Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : DL c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1159

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-1024

ENTRE :

D. L.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Brian Rodenhurst
Requérante représentée par : Bryan Delorenzi
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 21 juillet 2020
Date de la décision : Le 31 août 2020

Sur cette page

Décision

[1] La requérante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] La requérante a travaillé sur une chaîne de montage pendant un certain nombre d’années avant de devenir conductrice de chariot élévateur. Elle avait des problèmes de dos, puis un jour, en se penchant, son dos a bloqué et elle a dû consulter un médecin. Avant ce jour, elle avait du mal, mais rien comme la douleur qu’elle ressent maintenant. Elle a cessé de travailler en avril 2016. Elle soutient qu’elle a été incapable de retourner au travail en raison de son état de santé.

[3] Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité de la requérante le 16 août 2018. Le ministre a rejeté cette demande initialement et après révision. La requérante a fait appel de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[4] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, la requérante doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, la requérante doit être déclarée invalide au sens du RPC au plus tard à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations de la requérante au RPC. J’estime que la PMA de la requérante a pris fin le 31 décembre 2018.

Questions en litige

[5] Les problèmes de santé de la requérante constituent-ils une invalidité grave, ce qui signifie que la requérante était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date du 31 décembre 2018?

Analyse

[6] Une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 1. Une personne est réputée avoir une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès. Il incombe à la requérante de prouver qu’il est plus probable que le contraire que son invalidité satisfait aux deux volets du critère. Ainsi, si elle satisfait seulement à un volet, elle n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

Totalité des détériorations

[7] Je dois évaluer l’état de santé de la requérante dans sa totalité, ce qui signifie que je dois tenir compte de toutes les détériorations possibles, pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principaleNote de bas de page 2. On a demandé plusieurs fois à la requérante d’énumérer tous ses problèmes de santé et détériorations qui font en sorte qu’elle ne peut pas travailler. Elle a répondu ce qui suit : arthrite grave (bas du dos), discopathie dégénérative (bas du dos) et hernies discales (bas du dos). Elle a aussi confirmé cette réponse à une autre occasion, et je note qu’elle est conforme à ce qui se trouve dans son questionnaire signé en 2018. La requérante a affirmé que la dépression et le GERD ne sont pas des problèmes de santé qui l’empêchent de travailler. Elle a dit qu’elle a toujours eu des problèmes de dos. En avril 2016, elle s’est penchée pour ramasser quelque chose et son dos [traduction] « a barré ». Son médecin l’a placée en arrêt de travail et elle n’a pas travaillé depuis.

[8] La requérante a affirmé que si elle envisageait de retourner au travail, ce serait pour son ancien employeur. Elle demeure [traduction] « employée en théorie » et elle a des avantages sociaux, mais aucun salaire. Elle n’a pas cherché de travail ailleurs. Elle ne pense pas qu’elle pourrait travailler à cause de ses limitations et de sa douleur. Il y a des jours où elle est incapable de sortir du lit.

[9] La requérante a affirmé que sa douleur au dos est insoutenable. Sur une échelle de 1 à 10Note de bas de page 3, sa douleur au quotidien se situe à 5 ou 6 sur 10, et il y a des jours où elle se situe à 10 sur 10. Elle estime avoir trois problèmes de santé. Elle a expliqué qu’elle est atteinte d’arthrite grave au bas du dos, d’une discopathie dégénérative au bas du dos et de hernies discales au bas du dos. Par conséquent, elle est incapable de demeurer assise, de se tenir debout ou de marcher pendant plus de 30 minutes à la fois. La requérante a affirmé avoir besoin d’aide avec ses tâches ménagères, comme pour passer l’aspirateur, laver les planchers ainsi que monter et descendre les escaliers pour faire la lessive. Elle a de la difficulté à conduire son Jeep WranglerNote de bas de page 4, mais elle pense qu’elle n’aurait pas de difficulté à conduire une voiture ordinaire. Elle a expliqué que pour elle, une journée typique consiste à se lever et à ne pas faire grand-chose à part s’asseoir dans une chaise et regarder la télévision. Elle a des compétences [traduction] « moyennes » en informatique.

[10] La requérante a confirmé que ses réponses au questionnaire étaient exactes. Elle n’a pas de problèmes de concentration ou de mémoire. Même si elle ne reçoit aucun traitement pour ses troubles du sommeil, elle se réveille souvent la nuit à cause de la douleur. Elle a fait de la physiothérapie et des exercices à la maison qui lui avaient été recommandés. Elle n’a pas trouvé cela utile. Elle a consulté un spécialiste du dos qui lui a dit qu’elle était trop jeune pour se faire opérer, et il lui a recommandé de perdre du poids. Elle n’a pas perdu de poids. À la date de l’audience, elle n’avait été dirigée vers aucun spécialiste qu’elle attendait de consulter. La requérante a été aiguillée vers une clinique de gestion de la douleur. Elle s’y est rendue une fois. On lui a conseillé de prendre des médicaments, mais elle a dit ne pas vouloir en prendre et elle n’est pas retournée à la clinique. Elle était inquiète des effets secondaires que les médicaments pourraient lui causer. Récemment, elle s’est fait prescrire de l’huile de CBD. L’huile l’aide à dormir, mais elle ne fait rien pour la douleur.

La requérante est incapable de faire son travail habituel

[11] Pour décider si une invalidité est « grave », il ne faut pas se demander si la personne est atteinte de détériorations graves, mais plutôt si elle a une invalidité qui l’empêche de gagner sa vie. La détermination de la gravité de l’invalidité d’une personne ne dépend pas de son incapacité d’occuper son emploi régulier, mais plutôt de son incapacité de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 5.

[12] La requérante a affirmé que si elle retournait travailler, ce serait pour son ancien employeur. Elle ne peut pas répondre aux exigences physiques de son emploi habituel de conductrice de chariot élévateur. Son ancien employeur n’a pas de poste qui lui conviendrait et il ne lui demandera pas de revenir. Je reconnais qu’elle n’est pas capable d’effectuer son travail habituel. Pour être admissible à une pension d’invalidité, elle doit être régulièrement incapable de détenir toute occupation véritablement rémunératrice, et pas seulement son emploi en tant que conductrice de chariot élévateur.

Limitations fonctionnelles

[13] La question principale dans ces causes n’est pas de déterminer la nature ou le nom du trouble médical, mais plutôt son effet fonctionnel sur la capacité de travailler de la partie requérante Note de bas de page 6. La requérante a mal au dos et elle ne peut pas exercer d’activité physique épuisante. La question est de savoir si ses limitations l’empêchent d’avoir tout type d’occupation. J’estime que non.

[14] Le médecin de famille a fait une liste des limitations fonctionnelles le 31 juillet 2018 Note de bas de page 7. Voici les limitations énumérées sur la liste : incapacité de se pencher, de faire une rotation au niveau de la taille, de soulever des charges lourdes, d’effectuer des mouvements répétitifs, et de demeurer assise ou debout pendant de longues périodes. Il s’agit de limitations considérables. Elles n’empêchent toutefois pas d’effectuer des tâches légères ou sédentaires.

[15] Dans un rapport médical rédigé en 2017, le Dr Sleiman a affirmé que la requérante était capable de retourner au travail sans restrictions. Ses restrictions comprenaient les suivantes : incapacité de se pencher, d’effectuer une rotation, d’effectuer des mouvements répétitifs pendant trois heures, de tirer ou de pousser une charge de plus de 10 lb, de demeurer assise ou de marcher plus de 30 minutes et de soulever plus de 15 lb. Je note que la requérante n’a pas tenté de trouver un emploi qui tenait compte de ses limitations. Elle affirme que si elle devait retourner travailler, ce serait chez son ancien employeur. Elle n’a pas fait de démarches raisonnables pour trouver un emploi qui tient compte de ses limitations. La preuve médicale n’appuie pas une conclusion selon laquelle l’effet fonctionnel de ses problèmes de santé la rend incapable de détenir toute occupation.

La requérante n’a pas épuisé toutes ses options de traitement

[16] La requérante n’a pas cherché à se faire traiter pour ses problèmes de santé. On lui a conseillé de perdre du poids, mais elle ne l’a pas fait. La requérante a affirmé qu’elle n’avait pas demandé d’être dirigée vers qui que ce soit, mais qu’elle avait laissé cette décision à son médecin de famille. En plus d’avoir consulté son médecin de famille, la requérante a consulté un spécialiste et elle s’est rendue une fois à une clinique de gestion de la douleur. Elle a fait de la physiothérapie, mais n’a pas continué. Elle a aussi fait des exercices à la maison, mais quand elle a constaté que cela n’aidait pas, elle a arrêté de les faire. On s’attendrait à ce que les traitements et la gestion de la douleur lui permettent d’atténuer suffisamment ses symptômes pour qu’elle puisse occuper un emploi. Des images diagnostiques révèlent une dégénérescence modérée de la colonne lombaire. Le traitement est demeuré conservateur et aucune pathologie grave n’a été documentée. La requérante n’a pas fait de démarches raisonnables pour épuiser toutes ses options de traitement.

Rapport de l’infirmière praticienne

[17] Christine Russette, infirmière praticienne (IP), a rédigé un bref rapport d’une page le 3 mai 2019. Je note que Mme Russette a indiqué que la requérante était une nouvelle patiente. Elle était d’avis qu’en raison des douleurs chroniques de la requérante et de son incapacité à travailler, la requérante est atteinte d’un trouble dépressif majeur et d’un trouble d’anxiété généralisée. Je n’ai pas accordé beaucoup de poids au rapport de Christine Russette. Celle-ci note que la requérante est une nouvelle patiente et elle ne se prononce pas sur son état à la fin de sa PMA. Elle n’offre aucun fondement objectif pour appuyer son avis. Je note également que la requérante a affirmé que la dépression et l’anxiété ne sont pas des facteurs qui contribuent à son incapacité à travailler. L’IP a noté que la requérante avait des douleurs chroniques. La douleur chronique est une invalidité compensable. Le problème avec l’opinion concernant la douleur chronique est que l’IP n’a pas expliqué pourquoi l’état de la douleur chronique avait été noté ou si elle existait avant mai 2019. Je note que l’IP a dirigé la requérante vers la clinique de gestion de la douleur, que la requérante y est seulement allée une fois et qu’elle a refusé de prendre les médicaments recommandés par la clinique. J’estime qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve médicale objective pour prouver qu’il est plus probable que le contraire que la requérante était atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC à l’époque de la PMA et de façon continue par la suite.

Circonstances personnelles de la requérante

[18] Je dois évaluer le caractère grave du critère dans un contexte réalisteNote de bas de page 8. Cela signifie que pour décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie. Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi.

[19] La requérante n’avait que 53 ans au moment de sa PMA. Elle a terminé ses études secondaires et elle a suivi une formation technique pour conduire des chariots élévateurs. Elle a de l’expérience de travail qui lui a permis d’acquérir des compétences transférables. Elle maîtrise bien l’anglais et elle possède des connaissances en informatique. Elle n’a pas de problème de concentration ou de mémoireNote de bas de page 9, ce qui fait en sorte qu’elle pourrait poursuivre ses études ou se recycler afin d’améliorer ses compétences professionnelles. Il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve médicale ou d’élément de preuve concernant ses démarches pour trouver un emploi. J’estime que la requérante n’a pas su démontrer qu’il est plus probable que le contraire qu’elle était atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC dans un contexte réaliste.

Conclusion

[20] L’appel est rejeté.

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