Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : JM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 885

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-946

ENTRE :

J. M.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale — Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Jackie Laidlaw
Date de l’audience par téléconférence : Le 14 juillet 2020
Date de la décision : Le 27 juillet 2020

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Décision

[1] Le requérant n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] Le requérant touchait une prestation d’invalidité du RPC à compter du 2 août 1995. Son invalidité est le VIH et le SIDA. La prestation a été suspendue à partir du 1er mai 2010 en raison de gains non déclarés sur un feuillet T4 de 2006 à 2009. La prestation a pris fin le 29 septembre 2010, avec effet au 1er septembre 2006. Le requérant a porté la décision en appel au Bureau du Commissaire des tribunaux de révision le 25 mars 2011. L’audience a été ajournée le 17 novembre 2011. Le Tribunal de la sécurité sociale (RPC) a rejeté l’appel le 14 août 2015 en ce qui concerne la question de savoir s’il était plus probable que le contraire que le requérant avait cessé d’être invalide à compter de septembre 2006. Une permission d’en appeler a été accordée et limitée à la question de savoir si le requérant était employé dans une occupation véritablement rémunératrice de 2006 à 2009. Le 21 septembre 2017, la division d’appel du RPC a rejeté l’appel. La question en litige dans cet appel était de savoir s’il était plus probable qu’improbable que le requérant avait cessé d’être invalide à compter de septembre 2006. Par conséquent, il existe une période sur laquelle je peux me prononcer (période de compétence) entre le 2 septembre 2006 et la fin de la période minimale d’admissibilité au 31 décembre 2007, et ce de façon continue.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, le requérant doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, il doit être déclaré invalide au sens du RPC au plus tard à la date marquant la fin de sa PMA. Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations du requérant au RPC. Je constate que la PMA du requérant prend fin le 31 décembre 2007, et ce de façon continue.

Questions en litige

[4] Les problèmes de santé du requérant que sont le VIH et le SIDA, les douleurs dorsales, les ulcères cornéens et le trouble de stress post-traumatique (TSPT) ont-ils entraîné chez lui une invalidité grave, c’est-à-dire était-il régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice entre la période de compétence du 2 septembre 2006 et le 31 décembre 2007, puis de façon continue jusqu’à ce jour?

[5] Dans l’affirmative, l’invalidité du requérant semblait-elle devoir durer pendant une période longue, continue et indéfinie entre la période de compétence du 2 septembre 2006 et le 31 décembre 2007?

Analyse

[6] L’invalidité se définit comme une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongéeNote de bas de page 1. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décès. La personne doit prouver selon la prépondérance des probabilités que son invalidité satisfait aux deux volets du critère, ce qui signifie que si le requérant satisfait seulement à un volet, il n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

Le requérant a toujours le VIH et le SIDA

[7] Personne ne conteste que le requérant souffre du SIDA et est une personne séropositive pour le VIH. En 1995, lorsqu’il a commencé à recevoir une prestation d’invalidité du RPC, la maladie était encore relativement nouvelle et inconnue et le traitement était coûteux. Aussi, le taux de mortalité des personnes atteintes de la maladie était élevé.

[8] Aujourd’hui, le requérant continue de voir son médecin de la clinique pour le VIH, le Dr Gill, qu’il a vu pour la première fois en 1995. Il en est maintenant à seulement deux médicaments par jour qu’il prend pour le VIH. Comme plus de 25 ans se sont écoulés depuis son diagnostic, je reconnais qu’il gère bien son état avec des médicaments surveillés par un même médecin.

[9] Il a déclaré être capable de travailler avec le SIDA et le VIH. Même si son employeur n’était pas au courant de sa maladie, elle n’a pas affecté sa capacité de travailler.

Le requérant a d’autres maladies

[10] Il a déclaré qu’en 2004, 2005 et 2006, il faisait l’objet de diverses études sur les médicaments. C’est pendant cette période qu’il a appris qu’il avait l’hépatite B. Il a aussi déclaré qu’il souffre d’ulcères cornéens aux deux yeux à cause du VIH. Cela s’est produit alors qu’il travaillait de mai 2006 à novembre 2009. Entre 2009 et 2018, il a signalé des problèmes gastro-intestinaux persistants, encore une fois en raison du VIH.

[11] Enfin, il a décrit un événement traumatisant impliquant sa sœur en 2012, qui a causé des lésions cérébrales traumatiques et le TSPT. Il a également signalé que le temps qu’il avait passé à travailler dans l’armée en 1977 a provoqué le TSPT. Aucun renseignement médical n’a été fourni pour démontrer que le requérant souffre toujours de TSPT depuis 1977.

[12] J’admets qu’il reste encore des séquelles, comme les problèmes gastro-intestinaux et les ulcères aux yeux à cause du VIH. Malheureusement, le requérant a refusé de donner son consentement au ministre pour que ce dernier obtienne des renseignements médicaux sur son état de santé entre septembr 2006 et décembre 2010. Il a affirmé que, selon lui, ils disposaient de tous les renseignements dont ils avaient besoin et que son diagnostic n’avait pas changé. Comme il n’y a aucune preuve à l’appui concernant les problèmes gastro-intestinaux, les ulcères cornéens ou le TSPT, je ne suis pas en mesure de décider que ces problèmes étaient graves médicalement et l’empêchaient de travailler.

Le requérant était capable de trouver et de conserver une occupation rémunératrice

[13] En 1999, le Dr Labrie, un médecin au centre de soins palliatifs de la clinique du SIDA, a écrit que le requérant est manipulateur, n’est pas honnête, et essaie d’en passer une petite vite. Il a déclaré qu’il ne conserve jamais un emploi longtemps en raison d’une personnalité instable et est souvent renvoyé pour comportement non coopératifNote de bas de page 2.

[14] Le requérant ne prétend pas être incapable de travailler à cause d’un problème de santé mentale, à part le TSPT de l’incident avec sa sœur. Cet incident est survenu en 2012, après sa PMA, et la période au cours de laquelle il a travaillé. Également, il n’y a aucun renseignement médical fourni pour la période allant de septembre 2006 à décembre 2007, ou jusqu’à ce qu’il arrête de travailler en novembre 2009, indiquant qu’il avait ou était traité pour un trait de personnalité instable. Ainsi, bien que je ne remette pas en question l’opinion du Dr Labrie, les raisons mentionnées pour son incapacité de garder un emploi ne sont étayées par aucun autre renseignement médical, ni même soutenues par le témoignage du requérant.

[15] Lorsque la capacité de travailler est prouvée, la personne doit démontrer que les efforts pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santéNote de bas de page 3.

[16] En 2006, le requérant avait envie de travailler. Il était tout le temps chez lui et voulait faire quelque chose pendant quatre heures par jour. Il recevait une prestation d’invalidité du RPC ainsi que l’Assured Income for the Severely Handicapped (AISH) [revenu garanti pour personne gravement handicapée]. Il a dit qu’il y avait un écart entre les deux prestations et le seuil de revenu autorisé. Le RPC permet à un bénéficiaire de faire jusqu’à 5000 $ par an sans que le revenu influe sur la prestation. Le seuil pour l’AISH est plus élevé.

[17] Il a vu dans les annonces d’offres d’emploi un poste de [traduction] « nettoyeur » à l’aéroport pour ATS. L’emploi est désigné comme bagagiste, mais ce n’est que la division dans laquelle l’emploi se trouve. L’emploi lui demandait d’aller dans chaque avion au sol pendant 10 minutes et de nettoyer les sièges et la cuisine. Il travaillait seul et aucun levage ou transport n’était exigé. Il travaillait à temps partiel, entre 11 h et 13 h chaque jour. Il travaillait sur trois à quatre avions.

[18] Il n’a pas postulé un emploi à temps plein parce qu’il ne voulait pas dépasser les seuils de revenus pour le RPC ou l’AISH.

[19] Cependant, il a travaillé plus qu’à temps partiel. Il a déclaré que c’était l’époque du virus H1N1 et que de nombreuses personnes étaient en congé. Il a travaillé plus d’heures, de 23 heures à 7 heures du matin à nettoyer des avions. Lorsqu’on l’appelait à la dernière minute pour des heures supplémentaires, il était payé à temps et demi.

[20] Son employeur ignorait qu’il était une personne séropositive pour le VIH. La seule mesure d’adaptation qu’il a demandée, et obtenue, a été de ne pas nettoyer les salles de toilettes en raison de ses niveaux d’immunité.

[21] Il a aussi obtenu un autre emploi à la même période. Le bureau de X était de l’autre côté du couloir à l’aéroport. Il a postulé et a été embauché pour fournir la nourriture et les services à des avions. L’emploi était de 15 heures à 23 heures cinq jours semaine. Il affirme que d’autres employés le harcelaient chez X; il a donc démissionné. Le quart a également nui au quart chez ATS. Il a travaillé seulement un mois chez X. Rien n’indique qu’il était incapable de travailler à cause de ses problèmes de santé.

[22] Il a ajouté que des collègues chez ATS l’avaient harcelé et que c’est pour cela qu’il a quitté cet emploi en novembre 2009. Une personne a retiré une chaise sur laquelle il était assis et il s’est étiré le dos. Il a affirmé que son dos n’est pas encore revenu à la normale. Encore une fois, il n’y a aucun renseignement médical sur son problème de dos et ainsi je suis incapable d’en évaluer la gravité.

[23] Il a bien dit avoir pris beaucoup de congés en raison de sa blessure au dos et du harcèlement. Le questionnaire sur l’emploi d’ATSNote de bas de page 4 indique qu’il a pris seulement 31 jours de congé de maladie au cours de son emploi entre 2006 et 2009. Cela représente environ 10 jours par an, ce qui peut être considéré dans la moyenne. Son travail était bon. Il travaillait de manière autonome et n’avait besoin que de supervision occasionnelle. Il travaillait à temps partiel, comme c’était tout ce qui était offert. L’employeur signale qu’il a démissionné et quitté l’emploi sans aucun préavis.

[24] Il a ensuite reçu des prestations régulières d’assurance-emploi (AE) du 31 janvier 2010 au 31 mars 2010. Je conviens avec le ministre que lorsqu’une personne reçoit des prestations d’AE, elle reconnaît qu’elle est prête à travailler et capable de le faire.

[25] La capacité de travailler est prouvée et le requérant était capable d’obtenir et de garder un emploi pendant trois ans. Il n’a pas cessé de travailler à cause d’un problème de santé. Il a plutôt démissionné pour d’autres raisons.

[26] Je dois évaluer le critère lié à la sévérité dans un contexte réalisteNote de bas de page 5. Cela signifie que pour décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[27] Le requérant a trouvé deux emplois malgré ses problèmes de santé. Son âge (48 ans au moment de sa PMA), son niveau d’instruction (11e année) et ses aptitudes en anglais ne l’ont pas empêché de travailler entre septembre 2006 et novembre 2009. Les mêmes facteurs ne l’ont pas empêché de décrocher l’un de ses emplois antérieurs comme chauffeur d’autobus, voiturier ou à l’emploi de l’armée ou des commissionnaires comme il l’a affirmé. Comme il pouvait travailler avec ses problèmes de santé, je ne vois aucune raison pour laquelle il n’aurait pas pu travailler après avoir démissionné en novembre 2009.

[28] En 2006, il a fait 8186 $ chez ATS et 1361 $ pour le mois chez X. Ses gains en 2007 étaient de 12 987 $; de 13 057 $ en 2008 et de 18 564 $ en 2009. Ses gains ont augmenté avec les années, ce qui, selon ses dires, venait du fait qu’il avait pris plus d’heures. Ces gains sont de l’ordre des sommes qu’il avait faites annuellement de 1979 à 1995 avant de recevoir la prestation d’invalidité du RPC. C’était un emploi à temps partiel, et il n’avait aucune raison médicale de ne pas travailler à temps plein. L’emploi n’offrait pas de quart de travail à temps plein, et il ne voulait pas prendre le risque de perdre ses prestations de l’AISH ou du RPC en travaillant à temps plein. Par conséquent, j’estime qu’il était capable de travailler à temps plein. S’il avait travaillé à temps plein, il aurait fait plus que ce qu’il avait gagné par le passé.

[29] Le montant d’une occupation « véritablement rémunératrice » ne peut pas être établi au moyen d’un chiffre universel à titre indicatif. Cela nécessite une évaluation appréciative, ce qui pourrait impliquer de tenir compte des niveaux de revenus locaux et du coût de la vie, en plus des autres conditions particulières du demandeurNote de bas de page 6.

[30] Compte tenu de l’inflation et d’autres facteurs, il a fait environ le même revenu de 2006 à 2009 que ce qu’il avait gagné de 1979 à 1995. J’en conclus que cela serait considéré comme un revenu véritablement rémunérateur.

[31] Le requérant a de plein gré postulé et obtenu deux emplois en 2006. Il a quitté les deux pour des raisons interpersonnelles et non parce qu’il était incapable de travailler à cause de sa santé, malgré le fait qu’il était toujours atteint du VIH et du SIDA. Il était capable de travailler régulièrement, en prenant en moyenne 10 jours de congé de maladie par année. Le revenu qu’il a fait était véritablement rémunérateur.

[32] J’estime que le requérant n’a pas pu prouver qu’une invalidité grave l’a rendu régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice entre le mois de septembre 2006 et le 31 décembre 2007, et ce de façon continue.

Conclusion

[33] L’appel est rejeté.

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