Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : J. B. c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 775

Numéro de dossier du Tribunal: AD-20-636

ENTRE :

J. B.

Appelante

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimé


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Valerie Hazlett Parker
DATE DE LA DÉCISION : Le 14 septembre 2020

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] J. B. (requérante) a travaillé comme caissière pendant de nombreuses années. Elle a commencé à avoir des problèmes aux genoux et aux chevilles. Elle a cessé de travailler quand elle a aussi eu le cancer et qu’elle a dû se faire opérer. En décembre 2016, la requérante a commencé à recevoir une pension de retraite du Régime de pensions du Canada. En février 2018, elle a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, affirmant être invalide en raison de l’arthrite à ses genoux et du problème à sa cheville droite.

[3] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande de pension d’invalidité présentée par la requérante. Celle-ci a appelé de la décision au Tribunal. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel. Elle a décidé que la requérante ne pouvait pas faire remplacer sa pension de retraite par une pension d’invalidité parce qu’elle n’était pas invalide avant de commencer à toucher sa pension de retraite.

[4] La permission d’appeler de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal a été accordée parce que l’appel avait une chance raisonnable de succès au motif que la division générale avait commis une erreur de droit en rendant sa décision sans tenir compte du problème de la requérante à la cheville droite. La division générale a commis l’erreur en question. Par contre, après avoir corrigé l’erreur, je suis parvenue à la même conclusion que la division générale. La requérante n’était pas invalide avant de commencer à toucher une pension de retraite.

Questions en litige

[5] La division générale a-t-elle agi de manière inéquitable en ne permettant pas à la requérante de présenter tous ses arguments?

[6] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte du problème que la requérante avait à la cheville?

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en fournissant trop peu de motifs pour expliquer sa décision?

[8] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur de fait importante quand elle a déclaré que la requérante n’avait bénéficié d’aucune mesure d’adaptation à son travail?

[9] Si la division générale a commis l’une ou l’autre des erreurs ci-dessus, quelle est la réparation que devrait accorder la division d’appel?

Analyse

[10] Un appel à la division d’appel du Tribunal n’est pas une nouvelle occasion de débattre de la demande originale. En fait, la division d’appel peut seulement décider si la division générale :

  1. a offert une procédure inéquitable;
  2. a omis de statuer sur une question qu’elle aurait dû trancher ou a statué sur une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. a commis une erreur de droit;
  4. a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

Défaut d’offrir une procédure équitable

[11] Dans sa demande à la division d’appel, la requérante a écrit que la division générale a offert une procédure inéquitable et a commis une erreur de droit. Elle a écrit qu’elle n’a pas eu l’occasion de présenter tous ses arguments à la division générale parce que le membre du Tribunal posait des [traduction] « questions programmées », donc elle n’a pas pu expliquer ses arguments au complet.

[12] Par contre, à l’audience de l’appel, la requérante a affirmé qu’elle a pu dire tout ce qu’elle voulait dire à l’audience de la division générale. J’ai aussi écouté l’enregistrement audio de cette audience. La requérante a eu toutes les chances de faire valoir sa position et de fournir des réponses complètes aux questions qui lui étaient posées.

[13] La division générale a offert une procédure équitable. À cet égard, il est impossible d’accueillir l’appel.

Erreur de droit

[14] La requérante soutient que l’arthrite à ses deux genoux et à sa cheville droite la rend invalide. Dans le rapport médical déposé au Tribunal, le médecin de la requérante a précisé qu’elle avait de l’arthrite aux deux genoux et à la cheville droite. De plus, une vis insérée dans sa cheville ressortait et il faudrait la retirer.

[15] Pour décider si une personne est invalide, on doit examiner tous les problèmes de santé de la personne, pas seulement le problème principalNote de bas de page 2. La division générale ne mentionne pas le problème à la cheville de la requérante dans sa décision. Rien dans la décision ne laisse croire que la division générale s’est penchée sur ce problème ou a soupesé les éléments de preuve le concernant. Cela constitue une erreur de droit. Par conséquent, la division d’appel doit intervenir et accorder réparation aux parties.

Autres questions en litige

[16] Comme la division d’appel doit intervenir pour le motif décrit ci-dessus, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres moyens d’appel de la requérante.  

Réparation

[17] Lorsqu’elle intervient, la division d’appel peut appliquer différentes mesures de réparation. Elle a le pouvoir de faire ce qui suit :

  1. rendre la décision que la division générale aurait dû rendre;
  2. renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle la réexamine;
  3. confirmer, infirmer ou modifier la décision de la division générale.

[18] Il convient que la division d’appel rende la décision que la division générale aurait dû rendre dans la présente affaire pour les raisons suivantes :

  1. Les faits ne sont pas contestés.
  2. Le dossier est complet. Il n’y a aucun autre élément de preuve à déposer.
  3. Les deux parties demandent que la division d’appel rende la décision que la division générale aurait dû rendre.
  4. La loi prévoit que le Tribunal peut trancher toute question de droit ou de fait pour rendre une décision sur un appelNote de bas de page 3.
  5. Le Tribunal doit régler les appels de la manière la plus rapide et économique que l’équité et la justice naturelle permettentNote de bas de page 4.
  6. Cette affaire a déjà duré plus de deux ans et il y aurait des délais supplémentaires si elle était renvoyée à la division générale.  

La requérante n’est pas invalide

[19] La requérante a fait sa 12e année avant de devenir une employée rémunérée. Elle a travaillé dans une banque et à un comptoir déli. Son dernier emploi était un poste de caissière dans une épicerie. Elle a exercé cet emploi de 2015 jusqu’à ce qu’elle subisse une intervention chirurgicale pour le cancer en 2017. La requérante n’a pas essayé de travailler depuis son intervention.

[20] Pour être invalide au sens du Régime de pensions du Canada, une requérante ou un requérant doit avoir une invalidité qui est à la fois grave et prolongée avant la fin de sa période minimale d’admissibilité. Toutefois, le Régime de pensions du Canada prévoit également que si la personne touche une pension de retraite du Régime de pensions du Canada, pour la remplacer par une pension d’invalidité, elle doit prouver qu’elle était invalide avant de commencer à recevoir la pension de retraiteNote de bas de page 5. La requérante a commencé à toucher une pension de retraite en décembre 2016. Par conséquent, elle doit prouver qu’elle était invalide avant la fin du mois de novembre 2016 pour recevoir une pension d’invalidité.

[21] Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décès. Il incombe à la personne de prouver selon la prépondérance des probabilités que son invalidité satisfait aux deux volets du critère pour être déclarée invalideNote de bas de page 6.

[22] La requérante affirme que l’arthrose à ses deux genoux et à sa cheville ainsi que les difficultés dues à une vis qui a été insérée dans sa cheville lorsqu’elle a eu une fracture il y a quelques années la rendent invalide. Elle a aussi certaines limitations à un poignet et, en 2017, elle a subi une grosse chirurgie pour traiter un cancer de la peau, ce qui lui a laissé des séquelles au cou et à l’épaule droite qui ont entraîné des limitations.

[23] Dans son témoignage, la requérante a dit qu’avant d’arrêter de travailler à l’épicerie, elle avait réduit ses heures et faisait moins de quarts de travailNote de bas de page 7. Dès janvier 2017, elle faisait seulement un quart de travail de quatre heures par semaine et elle devait souvent quitter le travail plus tôt en raison de la douleur et de son incapacité à faire son travailNote de bas de page 8.

[24] Lorsqu’on lui a demandé si son employeuse lui offrait des mesures d’adaptation, la requérante a déclaré qu’il n’y avait aucun poste à l’épicerie qui permettait d’éviter de se tenir debout. Elle a essayé de travailler au comptoir de charcuterie, mais c’était pire que quand elle travaillait comme caissièreNote de bas de page 9. La requérante a ajouté qu’elle n’avait pas essayé d’occuper un autre poste parce qu’elle n’était pas qualifiée pour ceux-ciNote de bas de page 10. Lorsqu’elle est assise, elle a de la difficulté à se leverNote de bas de page 11, ce qui nuirait aussi à sa capacité d’exercer un emploi où il n’est pas nécessaire de se tenir debout.  

[25] Dans le questionnaire qu’elle a rempli pour sa demande de pension d’invalidité, la requérante a écrit que son genou devient engourdi après environ 30 minutes passées debout et qu’elle peut marcher un quart de pâté de maisons avant que ses genoux l’obligent à arrêter. De plus, elle ne peut pas se mettre à genoux, ce qui nuit à sa capacité de faire certaines tâches ménagères, et elle a de la difficulté à dormir.

[26] La requérante présente d’autres limitations, mais elles sont toutes dues à son cancer et à l’intervention chirurgicale liée à son cancerNote de bas de page 12. Comme ce problème de santé est apparu après que la requérante a commencé à recevoir la pension de retraite, je ne peux pas en tenir compte pour décider si elle est invalide.

[27] Je suis sensible à la situation de la requérante. Cependant, la preuve médicale n’appuie pas sa thèse voulant que son invalidité est grave. Je reconnais que la requérante a eu de la difficulté à obtenir des soins médicaux de façon continue parce que son médecin de famille a pris sa retraite et elle a dû aller à des cliniques sans rendez-vous pendant un certain temps avant de trouver un autre médecin. Par contre, le rapport du médecin de famille qui a été présenté avec la demande de prestations d’invalidité n’indique pas que le problème de santé de la requérante est grave. Le médecin a écrit que l’arthrite de la requérante était légère à modérée aux deux genoux et qu’elle ne pouvait pas se tenir debout pendant des quarts de travail de quatre heuresNote de bas de page 13. La Dre Farnquist a examiné les images diagnostiques et a conclu que l’arthrite de la requérante était légère au genou gauche et minime à légère au genou droitNote de bas de page 14.

[28] La requérante avait aussi des limitations causées par une vis qui ressortait de sa cheville droite. Le médecin y fait référence dans son rapport. Toutefois, le médecin ne décrit aucune limitation fonctionnelle qui en résulterait. Dans son témoignage, la requérante n’a mentionné aucune limitation précisément liée à ce problème (mais il contribuerait aux limitations liées à l’arthrite dont la requérante a parlé). Par conséquent, il n’y a pas assez d’éléments de preuve pour conclure que la requérante avait une invalidité grave si l’on tient seulement compte de ce trouble de santé ou si on l’examine conjointement avec ses autres problèmes de santé.

[29] Ce n’est pas le diagnostic d’un problème de santé qui détermine la gravité de l’invalidité d’une personne, mais plutôt l’effet de ce problème de santé, au moment pertinent, sur sa capacité à détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. La requérante avait une telle capacité avant la fin de novembre 2016. Elle a continué à travailler pendant environ sept mois, même si c’était à temps partiel. Rien ne prouve qu’elle ne pouvait pas accomplir ses tâches quand elle était au travail. À l’exception de la réduction de ses heures de travail, elle n’avait aucune mesure d’adaptation au travail (par exemple elle ne se servait pas d’un tabouret à la caisse, elle ne prenait pas de pauses supplémentaires et elle ne limitait aucunement ses tâches de caissière).

[30] Les limitations de la requérante pour marcher, se pencher et se mettre à genoux ne l’empêcheraient pas de façon régulière de détenir une occupation véritablement rémunératrice pour laquelle elle n’aurait pas à faire de tels mouvements. Par conséquent, elle était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice avant de commencer à recevoir sa pension de retraite.

[31] Lorsque la capacité de travail est démontrée, il faut que la requérante ou le requérant prouve qu’il lui était impossible d’obtenir ou de conserver un emploi à cause de son problème de santé pour pouvoir toucher une pension d’invaliditéNote de bas de page 15. La requérante n’a pas tenté d’exercer un autre emploi. Par conséquent, elle n’a pas rempli cette obligation juridique.

[32] Finalement, je dois examiner la situation personnelle de la requérante pour décider si elle avait une invalidité grave au moment pertinentNote de bas de page 16. La requérante avait 60 ans en 2016. Il a fait sa 12e année. Ces caractéristiques peuvent limiter sa capacité à trouver du travail. Par contre, la requérante a acquis des compétences polyvalentes en travaillant comme caissière, à un comptoir déli et à une banque. Rien ne montre que la requérante a des limitations linguistiques ou des difficultés d’apprentissage. Ainsi, ses caractéristiques personnelles ne l’empêcheraient pas de façon régulière de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[33] Pour ces motifs, je conclus que la requérante n’avait pas une invalidité grave avant de commencer à recevoir la pension de retraite.

[34] Comme j’ai jugé que l’invalidité n’était pas grave, il n’est pas nécessaire d’examiner si elle était prolongée.

[35] J’ai écouté les arguments de la requérante concernant ses graves difficultés financières. Malheureusement, c’est un facteur dont je ne peux pas tenir compte pour décider si elle est invalide.

Conclusion

[36] Voilà pourquoi je rejette l’appel.

Date de l’audience :

Le 9 septembre 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

J. B., appelante

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