2017.

Date de l’audience :

Le 6 mai 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

J. M., appelante

Susan Johnstone, représentante de l’intimé

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