Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : M. H. c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 717

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-499

ENTRE :

M. H.

Requérante

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale — Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Patrick O’Neil
Requérante représentée par : A. B.
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 22 juillet 2020
Date de la décision : Le 27 juillet 2020

Sur cette page

Décision

[1] La requérante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité de la requérante le 10 avril 2017. Le ministre a rejeté sa demande initialement et après révision. Le ministre a établi que la requérante n’était pas admissible à la pension d’invalidité parce qu’elle touchait une pension de retraite du RPC depuis octobre 2014. Elle a porté en appel la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Le présent appel soulève la question de savoir si la requérante est inadmissible à la pension d’invalidité de la RPC au titre de la loi parce que le ministre a reçu sa demande de pension plus de 15 mois après le commencement du paiement de sa pension de retraite.

Question en litige

[4] La requérante est-elle inadmissible à une pension d’invalidité du RPC au titre de la loi parce qu’elle a présenté sa demande plus de 15 mois après le commencement du paiement de sa pension de retraite?

Analyse

La requérante est inadmissible à la pension d’invalidité du RPC au titre de la loi.

[5] Pour être admissible à la pension d’invalidité du RPC, la requérante doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC, y compris à l’exigence selon laquelle elle ne doit pas toucher de pension de retraite du RPCNote de bas de page 1.

[6] Lorsqu’une personne commence à toucher une pension de retraite du RPC, elle ne peut pas présenter une demande ou une nouvelle demande de pension d’invaliditéNote de bas de page 2 sauf si une demande d’annulation de la pension de retraite est présentée par écrit dans les dix mois suivant le commencement du paiement de la pension de retraiteNote de bas de page 3.

[7] Si une personne n’annule pas sa pension de retraite dans les six mois suivant le commencement du paiement de la pension, le seul cas où il est possible d’annuler une pension de retraite en faveur d’une pension d’invalidité est lorsqu’une personne est réputée invalide avant le mois où la pension de retraite était payableNote de bas de page 4.

[8] Une personne ne peut être réputée invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date à laquelle le ministre a reçu la demande de pension d’invaliditéNote de bas de page 5. Puisque la demande de pension d’invalidité de la requérante a été reçue en avril 2017, la requérante peut être réputée invalide au plus tôt en janvier 2016.

[9] En conséquence de ces dispositions, le RPC ne permet pas l’annulation d’une pension de retraite en faveur d’une pension d’invalidité si la demande de pension d’invalidité est présentée 15 mois ou plus après le commencement du paiement de la pension de retraite.

[10] La pension de retraite de la requérante a commencé à être payée en octobre 2014, un mois après qu’elle a eu 60 ans. Elle n’a pas présenté sa demande d’annulation de sa pension de retraite dans les six mois suivant la date du commencement du paiement de celle-ci.

[11] Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité du RPC de la requérante en avril 2017Note de bas de page 6, soit 15 mois après le mois du commencement du paiement de sa pension de retraite.

[12] Une personne qui touche une pension de retraite est inadmissible à une pension d’invalidité, sauf si elle réputée invalide avant le mois pendant lequel la pension de retraite était payableNote de bas de page 7.

[13] Puisque la pension de retraite de la requérante a commencé en octobre 2014 et puisqu’elle ne pouvait être réputée invalide au plus tôt qu’en janvier 2016, il ne lui est pas possible d’être réputée invalide avant octobre 2014. En conséquence, la loi ne lui permet pas d’annuler sa pension de retraite en faveur d’une pension d’invalidité, sauf si elle était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de pension d’invalidité avant le jour où elle a réellement présenté sa demandeNote de bas de page 8. Cette période d’incapacité doit avoir été continueNote de bas de page 9.

La requérante était-elle incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de pension d’invalidité du RPC avant le jour où elle a réellement présenté sa demande?

Critère relatif à l’incapacité

[14] La capacité de former ou d’exprimer son intention de présenter une demande de prestations n’est pas différente en soi de la capacité de former une intention quant aux autres choix qui se présentent à une personne. On ne doit pas donner au mot « capacité » un autre sens que son sens ordinaireNote de bas de page 10.  

[15] Le critère juridique est précis et ciblé, en ce sens qu’il n’exige pas de prendre en compte la capacité de présenter, de préparer, de traiter ou de remplir une demande de prestations d’invalidité, mais seulement la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demandeNote de bas de page 11.

[16] Les activités de la partie requérante entre la date prétendue de début de l’invalidité et la date de la demande peuvent être pertinentes pour nous éclairer sur l’incapacité permanente de la partie requérante de former ou d’exprimer l’intention requise, et devraient donc être examinéesNote de bas de page 12.

La requérante n’était pas incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de pension d’invalidité du RPC avant le jour où elle a réellement présenté sa demande.

[17] La requérante est née le 25 septembre 1954. Elle a maintenant 65 ans. Elle touche une pension de retraite du RPC depuis octobre 2014, soit le mois après qu’elle a atteint l’âge de 65 ans. Elle a présenté sa demande de pension d’invalidité en avril 2017Note de bas de page 13. Elle a rempli sa demande avec l’aide de son frère, A. B.Note de bas de page 14, qui l’a aidée avec les interprétations techniques. Il l’a informée qu’elle devrait présenter une demande de pension d’invalidité du RPC. Elle lui a demandé de l’aider à préparer sa demande. Le formulaire et le questionnaireNote de bas de page 15 montrent l’écriture de A. B. La requérante a signé et daté les documents. Elle a fourni à A. B. les renseignements dont il avait besoin pour remplir le formulaire et le questionnaire.

[18] La requérante a travaillé comme éducatrice en garderie à Thunder Bay de 1996 à février 2003, et n’a pas travaillé depuis. Elle a cessé de travailler, car elle était « épuisée ». Elle et son mari se sont séparés en 1996. Elle a vécu seule, sauf pendant quelques mois, dans un appartement à Thunder Bay, jusqu’à ce qu’elle déménage à Sudbury en 2005 pour être plus près de sa famille. Elle a vécu avec A. B. pendant quatre mois lors de son premier déménagement à Sudbury, et avec un autre de ses frères pendant quelques mois. Elle vit seule dans son propre logement depuis 1996.

[19] La requérante n’a eu de comptes bancaires à son nom que depuis quelques années, y compris depuis qu’elle travaille à Thunder Bay. Elle a payé son loyer, son épicerie et d’autres dépenses à partir de ces comptes bancaires, y compris le loyer mensuel de son compte avec une carte de débit. Elle a donné à ses frères A. et A. B. une procuration relative aux biens en août 2018Note de bas de page 16. Elle croyait que cela leur permettrait d’aider à payer les factures au besoin. Elle a récemment ouvert un compte bancaire conjoint avec A. B. Ses paiements de pension du RPC et de la SV sont déposés dans le compte conjoint. A. B. transfère de l’argent tous les mois du compte conjoint vers le compte personnel de la requérante. Elle paie ses dépenses, y compris son loyer, à partir de ce compte. Elle n’avait pas de procuration relative aux biens ni de compte bancaire conjoint avant 2018.

[20] La réclamante a indiqué dans le questionnaire qu’elle mangeait principalement au restaurant et qu’elle conduisait une voiture pour faire des courses et rendre visite à sa famille. Elle possède un permis de conduire valide depuis des années, notamment depuis qu’elle vit et travaille à Thunder Bay. Elle est propriétaire d’une voiture depuis de nombreuses années. Elle loue actuellement une voiture de l’un de ses frères. Depuis qu’elle vit à Thunder Bay, elle se rend quotidiennement en voiture dans des restaurants et des magasins, dont au Village des valeurs. Elle fait ses courses et mange au restaurant, généralement seule, presque tous les jours. Elle n’a aucune restriction sur son permis de conduire, qu’elle a récemment renouvelé.

[21] Le Dr Stirrett, médecin de famille, a rempli un rapport médical daté du 15 mai 2017Note de bas de page 17. Il a indiqué que c’était la première fois ce jour-là qu’il voyait la requérante et qu’il ne pouvait pas fournir d’information, si ce n’est que celle qui découle de ses visites à la clinique sans rendez-vous, et selon son rapport. La requérante n’a pas de médecin de famille. Les dossiers de la clinique sans rendez-vous montrent un diagnostic de dépression en 2017, problème que le médecin a décrit comme étant actuellement possiblement stable.

[22] Le Dr Stirrett a rempli une déclaration d’incapacité datée du 15 mai 2017Note de bas de page 18. Il a indiqué que l’état de santé de la requérante ne la rendait pas incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande.

[23] Le Dr Abdulhusein, médecin de famille au Health Sciences North-Diabetes Care Center, a déclaré le 21 septembre 2017 que la requérante avait des déficiences modérées relatives à son fonctionnement psychosocial et professionnel. Elle s’est rendue à l’hôpital en février 2011 pour une surdose d’acétaminophène. Elle est sur une liste d’attente pour consulter un psychiatre. Il a vu la requérante pour la première fois en juillet 2017.

[24] Mme Clermont, infirmière praticienne également au Health Sciences North-Diabetes Care Centre, a rempli une déclaration d’incapacité datée du 28 mai 2018Note de bas de page 19. Elle y a indiqué que l’état de santé de la requérante ne la rendait pas incapable de former ou d’exprimer une intention de présenter une demande. Elle a indiqué que la famille de la requérante affirmait que son incapacité avait commencé en 2003. L’état de santé qu’elle a indiqué comme étant la raison de l’incapacité de la requérante est le même que le Dr Abdulhusein a indiqué dans son rapport du 21 septembre 2017.

[25] Il incombe à la requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations d’invalidité du RPC avant le jour où elle a réellement présenté sa demande.

[26] La déclaration d’incapacité remplie par le Dr Stirrett en mars 2017 indiquait que l’état de santé de la requérante ne la rendait pas incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande. Cette déclaration est conforme aux éléments de preuve de la requérante selon lesquels elle vivait seule dans son propre appartement avant d’arrêter de travailler en 2003 et depuis lors, sauf pendant de courtes périodes où elle vivait avec ses frères. Elle a payé son loyer et ses autres dépenses à partir de son propre compte bancaire, et récemment avec une carte de débit. Elle a un permis de conduire et conduit sa voiture ou une voiture de location depuis bien des années avant février 2003, date à laquelle elle a cessé de travailler, et depuis lors. Son permis de conduire n’est soumis à aucune restriction. Elle se rend au restaurant, au magasin, chez le médecin et dans sa famille seule au moins 90 % du temps.

[27] J’estime que la déclaration d’incapacité remplie par Mme Clermont (infirmière praticienne) en mai 2018 est incompatible avec les éléments de preuve de la requérante qui montrent qu’elle est en mesure de prendre ses propres décisions, y compris en ce qui concerne son lieu de résidence, depuis qu’elle a cessé de travailler en 2003, bien que parfois avec le soutien et l’aide de ses frères. L’infirmière a indiqué que l’incapacité de la réclamante avait commencé en 2003, sur la seule base des informations fournies par la famille de la requérante, et sans se fonder sur des renseignements médicaux antérieurs à 2011. Le médecin du Centre du diabète où Mme Clermont travaillait a déclaré le 21 septembre 2017 que le fonctionnement psychosocial et professionnel de la réclamante n’était que modérément compromis, à un niveau qui ne la rendait pas incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande.

[28] Je conclus que les activités de la requérante entre février 2003, date demandée pour le commencement du paiement de la pension d’invalidité, et avril 2017, moment auquel elle a présenté sa demande de pension d’invalidité du RPC, constituent une preuve claire de sa capacité à prendre des décisions financières pendant cette période. J’estime qu’une telle activité montre qu’elle avait pendant cette période un niveau de capacité supérieur à celui dont on doit être doté pour former ou exprimer l’intention de présenter une demande.

[29] La requérante gérait ses propres affaires, notamment ses opérations bancaires, le paiement de son loyer, ses rendez-vous, le renouvellement de son permis de conduire et le remplissage de formulaires de demande, bien que parfois avec de l’aide. Ses médecins n’ont jamais pris de mesures pour imposer des restrictions sur son permis de conduire. Il est possible qu’elle n’ait pas eu la capacité requise pendant un bref séjour à l’hôpital en 2011, mais les preuves ne permettent pas d’établir qu’une telle incapacité aurait été continue. Je conclus que la réclamante était capable de former ou d’exprimer une intention de présenter une demande de prestations d’invalidité du RPC avant le jour où elle a effectivement présenté sa demande.

[30] Ainsi, je conclus que la requérante est inadmissible aux prestations d’invalidité du RPC au titre de la loi, puisqu’elle a présenté sa demande plus de 15 mois après le commencement du paiement de sa pension de retraite du RPC et qu’elle n’était pas incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de pension d’invalidité du RPC avant le jour où a réellement présenté sa demande.

[31] Le Tribunal a été créé par voie législative et par conséquent, il dispose seulement des pouvoirs qui lui sont conférés dans sa loi habilitante. Je suis tenu d’interpréter et d’appliquer les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans le RPC et selon les décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale. Je ne peux pas utiliser les principes d’égalité ou d’équité ou prendre en considération des circonstances atténuantes, comme les difficultés financières, pour me soustraire aux dispositions du RPCou aux décisions de la Cour fédérale en faveur d’une partie requérante.

Conclusion

[32] L’appel est rejeté.

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