Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : K. H. c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 710

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-1063

ENTRE :

K. H.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Virginia Saunders
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 30 juin 2020
Date de la décision : Le 15 juillet 2020

Sur cette page

Décision

[1] K. H. est le requérant dans la présente affaire. Il a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) en mai 2018. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande. Le requérant a interjeté appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Je rejette l’appel. Le requérant n’est pas admissible à une pension d’invalidité du RPC.

Aperçu

[3] Le requérant a grandi au Pakistan. Il a déménagé au Canada à 28 ans. Il a maintenant 50 ans. Il a travaillé comme agent de services aux entreprises pour X pendant près de 10 ans. Il a arrêté en octobre 2015 à cause de l’insomnie, de l’apnée du sommeil, de l’hypertension artérielle et du reflux gastrique. Il affirme qu’il ne peut pas travailler parce que le manque de sommeil le rend épuisé et incapable de se concentrerNote de bas de page 1. Il est également anxieux et dépressif.

[4] Le requérant est admissible à une pension d’invalidité du RPC si les conditions suivantes sont réunies :

  • Il doit avoir cotisé au RPC pendant une période qu’on appelle la période minimale d’admissibilité.
  • Il doit être atteint d’une invalidité qui est à la fois grave et prolongée.
  • Il doit être devenu invalide à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité ou avant cette dateNote de bas de page 2.

[5] Jusqu’en juin 2020, le ministre affirmait que sa période minimale d’admissibilité s’était terminée le 31 décembre 2018Note de bas de page 3. Dans une récente communication au Tribunal, le ministre a affirmé qu’elle avait pris fin le 31 décembre 2017Note de bas de page 4. Le ministre a dit que le changement s’est produit parce que X a modifié les gains du requérant pour 2017Note de bas de page 5.

[6] Je suis d’accord avec le ministre. La période minimale d’admissibilité du requérant a pris fin le 31 décembre 2017Note de bas de page 6.

[7] J’étais préoccupée par le fait que le requérant n’avait reçu aucun avis ou explication concernant le changement jusqu’à la date de l’audience. Je voulais m’assurer qu’il ne contestait pas la nouvelle date, et qu’il n’avait pas centré ses efforts sur le fait de prouver qu’il était devenu invalide à la fin de 2018. Cependant, le requérant a dit ne pas se préoccuper de cela. Il avait compris le changement, et il n’avait pas besoin de plus de temps pour se préparer à l’audience.

Question en litige dans le cadre de cet appel

[8] Je dois décider si le requérant est atteint d’une invalidité grave et prolongée, et s’il était invalide en date du 31 décembre 2017. Il incombe au requérant de prouver que cela est plus probable qu’improbable.

Motifs de ma décision

Qu’est-ce qu’une invalidité grave?

[9] Au sens de la loi, l’invalidité du requérant est grave si elle le rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 7. Au moment de décider si le requérant satisfait à ce critère, je dois examiner l’ensemble de son état de santé et songer à tous les troubles de santé qui pourraient avoir un effet sur son employabilitéNote de bas de page 8.

Témoignage du requérant sur son invalidité

[10] Le requérant a dit qu’il a commencé à avoir des troubles de sommeil vers 2003. Ses narines ont un défaut; il doit donc respirer par la bouche. Cela a entraîné plusieurs problèmes. Le reflux gastrique s’est développé chez lui, alors il tousse toujours et il a des maux d’estomac constants. Sa respiration est très bruyante. Il ronfle. Tout cela l’empêche de s’endormir. Pour trouver le sommeil, il prend de l’alprazolam. Cependant, une fois qu’il est endormi, sa langue retombe et il cesse de respirer toutes les trois à cinq minutes. Il ne dort pas bien à cause de cela. Il se réveille après seulement trois ou quatre heures. Il a subi plusieurs opérations au nez pour tenter de résoudre le problème, mais elles n’ont pas fonctionné.

[11] Le travail du requérant était de prendre les appels téléphoniques d’entreprises et d’aider ces dernières à mettre en place leurs retenues salariales et à s’inscrire à la TVH. Il était toujours fatigué. Il s’en tirait en buvant quatre tasses de café par jour. Le problème a empiré progressivement. Il s’est séparé de son épouse, et est devenu le parent célibataire de ses trois enfants. Il est devenu plus dépressif et anxieux, ce qui ajoutait à ses troubles du sommeil. Il était éveillé toute la nuit. Il arrivait habituellement au travail avec 15 à 30 minutes de retard. Il prenait un congé de maladie au moins une fois par mois. Il a affirmé que parce qu’il était bon en mathématiques, il pouvait faire son travail. Il recevait des compliments sur son rendement. Toutefois, son employeur était préoccupé par son assiduité.

[12] En octobre 2015, le requérant estimait qu’il ne pouvait tout simplement pas travailler cinq jours par semaine. Il a parlé à sa gestion, qui lui a suggéré de demander des prestations d’invalidité. Son employeur n’a pas offert de travail à temps partiel. Le requérant ne pense pas qu’il serait capable de travailler à temps partiel dans tous les cas, en raison de son épuisement. Il a de la difficulté à fonctionner. Il a affirmé qu’il ne peut rien apprendre de nouveau, et qu’il perd la mémoire.

Preuve médicale de l’invalidité

[13] Le point de vue du requérant quant à la manière dont son état de santé influe sur sa capacité de travail est important. Mais il doit également y avoir certains éléments de preuve médicale objectifs à l’appui de sa demandeNote de bas de page 9. Cela signifie que je dois examiner et considérer ce qu’ont dit les médecins et autres professionnels de la santé à propos de son état. En particulier, il doit y avoir des éléments de preuve médicale provenant de sa période minimale d’admissibilitéNote de bas de page 10.

[14] Les troubles médicaux du requérant sont bien documentés. En 2008, il a reçu un diagnostic d’obstruction nasaleNote de bas de page 11. Sa médecin de famille, la Dre Sit, a rédigé le rapport médical de mars 2018 qui accompagnait la demande de pension d’invalidité du requérant. Elle a affirmé que le requérant était atteint d’insomnie chronique malgré deux opérations au nez, des appareils CPAP et de pression thérapeutique, des médicaments sur ordonnance et non conventionnels, et des conseils professionnels. Son manque de sommeil perturbait considérablement sa concentration et son énergie pendant la journée. Il était suivi par un psychiatre et une clinique du sommeil, mais son pronostic était peu prometteurNote de bas de page 12.

[15] Le psychiatre du requérant est le Dr Perera. Il le suit depuis 2014. En avril 2019, le Dr Perera a écrit que l’insomnie grave du requérant s’était progressivement détériorée au cours des 10 dernières années. Il ne pouvait pas fonctionner au travail en raison des symptômes cognitifs, émotionnels et physiques associés au manque de sommeil. Il devait aussi composer avec des facteurs de stress psychosociaux, y compris être parent célibataire. On pensait que son insomnie découlait de raisons physiques ou biologiques plutôt que cognitives. Le Dr Perera ne pensait pas que l’état du requérant s’améliorerait au point de lui permettre de retourner travailler à temps pleinFootnote 13.

[16] Je ne pense pas qu’il importe que ces rapports aient été rédigés après la fin de la période minimale d’admissibilité du requérant. Il est évident que son insomnie était chronique et qu’elle influait sur sa capacité de travail le 31 décembre 2017. À ce moment-là, ces deux médecins avaient traité le requérant pendant plusieurs années. Aucun des deux n’a laissé entendre qu’il y a eu une détérioration considérable après la fin de la période minimale d’admissibilité. J’accepte que ce qu’ils ont dit au sujet du requérant en 2018 et en 2019 décrivait aussi son état de santé en date du 31 décembre 2017.

Le requérant avait une capacité de travail le 31 décembre 2017

[17] J’accepte que le manque de sommeil du requérant a entraîné des problèmes pour lui. Je reconnais également qu’il a raisonnablement suivi les recommandations de traitement. Je ne pense pas qu’il soit capable de reprendre son dernier emploi à temps plein. Cela dit, pour que son invalidité soit grave, ses déficiences doivent l’empêcher d’exercer toute forme d’emploi pour gagner sa vie, et non seulement son emploi habituel Note de bas de page 14. En dépit des sentiments du requérant au sujet de sa capacité de travail, la preuve laisse croire qu’il aurait pu travailler à temps partiel ou exercer un autre métier le 31 décembre 2017 et avant cette date.

[18] D’abord, le contexte de la lettre d’avril 2019 du Dr Perera me dit qu’il ne parlait que de la capacité du requérant de reprendre son dernier emploi, et non de travailler en général. Si le Dr Perera voulait dire plus que cela, il n’a pas expliqué pourquoi. Il n’y a aucune évaluation de la capacité fonctionnelle du requérant ou analyse de ses déficiences montrant qu’il ne pouvait pas faire du travail qui n’était pas aussi exigeant mentalement que son travail chez X.

[19] Ensuite, le Dr Perera a dit que le requérant ne pouvait pas retourner travailler à temps plein. Il n’a pas précisément exclu le travail à temps partiel. Cela me dit qu’il pensait que le requérant pouvait être en mesure de travailler à temps partiel, même à son dernier emploi. Le requérant gagnait 55 000 $ par an dans ce posteNote de bas de page 15. Même si ses heures étaient réduites des deux tiers, il gagnerait néanmoins plus que ce que le RPC définit comme véritablement rémunérateurNote de bas de page 16. Le requérant a affirmé qu’on ne lui a pas offert du travail à temps partiel. Il ne croyait pas que ce type d’emploi était disponible. La disponibilité du travail n’est pas pertinente à la question de savoir si le requérant est invalideNote de bas de page 17. Ce qui compte est que la preuve médicale donne à croire qu’il pouvait travailler à temps partiel dans un domaine bien rémunéré en date du 31 décembre 2017. Cela laisse également penser qu’il pouvait travailler un horaire à temps plein dans un emploi non qualifié.

Les traits personnels du requérant n’ont pas influé sur sa capacité de travail

[20] Pour déterminer si le requérant avait une capacité de travailler, je dois examiner des facteurs comme son âge, son niveau d’instruction, ses compétences linguistiques et ses antécédents personnels et professionnelsNote de bas de page 18. Presque tous ces facteurs améliorent son employabilité. L’anglais est sa langue seconde, mais il a reçu une bonne éducation au Pakistan. Il a un diplôme de maîtrise en français et en littérature. Il a affirmé qu’à son arrivée au Canada à 28 ans, il pouvait déjà fonctionner à la fois en français et en anglais. Il a suivi des cours de mathématiques et de science informatique. Avant de commencer chez X, ses antécédents professionnels étaient variés. Il a fait des petits travaux, il a garni les étagères dans une épicerie, et il a travaillé comme programmeur, comme réceptionniste de nuit dans un hôtel et comme vendeur d’assurance voyage dans une banque.

[21] Tous ces facteurs montrent que le requérant est intelligent et possède des compétences transférables, ainsi qu’une certaine aptitude physique. Le seul facteur potentiellement négatif est son âge. Il avait 48 ans à la fin de sa période minimale d’admissibilité. Je pense toutefois que ses autres qualités compensent cet inconvénient.

Le requérant n’est pas atteint d’une invalidité grave

[22] Je reconnais que l’épuisement du requérant l’empêche de travailler à temps plein dans un domaine exigeant. Mais ses circonstances personnelles et son état de santé en date du 31 décembre 2017 me disent qu’il était probablement capable de travailler à temps partiel ou dans un domaine qui n’exigeait pas la capacité cognitive de son dernier emploi. Par conséquent, j’estime que le requérant avait une capacité de travail au 31 décembre 2017. Il doit donc démontrer qu’il a essayé de travailler, mais qu’il en a été incapable en raison de son état de santéNote de bas de page 19.

[23] Le requérant a essayé de travailler, à la fois avant et après le 31 décembre 2017. Il a dit qu’il a commencé à travailler à titre de technicien informatique pigiste peu de temps après avoir quitté X. Il annonçait en ligne et visitait la clientèle à domicile pour l’aider à résoudre ses problèmes informatiques. Il a gagné peu d’argent parce qu’il y avait beaucoup de concurrence et qu’il lui était difficile de trouver des clients. À part cela, la technologie évoluait constamment et il ne pouvait pas se permettre de parfaire ses compétences. Il a arrêté d’essayer de faire ce travail en 2018.

[24] Encore une fois, la disponibilité du travail n’est pas pertinente à la question de savoir si le requérant était invalide. Sa propre preuve est le fait qu’il était capable de travailler comme technicien informatique. Il était limité non pas par son état de santé, mais par des facteurs socioéconomiques.

[25] Le requérant a également suivi un cours en ligne en 2015 et 2016 pour devenir agent immobilier. Il a affirmé qu’il avait eu de la difficulté à terminer le cours parce qu’il trouvait difficile de mémoriser ce qu’il apprenait. Il a obtenu son permis d’agent immobilier en 2018, mais n’a pas eu une carrière fructueuse dans le domaine. Il a trouvé un emploi chez un courtier, mais son épuisement a fait en sorte qu’il était difficile pour lui de conduire de chez lui au bureau au centre-ville de Toronto. Il avait de la difficulté avec les visites libres parce qu’il était trop fatigué pour transporter de lourds panneaux d’affichage. Il avait aussi du mal à trouver des clients. Il a seulement réussi à vendre une maison, qui appartenait à un parent.

[26] Je ne considère pas l’expérience du requérant dans l’immobilier comme une preuve convaincante d’une façon ou d’une autre. Je ne suis pas convaincue que l’absence de succès ait été attribuable surtout à sa santé. D’autre part, je ne pense pas que sa capacité d’obtenir un permis d’agent immobilier et de trouver un emploi prouve nécessairement qu’il était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[27] Cependant, la preuve médicale et la capacité du requérant de travailler comme technicien informatique le démontrent. Même si le requérant ne pouvait pas travailler à temps plein chez X quand sa période minimale d’admissibilité a pris fin, il n’était pas régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice le 31 décembre 2017. Son invalidité n’était pas grave.

Invalidité prolongée

[28] Puisque j’ai conclu que l’invalidité du requérant n’était pas grave, je n’ai pas à trancher la question de savoir si elle était prolongée.

Conclusion

[29] L’appel est rejeté.

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