Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : RI c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 736

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-886

ENTRE :

R. I.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Jackie Laidlaw
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 30 juin 2020
Date de la décision : Le 11 juillet 2020

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Décision

[1] Le requérant n’a pas prouvé qu’il n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) avant le 13 mars 2018, la date à laquelle il a réellement présenté une demande. Par conséquent, la rétroactivité maximale pour le versement de la prestation demeure décembre 2017, et le paiement commence en avril 2018.

Aperçu

[2] Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité du requérant le 13 mars 2018 et l’a approuvée le 5 mars 2019. La rétroactivité maximale pour le paiement a été appliquée, faisant de décembre 2017 sa date de début. Le requérant a fait appel relativement à la date de début, en affirmant que la date de début est le 8 janvier 2015, lorsqu’il a arrêté de travailler. Il soutient qu’il n’a pas pu présenter une demande avant ce moment en raison de son trouble des fonctions exécutives. Il dit qu’il était incapable de faire des recherches sur la prestation, et qu’il en a seulement pris connaissance lorsque sa belle-mère l’en a informé en 2018. Le requérant est une personne articulée qui a bien livré son témoignage à l’audience.

Question(s) en litige

[3] Le requérant était-il incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations d’invalidité du RPC avant le 13 mars 2018?

Dispositions législatives

[4] L’article 60(9) du RPC prévoit qu’on peut réputer une demande de prestation avoir été faite à une date antérieure lorsque la personne n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande avant la date à laquelle celle-ci a réellement été faite, et que la demande a été faite au cours d’une période suivant la fin de l’incapacité égale au nombre de jours de la période d’incapacité, mais ne pouvant dépasser douze mois. Selon l’article 60(10) du RPC, la période d’incapacité doit être continue.

Analyse

[5] Le critère relatif à l’incapacité est restreint.

[6] La décision Canada (Procureur général) c Danielson, 2008 CAF 78, souligne que : « les activités de la personne en cause pendant cette période peuvent être pertinentes pour nous éclairer sur son incapacité permanente de former ou d’exprimer l’intention requise, et devraient donc être examinées ».

[7] Dans la décision Sedrak c Canada (Développement social), 2008 CAF 86, la Cour d’appel fédérale a mentionné que « la capacité de former l’intention de faire une demande de prestations n’est pas de nature différente de la capacité de former une intention relativement aux autres possibilités qui s’offrent au demandeur de prestations ». La Cour a soutenu également que « ces dispositions n’ont pas pour effet de nous obliger à donner au terme « capacité » un autre sens que son sens ordinaire ».

[8] Le requérant soutient qu’il n’était pas capable de former l’intention de présenter une demande de prestations en raison de son invalidité, le trouble des fonctions exécutives. Son invalidité a été diagnostiquée en 2011. Il s’agit d’un trouble assorti de divers problèmes cognitifs, comportementaux et émotionnels qui font qu’il a de la difficulté à planifier, à gérer son temps et à s’organiser, entre autres.

[9] Il mentionne qu’en raison de son invalidité, il était incapable de faire une recherche sur la prestation d’invalidité et son droit de présenter une demande. Par conséquent, il n’a pas découvert l’existence des prestations avant que sa belle mère lui en parle et l’aide à présenter une demande.

[10] À l’époque, entre le moment où il a arrêté de travailler en janvier 2015 et la demande de prestations en mars 2018, il vivait seul. Il cuisinait tous ses repas et s’occupait de ses transactions bancaires. Il vivait des fonds de son REER, auquel devait accéder par lui même, sans l’aide d’une ou d’un fiduciaire. Il buvait aussi par intermittence pendant cette période. Il s’efforçait de mener une vie simple, faisait des promenades, faisait des emplettes, cuisinait et fonctionnait selon un mode de vie simple. Il a mentionné ne pas [traduction] « s’occuper » des tâches administratives, toutefois il était capable de produire ses déclarations de revenus, car elles étaient simples à faire. Il les produisait dans les délais voulus. Il n’est pas certain d’avoir produit les déclarations de ces années-là dans les délais exigés, mais il les a bel et bien produites. Il pouvait s’occuper de ses déclarations de revenus, mais il a mentionné que les formalités liées au processus d’invalidité du RPC sortaient de l’ordinaire. J’admets que le processus du RPC sort de l’ordinaire, toutefois je reconnais également que le processus de déclaration de revenus peut aussi être ardu.

[11] Il affirme qu’il a pris toutes ses décisions pour lui même à l’époque.

[12] J’examine aussi la preuve médicale du requérant afin de déterminer s’il était capable de prendre des décisions dans sa vie au cours de cette période.

[13] Dans les notes cliniques de la Dre Bujold, sa médecin de famille, on note quelques tentatives pour cesser de boire. Le requérant a fréquenté les Alcooliques anonymes (AA) en 2014 et 2015. Il a participé à des programmes en 2015 pour sa consommation d’alcool, puis il a recommencé à boire de façon excessive en 2015, et est finalement retourné aux AA. En 2018, après avoir noté qu’il voulait demander des prestations d’invalidité du RPC, la médecin mentionne qu’il doit absolument s’occuper de son alcoolisme, sans quoi le problème ne pourra que se détériorer, et qu’il doit s’inscrire à un programme de traitement de l’alcoolisme. Le requérant ne s’est pas inscrit, mais il a continué de fréquenter les AA. Le programme des AA est un programme sans recommandation, et c’est la personne qui décide de demeurer dans le programme ou non. Le requérant a décidé à de nombreuses reprises de retourner aux AA au cours de ces années. Il était capable de prendre des décisions.

[14] La demande du requérant mentionne qu’il a arrêté de travailler en raison d’une crise en santé mentale. Le 20 janvier 2015, au moment où il a arrêté de travailler, les notes de la médecin montrent que sa séparation affectait sa santé mentale et qu’il buvait davantage. Lorsqu’il a quitté le domicile familial, il a [traduction] « disjoncté » et ne pouvait pas fonctionner. Il a pris de nombreuses périodes de congé. Son employeur a fini par lui donner le choix de mettre fin à son contrat et de toucher de l’assurance-emploi ou de prendre un congé sans solde et de consulter le programme d’aide aux employés. Il a choisi de prendre congé et de participer à un programme de quatre semaines. Après cela, les notes montrent qu’il était capable de se rendre à vélo faire des examens de laboratoire, et d’aller à sa roulotte. Il a aussi eu des séances de physiothérapie en novembre 2015 pour des douleurs à l’épaule droite et il était capable d’y assister régulièrement. Il était donc encore capable de prendre des décisions pendant sa période d’alcoolisme intermittent.

[15] J’estime que le requérant avait la capacité de prendre ses propres décisions, comme celles de produire ses propres déclarations de revenus, de se rendre à sa roulotte et d’aller à ses séances de physiothérapie. Il était capable de vivre sa vie tout seul, et de gérer ses propres finances et de s’occuper d’autres activités quotidiennes comme les emplettes et la cuisine.

[16] Le requérant soutient également qu’en raison de ses problèmes de santé mentale, il lui était impossible de se plier au processus administratif. Il n’aurait pas fait une recherche concernant les prestations, car il n’aurait pas rempli les formalités. Il avait besoin que quelqu’un lui parle des prestations et l’aide à présenter une demande.

[17] Lorsque sa belle-mère lui a parlé des prestations d’invalidité, il savait ce qu’elle lui proposait de faire. Elle a pris en charge le processus de demande pour lui; cependant, il était au courant de chacune des étapes et les a approuvées. Il n’était simplement pas au courant des prestations avant qu’elle ne lui en parle. Il a donc été capable de comprendre les prestations, et le processus, mais ne connaissait simplement pas leur existence ni comment y avoir accès sans aide.

[18] Je me fonde sur la décision Maloshicky c Canada (Procureur général), [2018] F.C.J. No 114, 2018 CF 51 qui précise que : « la démonstration de cette incapacité n’exige pas uniquement de démontrer que le demandeur n’y avait simplement pas pensé ».

[19] Il n’existe aucune preuve qui appuie le fait qu’il ne pouvait pas se renseigner sur les programmes. Il a été capable de parvenir à sortir des fonds de son REER et a été capable de produire ses déclarations de revenus tous les ans.

[20] J’estime que le requérant n’a pas prouvé qu’il n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations d’invalidité du RPC avant le 13 mars 2018, date à laquelle il a réellement présenté sa demande. Par conséquent, la rétroactivité maximale de paiement pour la prestation demeure décembre 2017, et le versement commence en avril 2018.

Conclusion

[21] L’appel est rejeté.

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