Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : JW c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 817

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-310

ENTRE :

J. W.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Virginia Saunders
Date de l’audience par téléconférence : Le 11 août 2020
Date de la décision : Le 18 août 2020

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Décision

[1] Je rejette l’appel. La requérante J. W. n’est pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). 

Aperçu

[2] La requérante a 45 ans. Elle est née et a grandi en Corée du Sud. Elle y a travaillé comme infirmière avant d’immigrer au Canada en 1999. Elle est allée à l’université pour être admise comme infirmière autorisée en Colombie-Britannique, après quoi elle a occupé des postes d’infirmières jusqu’en janvier 2014.

[3] Le dernier emploi occupé par la requérante était dans l’unité d’hémodialyse d’un hôpital de Vancouver. En août 2012, elle a subi un accident de voiture. Elle s’est arrêtée de travailler pendant quatre mois. Elle a passé la majorité de 2013 à tenter d’effectuer un retour au travail. Elle avait de la difficulté avec les tâches modifiées et n’a jamais pu retourner à ses tâches régulières. En janvier 2014, elle a pris un congé de maladie suivant les conseils de s médecin. Elle n’a pas travaillé depuis. Elle dit qu’elle est invalide en raison d’une rupture de la coiffe des rotateurs, d’une bursite, des douleurs myofasciales, de migraines, et de dépressionNote de bas de page 1.

[4] La requérante a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC en juin 2017Note de bas de page 2. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande. La requérante a interjeté appel au Tribunal de la sécurité sociale.

Ce que je dois trancher

[5] Pour avoir gain de cause, la requérante doit démontrer que son invalidité est grave et prolongée. L’invalidité de la partie requérante est grave si elle la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Son invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinieNote de bas de page 3.

[6] La requérante doit également démontrer qu’elle est devenue invalide avant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), qui est calculée en fonction de ses cotisations au RPC. La PMA de la requérante se terminera le 31 décembre 2022Note de bas de page 4.

[7] Comme la PMA de la requérante n’est pas terminée, je dois décider si elle était invalide à la date de l’audience ou avant cette date. La requérante a la responsabilité de démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était invalide.

Les motifs de ma décision

[8] La requérante a témoigné avec franchise et spontanéité lors de l’audience. Je crois qu’elle a eu des moments difficiles et qu’elle croit sincèrement qu’elle est invalide. Cependant, je ne peux pas conclure qu’elle est invalide au sens du RPC. J’en suis arrivée à la décision que j’ai rendue en tenant compte des questions suivantes.

La requérante a de nombreuses limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité d’occuper certains emplois.

[9] Je n’ai pas fondé ma décision sur le diagnostic de la requérante pour évaluer si son invalidité est grave. Elle repose sur les limitations fonctionnelles de la requérante qui l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 5. Je dois tenir compte de son état de santé en général et de tous les problèmes de santé qui nuisent à son employabilitéNote de bas de page 6.

[10] La requérante dit être atteinte de douleurs et de raideurs au cou, aux épaules et aux omoplates. Elle souffre parfois de maux de dos en raison d’une blessure antérieure liée au travail. Elle souffre de migraines, de dépression, de stress et se fait du souci. Ces problèmes de santé lui causent des difficultés dans plusieurs domaines y compris s’asseoir, se tenir debout, marcher, s’étirer, soulever des charges, se pencher, s’occuper de ses soins personnels, faire l’entretien ménager, dormir, se concentrer et se souvenir de certaines chosesNote de bas de page 7.

[11] La preuve médicale appuie les arguments de la requérante. Sa condition a été étudiée de long en large au fil des années. Une IRM a montré une rupture partielle de son épaule droiteNote de bas de page 8. Des examens de ses capacités fonctionnelles ont conclu qu’elle avait des limitations qui nuisent à sa capacité de travaillerNote de bas de page 9. Les professionnels de la santé qu’elle a consultés ne remettent pas en question ses douleurs myofasciales et autres problèmes de santé liés à l’accident de voiture qu’elle a subi en 2012, et qui se sont aggravés à la suite d’un deuxième accident de voiture en janvier 2015.

[12] La Dre Moric, la médecin de famille de la requérante, a résumé son état en juin 2019. Elle a dit que la requérante avait des blessures aux tissus mous du cou et du haut du dos, une rupture partielle de la coiffe des rotateurs et une bursite à l’épaule droite, des douleurs myofasciales, des maux de tête, et qu’elle souffrait du syndrome post-commotionnel, d’anxiété et de dépression. Ses problèmes de santé sont interreliés. Elle n’était pas en mesure d’effectuer un retour dans son emploi actuelNote de bas de page 10.

[13] La requérante n’a pas été en mesure d’obtenir un rapport plus récent de la Dre Moric en raison de la pandémie de la COVID-19. Les seuls rapports médicaux récents qu’elle a pu obtenir proviennent de ses visites régulières dans une clinique de traitement de la douleur. Ils démontrent que les douleurs de la requérante au cou et aux épaules persistentNote de bas de page 11. En cette période exceptionnelle, il serait injuste de ma part d’insister pour une mise à jour de la preuve objective de ses autres problèmes de santé. Comme je l’ai mentionné, la requérante est crédible. Je crois que sa douleur, ses maux de tête, son anxiété et sa dépression persistent comme l’a indiqué la Dre Moric en juin 2019.

[14] La preuve médicale démontre que la requérante a des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler à son poste habituel ou tout autre poste comportant des exigences physiques semblables. Ses responsabilités comprenaient la manipulation d’équipement lourd et le déplacement de patients. Elle m’a dit qu’elle devait effectuer des tâches physiques lors de son retour graduel au travail, mais qu’elle avait moins de patients et qu’elle pouvait demander de l’aide au besoin. Même avec ces mesures d’adaptation, elle avait de la difficulté. Ses tâches modifiées ont pris fin en décembre 2013. On s’attendait à ce qu’elle retourne à son emploi régulier, à temps plein, mais elle ne pensait pas pouvoir y arriver. Elle a suivi les conseils de la Dre Moric et a cessé de travailler.

Ce que la requérante a dit au sujet de sa capacité de travailler

[15] Je reconnais que les nombreux problèmes médicaux de la requérante l’empêchent d’occuper certains emplois. Cependant, pour que son invalidité soit grave, ces troubles doivent l’empêcher de gagner sa vie, pas seulement dans son domaine d’emploi habituelNote de bas de page 12.

[16] La requérante m’a dit qu’elle souhaitait trouver un emploi d’infirmière plus sédentaire, parce qu’elle ne voulait pas abandonner sa carrière. En 2015, elle a suivi des cours en ligne pour qu’elle puisse se qualifier comme éducatrice en hémodialyse. Les cours étaient faciles parce qu’elle connaissait déjà bien la matière. Elle devait seulement y consacrer de 30 minutes à deux heures par semaine. Elle pouvait aussi imprimer le matériel et l’étudier à un moment qui lui convenait.

[17] La requérante m’a dit qu’elle estime désormais qu’il était irréaliste de croire qu’elle pourrait détenir une quelconque occupation. Elle est continuellement fatiguée et souffre de douleurs. Elle éprouve des engourdissements et des picotements dans ses mains et ses pieds. Ses maux de tête sont imprévisibles. Elle serait seulement en mesure de travailler quelques heures ici et là. D’autre part, elle doit consacrer beaucoup de temps à se rendre à ses rendez-vous médicaux pour gérer son état de santé et doit composer avec l’imprévisibilité de ses symptômes. Plusieurs traitements ont été suspendus pendant la pandémie, mais la requérante s’attend à ce qu’ils reprennent comme avant. Elle estime que le nombre de rendez-vous auxquels elle doit se rendre ne lui permettrait pas de se dévouer à un emploi régulier.  

[18] L’opinion de la requérante sur sa capacité de travailler est importante, mais je dois tenir compte de la preuve objective. La preuve n’est pas évidente.

Ce que dit la preuve objective sur la capacité de la requérante de travailler

[19] La requérante a subi une évaluation des capacités fonctionnelles en novembre 2015. Elle a été évaluée par Mme Higgon, ergothérapeute et évaluatrice de la capacité de travail agréée. La requérante a démontré qu’elle pouvait effectuer la majorité des tâches exigées par son emploi. Cependant, elle a une force de préhension faible, une capacité limitée d’exécuter des tâches au-dessus de ses épaules, de faire des déplacements mécaniques et manuels, de replacer des patients ainsi que soulever, pousser et tirer des choses. Durant l’évaluation, elle n’a pas démontré de signe de fatigue. Mme Higgon a dit que la requérante pouvait recommencer à faire des quarts de travail de 12 heures, pourvu que les exigences correspondent aux fonctions qu’elle a démontrées. Elle a dit que la requérante a démontré une [traduction] « pleine capacité de force limitée/sédentaire, et dans certains cas, la capacité d’accomplir des tâches nécessitant une force légèreNote de bas de page 13 ».

[20] En juillet 2016, le Dr Anderson, psychiatre, a procédé à une évaluation médicale indépendante. Il a dit que la requérante présentait des difficultés physiques, cognitives et émotionnelles liées aux accidents d’août 2012 et de janvier 2015. Il affirme que ses symptômes physiques l’inquiétaient beaucoup et qu’elle avait vraisemblablement développé un trouble à symptomatologie somatique avec douleur prédominante (anciennement appelé trouble de douleur chronique). Elle souffrait également de trouble d’anxiété généralisée et d’un trouble dépressif chronique. Elle souffrait probablement de difficultés cognitives en raison de douleur, d’anxiété, de dépression, d’insomnie, de fatigue et de stress en général. Il a dit que la requérante [traduction] « ne serait sans doute pas employable sur le plan concurrentiel pour un certain nombre d’emplois en raison de ses difficultés persistantes sur le plan physique, cognitif et émotionnelNote de bas de page 14 ».

[21] En mars 2017, la requérante a subi une autre évaluation des capacités fonctionnelles. L’évaluation a déterminé qu’elle avait des limitations au cou, aux épaules, à la fonction du haut de son dos et à sa force. Cela l’empêchait probablement de travailler [traduction] « dans une capacité concurrentielle et valorisante à l’heure actuelle ». Si elle pouvait améliorer ses capacités fonctionnelles, elle pourrait reprendre le travail à temps partiel en occupant des postes d’infirmière moins exigeants et sédentairesNote de bas de page 15.

[22] En avril 2017, la Dre Moric a écrit un rapport exhaustif sur l’historique médical et les diagnostics de la requérante. Elle doutait que la requérante retournerait un jour à ses responsabilités d’infirmière et a dit qu’une fois qu’elle serait rétablie, elle devrait avoir des tâches plus sédentaires et moins exigeantes. Elle a dit que si l’état physique et mental de la requérante ne s’améliorait pas, ce serait difficile pour elle de travailler en raison du manque d’énergie et de concentration, d’insomnie, d’anxiété, d’irritabilité, et de la douleur qui l’affligeaitNote de bas de page 16.

[23] En 2019, la Dre Moric a écrit que la requérante n’était pas en mesure d’effectuer un retour à son emploi actuel [traduction] « pour le moment ». Elle ne pouvait pas dire quand la requérante serait en mesure de chercher un autre emploi. Elle a répondu « non » à la question [traduction] « La patiente est-elle une bonne candidate pour une forme d’essai à l’emploi ou le recyclage?Note de bas de page 17 » Ces commentaires suggèrent que la requérante n’avait pas la capacité de retourner au travail. Cependant, la Dre Moric a également dit que les restrictions ou limitations actuelles de la requérante étaient [traduction] « incapable de fournir des soins (aux patients), de soulever, de pousser, de tirer, de préparer le médicament 5-10 cc; la force de la partie supérieure du corps est très limitéeNote de bas de page 18 ». Cela laisse croire que la requérante était capable de travailler pourvu que l’emploi n’exigeait pas l’exécution des tâches décrites. Je crois que la Dre Moric se trompait lorsqu’elle a identifié les problèmes physiques de la requérante comme les seules limitations au travail. C’est ce que je crois parce que dans le même rapport, elle parle des maux de tête, d’anxiété et de la dépression de la requérante et a dit que ses problèmes de santé étaient interreliés.  

La requérante a une certaine capacité de travail

[24] La majorité de ces rapports suggèrent que la requérante a une capacité de travail limitée ou inexistante, à moins que son état ne s’améliore. Jusqu’à présent, il ne s’est pas amélioré. Cependant, les évaluations n’ont pas tenu compte d’un fait important, c’est-à-dire que la requérante a été la principale responsable des soins de sa fille depuis sa naissance il y a six ans, en juillet 2014. Cet oubli leur confère une valeur limitée pour décider si la requérante est atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC.

[25] La requérante m’a dit que sa mère est venue de la Corée du Sud pour l’aider pendant les trois premiers mois qui ont suivi la naissance de sa fille. Après son départ, la requérante a assumé presque toute la responsabilité des soins du bébé et de l’enfant, et le fait toujours. Je reconnais que la requérante a eu des difficultés, mais il n’en demeure pas moins qu’elle a réussi à donner les soins à sa fille sans beaucoup d’aide pendant la période la plus exigeante et épuisante, de la naissance à l’âge de six ans. Je ne vois aucune indication dans le dossier à savoir que ses médecins s’inquiétaient de sa capacité à le faire de façon sécuritaire et compétente. La capacité de s’occuper d’un enfant ne signifie pas toujours qu’une personne puisse régulièrement occuper un emploi véritablement rémunérateur. Mais, la durée pendant laquelle la requérante a été capable de s’occuper de sa fille m’indique qu’elle a eu une certaine capacité de travail durant cette période.

Les caractéristiques personnelles de la requérante n’avaient pas porté atteinte à sa capacité de travailler

[26] Pour décider si la requérante a une capacité de travail, je dois tenir compte d’éléments comme son âge, son niveau d’instruction, ses compétences linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie. Cela m’aide à décider si elle peut travailler dans le monde réelNote de bas de page 19.

[27] Ces facteurs jouent en la faveur de la requérante. À l’âge de 45 ans, elle est relativement jeune. Elle a un diplôme universitaire et plusieurs années d’expérience dans le domaine des soins de santé. Elle parle couramment l’anglais. Elle n’est peut-être pas en mesure d’occuper son dernier emploi, mais elle a des compétences transférables qui la rendent employable ailleurs.

[28] En raison de la preuve que la requérante avait une certaine capacité de travail, elle doit démontrer qu’elle a essayé de travailler mais qu’elle en était incapable en raison de son état de santéNote de bas de page 20. La requérante n’a pas essayé d’occuper un poste depuis janvier 2014. L’emploi qu’elle a quitté exigeait du travail physique qui était au-delà de ses capacités. Elle n’a pas essayé d’occuper un poste moins exigeant, sédentaire ou à temps partiel. Je reconnais que le Dr Anderson et d’autres professionnels de la santé doutaient de sa capacité à le faire. Cependant, comme je l’ai indiqué précédemment, ces professionnels de la santé n’ont pas considéré qu’elle pouvait s’occuper de sa fille. Je ne peux pas réconcilier leurs opinions avec ce fait.

[29] L’expérience de la requérante avec la formation en ligne en 2015 ne me dit rien sur sa capacité de travail. Elle a terminé avec succès des cours à temps partiel sur lesquels elle pouvait travailler lorsqu’elle se sentait assez bien. Il est possible qu’elle n’aurait pas pu y consacrer plus de temps ou suivre un horaire régulier si cela avait été requis. Elle aurait également pu en être capable.

L’invalidité de la requérante n’est pas grave

[30] La requérante n’a pas tenté de trouver un emploi moins exigeant, sédentaire, ou à temps partiel respectant ses limitations. Je ne peux pas conclure qu’elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Elle n’a pas prouvé que son état était grave.

Conclusion

[31] Étant donné que j’ai établi que l’invalidité de la requérante n’est pas grave, je n’ai pas examiné la question de savoir si elle est prolongée.

[32] L’appel est rejeté.

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