Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : MB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1112

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-120

ENTRE :

M. B.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Carol Wilton
Requérante représentée par : Glenn Jones
Date de l’audience par
vidéoconférence :
Le 5 août 2020
Date de la décision : Le 31 août 2020

Sur cette page

Décision

[1] La requérante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] La requérante avait 41 ans lorsqu’elle a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC en juin 2017. La requérante a occupé son dernier emploi comme aide d’unité dans un hôpital. Elle a subi des accidents de voiture en mai 1999 et en juin 2001. Lors du premier accident, elle a subi des entorses au cou et au haut du dos. Dans le deuxième accident, elle a subi un claquage musculaire et une irritation des facettes vertébrales lombaires liés au coup de fouet cervicalNote de bas de page 1. Elle a toutefois été en mesure de travailler comme aide d’unité dans un hôpital, d’approvisionner et maintenir des fournitures et de l’équipement médicaux à partir de 2003. Elle a déclaré qu’elle était incapable de travailler depuis juin 2015 en raison d’une bursite, de varices et de la douleur au bas du dos et à la jambe droite. Le ministre a rejeté cette demande initialement et après révision. La requérante a interjeté appel de la décision issue de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] À la suite d’une audience tenue en mai 2019 (l’audience de 2019), la division générale a rejeté l’appel de la requérante. La requérante a interjeté appel devant la division d’appel. En janvier 2020, la division d’appel a accueilli l’appel et a renvoyé l’affaire à la division générale pour une révision.

[4] Le ministre soutient que les rapports d’imagerie médicale n’ont révélé aucune conclusion importante. De plus, rien n’indique que la requérante a de la difficulté à rester assise, et elle n’a pas tenté d’occuper un autre emploi moins ardu.

[5] Pour les besoins du RPC, une invalidité est une incapacité physique ou mentale qui est grave et prolongéeNote de bas de page 2. L’invalidité est grave si elle rend une personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie.

[6] Pour que la requérante ait gain de cause, elle doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle soit devenue invalide avant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Sa PMA, la date à laquelle elle doit prouver qu’elle était invalide, est fondée sur ses cotisations au RPCNote de bas de page 3. Même si la requérante a cessé de travailler en 2015, le ministre a prolongé la PMA de la requérante en appliquant la clause pour élever des enfantsNote de bas de page 4. Celle-ci protège la période cotisable des personnes qui restent à la maison pour élever de jeunes enfantsNote de bas de page 5. La PMA de la requérante prendra fin le 31 décembre 2024. Comme cette date est dans le futur, je dois décider si la requérante était invalide à la date de l’audience.

[7] Pour éviter les dédoublements inutiles, je me suis servie de l’enregistrement de la preuve recueillie lors de l’audience initiale de la division générale en mai 2019 comme faisant partie de la preuve à l’audience en 2020. La requérante a fourni des témoignages complémentaires à l’audience que j’ai présidée.

Questions en litige

[8] Les problèmes de santé de la requérante ont-ils mené à une invalidité grave, de sorte qu’elle soit régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice? 

[9] Dans l’affirmative, son invalidité a-t-elle duré pendant une période longue, continue et indéfinie?

Invalidité grave

[10] Pour déterminer la gravité de l’état de santé de la requérante, je dois tenir compte de chaque problème de santé qui pourrait avoir une incidence sur son employabilitéNote de bas de page 6.

[11] La jurisprudence indique clairement qu’une preuve médicale est nécessaire pour appuyer une affirmation selon laquelle une invalidité est graveNote de bas de page 7.

L’invalidité de la requérante nuit à sa capacité de travailler

Le témoignage de la requérante

[12] Le témoignage de la requérante n’était pas fiable. Souvent, il ne concordait pas avec l’information qui se trouvait dans le dossier médical. De plus, en 2020, elle a donné à deux spécialistes des descriptions différentes des médicaments contre la douleur qu’elle prenait. En outre, son témoignage et celui de sa sœur au sujet de ses limitations fonctionnelles ne concordaient pas avec celui qu’elle a donné au Dr Hanada à peine quatre mois avant l’audienceNote de bas de page 8. En plus, elle a donné plusieurs différentes versions de son niveau de scolarité. Dans ces circonstances, il est nécessaire que je m’appuie davantage sur la preuve documentaire que sur le dossier oral.

[13] Dans son questionnaire du RPC de juin 2017, la requérante a déclaré qu’elle souffrait d’une douleur insupportable dans le bas du dos et des varices sur la surface de sa jambe droite. Sa douleur au genou et à la cheville l’empêchait de demeurer debout et de marcher sur de longues distances. Elle était incapable de plier les genouxNote de bas de page 9.

[14] À l’audience de 2019, la requérante a déclaré qu’elle avait une douleur aiguë à la jambe gauche et au dos. Elle a déclaré qu’elle souffrait de douleurs lombaires importantes depuis 2005. À l’audience de 2020, elle avait décrit des douleurs vives au dos et au cou. Ses genoux et ses chevilles sont enflés, et sa jambe droite est plus grosse que sa jambe gauche. Elle a aussi des maux de tête. Elle prend [traduction] « tout le temps » des médicaments pour calmer la douleur– un anti-inflammatoire (Naproxen), de l’ibuprofène et du Tylenol. Sans médicaments, son niveau de douleur est supérieur à 10/10, où 10 est la plus grande douleur imaginable. Elle a déclaré qu’elle arrivait [traduction] « à peine à vivre » à cause de la douleur et que, avec les médicaments, sa douleur est à un niveau de 8,5/10, mais le soulagement est de courte durée. De plus, les médicaments lui donnent des nausées, des étourdissements et de la fatigue, et elle a déclaré qu’elle fait des siestes la majeure partie de la journée et qu’elle dort mal la nuit. Elle a également déclaré que sa douleur est pire qu’en mai 2019. Elle porte une attelle au genou depuis 18 mois. Elle a de la difficulté à sortir du bainNote de bas de page 10.

[15] La requérante a déclaré qu’elle est incapable de s’asseoir sans douleur pendant plus de trois minutes. Elle ne peut pas marcher pendant plus de 20 minutes à cause de douleurs au dos et à la jambe. Elle a de la difficulté à monter et à descendre les escaliers. Elle ne peut pas soulever sa petite fille. Elle reçoit beaucoup d’aide du voisinage et de membres de sa famille pour s’occuper des enfants, de l’épicerie et du ménage. De plus, elle a des problèmes de mémoire et elle a de la difficulté à s’occuper de la paperasse, comme des formulaires de demande. Elle a déclaré qu’elle avait de la difficulté à se concentrer à cause de la douleur.

[16] Sa sœur, A. B., a déclaré qu’elle se rend chez la requérante environ trois jours par semaine pour l’aider. Selon elle, depuis 2015, la requérante a de la difficulté à s’occuper de la maison ou à s’occuper activement de ses enfants. Elle a également déclaré que la requérante essaie de faire ce qu’elle peut, mais que ses genoux fléchissent et qu’elle commence à boiter. Elle a également déclaré que la requérante peut avoir des problèmes de mémoire. Elle lui rappelle ses rendez-vous.

La preuve médicale n’appuie pas entièrement le témoignage de la requérante.

[17] J’ai examiné tous les éléments de preuve médicale dans le dossier d’appel, et je me suis concentrée sur les documents que je considère comme les plus pertinents ci-dessous.

Dossiers de médecins de famille

[18] La preuve médicale ne démontre pas que les problèmes de santé de la requérante ont sérieusement nui à sa capacité de travailler en 2015, lorsqu’elle a travaillé pour la dernière fois. Il n’y a aucun document appuyant le fait qu’elle a consulté sa médecin de famille au cours des trois années qui ont suivi juillet 2012Note de bas de page 11. Le 13 juillet 2015, les notes du cabinet de la Dre D. Varma, médecin de famille, indiquaient que la requérante voulait s’absenter du travail pour s’occuper de sa mère, qui avait subi un accident vasculaire cérébralNote de bas de page 12. Le 22 juillet 2015, la Dre Varma a déclaré que la prestataire voulait s’absenter du travail pendant encore six semaines parce qu’elle ne pouvait pas laisser sa mère seuleNote de bas de page 13. M. Jones, le représentant de la requérante, a déclaré qu’il y avait eu erreur dans ces notes du cabinet, puisqu’il y avait beaucoup d’autres membres de la famille disponibles pour s’occuper de la mère de la requérante. Comme il n’y a pas de preuve documentaire contredisant l’information dans les notes du cabinet de la Dre Varma, j’accorde peu de poids à cette observation.

[19] En août 2015, la requérante a consulté sa médecin de famille pour de la raideur à la jambe droiteNote de bas de page 14. Ses antécédents médicaux montrent que ses rendez-vous ultérieurs étaient liés à la grossesse jusqu’en mai et septembre 2016, date à laquelle elle a consulté sa médecin de famille pour une détresse émotionnelle liée à l’état de santé de sa mèreNote de bas de page 15.

[20] Les divers rapports de la Dre S. Malik, médecin de famille de la requérante à partir de février 2016, ne révèlent aucune déficience grave. D’octobre 2016 à novembre 2017, la Dre Malik a signalé à plusieurs reprises que la requérante marchait normalement, qu’elle avait une amplitude de mouvement normale sans douleur, qu’elle n’avait pas de sensibilité au dos et qu’elle n’avait pas d’enflure ni de déformation de sa jambe, de son genou ou de sa chevilleNote de bas de page 16. En mars 2017, les rapports d’imagerie du genou droit et de la colonne lombaire de la requérante ont donné des résultats normauxNote de bas de page 17.

[21] Dans son rapport médical au RPC de juin 2017, la Dre Malik a déclaré que la requérante s’était plainte de douleurs au dos qui s’étaient aggravées au cours des quatre dernières années. Toutefois, la douleur n’était pas projetée ailleurs, il n’y a pas eu de problèmes intestinaux ou vésicaux, et la requérante pouvait marcher normalement. La Dre Malik a signalé qu’à l’examen, il n’y avait aucune sensibilité au-dessus des articulations de la hanche et aucune sensibilité dans les muscles du dos. De plus, l’amplitude des mouvements était normale, totale et sans douleur. La Dre Malik a également déclaré que la requérante disait avoir souffert de douleurs continuelles à la jambe pendant quatre ou cinq ans. Le fait de demeurer debout aggravait la situation, et elle se sentait mieux lorsqu’elle s’allongeait. Sa jambe enflait lorsqu’elle marchait, et elle a déclaré qu’elle [traduction] « ne pouvait pas aller travailler » pour cette raison. Au moment de l’examen, il n’y avait pas d’enflure, d’engourdissement ou de déformation de la jambe, du genou ou de la cheville. L’amplitude des mouvements dans ces zones était normale. Il y avait de petites varices dans le haut de la cuisse et dans le bas de la jambe. Il n’y avait aucune sensibilité dans la jambe droite. Les os de l’arrière-pied de la requérante étaient sensibles, mais sa douleur a été gérée au moyen d’un anti-inflammatoire et d’injectionsNote de bas de page 18.

[22] En novembre 2017, la Dre Malik a rempli un formulaire médical pour l’aide sociale. Elle n’a fourni aucun diagnostic, a déclaré que le problème de santé de la requérante était léger et n’a indiqué aucune limitation fonctionnelleNote de bas de page 19.

[23] En juin 2018, Service Canada a interrogé la Dre Malik au sujet de l’état de la requérante. Elle a répondu que la requérante avait déclaré que sa douleur était grave, continue et que les médicaments n’atténuaient pas sa douleurNote de bas de page 20. Rien n’indiquait qu’elle avait fait de la physiothérapie parce qu’elle ne semblait pas en avoir besoin. La cause et la nature de sa douleur n’étaient pas claires, de sorte que tout autre analgésique serait inappropriéNote de bas de page 21. La Dre Malik n’a tiré aucune conclusion des examens physiques et n’a pas approuvé la description que la requérante a faite de son état physique et de sa réaction au traitement.

[24] En février 2020, la Dre Malik a déclaré à Service Canada qu’elle n’avait pas vu la requérante depuis mai 2018Note de bas de page 22. La requérante a déclaré que la Dre Malik lui avait dit qu’elle ne pouvait plus l’aider. Depuis ce temps, la requérante se rend dans des cliniques sans rendez-vousNote de bas de page 23.

Rapports de spécialistes

[25] La requérante a consulté deux spécialistes en 2018. En bref, en janvier 2018, le Dr Gerald MacKean, chirurgien vasculaire, pensait que le problème devait venir du dos de la requérante. Il a déclaré qu’elle était [traduction] « invalide en raison de son irritation de la colonne lombaire et de la racine nerveuse L5… ce qui lui cause beaucoup d’inconfort ». Rien n’indique qu’il ait examiné son dos, et en tant que chirurgien vasculaire, il est peu probable qu’il était qualifié pour donner une opinion à ce sujetNote de bas de page 24. En mai 2018, une IRM de la colonne lombaire a donné des résultats normauxNote de bas de page 25.

[26] En mars 2018, le Dr William Oxner, chirurgien orthopédiste, a déclaré que la requérante avait des réflexes normaux et un examen normal vasculaire et de la hanche. Elle marchait lentement et était incapable de marcher sur son talon ou ses orteils du pied droit. Elle avait une certaine limitation pour élever la jambe droite. Toutefois, ses radiographies étaient normalesNote de bas de page 26. Il a déclaré plus tard qu’il ne pouvait pas poser de diagnosticNote de bas de page 27.

[27] En janvier 2020, la Dre A. Kelland, anesthésiste et spécialiste de la douleur, a vu la requérante qui lui avait été envoyée par le Dr MacKean pour une évaluation et un traitement de la douleur chronique au bas du dos droit, au genou droit et à la cheville droite. Elle a déclaré que la requérante avait subi un grave accident de voiture en 1999. Par la suite, elle a signalé des symptômes persistants de douleur au cou, au bas du dos et au genou droit et que les symptômes ont empiré. Elle a dit à la Dre Kelland que son niveau de douleur était de 10/10 en moyenne. Elle prenait quatre comprimés de Tylenol 4 (analgésiques opioïdes) par jour, ainsi que du Naprosyn (anti-inflammatoire), [traduction] « qui ne figurait pas sur son relevé de pharmacieNote de bas de page 28 ».

[28] À la suite de l’examen, la Dre Kelland a déclaré que la requérante s’assoyait normalement et qu’elle n’avait aucune difficulté à monter sur la table d’examen. Elle boitait un peu. L’examen physique a révélé ce qui suit :

  • limitations de l’amplitude des mouvements dans le dos en raison de l’inconfort et d’une sensibilité très minime dans le côté droit du bas du dos;
  • [traduction] « peut-être » 10 % de l’extension normale (se pencher vers l’arrière) du dos. La requérante était réticence à le faire en raison d’une douleur accrue dans le dos;
  • une certaine faiblesse dans la flexion du pied droit;
  • sensibilité diffuse du genou droit, mais pas d’enflure ni de chaleur;
  • légère enflure de la cheville droite, mais bonne mobilité à cet endroit;
  • réflexes normaux;
  • varices douloureuses.

[29] La Dre Kelland a conclu que la requérante était [traduction] « invalide » en raison de sa douleur au genou droit, à la cheville et au bas du dos. Notamment, les conclusions de la Dre Kelland au sujet de la cheville droite et du genou de la requérante étaient loin de respecter la définition d’une affection invalidante, bien que sa douleur au dos était plus grave. De plus, la Dre Kelland n’a pas utilisé le mot [traduction] « invalide » dans le contexte de la définition d’invalidité du RPC. Elle n’a pas non plus expliqué les limitations fonctionnelles ou les restrictions que la requérante pourrait avoir. Elle a recommandé un programme d’autogestion de la douleur en groupe et des bas de compression. La Dre Kelland a aussi prescrit un somnifère à la requérante. La requérante a déclaré avoir revu la Dre Kelland peu avant l’audience. La Dre Kelland a renouvelé la prescription de somnifère et l’a envoyée à nouveau consulter le Dr MacKean.

[30] En avril 2020, le Dr Edwin Hanada, physiatre, a effectué une évaluation au nom de la requérante dans le cadre du litige. Il a conclu que la requérante avait une amplitude normale de mouvement des hanches, des articulations du genou et des chevilles. Elle marchait normalement. L’amplitude des mouvements dans son dos était limitée par la douleurNote de bas de page 29. Le Dr Hanada a diagnostiqué une douleur myofasciale dans le bas du dos à droite et des varices dans la jambe droiteNote de bas de page 30. La requérante ne s’était pas nécessairement complètement rétablie du point de vue médical. Toutefois, en raison de la durée de sa douleur, il était probable qu’elle ait des difficultés à long termeNote de bas de page 31.

[31] La requérante a dit au Dr Hanada qu’elle ne prenait qu’un anti-inflammatoire contre la douleur. Elle était capable de préparer les repas et de fonctionner normalement à la maison. Cependant, elle avait besoin de l’aide d’une cousine ou un cousin pour les travaux extérieurs, ainsi que de l’aide pour faire l’épicerie. Il n’y a aucune mention de toute l’aide qu’elle et sa sœur ont déclaré avoir reçue du voisinage et de ses proches, ni de l’incapacité presque totale d’effectuer les tâches ménagèresNote de bas de page 32.

[32] En ce qui concerne ses limitations fonctionnelles, le Dr Hanada a déclaré que la requérante avait de la difficulté à exécuter des activités répétitives ou prolongées qui nécessitaient une flexion du dos ou de la jambe droite. Elle avait aussi de la difficulté avec des activités qui mettaient de la pression sur son dos et sa jambe droite comme soulever des objets, se pencher, pousser et tirer des objets, et surtout faire des mouvements qui éloignent les bras de son corps. Il lui a recommandé de la physiothérapie et un bas de compression pour sa jambe droiteNote de bas de page 33.

[33] Compte tenu des limitations fonctionnelles énumérées par le Dr Hanada, j’estime que les problèmes de santé de la requérante nuisent à sa capacité de travailler.

La requérante n’a pas prouvé qu’elle n’a pas la capacité d’occuper régulièrement un emploi rémunérateur.

[34] L’employabilité est le principal élément de mesure du caractère grave de l’invalidité au titre du RPCNote de bas de page 34. C’est la capacité de travailler de la partie requérante, et non le diagnostic de sa maladie, qui détermine la gravité de son invalidité au titre du RPCNote de bas de page 35. De plus, lorsqu’il existe des éléments de preuve à l’appui d’une capacité de travail, la personne doit démontrer que ses démarches pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueuses en raison de son état de santéNote de bas de page 36.

[35] La Dre Malik a fourni des renseignements à diverses autorités selon lesquels la requérante était incapable de travaillerNote de bas de page 37. J’accorde peu de poids à ces déclarations. Il est évident selon les notes du cabinet de la Dre Malik que, malgré l’absence de preuve médicale, la requérante exerçait des pressions sur sa médecin pour qu’elle affirme qu’elle était incapable de travailler. En décembre 2016, la Dre Malik a déclaré que le principal problème de la requérante, même si tout était normal, était qu’elle avait dit qu’elle ne pouvait pas retourner au travailNote de bas de page 38. En avril 2017, les notes du cabinet de la Dre Malik mentionnaient que [traduction] « elle se plaignait parfois de maux de dos et d’autres fois de douleurs à la jambe droite malgré des résultats d’examen normaux, ses problèmes sont qu’elle ne peut pas retourner à son travail en raison de ces problèmesNote de bas de page 39 ». 

[36] La requérante a également guidé la Dre Malik sur ce qu’elle devait dire. Dans son rapport à Service Canada daté de juillet 2018, la Dre Malik a joint une note écrite de la requérante. Elle a déclaré que, selon la note de la requérante, sa douleur était grave et omniprésente. Toutefois, la Dre Malik a exhorté le ministre à lire les notes de son cabinet [traduction] « car elles pourraient vous aider à mieux comprendre la situation ». La Dre Malik a également déclaré que si la requérante ne pouvait pas tolérer un emploi impliquant une activité physique importante, elle pourrait peut-être poser sa candidature à un emploi de bureau ou un emploi de commis d’unité, ce qui est moins exigeant que le travail de bureauNote de bas de page 40. Après deux ans de contradiction entre les conclusions des examens physiques et les demandes de la requérante, il n’est pas surprenant qu’en 2018, la Dre Malik ait abandonné la requérante comme patiente. Les rapports de la médecin ne permettent pas de conclure que la requérante n’avait pas la capacité régulière d’occuper un emploi rémunérateur.

[37] En mars 2018, le Dr Oxner a déclaré que la requérante avait été absente du travail pendant deux ans en raison d’un dysfonctionnement du bas du dos et de douleurs à la jambeNote de bas de page 41. Il s’agissait du premier rendez-vous du Dr Oxner avec la requérante, et rien n’indique qu’il a lu ses dossiers médicaux, sauf ses radiographies, qui étaient normales. Je considère donc que la déclaration du Dr Oxner n’est pas fiable sur la question de la capacité de travail de la requérante. En février 2019, le Dr Oxner a déclaré qu’il ne pensait pas que la requérante serait embauchée par un employeur raisonnable dans l’état où elle se trouvait lorsqu’il l’a vue en mai 2018 pour un examen de son IRM. Il n’a pas précisé sa pensée, et il n’est pas clair qu’une telle décision relève de son domaine d’expertise. De plus, la force de son observation est minée par sa déclaration selon laquelle il ne pouvait pas faire de commentaires sur la crédibilité du compte rendu de la requérante sur son état de santéNote de bas de page 42.

[38] En avril 2020, le Dr Hanada a déclaré que, depuis juin 2015, la requérante était incapable d’accomplir les tâches normales d’aide d’unité en raison de douleurs au dos et aux jambes. Le travail d’aide d’unité comportait un certain nombre d’exigences physiques qui, selon lui, [traduction] « dépassaient ses capacités globales à ce moment-là [mis en évidence par la soussignée]Note de bas de page 43 ». Le Dr Hanada a également déclaré que, depuis décembre 2017, l’invalidité de la requérante l’a empêchée d’occuper un emploi rémunéré pour lequel elle était qualifiée grâce à son éducation, sa formation ou son expérience. Ses symptômes de douleur ont limité ses possibilités d’emploi et lui ont laissé un désavantage concurrentiel par rapport à ses pairs qui n’avaient pas de douleurs aux jambes et au dos.

[39] Le Dr Hanada a déclaré que la douleur chronique de la requérante était modérément graveNote de bas de page 44. Toutefois, une personne qui souffre de douleur chronique doit établir que la douleur l’a empêché d’occuper régulièrement un emploi rémunérateurNote de bas de page 45.

[40] Le Dr Hanada a déclaré que l’invalidité de la requérante était grave et prolongée et qu’elle était incapable de détenir régulièrement un emploi rémunérateurNote de bas de page 46. En ce qui concerne la question de savoir si une incapacité est grave et prolongée, il revient au Tribunal, et non à un médecin, de trancherNote de bas de page 47.

[41] Le Dr Hanada a fondé sa conclusion au sujet de l’employabilité de la requérante sur trois facteurs, soit les limitations physiques qui remontent à 2014, son incapacité de continuer à travailler comme aide d’unité en raison de ces limitations à compter de 2015 et ses difficultés dans ses activités de la vie quotidienne. Les deux premiers points concernent le critère prolongé plutôt que le critère graveNote de bas de page 48. En ce qui concerne ses activités de la vie quotidienne, la requérante a dit au Dr Hanada qu’elle était capable de faire des choses à la maison en prenant des anti-inflammatoires, mais qu’elle avait besoin d’aide pour les travaux extérieurs et l’épicerie. La requérante a déclaré qu’elle n’a pas de voiture, donc le fait qu’elle reçoive de l’aide pour faire l’épicerie ne permet pas de conclure qu’elle a des limitations physiques invalidantes. De plus, le fait qu’elle reçoive de l’aide pour les travaux extérieurs ne permet pas de conclure qu’elle n’a pas la capacité de travailler régulièrement.

[42] J’accepte la décision du Dr Hanada selon laquelle, en avril 2020, la requérante n’était pas en mesure de travailler comme aide d’unité. Il a fondé sa conclusion sur un examen physique récent et les fortes exigences physiques d’un tel travail. J’accepte également sa conclusion selon laquelle les symptômes de douleur de la requérante la désavantagent par rapport à ses pairs. Ni l’une ni l’autre de ces constatations n’appuie la conclusion selon laquelle la requérante est régulièrement incapable d’occuper un emploi rémunérateur. Je remarque que le Dr Hanada n’a pas indiqué que la requérante ne pouvait pas rester assise. Il n’a pas non plus déclaré que la douleur de la requérante l’empêchait de se recycler.

[43] Afin de décider si le problème de santé de la requérante était grave, je dois adopter une approche « réaliste » et tenir compte de facteurs comme son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vieNote de bas de page 49. La requérante n’a que 44 ans; il lui reste donc environ deux décennies avant d’atteindre l’âge de la retraite. Bien que son ancien travail avait souvent des exigences physiques élevées, son âge ne serait pas un obstacle au recyclage ou à la maîtrise de l’informatique. Elle est anglophone. La requérante et sa sœur ont toutes deux déclaré qu’elle était une employée exemplaire. Aucune de ces caractéristiques personnelles ne limiterait ses possibilités d’emploi. 

[44] Au cours des longues procédures devant le Tribunal, la requérante a affirmé avoir un niveau de scolarité inférieur à ce qu’elle avait précédemment mentionné. Au lieu d’avoir obtenu sa 12e année comme mentionné dans son questionnaire du RPC, à l’audience de 2019, elle a dit n’avoir que l’équivalent d’une 10e année, puis d’une 9e année à l’audience suivante (2020). Elle a également affirmé avoir rapidement échoué au programme de [traduction] « préposés aux soins personnels » dont elle prétendait auparavant détenir un diplôme. Au moment de l’audience de 2020, elle a déclaré qu’elle était dans des classes spéciales à l’école et qu’elle avait même eu besoin de beaucoup d’aide pour remplir son questionnaire du RPC. La seule preuve dont je dispose au sujet de son niveau de scolarité montre qu’elle a terminé sa 9e année (secondaire), avec des notes allant de 47 % à 64 %Note de bas de page 50. Elle n’a fourni aucune preuve documentaire pour la suite de ses études. Cependant, étant donné que ces versions n’étaient pas fiables à ce sujet, je conclus qu’elle n’a pas démontré qu’elle n’a qu’une 9e année d’études ou que, comme elle l’a dit, elle n’a pas été en mesure de terminer d’autres années d’études secondaires. Les éléments de preuve dont je dispose ne démontrent pas que la requérante n’est pas une bonne candidate à se recycler ou à occuper un autre emploi dans un rôle moins exigeant physiquement que celui d’aide d’unité.

[45] La requérante n’a pas cherché un autre emploi depuis 2015, et la preuve indique qu’elle a une capacité de travail résiduelle. Elle n’a pas réussi à démontrer que les efforts déployés pour trouver et conserver un emploi n’ont pas porté fruit en raison de son état de santéNote de bas de page 51.Je conclus donc qu’il est plus probable qu’improbable que l’invalidité de la requérante n’est pas grave.

Invalidité prolongée

[46] Puisque j’ai conclu que la requérante n’était pas atteinte d’une invalidité grave, je ne suis pas tenue de me prononcer sur le caractère prolongé de l’invalidité.

Conclusion

[47] L’appel est rejeté.

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