Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : DS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 836

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-455

ENTRE :

D. S.

Appelant (Requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Adam Picotte
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 13 août 2020
Date de la décision : Le 14 août 2020

Sur cette page

Décision

[1] Le requérant est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) payable à partir de juin 2019.

Aperçu

[2] Le requérant a travaillé comme garçon de cuisine pour des services alimentaires pendant la majorité de sa carrière. Il a effectué ce travail de 1992 à février 2019. Il a cessé de faire ce travail parce qu’il a commencé à souffrir de douleurs au dos irradiantes. Il ne pouvait plus marcher, ni soulever ou transporter des charges lourdes d’aliments, ni se pencher. Ainsi, au début de 2019, il a cessé de travailler et a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC. Le ministre a rejeté sa demande initialement et après révision. Le requérant a porté en appel la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, le requérant doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, le requérant doit être déclaré invalide au sens du RPC au plus tard à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations du requérant au RPC. Je constate que la PMA du requérant prendra fin le 31 décembre 2022. Puisque la PMA prend fin dans le futur, j’ai limité mon examen de l’admissibilité jusqu’à, et incluant, la date de l’audience.

Questions en litige

Les maux de dos du requérant constituent-ils une invalidité grave, ce qui signifie qu’il était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date du 13 août 2020?

[4] Le cas échéant, les maux de dos du requérant étaient-ils également d’une durée longue, continue et indéfinie en date du 13 août 2020?

Analyse

[5] Une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 1. Une personne est réputée avoir une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité n’est prolongée que si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès. Il incombe au requérant de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que son invalidité satisfait aux deux volets du critère; ainsi, si le requérant ne satisfait qu’un seul volet, il n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

Est-ce que les maux de dos du requérant étaient graves?

[6] La réponse brève à cette question est oui. Les maux de dos du requérant étaient graves. Je vais expliquer comment j’ai tiré cette conclusion. Je vais établir certains des faits importants en faisant référence à la preuve médicale qui m’a mené à tirer cette conclusion. Je vais également faire référence à la jurisprudence et aborder les arguments soulevés par le ministre.

[7] Le requérant a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC en septembre 2019. Dans sa demande, le requérant a écrit qu’il souffrait de douleurs au dos qui irradiaient dans ses jambes. Il a écrit qu’il ne pouvait pas soulever aucun poids ni se pencherNote de bas de page 2.

[8] Le requérant a écrit qu’il avait de la difficulté à accomplir les tâches les plus simples. Il avait de la difficulté à s’agenouiller, à s’accroupir, à se pencher, à ramasser des choses alors qu’il marchait et à rester debout ou assisNote de bas de page 3.

[9] Dans son rapport du 15 décembre 2019, le médecin de famille du requérant était d’avis que le requérant n’était pas capable de travailler en raison de la nature de son travail et de la gravité de sa douleurNote de bas de page 4.

[10] Le requérant m’a dit qu’il ne pouvait pas rester debout sur ses pieds pendant très longtemps. Il souffre de douleurs au dos qui irradient dans ses membres inférieurs. Il a tellement de douleur qu’il ne peut ni marcher ni soulever des objets. Il ne sait pas quoi faire pour gérer sa douleur. Il m’a dit qu’il était en douleur 24 heures sur 24. Il m’a dit qu’il a commencé à souffrir de douleurs en 2018. Il a continué à essayer de travailler jusqu’en 2019. Il m’a dit qu’il avait consulté son médecin et qu’on lui avait prescrit des médicaments, mais que ceux-ci n’aidaient pas.

[11] Le médecin de famille du requérant a écrit une lettre en février 2020, dans laquelle il indique que le requérant souffre de maux de dos chroniques depuis le milieu de l’année 2018. La douleur causait un inconfort au quotidien et lui imposait des limitations dans presque toutes ses activités du quotidien. Le requérant a besoin d’aide pour accomplir des tâches ménagères simples. Sa capacité à s’asseoir, à rester debout, à se pencher, à pivoter, à soulever, pousser ou tirer des objets était limitée.

[12] Le médecin de famille était d’avis que le requérant était incapable d’accomplir des tâches ardues comme il le faisait auparavant, mais aussi d’occuper un emploi sédentaire puisqu’il ne pouvait ni s’asseoir ni rester debout. Ainsi, le requérant était incapable d’occuper un quelconque emploiNote de bas de page 5.

[13] Un rapport d’imagerie par résonnance magnétique (IRM) du 30 décembre 2019 indique que le requérant était atteint de plusieurs changements liés à de la spondylarthrite, principalement à L3 et L4, et a révélé une extrusion focale discale déviant à la racine nerveuse de L3Note de bas de page 6.

[14] Le requérant m’a affirmé qu’il avait consulté des professionnels paramédicaux, mais qu’ils n’avaient pas pu l’aider. Il n’a plus d’argent et ne sait plus quoi faire.

[15] Le requérant m’a dit qu’il se levait le matin et qu’il avait de la difficulté à se préparer. Il a de la difficulté à s’habiller.

[16] Le requérant m’a dit qu’il ne s’absentait jamais au travail. Il était autrefois fort physiquement et pouvait soulever n’importe quoi. Il a perdu l’emploi qu’il aimait. Le requérant a l’impression de ne plus être en santé et affirme qu’il est désespéré.

[17] Je dois évaluer le volet du critère relatif à la gravité dans un contexte réalisteNote de bas de page 7. Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[18] Le requérant a immigré du Laos au Canada en 1989. Il n’a pas terminé ses études secondaires et n’a pas fait d’autres études ou formation. Lorsqu’il est arrivé au Canada, il a occupé des emplois manuels à court terme, jusqu’à ce qu’il obtienne un emploi comme garçon de cuisine dans un service d’alimentation. Il est important, dans mon analyse, que le requérant ait fait preuve d’une forte motivation à retourner travailler. Son emploi continu auprès d’un même employeur pendant 27 ans montre qu’il a un lien solide avec le marché du travail et qu’il est disposé à travailler dur.

[19] Il me semble évident que le requérant n’a pas de compétences ou de connaissances transférables qui lui permettraient de connaître du succès dans une autre vocation. Il est également vrai que le requérant a maintenant 57 ans. Dans un contexte réaliste, il ne peut pas occuper un emploi autre qu’un emploi manuel, puisqu’il n’a ni les compétences ni la formation pour cela. Il ne peut pas non plus occuper d’emploi manuel en raison de ses maux de dos et des limitations qui en découlent. Il n’est pas employable et ne peut occuper aucune fonction.

[20] Comme décrit ci-dessus, le ministre a affirmé que le requérant n’était pas incapable de détenir toute forme d’occupation véritablement rémunératrice. J’ai tiré une conclusion différente. Le ministre a accordé de l’importance à la recommandation du médecin que le requérant ne cesse pas de travailler. Il semble que le ministre s’est fondé sur le rapport médical produit pour la demande de pension du requérant.

[21] La question précise du rapport médical est une question à choix multiples. La question demande si l’on recommande que la personne cesse de travailler. La question n’implique pas forcément que le médecin ait recommandé que le requérant continue de travailler, comme l’a compris le ministre. La question est ambiguë, pour dire le moindre. Une partie prestataire pourrait par exemple avoir cessé de travailler, puis avoir ensuite consulté son médecin. Le requérant n’en est pas moins invalide. De plus, les lettres médicales écrites par le médecin après coup montrent clairement qu’il appuie la demande du requérant. J’accorde peu de poids à la case qu’a cochée le médecin, et bien davantage à la lettre exhaustive expliquant les limitations fonctionnelles du requérant.

[22] Le ministre a également laissé entendre que d’autres options de traitement étaient disponibles. Toutefois, le médecin de famille a également indiqué qu’il ne pensait pas que l’état de santé du requérant allait s’améliorer. De toute façon, ces autres options ne sont que de la spéculation. Compte tenu de la preuve médicale disponible, j’ai établi que le requérant avait une invalidité grave.

[23] Compte tenu de l’étendue des limitations fonctionnelles et de l’appui du médecin de famille, et compte tenu de mon analyse dans un contexte réaliste, je conclus que le requérant a une invalidité grave au sens du RPC.

Invalidité prolongée

[24] J’ai établi que le requérant avait une invalidité prolongée. Il a des douleurs constantes depuis 2018. Son médecin de famille est d’avis que son état de santé devrait rester semblable et il ne s’attend pas à ce qu’il s’améliore dans un futur rapprochéNote de bas de page 8. Pour ces raisons, je conclus que le requérant a une invalidité prolongée.

Conclusion

[25] Le requérant avait une invalidité grave et prolongée en février 2019, lorsqu’il a cessé de travailler en raison de ses maux de dos. Les paiements commencent quatre mois après la date d’admissibilité, soit en juin 2019Note de bas de page 9.

[26] L’appel est accueilli.

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