Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : VL c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 816

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-460

ENTRE :

V. L.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : George Tsakalis
Requérante représentée par : Jamie Hildebrand
Date de l’audience par téléconférence : Le 20 août 2020
Date de la décision : Le 31 août 2020

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Décision

[1] La requérante n’est pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] La requérante est née en 1958. Elle a terminé sa 12e année. Elle est allée au collège et a suivi un cours de deux ans comme intervenante auprès des femmes maltraitées. Elle a aussi un certificat en coiffure. Le dernier emploi occupé par la requérante était dans un marché fermier. Elle y vendait des produits fabriqués par d’autres. Elle ne gagnait pratiquement rien en faisant ce travail. Son registre des gains démontre que la dernière fois qu’elle a gagné un salaire au-delà de l’exemption de base de l’année était en 2003Note de bas page 1. La requérante soutient qu’elle est incapable d’occuper tout type d’emploi en raison de ses problèmes de santé. Elle souffre du syndrome du canal carpien, de tendinite aux doigts et de douleurs aux épaules et aux mains. Elle a eu un caillot sanguin à la jambe droite. Elle a subi une arthroplastie des deux genoux. Elle souffre également du trouble bipolaire.

[3] Le ministre a reçu sa demande de pension d’invalidité le 29 septembre 2017. Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision. La requérante a fait appel de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[4] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, la requérante doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, elle doit être déclarée invalide au sens du RPC au plus tard à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations de la requérante au RPC. Je calcule que la fin de la PMA de la requérante était le 31 décembre 2006.

Questions préliminaires

[5] La requérante avait déjà présenté une demande de pension du RPC en août 2005. Elle a eu une audience devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR) le 8 mai 2007Note de bas page 2. Le BCTR a rejeté son appel le 27 juillet 2007. Le BCTR a estimé que la requérante n’était pas invalide au sens du RPC à la fin de la PMA qu’elle avait à ce moment-là, le 31 décembre 2005Note de bas page 3.

[6] J’ai demandé aux parties des observations sur la question de ma compétenceNote de bas page 4. J’ai souligné que la PMA de la requérante pour le présent appel était le 31 décembre 2006, contrairement au 31 décembre 2005 au moment de son audience initialeNote de bas page 5. J’ai demandé aux parties si ma compétence se limitait à la question de savoir si la requérante était devenue invalide au sens du RPC du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006.

[7] Le représentant légal de la requérante a convenu que ma compétence était limitée à la question de savoir si la requérante était devenue invalide au titre du RPC du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006Note de bas page 6.

Question en litige

[8] La requérante est-elle devenue invalide au sens du RPC du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006?

Analyse

[9] Une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas page 7. Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès. La personne doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que son invalidité présente les deux caractéristiques du critère. Autrement dit, si une seule de ces caractéristiques est présente, la personne n’est pas admissible à la pension d’invalidité.

La requérante n’a pas été en mesure de prouver qu’elle est devenue invalide au sens du RPC du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006.

[10] La requérante a témoigné qu’elle a souffert de problèmes d’arthrose grave aux genoux en 2006. Finalement, elle a eu besoin d’arthroplastie du genou droit en 2008 et du genou gauche en 2009. Elle souffrait également du syndrome du canal carpien, d’arthrose aux deux mains et de tendinite à deux doigts en 2006.

[11] La requérante a témoigné qu’elle ne pouvait pas accomplir les activités de base de la vie quotidienne, et encore moins travailler en 2006. Elle ne pouvait ni se tenir debout ni marcher en 2006. Elle ne pouvait pas nettoyer son appartement. Elle a reçu de l’aide d’un organisme communautaire et de sa mère pour prendre son bain. Elle a utilisé le transport adapté et une trottinette lorsqu’elle sortait en public.

Je ne suis pas d’accord avec l’argument du représentant légal de la requérante selon lequel elle est devenue invalide en 2006.

[12] Dans le présent cas, pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, la requérante doit être devenue invalide au sens du RPC en 2006 en raison de la doctrine de la chose jugée. La doctrine de la chose jugée empêche que des questions déjà tranchées soient remises en litige. Le BCTR a déjà tranché que la requérante n’était pas invalide à la fin de sa PMA du 31 décembre 2005. Cela signifie qu’un événement doit être survenu en 2006 qui a entraîné un changement dans la situation de la requérante qui l’a rendue invalide au sens du RPCNote de bas page 8.

[13] Le représentant légal de la requérante n’a pas été en mesure de signaler un événement déclencheur précis en 2006, mais il soutient qu’elle était bel et bien invalide avant mars 2006. Il m’a demandé de tenir compte d’un rapport d’évaluation de son invalidité rédigé le 28 mars 2006. Le rapport faisait valoir que la requérante faisait face à plusieurs restrictions. Elle avait de la difficulté à marcher. Elle avait de la difficulté à tirer les portes, tourner les poignées, à pousser et à soulever des objets lourds. La requérante avait des problèmes à s’habiller et à s’occuper de son hygiène personnelleNote de bas page 9. Le représentant légal soutient que la requérante n’était peut-être pas invalide en 2005 en raison de la décision du BCTR, mais que son état s’est aggravé en 2006 au point de devenir invalide au sens du RPC.

[14] Je ne suis pas d’accord avec cet argument. La preuve médicale et le témoignage n’appuient pas l’idée qu’un événement invalidant est survenu en 2006.

La preuve médicale ne démontre pas que la requérante est devenue invalide au sens du RPC en 2006.

[15] La preuve médicale démontre que la requérante souffrait d’arthrose bilatérale des genoux en 2003Note de bas page 10.

[16] Une ergothérapeute a rédigé un rapport le 24 novembre 2004. Celle-ci a soutenu que la requérante avait des difficultés avec ses activités de la vie quotidienne en raison d’arthrose aux membres inférieurs et supérieurs. Elle croyait qu’elle était à risque de faire une chute. Elle a recommandé que la requérante reçoive des dispositifs pour l’aider à accomplir ses activités de la vie quotidienne comme une douche téléphone, une tirette et un siège de toilette surélevéNote de bas page 11.

[17] La requérante a fait de la physiothérapie en 2005 en raison de douleurs aux mains, aux genoux et aux hanches découlant de l’arthriteNote de bas page 12. Elle a reçu un diagnostic de fibromyalgie en 2005Note de bas page 13.

[18] Un chiropraticien a rempli un rapport médical pour le ministre le 22 août 2005, à l’appui de sa demande antérieure de prestations d’invalidité. Celui-ci a souligné que la requérante souffrait de problèmes de santé chroniques y compris l’arthrose aux mains et aux poignets. La requérante était limitée dans sa capacité à se tenir debout et à marcherNote de bas page 14.

[19] La médecin de famille de la requérante a rempli un rapport médical pour le ministre le 7 décembre 2005. Sa médecin de famille a déclaré que la requérante ne pouvait pas exécuter des mouvements répétitifs ou précis avec ses mains comme taper au clavier et écrireNote de bas page 15.

[20] Lorsque j’examine la preuve médicale de 2006, j’estime qu’il ne s’est produit aucun événement invalidant qui a changé la condition médicale de la requérante. Le rapport d’évaluation de son invalidité daté du 28 mars 2006 sur lequel le représentant légal s’est fondé faisait référence à des troubles dont souffrait déjà la requérante avant le 1er janvier 2006.

[21] Les problèmes de santé antérieurs de la requérante ont continué en 2006. Elle a poursuivi la physiothérapieNote de bas page 16. Elle a consulté une psychiatre en 2006. La psychiatre lui a diagnostiqué un trouble d’anxiété social et une dépression légère. Cependant, la psychiatre a souligné que la requérante souffrait de problèmes de santé mentale depuis qu’elle avait 17 ansNote de bas page 17.

[22] Les problèmes de santé de la requérante ont continué après 2006. Elle souffrait de douleurs aux mains, aux hanches, aux genoux et aux pieds. Elle avait toujours de la difficulté à marcher et à utiliser ses mainsNote de bas page 18. En 2007, elle a reçu un diagnostic de syndrome du canal carpien bilatéralNote de bas page 19. Elle a également développé une thrombose veineuse profonde en 2007Note de bas page 20. En 2008, une chirurgienne orthopédiste a souligné que la requérante était invalide en raison de son arthriteNote de bas page 21. Elle a subi une arthroplastie du genou droit en septembre 2008Note de bas page 22 et du genou gauche en janvier 2009Note de bas page 23. Elle a reçu un diagnostic de bipolarité et de trouble alimentaire en 2011Note de bas page 24. Elle a continué de souffrir du trouble bipolaire en 2017Note de bas page 25. Un spécialiste en médecine interne a rédigé un rapport en 2017 indiquant que la requérante avait toujours des problèmes de santé mentale et physique qui nuisaient à son fonctionnementNote de bas page 26. Le spécialiste en médecine interne a déclaré que l’état de santé de la requérante ne s’était pas amélioré depuis 2006Note de bas page 27.

[23] Je reconnais que la requérante avait des problèmes de santé avant 2006 et que ces problèmes médicaux ont continué de nuire à sa capacité de travailler. Mais je ne constate aucun événement invalidant en 2006 qui l’a rendue invalide au sens du RPC.

Le témoignage de la requérante ne permet pas de conclure qu’elle est devenue invalide au sens du RPC en 2006.

[24] La requérante a témoigné qu’elle n’a pas été en mesure de conserver un emploi régulier depuis 2003, lorsqu’elle travaillait comme représentante aux prêts en ligne pour un collège communautaire. Elle a témoigné que ses problèmes de santé ont commencé avant 2006. Elle a reçu de l’aide pour prendre son bain et pour l’entretien ménager en 2005. Elle n’a pas fait de ménage depuis 2003 ou 2004.

[25] Le ministre soutient que la requérante avait une capacité de travailler en 2006 parce qu’elle a travaillé après sa PMA. Elle a occupé un emploi saisonnier à temps partiel comme vendeuse à son compte de juin 2014 à mars 2016 et elle a été travailleuse de soutien à temps partiel de décembre 2014 à juillet 2016Note de bas page 28. Mais je ne suis pas d’accord avec le ministre qu’elle avait la capacité de travailler en 2006. Les emplois qu’elle a occupés après sa PMA n’étaient pas suffisamment rémunérateurs. Elle vendait des produits faits par d’autres dans un marché fermier. Elle n’a pratiquement rien gagné en faisant ce travail et d’autres emplois de vente après sa PMA. Elle a aidé sa sœur comme aide-soignante adjointe, mais elle n’effectuait aucun travail physique.

[26] J’estime que la requérante est atteinte d’invalidité grave au sens du RPC depuis 2003, date à laquelle elle a exercé pour la dernière fois un emploi véritablement rémunérateur dans un collège communautaire comme représentante aux prêts en ligne. Je suis convaincu que la requérante souffrait de graves problèmes de santé mentale et physique qui ont entraîné des problèmes dans sa capacité à s’asseoir, à se tenir debout, à marcher, à soulever des choses, à se souvenir de certaines choses et à se concentrer. Je suis convaincu qu’elle avait un usage limité de ses mains en 2003.

[27] Cependant, mes conclusions que la requérante souffrait d’invalidité grave au sens du RPC en 2003 signifient que je dois rejeter son appel. Le ministre a souligné à juste titre que la décision rendue par le BCTR est considérée comme finale sur la question de savoir si elle était invalide au sens du RPC à partir du 31 décembre 2005Note de bas page 29. Pour avoir gain de cause dans le présent appel, la requérante devait prouver qu’elle est devenue invalide au sens du RPC en 2006, mais la preuve n’appuie pas une telle constatation.

[28] En rejetant cet appel, je ne souhaite pas minimiser la douleur et la souffrance de la requérante. Elle menait une vie active avant que son état de santé ne se détériore. Elle a suivi des cours de coiffure après son diagnostic de trouble bipolaire. Elle a géré un salon de coiffure et travaillé dans l’industrie du cinéma. Elle a aussi effectué du travail de bureau avant 2003. Mais je suis lié par la décision antérieure du BCTR qui a tranché qu’elle n’était pas invalide au sens du RPC avant le 31 décembre 2005. La décision antérieure signifie que je dois rejeter cet appel même si j’estime qu’elle souffrait d’invalidité au sens du RPC en 2003.

Conclusion

[29] L’appel est rejeté.

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