Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Résumé :

Loi sur le MEDS – affaire renvoyée à la division générale (DG) – audience de novo –
Le requérant a fait une demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada qui a été rejetée par le ministre. La DG a d’abord rejeté l’appel du requérant en concluant qu’il n’était pas atteint d’une invalidité. Mais la division d’appel (DA) a par la suite conclu que la DG avait commis une erreur, et lui a renvoyé le dossier en ordonnant une audience de novo (une nouvelle audience). À ce stade, l’avocat du requérant a soutenu qu’une audience de novo signifiait que le second membre de la DG ne devait voir que le dossier que la première membre avait devant elle. L’avocat a ensuite demandé que le second membre se récuse sur la base d’une crainte raisonnable de partialité. La DG n’a toutefois décelé aucune partialité; le fait qu’il ait vu le dossier dans son intégralité n’a pas compromis le droit à l’équité procédurale. Le requérant a fait appel de cette décision interlocutoire à la DA.

La DA a conclu que le requérant était dans l’erreur en ce qui concerne la signification d’une audience dite de novo; il est difficile, voire impossible, de corriger une erreur sans rien savoir à son sujet. La décision initiale de la DG, et les décisions subséquentes de la DA, ne devraient pas être exclues du dossier porté à la connaissance du second membre de la DG. Cela mènerait à un résultat absurde; le second membre de la DG tiendrait aveuglément une audience sans comprendre ce qui l’a d’abord rendue nécessaire – au risque même de reproduire les erreurs du membre initial. La DA a conclu qu’un réexamen de la DG – même s’il est ordonné qu’elle soit de novo – permet au second membre de la DG d’examiner tous les documents disponibles ou créés par la membre initiale de la DG et les membres de la DA.

Également, insister pour une récusation sous-entend qu’un décideur ne puisse aborder un réexamen avec un esprit ouvert s’il a lu les décisions antérieures au dossier. Cela va à l’encontre de la présomption d’impartialité des cours et tribunaux. Cette présomption est si importante que la Cour suprême du Canada a imposé une norme de preuve élevée quant à l’existence d’un parti pris. Dans ce cas-ci le requérant n’a pas satisfait à cette norme. La DA a par conséquent rejeté l’appel.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : R. M. c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 743

Numéro de dossier du Tribunal: AD-19-902

ENTRE :

R. M.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimé (ministre)


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Neil Nawaz
DATE DE LA DÉCISION : Le 28 août 2020

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] La présente cause porte sur ce que signifie pour la division d’appel de renvoyer une affaire à la division générale pour la tenue d’un examen « de novo » (nouvel examen).

[3] Le requérant est un ancien directeur des ventes qui a présenté une demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada en mars 2012. Le ministre a rejeté sa demande, et en janvier 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale a rejeté son appel, jugeant que la preuve selon laquelle le requérant était incapable de travailler était insuffisante.

[4] Le requérant a interjeté appel de ce rejet à la division d’appel du Tribunal. En mars 2018, la division d’appel a décidé que la division générale avait commis une erreur en concluant que le requérant n’était pas invalide. La division d’appel a renvoyé l’affaire à la division générale pour la tenue d’une « nouvelle audience devant un membre différentNote de bas de page 1 ».

[5] En octobre 2018, un autre membre de la division générale a tenu une audience en personne. Au début de l’audience, Stephen Yormak, le représentant légal du requérant, a soulevé une objection lorsqu’il est devenu clair que le membre présidant l’audience avait examiné certains éléments liés à l’instance précédente de la division générale. Ces éléments comprenaient les arguments écrits des parties, l’enregistrement de l’audience et les motifs écrits de la décision de la première membre de la division générale. M. Yormak a fait valoir que la directive de la division d’appel de procéder à un examen de novo (nouvel examen) signifiait que le deuxième membre de la division générale était limité à ni plus ni moins que le dossier dont disposait la première membre de la division générale. Il a demandé que le deuxième membre de la division générale se récuse de l’appel, prétendant que le maintien de sa participation soulèverait une crainte raisonnable de partialité.

[6] Le membre de la division générale a ajourné l’audience pour offrir aux parties l’occasion de soumettre des observations écrites concernant la demande de récusation du requérant. Dans une décision interlocutoire datée du 24 juillet 2019, le membre a rejeté la demande de récusation du requérant parce qu’il était convaincu que le droit du requérant à l’équité procédurale ne serait pas compromis par l’utilisation de ce qu’il a appelé des [traduction] « renseignements généraux ».

[7] Le 26 juillet 2019, M. Yormak a envoyé un courriel au Tribunal demandant que la décision interlocutoire de la division générale [traduction] « soit immédiatement renvoyée à la division d’appel ». Il semble que le personnel du Tribunal n’ait pas considéré cette demande comme une demande valide de permission d’en appeler à la division d’appel et qu’au cours des huit mois suivants, de nombreux appels téléphoniques et courriels ont été échangés, visiblement pour que M. Yormak [traduction] « mette fin » à l’appel du requérant.

[8] Le 3 avril 2020, après le délai de 90 jours prescrit par la loi pour demander la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale, M. Yormak a écrit au Tribunal pour confirmer que le requérant faisait appel de la décision interlocutoire du membre de la division générale de ne pas se récuser de l’instance.

[9] Dans une décision datée du 8 mai 2020, j’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire en accordant au requérant une prorogation du délai pour présenter une demande de permission d’en appeler. J’ai également accordé au requérant la permission d’en appeler parce que j’estimais qu’il avait soulevé une cause défendable.

Questions en litige

[10] Il existe quatre moyens d’appel à la division d’appel. Toute partie requérante doit montrer que la division générale i) n’a pas respecté l’équité procédurale, ii) a commis une erreur de compétence, iii) a commis une erreur de droit, ou iv) a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 2.

[11] Je dois trancher les questions suivantes :

  1. Question en litige no 1 : Le membre de la division générale a-t-il commis une erreur lorsqu’il a décidé qu’un examen de novo (nouvel examen) lui permettait d’examiner tous les documents du dossier?
  2. Question en litige no 2 : Le refus du membre de se récuser de l’appel a-t-il créé une crainte raisonnable de partialité?

Analyse

[12] Un appel à la division d’appel peut mener à différentes issues. La division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division généraleNote de bas de page 3.

[13] Dans la présente cause, la division d’appel a renvoyé l’affaire à la division générale pour réexamen conformément à certaines directives. L’utilisation du mot « directives » plutôt que « suggestions » ou « recommandations » montre que la division générale n’a d’autre choix que de suivre les indications de la division d’appel au mieux de ses capacités.

[14] Dans ma décision du 29 mars 2018, j’ai conclu que la division générale avait fondé sa décision sur une conclusion erronée selon laquelle le requérant avait été moins que diligent en allant de l’avant avec son opération au dos. J’avais conclu l’affaire en ordonnant la réparation suivante : « Pour prévenir toute crainte de partialité, il convient en l’espèce de renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’une nouvelle audience soit tenue devant un membre différentNote de bas de page 4 ».

[15] Je dois décider si la division générale a correctement défini le terme « de novo ». Tout dépendant de l’issue, je devrai ensuite décider si le fait que la division générale soit familière avec l’ensemble du dossier donne lieu à une crainte raisonnable de partialité.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a déterminé qu’un examen de novo (nouvel examen) lui permettait d’examiner tous les documents du dossier?

[16] Que signifie « de novo »? Ce terme latin veut dire « nouveau » ou « neuf » et est couramment utilisé dans le jargon juridique canadien. Toutefois, il n’est pas évident d’emblée ce à quoi devrait ressembler une instance de novo au Tribunal.

[17] Je tiens à clarifier une chose d’entrée de jeu. Dans ses observations, le ministre a minimisé à plusieurs reprises l’importance du terme « de novo », laissant entendre que la division générale était libre de l’ignorer ou de l’interpréter comme bon lui semblait :

[traduction]
Il était loisible au membre d’examiner les documents, car aucune directive ne précisait que l’un d’eux devait être omisNote de bas de page 5.

La division d’appel n’a donné aucune directive concernant le fait de savoir si les documents au dossier, y compris l’enregistrement audio de l’audience précédente devant la division générale, devaient être mis à la disposition du nouveau membreNote de bas de page 6.

Étant donné qu’aucune autre directive que celle de désigner une nouvelle ou un nouveau membre n’a été donnée, la division générale était libre d’examiner les documents et l’enregistrement audio de l’audience précédenteNote de bas de page 7.

En renvoyant l’affaire à la division générale pour la tenue d’une nouvelle audience, la division d’appel a exercé son pouvoir de donner des directives, et a ordonné que l’affaire soit assignée à une ou un autre membre pour prévenir toute crainte de partialité. La division d’appel n’a fourni aucune autre directiveNote de bas de page 8.

[18] Selon moi, l’ordre de la division d’appel de procéder à un examen de novo était aussi important que celui de désigner une ou un autre membre de la division générale pour instruire l’affaire. Qu’à cela ne tienne, la division d’appel a utilisé un terme précis qui a une signification particulière. Elle aurait pu utiliser un autre terme et ordonner un « réexamen » ou une « nouvelle » audience, mais elle ne l’a pas fait. Elle a plutôt utilisé le terme « de novo », introduisant du même coup la jurisprudence sur la signification du terme.

Le terme « de novo » dans les dictionnaires juridiques

[19] M. Yormak préfèrerait que la division d’appel adopte les définitions qui figurent dans les dictionnaires juridiques. Selon le Black’s Law Dictionary [dictionnaire juridique Black], un [traduction] « procès de novo » est un nouveau procès portant sur l’ensemble de l’affaire, c’est-à-dire sur des questions de fait et de droit, comme si aucun procès précédent n’avait eu lieuNote de bas de page 9. Dans sa décision interlocutoire, la division générale a fait référence à deux autres définitions de dictionnaires juridiques que M. Yormak a portées à son attention :

[traduction]
À nouveau, encore une fois. Le terme « de novo »est utilisé pour désigner un procès qui recommence, dont les compteurs sont remis à zéro et qui reprend depuis le début, comme si aucune audience partielle ou complète n’avait eu lieu précédemmentNote de bas de page 10.

Une deuxième fois : à nouveau. Procès ou audience ordonnés par une cour d’appel qui a examiné le dossier d’une audience devant un tribunal inférieur et qui a renvoyé l’affaire au tribunal initial pour la tenue d’un nouveau procès, comme si l’affaire n’avait pas été instruite ni tranchée auparavantNote de bas de page 11.

[20] Selon M. Yormak, il n’y a aucun doute : tout juge ou arbitre qui préside une audience de novo peut être tout à fait impartial, mais il doit néanmoins prendre des mesures pour ne pas avoir accès aux documents présentés lors d’audiences précédentes. Parmi ces documents, je suppose, figureraient les transcriptions, les ordonnances, les décisions ou tout autre document présenté avec la participation totale ou partielle d’une ancienne ou d’un ancien juge ou arbitre.

[21] Selon moi, ces définitions juridiques du terme « de novo » sont strictes. Elles n’offrent apparemment aucune marge pour une étude approfondie de l’ensemble du dossier, comme celui dont disposait la division générale dans la présente affaire. Bien entendu, en tant que membre de la division d’appel, je ne suis pas lié par les définitions des dictionnaires juridiques, aussi convaincantes qu’elles semblent l’être. Je suis tenu de suivre la jurisprudence et les précédents. Je dois aussi examiner l’objet du Tribunal et le contexte dans lequel il exerce ses activités.

Le terme « de novo » au Tribunal de la sécurité sociale

[22] La division générale et le ministre ont cité, avec autorisation, une décision antérieure de la division générale qui expliquait ce que signifie pour la division d’appel de renvoyer une affaire pour réexamen. Dans RD c Canada, tout comme dans la présente affaire, la division d’appel a décelé une erreur dans la décision de la division générale et a ordonné la tenue d’un examen de novo. La membre de la division générale qui a tenu la deuxième audience a noté que la loi applicable ne précise pas les éléments de preuve qui peuvent être examinés dans le cadre d’un réexamen. La membre a ajouté ceci : « En l’absence de directives contraires, les témoignages et les éléments de preuve produits dans le cadre de l’appel précédent peuvent être pris en considération dans une instance visant le réexamen d’une affaire renvoyée à la division générale par la division d’appelNote de bas de page 12 ».

[23] La décision RD a manifestement influencé la division générale, même si celle-ci a reconnu qu’elle n’était pas liée par une autre décision de la division générale. J’estime que la décision RD n’est pas convaincante. Tout comme dans la présente affaire, la division générale a décidé que le terme « de novo » était essentiellement un synonyme de « nouvelle » et l’a interprété de sorte à s’appuyer, entre autres, sur l’enregistrement de l’audience précédente devant la division générale. Toutefois, bien que la membre dans RD ait compris que les directives de la division d’appel étaient sujettes à interprétation, elles ne portaient pas précisément sur la signification officielle du terme « de novo ».

[24] Dans sa décision interlocutoire, la division générale a également fait référence à une décision non exécutoire de la division d’appel du Tribunal. Dans AM c CanadaNote de bas de page 13, la division d’appel a confirmé que dans le cadre d’un réexamen, une ou un deuxième membre de la division générale peut examiner tout document produit dans le cadre de la première audience, à moins qu’il existe des questions de justice naturelle, de partialité ou d’équité procédurale. Il y a toutefois une grosse différence entre ce cas et la présente affaire. Dans AM, après avoir décelé une erreur dans la première décision de la division générale, la division d’appel a simplement renvoyé l’affaire à une ou un autre membre pour « réexamen » sans préciser s’il fallait procéder de novo. À mon avis, l’absence de ce terme a permis à la division générale d’examiner le dossier dans cette affaire comme bon lui semblait.

Le terme « de novo » devant d’autres tribunaux administratifs

[25] La division générale et le ministre se sont appuyés sur Re X, une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) qui portait sur la signification d’une audience de novoNote de bas de page 14. Tout en citant une série de décisions de première instance de la Cour fédérale, le membre présidant l’audience a écrit ceci : [traduction] « À moins que la première décision n’ait été annulée en raison d’un manquement aux règles d’équité ou de justice naturelle, il est de jurisprudence constante que l’utilisation de la transcription d’une audience précédente lors d’une audience antérieure soit autorisée ».

[26] En demandant une audience devant la division générale dont [traduction] « les compteurs sont remis à zéro », M. Yormak a invité à la prudence en examinant les pratiques d’autres tribunaux administratifs pour obtenir des conseils. Selon lui, il était tout à fait possible que le Tribunal utilise le terme « de novo » d’une manière complètement différente de celle d’un autre tribunal. Je suis d’accord sur ce point. Le Tribunal est régi par ses propres règles. Il suit des principes et des normes qui ne sont peut-être pas les mêmes que ceux d’autres organismes juridictionnels.

[27] Toutefois, M. Yormak est allé encore plus loin : il a fait valoir que les décisions judiciaires examinant les pratiques d’autres commissions et tribunaux n’apportent rien de pertinent aux audiences de novo du Tribunal. Par exemple, il a rejeté les arrêts de la Cour d’appel fédérale portant sur la CISR, prétendant que le tout fonctionne selon un processus distinct, voire unique, dans le cadre duquel les décisions vont et viennent régulièrement entre les divisions, créant un dossier commun au fur et à mesure. À titre d’illustration, il m’a renvoyé à l’affaire ThanabalasinghamNote de bas de page 15, dans laquelle on a demandé à la Cour d’appel fédérale si les contrôles des motifs de la détention par la Section de l’immigration étaient des audiences de novo en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Voici comment la Cour a répondu à cette question circonscrite :

Il était important de clarifier le sens du mot « nouvelle » dans l’expression nouvelle audience. À proprement parler, une nouvelle audience est une audience au cours de laquelle un nouveau dossier est présenté et au cours de laquelle on ne tient aucunement compte d’une décision antérieure. Ce n’est pas ce qui se produit dans un contrôle des motifs de la détention. En effet, dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Lai, le juge Campbell a déclaré que tous les facteurs liés à la détention doivent être examinés, y compris les motifs de toute ordonnance antérieure de détention.

[28] Si M. Yormak souhaitait que le présent cas montre que la CISR et le Tribunal ne sont pas comparables, il n’a pas réussi. Thanabalasingham porte sur une fonction très précise, parmi tant d’autres, selon laquelle la CISR exerce ses activités dans le cadre de son mandat. Les contrôles des motifs de la détention sont propres à la CISR et ne peuvent pas être analogues à tout ce que fait le Tribunal, mais la CISR remplit d’autres fonctions qui le peuvent. Tout comme le Tribunal, la CISR est un tribunal à deux niveaux qui comprend les divisions de première instance et d’appel. La division d’appel a le pouvoir de renvoyer une affaire à la première instance pour la tenue d’une nouvelle audience. Dans ce contexte, le Tribunal peut et doit s’inspirer des conseils de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale sur la façon dont les audiences de novo sont traitées à la CISR.

Le terme « de novo » devant la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale

[29] La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale n’ont jamais examiné ce que signifie procéder à un examen de novo au Tribunal ou, plus précisément, quels documents, le cas échéant, devraient être exclus du dossier lorsque la division d’appel ordonne à la division générale de réexaminer une affaire. Toutefois, les deux cours ont abordé des questions semblables dans le contexte du régime canadien d’immigration et de détermination du statut de réfugié.

[30] Dans Darabos c CanadaNote de bas de page 16, les parties demanderesses ont demandé une protection à titre de réfugiées au sens de la Convention, prétendant que leur vie était en danger en raison de leur appartenance à un groupe social particulier. La CISR a rejeté leur demande en partie en raison de l’enregistrement d’une audience précédente, dans laquelle il a été constaté qu’elles avaient donné un témoignage vague et incohérent sur l’étendue de leur persécution en Hongrie. La Cour fédérale a déclaré que l’utilisation de la transcription d’une audience antérieure est généralement admissible devant un tribunal différemment constitué. La Cour a également dit que « le fait d’utiliser des transcriptions d’audiences antérieures pour en arriver à des conclusions défavorables sur la crédibilité ne contrevient pas aux principes d’équité lorsque les [parties demanderesses] ont […] l’occasion d’être [entendues] et de faire des observations ».

[31] Dans Khalof c CanadaNote de bas de page 17, la Cour fédérale est arrivée à une conclusion semblable selon laquelle la question consistait à savoir si la Convention de la Section du statut de réfugié de la CISR avait enfreint les règles de justice naturelle en admettant en preuve la transcription du témoignage de la demanderesse lors de l’audience précédente devant le même tribunal. La Cour a conclu que la Convention de la Section du statut de réfugié n’avait pas commis d’erreur susceptible de révision en s’appuyant sur la transcription, mais seulement parce qu’elle ne l’avait pas utilisée pour remettre en question la crédibilité de la demanderesse. Si la Convention de la Section du statut de réfugié avait utilisé la transcription sans donner à la demanderesse la possibilité de répondre, cela aurait, selon la Cour, constitué un manquement à la justice naturelle.

[32] Dans Diamanama c CanadaNote de bas de page 18, la demanderesse et l’intimé ont consenti à une ordonnance annulant une décision de la CISR, mais n’ont pas pu s’entendre sur le libellé de l’ordonnance. La demanderesse souhaitait que l’ordonnance permette au tribunal chargé de tenir la nouvelle audience d’avoir accès à la transcription de la première audience. L’intimé voulait que l’ordonnance permette simplement de renvoyer l’affaire à un tribunal différemment constitué pour la tenue d’une nouvelle audience. En fin de compte, la Cour fédérale ne voyait aucune raison d’imposer des restrictions au deuxième tribunal :

[traduction]
Le litige en l’espèce porte sur l’évaluation de la preuve factuelle dans laquelle la crédibilité de la demanderesse est un élément essentiel. Je ne serais pas disposé à exiger qu’un décideur (en l’espèce, le deuxième tribunal) accepte une conclusion de crédibilité tirée par un autre décideur […] Le deuxième tribunal doit être libre de tenir l’audience comme bon lui semble et de rendre sa décision en renvoyant à la preuve portée à sa connaissance. Bien évidemment, le deuxième tribunal peut avoir recours à la transcription de la première audience à toutes fins utiles, mais aucune ordonnance, de ma part, conditionnant cette utilisation n’est requise ou appropriée.

[33] Plus récemment, dans Cheema c CanadaNote de bas de page 19, la Cour fédérale a confirmé qu’en principe, il est acceptable qu’un tribunal qui procède à un examen de novo utilise la transcription de la première audience comme bon lui semble pour vérifier la véracité de la version des faits de la partie requérante. Dans Cheema, toutefois, la Cour a invoqué une exception à cette règle générale qui entrait en jeu si la première audience était entachée d’un ou de plusieurs cas d’iniquité procédurale. La Cour a donc accueilli une motion de révocation d’un membre de la CISR qui avait examiné la transcription de l’audience originale parce qu’elle contenait le témoignage d’une partie co-requérante qui i) était privée d’une représentation légale et qui ii) n’avait pas été conviée à la deuxième audience pour expliquer son témoignage précédent.

[34] La tolérance des cours pour les documents antérieurs va au-delà des transcriptions. L’un des arrêts de la Cour d’appel fédérale cités dans Re X était LahaiNote de bas de page 20. Dans cette affaire, on a ordonné à la Convention de la Section du statut de réfugié de la CISR de tenir une audience de novo après qu’un tribunal antérieur a refusé le droit du requérant d’être entendu. La Cour d’appel fédérale a directement examiné si un membre de la formation pouvait lire des documents présentés lors d’instances précédentes avant de tenir une audience de novo concernant la revendication du statut de réfugié. La Cour a déterminé qu’il le pouvait :

Par conséquent, l’appelant avait droit à une nouvelle audience devant M. Khan [le deuxième membre de la formation] relativement à sa revendication et celui-ci aurait manqué à l’obligation d’agir équitablement s’il n’avait pas abordé l’affaire de façon à procéder à une nouvelle audition de la revendication du statut de réfugié sur le fondement de la preuve orale et documentaire qui lui avait été présentée à ce sujet. Cela ne signifie pas que la seconde formation ne peut, pour des raisons d’efficacité, avoir au dossier des documents produits dans le cadre de la première audience, dont le formulaire de renseignements personnels remplis par le demandeur.

[35] La Cour était certainement au fait de la définition du terme « de novo », soit celle selon laquelle [traduction] « les compteurs sont remis à zéro », mais elle a convenu que le terme permettait néanmoins à un deuxième arbitre d’examiner non seulement « des documents produits dans le cadre de la première audience », mais aussi les décisions antérieures défavorables :

Il faut procéder à une appréciation de l’ensemble de la preuve pour déterminer si une personne raisonnable serait d’avis qu’il est probable que M. Khan n’a pas offert à l’appelant une nouvelle audience comme il y avait droit de par l’obligation d’agir équitablement. Un élément unique, comme le fait que la seconde formation ait lu la décision de la première formation, ne permettra pas de trancher la question de savoir si le demandeur s’est vu refusé [sic] le droit à l’équité procédurale.

En dépit des définitions dans les dictionnaires juridiques, la Cour a conclu qu’en principe, instruire une affaire de novo était possible même si le membre du tribunal assigné à la deuxième audience avait examiné les transcriptions et les décisions liées à la première audience.

[36] En résumé, la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale accordent une grande discrétion aux membres quant au fait d’examiner les documents d’audiences antérieures. Des exceptions peuvent s’appliquer si i) des transcriptions ou des enregistrements sont utilisés pour établir la crédibilité d’un témoin sans lui avoir donné l’occasion d’être entendu ou si ii) la première décision a été annulée en raison d’un manquement aux règles d’équité procédurale ou de justice naturelle.

Le Tribunal doit adopter une approche souple et pratique pour le réexamen

[37] Comme mentionné précédemment, la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont adopté une approche souple et pratique dans le cadre du réexamen. Elles ont avant tout clairement indiqué que tout réexamen, qu’il s’agisse d’un examen de novo ou non, dépend des textes législatifs ainsi que des facteurs contextuels et des considérations de principe, y compris des principes d’équité et de justice naturelle.

[38] J’estime qu’il est utile d’examiner la nature et l’objet du Tribunal. Il s’agit d’un tribunal administratif chargé de statuer sur un très grand nombre de demandes de prestations du gouvernement fédéral « de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettentNote de bas de page 21 ». Ce mandat donne à penser que l’équité et l’efficacité doivent orienter le Tribunal. Le Tribunal est aussi bicaméral, c’est-à-dire qu’il est composé d’une division générale et d’une division d’appel, chacune ayant des rôles distincts, mais complémentaires. La division générale examine la preuve et tire des conclusions de fait, et la division d’appel cerne les erreurs commises par la division générale et accorde une réparation. Conformément à l’impératif d’efficacité, la division d’appel n’examine pas elle-même la preuve et ne tient pas à nouveau l’audience de la division générale. Elle remplit plutôt une fonction d’appel classique, soit celle de renvoyer fréquemment des affaires à la « juge des faits » pour réexamen. Lorsque la division d’appel a recours à cette réparation, elle dit clairement à la division générale qu’elle a décelé une erreur devant être corrigée.

[39] Cependant, il est difficile, voire impossible, de corriger une erreur sans en être au courant. M. Yormak a adopté un point de vue absolutiste de ce que devrait être un examen de novo, allant jusqu’à soutenir que même la décision de la division d’appel, dans laquelle le membre a décelé une erreur, ordonné le réexamen et fourni des directives, devrait être exclue du dossier porté à la connaissance du deuxième membre de la division générale. À mon avis, une approche aussi extrême, si elle était adoptée, aboutirait à une issue absurde, alors que le deuxième membre tiendrait une audience à l’aveuglette, sans comprendre ce qui l’avait justifiée en premier lieu. Dans un tel scénario, le deuxième membre risquerait réellement de reproduire sans le savoir les mêmes erreurs que celles commises à la première audience.

[40] Dans Sitsabeshan c CanadaNote de bas de page 22, la Cour fédérale a convenu que l’efficacité procédurale est une considération valable lorsqu’une ou un deuxième membre décide de revoir le dossier qui était disponible lors de la première audience :

[...] le représentant m’a informé que des tribunaux de la Convention de la Section du statut de réfugié ont hésité au cours d’une nouvelle audience à faire quoi que ce soit afin de démarrer une nouvelle audience en ignorant l’ensemble de la preuve présentée devant le tribunal antérieur. Cela me semble être un important gaspillage de ressources. Bien que, comme en l’espèce, la preuve devant le tribunal antérieur puisse ne pas être pleinement satisfaisante, il devrait être possible de surmonter la lacune dans la preuve antérieure en complétant cette preuve. Il ne devrait pas être nécessaire de revenir à la case départ.

M. Yormak craint que le deuxième membre soit inévitablement influencé par l’approche possiblement erronée de la première membre concernant la preuve et le droit. Je ne suis pas d’accord. Il convient de noter que même les définitions de « de novo » dans les dictionnaires donnent à penser qu’une deuxième audience devrait être tenue comme si la première n’avait jamais eu lieu. Les mots « comme si » donnent plus à penser au fait de faire preuve d’ouverture d’esprit plutôt qu’à celui de prendre des mesures particulières, comme le fait de retirer des documents du dossier ou de récuser des membres. Les membres du Tribunal ont la formation nécessaire pour faire preuve d’impartialité, et il est raisonnable d’assumer qu’elles et ils sont capables de ne pas tenir compte ou de regarder au-delà de renseignements pouvant possiblement porter préjudice à une partie.

[41] Pour ces raisons, j’estime que dans le contexte du Tribunal, un réexamen, même s’il s’agit d’un examen de novo, confère aux deuxièmes membres de la division générale un large pouvoir discrétionnaire d’examiner les documents dont disposaient les premières ou les premiers membres ou qui ont été produits par ceux-ci.

Question en litige no 2 : Le refus du membre de se récuser de l’appel a-t-il créé une crainte raisonnable de partialité?

[42] J’ai estimé que le deuxième membre de la division générale n’avait pas commis d’erreur lorsqu’il avait conclu qu’un examen de novo lui permettrait d’examiner tous les documents, y compris l’enregistrement de l’audience, dont disposait la première membre de la division générale.

[43] La prochaine question que je dois trancher est celle de savoir si l’intention du membre de poursuivre l’appel du requérant soulève néanmoins une crainte raisonnable de partialité. M. Yormak soutient qu’après avoir examiné l’ensemble du dossier de l’instance précédente, le deuxième membre de la division générale s’était probablement forgé une opinion tranchée, si ce n’est tiré une conclusion, au sujet de l’invalidité du requérant.

[44] Dans sa décision interlocutoire, le membre a insisté pour dire que même s’il avait lu la décision antérieure de la division générale et écouté l’enregistrement de la première audience devant la division générale, il avait réussi à faire preuve d’ouverture d’esprit concernant le réexamen. Voici ce qu’il a ajouté :

[traduction]
[…] M. Yormak ne présente aucune preuve du « préjudice » causé par ma lecture du dossier et des documents mentionnés précédemment ni aucune preuve d’une « crainte » justifiant qu’il serait préférable que je ne tranche pas l’affaire. Le fait que le Tribunal ait examiné la question auparavant ne constitue pas en soi un motif d’exclusion.

Après avoir examiné attentivement les observations des parties, j’ai estimé que malgré le fait que le deuxième membre de la division générale soit familier avec l’instance précédente, le maintien de sa participation dans ce dossier ne soulève aucune crainte raisonnable de partialité. Comme la division générale l’a noté, on présume de l’impartialité des tribunaux et des arbitres. Bien entendu, cette présomption est réfutable, mais aucune des observations du requérant n’a, à mon avis, réussi à la réfuter.

[45] La partialité dénote un état d’esprit prédisposé de quelque manière à un certain résultat. Le seuil d’établissement d’une conclusion de partialité est élevé, et il revient à la partie qui prétend qu’elle existe d’en faire la preuve. La Cour suprême du Canada a déclaré que le critère à appliquer pour déterminer la présence de partialité consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique ». De simples soupçons ne suffisent pas. On doit démontrer une réelle probabilité. La présence de partialité dépend des faits et des circonstances propres à chaque casNote de bas de page 23. Parmi les considérations pertinentes, on compte la nature de l’enquête, les règles qui régissent le tribunal, et le sujet traité.

[46] Dans la présente affaire, la division générale avait une bonne raison d’examiner l’ensemble du dossier de l’audience antérieure devant la division générale. La division d’appel a conclu que cette audience était entachée d’une erreur dans la façon dont la division générale a examiné la preuve médicale, ce qui a par la suite influencé la manière dont elle a évalué la crédibilité du requérant. Afin d’éviter de reproduire l’erreur de la première membre de la division générale, il était raisonnable que le deuxième membre de la division générale aille au‑delà de la simple lecture de la décision de la division d’appel et examine l’ensemble du dossier sous‑jacent. Le deuxième membre ne peut pas être blâmé pour avoir refusé de se récuser (ce qui aurait retardé davantage une instance qui dure maintenant depuis huit ans) parce qu’il souhaitait mieux comprendre l’erreur que la première membre de la division générale avait commise.

[47] Je suis rassuré lorsque j’examine les mesures prises par le membre jusqu’à ce jour. Il n’a jamais tenté de cacher son intérêt en découvrant ce qui s’était passé lors de la première audience, allant même jusqu’à demander des renseignements aux parties, visiblement dans le but de clarifier l’erreur décelée par la division d’appelNote de bas de page 24. Il a révélé aux parties qu’il avait examiné l’ensemble du dossier et écouté les observations après que M. Yormak a demandé sa récusation. Il a bien expliqué pourquoi le maintien de sa participation dans l’instance ne soulèverait aucune crainte raisonnable de partialité.

[48] En outre, le membre a indiqué dans sa décision interlocutoire qu’il avait l’intention d’offrir au requérant l’occasion de présenter d’autres éléments de preuve documentaires et de livrer un autre témoignage pour compléter ce qui était déjà au dossier. Il s’est engagé à examiner tout le dossier en faisant preuve d’ouverture d’esprit et à rendre une toute nouvelle décision concernant l’invalidité du requérant. Les membres de tribunaux administratifs comme celles et ceux de la division générale ne sont pas infaillibles et ont bien évidemment leur propre attitude, approche et perspective à l’égard du processus de décision, mais elles et ils reçoivent également la formation nécessaire pour évaluer la preuve aussi équitablement et objectivement que possible. Je ne vois rien qui puisse réfuter la présomption d’impartialité dans la présente affaire.

[49] Dans Janssen‑Ortho Inc c Apotex IncNote de bas de page 25, la Cour d’appel fédérale a abordé la question de la crainte raisonnable de partialité dans le cas d’une affaire qui avait été renvoyée au même membre du tribunal ayant précédemment instruit l’instance : « Il faut une raison beaucoup plus fondamentale pour justifier une récusation. De fait, il nous apparaît difficile de croire que des juges ou des tribunaux administratifs se déclareraient partiaux simplement parce qu’on leur demande de réexaminer une affaire ou de statuer à nouveau sur une affaire. »

[50] La Cour a tiré une conclusion semblable dans Gale c CanadaNote de bas de page 26 :

Nous sommes d’accord avec l’intimé que, dans les circonstances de l’espèce, l’affaire devrait être renvoyée au même arbitre. Au paragraphe 12:6320 de leur ouvrage intitulé Judicial Review of Administrative Action in Canada, édition sur feuilles mobiles (Toronto, Canvasback, 2003), Donald J. M. Brown et John M. Evans ont écrit :

[traduction]
Lorsque le tribunal administratif réexamine une affaire de sa propre initiative ou à la suite d’un contrôle judiciaire, il doit évidemment se conformer à l’obligation d’agir équitablement. [...] Et à moins qu’une cour n’en ordonne autrement, les personnes qui ont tranché l’affaire la première fois peuvent normalement la réentendre, sauf si elles se sont montrées partiales ou si, pour une quelconque raison, il existe une crainte raisonnable que le décideur original ne tranche probablement pas l’affaire de manière objective.

Il n’est question ni de partialité ni de crainte raisonnable de partialité en l’espèce. Le décideur était le vice-président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique. L’intégrité et l’impartialité d’un tel décideur se présument et, en l’absence d’une preuve indiquant le contraire, nous ne voyons aucune raison de ne pas lui renvoyer l’affaire pour qu’il rende une nouvelle décision.

[51] Les cas ci-dessus portaient sur des allégations de partialité ayant sans doute soulevé une plus grande « crainte » que celle du requérant dans la présente cause. Dans Janssen‑Ortho et Gale, les membres du tribunal ont instruit des affaires qui leur ont été renvoyées après qu’une instance supérieure a décelé des erreurs dans les décisions originales. Dans les deux cas, les membres ont reçu comme directives d’instruire à nouveau les affaires qu’elles et ils avaient déjà tranchées. Contrairement au deuxième membre de la division générale dans la présente affaire, ces membres étaient bien plus familiers avec les instances antérieures et leurs issues.

[52] Comme M. Yormak l’a souligné à juste titre, la justice ne doit pas seulement être rendue, elle doit être vue comme étant rendue. Le requérant estime que le deuxième membre de la division générale n’était pas partial à son égard. Le ministre juge que le membre est capable de trancher l’affaire du requérant de façon impartiale. Toutefois, ce que les parties estiment n’est pas pertinent. Ce qui importe, c’est la question de savoir si une personne raisonnable et bien renseignée craindrait la présence de partialité. Le mot clé est « raisonnable ».

[53] Je n’estime pas que la crainte de partialité du requérant est raisonnable. Son insistance quant au fait qu’il ne sera pas en mesure d’obtenir une audience équitable à moins que son dossier ne soit réassigné à un autre membre donne à penser qu’une personne qui agit à titre de juge ou d’arbitre ne peut pas faire preuve d’ouverture d’esprit dans le cadre d’un réexamen si elle a lu la décision de la première audience. Cela est contraire à la présomption selon laquelle les cours et les tribunaux sont impartiaux. Cette présomption est si importante que la Cour suprême du Canada a imposé une norme de preuve élevée à une partie faisant une allégation de partialité dans une instance judiciaire ou quasi judiciaire. Dans la présente affaire, le requérant ne l’a pas respectée.

Conclusion

[54] Pour les motifs énoncés précédemment, j’ai conclu que le membre de la division générale n’avait pas commis d’erreur lorsqu’il avait décidé de ne pas se récuser de l’affaire simplement parce qu’il avait lu l’ensemble du dossier. La jurisprudence la plus pertinente, lorsqu’elle est examinée dans le contexte de la nature et de l’objet du Tribunal, donne à penser qu’en l’absence de directives précises, les membres de la division générale disposent d’une grande latitude pour examiner les documents qui ont été produits lors d’audiences antérieures.

[55] Un examen de novo ne signifie pas que les documents de la première audience doivent être retirés dans le cadre du réexamen ni que les membres doivent se récuser si ce n’est pas le cas. Cela signifie plutôt que les membres doivent faire preuve d’ouverture d’esprit quant à la nouvelle instance et offrir aux parties l’occasion de présenter pleinement leur cause. Selon moi, rien n’indique que le membre dans la présente affaire a examiné le dossier du requérant avec rien de moins qu’une ouverture d’esprit.

[56] L’appel est donc rejeté. L’appel du requérant sera instruit par le même membre de la division générale.

 

Date de l’audience :

Le 15 juillet 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

R. M., appelant

Steven Yormak, représentant de l’appelant

Susan Johnstone, représentante de l’intimé

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.