Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : DS c Ministre de l’Emploi et du Développement social et LS, 2020 TSS 821

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-1199

ENTRE :

D. S.

Père (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre

et

L. S.

Mère (mise en cause)


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision par : Connie Dyck
Requérante représentée par : Julia Sibbald
Date de l’audience par téléconférence : Le 19 août 2020
Date de la décision : Le 23 août 2020

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Décision

[1] Le requérant (D. S.) est admissible, au nom de son enfant (D. J.), à la prestation d’enfant de cotisant invalide (PECI) à partir de janvier 2018.

Aperçu

[2] Le requérant (père) et la mise en cause (mère) sont divorcés. Ils ont un fils. En mars 2016, la mère s’est vu accorder la PECI au nom de son fils. En novembre 2018, la mère a dit au ministre que son fils vivait chez son père qui en avait la garde et la surveillanceNote de bas de page 1. En décembre 2018, le père a déposé une demande de PECI au nom de son fils. La demande a été approuvée par le ministre et la pension est devenue payable au père en décembre 2018.

[3] Le père a interjeté appel de cette décision parce qu’il a dit qu’il avait la garde et la surveillance de son fils à partir de janvier 2018, date à laquelle la pension aurait dû lui être payable. Le ministre a modifié sa décision et a décidé que le père n’était pas admissible aux versements de la PECI, mais que la pension aurait dû être accordée à la mère pendant toute la période. Le ministre a dit [traduction] « à la suite d’un récent changement de politique administrative... les prestations sont payables au cotisant invalide lorsqu’il a un lien quelconque avec l’enfant, même minime »Note de bas de page 2. Le ministre a rétabli le versement de la PECI à la mère. Le père a interjeté appel de la décision au Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige

[4] Ce que je dois trancher :

  • si la PECI est payable au père, et;
  • si oui, le moment où la PECI devient payable au père.

La signification de « garde et surveillance »

[5] La principale question à résoudre dans cet appel est de savoir quel parent a la garde et la surveillance de l’enfant. Le Régime de pension du Canada (RPC) prévoit queNote de bas de page 3 quand la PECI est payable à un enfant qui n’a pas atteint l’âge de 18 ans, le paiement doit être fait à la personne qui a la garde et la surveillance de l’enfantNote de bas de page 4. La loi prévoit aussi que, sauf si l’enfant vit séparé d’elle ou lui, la cotisante ou le cotisant invalide est présumé, en l’absence de preuve contraire, être la personne qui en a la garde et la surveillance. Cependant, dans ce cas-ci, l’enfant ne vit pas avec la cotisante invalide.

[6] Le RPC ne définit pas l’expression « garde et surveillance ». Cependant, il existe une jurisprudence concernant son interprétation. Dans Abbott c Abbott, 2001 CSC-B 232, le juge Pitfield a affirmé ceci :

[traduction]

Au sens restreint du mot, « garde » signifie la surveillance et les soins physiques, ou la surveillance et les soins quotidiens d’un enfant. Pris au sens large, « garde » signifie tous les droits et toutes les obligations associées à la surveillance et aux soins physiques et quotidiens d’un enfant, ainsi que les droits et obligations de l’élever en veillant à sa santé physique et émotive, à son éducation, à son développement religieux ou spirituel, et à toutes les autres sphères qui ont une incidence sur son bien-être, tout en prenant des décisions à cette fin. Voir Anson c Anson (1987), 10 BCLR (2d) 357 (CCBC).

[7] J’ai aussi pris en considération ce que la Commission d’appel des pensions (CAP) a dit de la « surveillance » d’un enfantNote de bas de page 5. La CAP a jugé que le parent qui a la responsabilité de l’alimentation, l’éducation et la participation à des activités sportives et récréatives de l’enfant, et qui était financièrement responsable du bien-être de l’enfant, conservait la « surveillance » de l’enfant. L’approche de la CAP appuie l’argument que, lorsqu’il faut déterminer la « surveillance » d’un enfant afin d’établir l’admissibilité à une prestation, une approche générale est nécessaire.

La preuve montre que le père a la garde et la surveillance de l’enfant

[8] Il incombe à la personne de satisfaire aux critères de garde et de surveillance pour recevoir la PECI au nom de l’enfant. Le ministre a dit que la politique du ministère a été suivie en rétablissant le versement de la PECI à la mère. Selon le ministre, la politique précise que la PECI est payable à la cotisante ou au cotisant invalide lorsqu’elle ou il demande la prestation et informe le ministère qu’elle ou il exerce une certaine garde et une certaine surveillance de l’enfantNote de bas de page 6. La prestation demeure payable au cotisant invalide qui a une relation avec l’enfant, même minimeNote de bas de page 7. Le ministre s’est fondé sur le questionnaire rempli par la mère dans lequel elle a indiqué détenir une forme de garde et de surveillance de l’enfantNote de bas de page 8.

[9] Cela étant dit, le Tribunal n’est pas lié par les politiques du ministère. Le Tribunal est lié par le RPC. Dans la question trois du questionnaire, sur laquelle le ministre s’est fondé, la mère a dit que son fils vivait avec son père [traduction] « 100 % du temps et qu’ils se voyaient lorsqu’ils le pouvaient » et que son fils était sous la garde et la surveillance de son père à temps plein. Toutefois, à la question quatre, elle écrit qu’elle a la garde et la surveillance de son enfant et de l’influence sur lui. J’ai trouvé que les questions du questionnaire portaient à confusion et j’ai demandé à la mère de clarifier ce qu’elle a voulu dire dans ses réponses. Elle a expliqué ce qu’elle entendait par « garde, surveillance et influence ».

[10] La mère m’a dit qu’elle avait quitté le foyer à la mi-décembre 2017 et était partie vivre avec sa sœur dans une autre ville, à une distance de 32 à 80 km. Il y avait des preuves contradictoires quant à la distance exacte. À mon avis, la distance exacte n’est pas importante. La preuve est que la requérante vivait assez loin de son fils pour avoir besoin d’une voiture. La mère a dit qu’elle et son fils n’avaient pas de voiture. Son fils dépendait de son père pour lui emprunter la voiture. Par conséquent, ils ne pouvaient se voir que deux fois par mois, tout au plus. Elle a également dit que son fils était occupé par l’école, le travail, une copine et les cadets et qu’il n’avait pas beaucoup de temps pour elle.

[11] Cependant, dans son questionnaire, elle a dit [traduction] « nous nous parlons tous les jours et discutons de notre vie en détail »Note de bas de page 9. Je lui ai demandé plus de détails au sujet de cette déclaration. Elle m’a dit qu’elle avait encore de l’influence sur son fils en ce qui concerne l’école et les activités parascolaires. Par « influence », elle veut dire qu’ils discutaient de sa vie et qu’elle l’a aidé à prendre des décisions notamment au sujet de ses études secondaires. Toutefois, lorsqu’interrogée davantage, elle a expliqué qu’elle ne savait pas ce qui se passait dans la vie de son fils parce que le père ne lui permettait pas de communiquer avec lui. Elle a aussi dit que son fils n’élaborait pas lorsqu’il lui parlait de certaines choses, comme son implication dans les cadets parce que c’était [traduction] « difficile » pour lui et qu’il se sentait [traduction] « coincé entre les deux ». Elle a dit qu’elle ne conduisait pas son fils aux cadets parce que le père avait déjà prévu le transport pour lui.

[12] La mère a dit qu’une fois que son fils a eu une voiture, ils se rencontraient pour prendre un café si elle avait des rendez-vous à proximité ou pour faire marcher son chien. Il venait parfois souper avec elle dans sa ville.

[13] Je n’ai aucune raison de douter du témoignage de la mère. Cependant, je ne le considère pas comme une preuve de la garde et de la surveillance au sens des tribunaux. Avoir des contacts avec un enfant et se réunir de temps en temps n’est pas « une garde et une surveillance ».

[14] J’ai aussi accordé beaucoup de poids aux déclarations faites par la mère au ministre. En novembre 2018, lors d’une conversation téléphonique avec le ministre, elle a indiqué ne pas être le parent principalement responsable de son fils depuis son déménagement à un autre endroit. Le ministre a aussi reconnu ce qui suit dans une lettre adressée au père le 19 novembre 2018 : [traduction] « Nous reconnaissons que vous êtes responsable des soins et de la garde de cet enfantNote de bas de page 10 ». Cette reconnaissance est fondée sur de l’information fournie au ministre par la mère.

[15] Les tribunaux ont statué que la « garde » signifie tous les droits et toutes les obligations associées aux soins physiques et quotidiens d’un enfant. Selon la CAP, la « surveillance » est détenue par le parent qui avait la responsabilité de l’alimentation, l’éducation et la participation à des activités sportives et récréatives de l’enfant, et qui était financièrement responsable du bien-être de l’enfant, conservait la « surveillance » de l’enfantNote de bas de page 11. La mère a déclaré dans une lettre au Tribunal qu’elle n’était pas financièrement responsable de l’enfant. Elle a indiqué qu’elle utilisait les versements de la PECI pour survivre jusqu’à ce que le partage des biens matrimoniaux soit finalisé dans le divorceNote de bas de page 12.

[16] Selon le témoignage de la mère, le père permettait à son fils de se servir de sa voiture, était responsable du transport pour les activités parascolaires, était financièrement responsable des soins quotidiens (nourriture et logement) de son fils. Cela appuie l’idée que le père avait la « surveillance » de l’enfant.

[17] Selon la prépondérance des probabilités, je conclus que la preuve montrait que le père a la garde et la surveillance de l’enfant.

La garde et la surveillance de l’enfant par le père ont commencé en janvier 2018

[18] Les parties ont donné des dates différentes à laquelle le père a obtenu la surveillance et la garde.

[19] La mère a fourni des éléments de preuve contradictoires au sujet de la date à laquelle le père a eu la surveillance et la garde. En novembre 2018, lors d’un appel avec une personne représentant le ministre, elle a indiqué que c’était en juillet 2018 [traduction] « puisqu’elle a déménagé dans un autre endroit ». Cependant, lors de l’audience, elle a dit avoir quitté le domicile conjugal en décembre 2017. Elle a aussi écrit qu’elle a cessé de vivre avec l’enfant en décembre 2017 dans le questionnaireNote de bas de page 13. Je ne crois pas que la mère a eu l’intention de fournir des informations contradictoires. C’est ce que je crois parce que la mère dit qu’elle a [traduction] « éventuellement déménagé du domicile conjugal en novembre 2017 » et qu’elle a [traduction] « sorti ses effets personnels en juillet 2018 » dans l’affidavit fourni par le pèreNote de bas de page 14. Il est raisonnable de croire qu’elle a considéré le jour où elle a sorti ses effets personnels de la résidence comme le jour de son déménagement.

[20] Cependant, vivre dans la même maison que l’enfant ou ailleurs n’est pas un facteur déterminant dans « la garde et la surveillance ». La date à laquelle elle a déménagé de la maison, que ce soit décembre 2017 ou juillet 2018 n’est pas la question en litige dont je suis saisie. Je dois trancher la date à laquelle le père a commencé à avoir la garde et la surveillance. La preuve ne montre pas que la mère avait la garde et la surveillance de l’enfant après décembre 2017. Selon son témoignage, elle n’a pas apporté de soutien financier à son fils et elle a eu peu de contacts avec son fils entre les mois de janvier 2018 et ceux qui ont suivi. À partir de janvier 2018, le père assumait seul les soins quotidiens de l’enfant (nourriture et logement), et apportait le soutien financier. Il était également responsable des activités parascolaires de l’enfant dans les cadets et de planifier son transport.

[21] Je conclus de la preuve devant moi que le père a eu la garde et la surveillance de l’enfant depuis janvier 2018.

Conclusion

[22] La PECI est payable au père pour l’enfant à partir de janvier 2018.

[23] L’appel est accueilli.

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