Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : S. M. c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 735

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-877

ENTRE :

S. M.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Jackie Laidlaw
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 25 juin 2020
Date de la décision : Le 11 juillet 2020

Sur cette page

Décision

[1] Le requérant est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) payable dès juin 2017.

Aperçu

[2] Le requérant est un homme de 54 ans atteint de paralysie cérébrale (PC) depuis la naissance. Il est aussi atteint de dépression, d’anxiété et d’alcoolisme. Il a occupé divers emplois au fil des années. En 2009, il a quitté un bon emploi en télécommunications après avoir fait une chute et s’être cassé le pied. Après cela, son équilibre a empiré. Deux ans après avoir quitté son emploi en télécommunications, il a obtenu un emploi comme balayeur où il gagnait moins qu’un revenu véritablement rémunérateurNote de bas page 1 chaque année. Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité du requérant le 17 mai 2018. Le ministre a rejeté la demande étant donné que le requérant travaille encore. Le requérant a appelé de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, une partie requérante doit satisfaire aux exigences établies dans le RPC. Plus particulièrement, la partie requérante doit être déclarée invalide au sens du RPC au plus tard à la fin de la période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations de la partie requérante au RPC. J’estime que la PMA du requérant prendra fin le 31 décembre 2020. Puisque la PMA est dans l’avenir, le requérant doit être jugé invalide en date de l’audience.

Questions en litige

[4] En date de l’audience, le requérant était-il atteint d’une invalidité grave, c’est-à-dire qu’il était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, à cause de ses problèmes de santé?

[5] Dans l’affirmative, l’invalidité du requérant était-elle également d’une durée longue, continue et indéfinie en date de l’audience?

Analyse

[6] Une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas page 2. Une personne est réputée avoir une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès. Il incombe à la partie requérante de prouver selon la prépondérance des probabilités que son invalidité satisfait aux deux volets du critère; ainsi, si la partie requérante ne satisfait qu’à un seul volet, elle n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

L’état de santé du requérant s’est détérioré après 2009

[7] Le fait que le requérant est atteint de la paralysie cérébrale n’est pas contesté. La PC touche son côté droit. Depuis sa naissance, sa main et son bras droits tremblent. Le fait qu’il est atteint d’une dépendance à l’alcool et de dépression n’est pas contesté. Le requérant a affirmé que la chute qu’il a faite en 2009, lors de laquelle il s’est cassé le pied droit, a entraîné la détérioration de son équilibre à un point tel qu’il doit maintenant un déambulateur pour se déplacer. Puisqu’il a un manque d’équilibre et qu’il est atteint de paralysie cérébrale, les gens pensent qu’il est enivré alors qu’il ne l’est pas.

[8] En raison de sa PC, il avait déjà des problèmes d’équilibre au moment où il s’est cassé le pied. Il a eu besoin de béquilles et il a pris congé pendant 12 semaines. Lorsqu’il est retourné au travail, encore à cause de son manque d’équilibre, il s’est cassé la cheville droite. Il a dit que la fracture a mal été traitée à l’urgence et qu’elle n’a donc pas bien guéri. Il a pris 14 semaines de congé pour prendre soin de sa cheville. Il a été congédié parce qu’il ne pouvait plus grimper dans des échelles. Il a pris une autre année pour essayer de se rétablir.

[9] Son médecin de famille, Dr Mark Clark, a noté en août 2019 qu’avec l’âge il se peut que le requérant commence à avoir plus de problèmes avec ses fonctions motrices. Il a aussi noté qu’il a bien réussi à conserver des emplois par le passé, mais que cela est maintenant de plus en plus difficile et que ses limitations physiques pourraient l’empêcher d’occuper un autre emploiNote de bas page 3.

[10] Le Dr Clark a aussi noté dans le rapport médical de mai 2018 que sa dépression avait augmenté au cours de la dernière année en raison de sa PC et de la détérioration de ses fonctionsNote de bas page 4.

Le requérant a travaillé pour un employeur bienveillant

[11] Son employeur, J. S. de X a écrit une lettre en juin 2020 indiquant que la détérioration marquée de la mobilité du requérant a une incidence sur son travail. Il a besoin d’aide pour monter à bord de la machine à balayer et en sortir, mais une fois qu’il est assis il est capable de l’opérer adéquatement. Il a aussi noté que ses limitations physiques nuisent à sa capacité à manipuler les tuyaux, les valves du camion-citerne et les bouches d’incendie, et qu’il ne pourra plus travailler encore bien longtempsNote de bas page 5.

[12] Le requérant a cherché un emploi après avoir pris 2010 et 2011 pour laisser le temps à sa cheville et son pied de guérir. Il avait tellement un gros problème d’équilibre qu’il n’a pas obtenu d’entrevues. Il a obtenu l’emploi chez X grâce à son frère. J. S. savait qu’il avait de la difficulté à marcher, mais qu’il était capable d’opérer l’équipement sans problème. Comme J. S. a mentionné dans sa lettre, son état s’est détérioré à un point tel où il ne pourra plus travailler encore bien longtemps.

[13] Je reconnais que J. S. peut être considéré comme un employeur bienveillantNote de bas page 6. L’employeur doit en fait asseoir le requérant dans la machine pour qu’il puisse faire son travail. Il est très improbable que le requérant trouve un autre employeur prêt à l’accommoder de cette façon.

Le requérant n’occupe pas un emploi véritablement rémunérateur

[14] Pour déterminer si une invalidité est « grave », il ne faut pas vérifier la gravité des incapacités dont est atteinte une personne, mais plutôt si l’invalidité empêche la personne de gagner sa vie. Il ne s’agit pas de déterminer si la personne est incapable de faire son travail habituel, mais plutôt si elle est incapable de détenir toute occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 7.

[15] Le requérant a affirmé qu’il travaille habituellement 60 heures toutes les deux semaines pendant cinq semaines au printemps. Il a dit qu’il pourrait avoir d’autres occasions de travailler, mais qu’il ne serait pas capable de travailler davantage. La lettre de J. S. appuie cette affirmation.

[16] Son registre des gains montre que l’année où il a été le mieux rémunéré était en 2007; il a gagné 43 700 $, puis son revenu a diminué à 26 125 $ en 2008. Il travaillait pour une entreprise de télécommunications à l’époque. Après cela, il a commencé à travailler chez X de 2011 à 2018, où il n’a jamais eu un revenu véritablement rémunérateur. En fait, en 2017 et 2018, son revenu annuel était inférieur à l’exemption de base de l’année pour l’invalidité.

[17] Le requérant a travaillé, mais son revenu n’était pas véritablement rémunérateur.

[18] Je dois évaluer le volet du critère portant sur la gravité dans un contexte réelNote de bas page 8. Cela signifie que pour décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de différents facteurs comme l’âge, le niveau de scolarité, la maîtrise linguistique ainsi que l’expérience de travail et de vie.

[19] Il est bien éduqué, puisqu’il a été à l’université, mais il n’est pas diplômé. Il a toujours travaillé malgré sa PC, par le passé pour un service de transfert des patients par ambulance pendant sept ou huit ans, puis comme technicien en télécommunications pendant 12 ans. Il a finalement été congédié de son emploi en télécommunications lorsque son équilibre et ses fonctions se sont détériorés. Il a déjà été démontré que le requérant a de la difficulté à faire son travail alors que son travail ne consiste qu’à s’asseoir dans un véhicule et l’opérer. Toutefois, il a besoin d’aide pour s’asseoir dans le véhicule et il a de la chance d’avoir un employeur bienveillant.

[20] Il est très peu probable qu’il puisse retourner à un de ses anciens emplois. Son employeur a déjà affirmé qu’il ne pourra plus travailler encore bien longtemps, même avec les mesures d’adaptation généreuses. Son médecin a affirmé que ses limitations et son état de santé limiteront davantage ses possibilités d’emploi.

[21] Le requérant a été très honnête lors de son témoignage. Il a un excellent réseau de soutien, puisque des lettres ont été rédigées par son frère et son père de 89 ans, de même que par son employeur. Ils appuient tous sa demande et ils ont témoigné de la détérioration de son état de santé.

[22] Je félicite le requérant d’avoir continué à travailler malgré ses limitations. J’estime aussi qu’il n’a pas touché un revenu véritablement rémunérateur depuis des années puisqu’il est incapable d’occuper un autre emploi.

[23] Je considère que le requérant a démontré qu’il est atteint d’une invalidité grave qui le rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

Invalidité prolongée

[24] Le requérant est atteint de la PC depuis sa naissance. Il s’agit d’une maladie incurable.

[25] Le Dr Clark a noté que son état de santé continuera de se détériorer avec l’âge. La preuve démontre que cela est vrai.

[26] J’estime que le requérant est atteint d’une invalidité prolongée qui durera vraisemblablement pendant une période longue, continue et indéfinie.

Conclusion

[27] Le requérant était atteint d’une invalidité grave et prolongée en août 2009, lorsqu’il a cessé d’occuper un emploi véritablement rémunérateur. Toutefois, pour calculer la date de versement de la pension, une personne ne peut pas être réputée être devenue invalide plus de 15 mois avant la date à laquelle le ministre a reçu la demande de pensionNote de bas page 9. La demande a été reçue en mai 2018, alors la date à laquelle le requérant est réputé être devenu invalide est février 2017. Les versements commencent quatre mois après la date à laquelle le requérant est réputé être devenu invalide, soit à compter de juin 2017Note de bas page 10.

[28] L’appel est accueilli.

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