Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : JD c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1125

Numéro de dossier du Tribunal: GP-18-2797

ENTRE :

J. D.

Requérant

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Patrick O’Neil
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 23 septembre 2020
Date de la décision : Le 25 septembre 2020

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Décision

[1] Le requérant n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité du requérant le 11 octobre 2017. Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision. Le requérant a porté en appel la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, le requérant doit répondre aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, il doit être invalide au sens du RPC au dernier jour de sa période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant. Le calcul de la PMA est fondé sur ses cotisations au RPC. Je constate que la PMA du requérant a pris fin le 31 décembre 2013.

Questions en litige

[4] Les problèmes de santé du requérant ont-ils entraîné chez lui une invalidité grave, de sorte qu’il était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice le 31 décembre 2013 ou avant?

[5] Dans l’affirmative, l’invalidité du requérant était-elle également d’une durée longue, continue et indéfinie le 31 décembre 2013 ou avant?

Analyse

[6] Une invalidité est définie comme une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongéeNote de bas de page 1. Une invalidité est grave si elle rend le requérant régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès. Il doit prouver que, selon la prépondérance des probabilités, son invalidité répond aux deux volets du critère. Ainsi, s’il ne répond qu’à un seul volet, il n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

L’invalidité du requérant n’était pas grave le 31 décembre 2013 ou avant.

[7] Le requérant avait 55 ans à la fin de sa PMA. Il est né en Colombie. Il a fait ses études secondaires en Colombie. Il a immigré au Canada en octobre 1985. Il est allé au collège pendant deux ans, puis à l’université pendant un an au Canada. Il parle couramment l’anglais et l’espagnol. Il a travaillé pour la dernière fois comme technicien en génie pour une société de recherche du 14 février 2000, jusqu’à ce qu’il soit mis à pied le 28 janvier 2011, lorsque la société a déménagé aux États-Unis. Avant d’immigrer au Canada, il avait vécu et avait travaillé aux États-Unis, de janvier 1979 à octobre 1985, comme barman. Avant de trouver son emploi de technicien en génie en 2000, il avait travaillé au Canada comme ouvrier et comme barman. Aucun problème médical ne l’empêchait de travailler en janvier 2011.

[8] Le requérant a inscrit dans son questionnaire de prestations d’invalidité daté du 2 octobre 2017Note de bas de page 2 qu’il était incapable de travailler depuis le 6 mai 2013 en raison de la dépression, de douleurs à l’épaule gauche et au bas du dos, de kératite rosacée, d’insomnie, de fatigue et de problèmes de mémoire. Il a témoigné qu’il avait reçu un coup de feu à la main gauche en janvier 2013. Sa blessure à la main gauche, et les problèmes de santé inscrits dans son questionnaire sont les détériorations qui l’empêchent de travailler. Il ne s’est pas cherché de travail pendant la période comprise entre la date de sa mise à pied en janvier 2011 et janvier 2013.

[9] Le requérant a reconnu que sa détérioration à la main gauche était le seul problème de santé qui l’empêchait de travailler en date du 31 décembre 2013. Les douleurs au dos, à l’épaule gauche et à la hanche droite sont apparues après une chute dans des escaliers en novembre 2015. L’anxiété, la dépression, la fatigue, l’insomnie et les problèmes de mémoire qui en découlent sont apparus après novembre 2015. Il a des problèmes de vision avec l’œil droit depuis 2016.

[10] Le seul traitement suivi par le requérant pour un problème de santé avant le 31 décembre 2013 était une intervention chirurgicale subie en février 2013 pour réparer les lésions à sa main gauche à la suite du coup de feu. Son chirurgien a recommandé qu’il subisse une autre intervention chirurgicale en juin 2013, mais le requérant a refusé. Il n’a pas vu de spécialiste pour sa blessure à la main gauche depuis. Il ne souffre d’aucune douleur importante à la main gauche depuis son intervention chirurgicale. On lui a imposé des limitations : ne pas utiliser sa main gauche pour soulever et transporter des objets.

[11] Le Dr Gerges, le médecin de famille du requérant depuis mai 2017, a rempli le rapport médical initial daté du 10 septembre 2017Note de bas de page 3. Le seul diagnostic émis était la dépression. Le Dr Gerges a commencé à traiter le requérant pour sa dépression en juin 2017.

[12] Le Dr Margaliot, chirurgien, a signalé le 29 janvier 2013Note de bas de page 4 qu’il avait vu le requérant concernant une blessure à la main gauche due à un coup de feu et subie le 3 janvier 2013. À part cela, le requérant était en santé et ne prenait aucun médicament. Son intervention chirurgicale était prévue la semaine suivante. Le rapport d’intervention chirurgicale du Dr Margaliot daté du 4 février 2013Note de bas de page 5 indiquait que le requérant avait subi une intervention chirurgicale cette journée-là pour la réparation de ses troisième, quatrième et cinquième métacarpiens, pour des lacérations et adhérences des muscles tenseurs.

[13] Le Dr Margaliot a signalé le 25 avril 2013Note de bas de page 6 que le requérant était retourné travailler à temps partiel et que ses tâches avaient été modifiées. Il ne signalait aucune douleur importante à la main. Le requérant pouvait continuer à travailler, mais il ne devait pas soulever un poids de plus de 20 livres. Le 20 juin 2013Note de bas de page 7, il a indiqué que le requérant progressait lentement suite à l’intervention. Il y avait des signes que les métacarpiens de liaient de façon retardée, voire pas du tout. Le requérant était de retour au travail, ayant repris ses tâches complètes de programmeur informatique. Il s’en allait à Singapour, la semaine suivante, pour une formation de six mois. Il avait des douleurs résiduelles, mais était en mesure de bien fonctionner. Le chirurgien a recommandé de procéder à une autre intervention chirurgicale, ce que le requérant a refusé puisqu’il trouvait qu’il se portait bien et qu’il voulait aller à Singapour pour y travailler pendant six mois. Le requérant n’a pas vu le Dr Margaliot depuis le 20 juin 2013. Il n’a pas subi d’autre intervention chirurgicale à la main gauche ni suivi d’autre traitement depuis. Il n’est pas allé à Singapour : son employeur a choisi un de ses collègues. Il n’a pas travaillé depuis. Aucun rapport au dossier ne concerne la blessure à la main gauche du requérant après juin 2013.

[14] La Dre Le, ophtalmologiste, a indiqué le 6 avril 2016Note de bas de page 8 qu’elle avait vu le requérant pour ses problèmes à l’œil droit, qui avaient commencé trois mois auparavant en raison d’une blépharite. Le rapport de la Dre Le est cohérent avec la preuve du requérant, selon laquelle l’apparition de ses problèmes de vision sont apparus en 2016.

[15] Un rapport d’un test d’ultrasons réalisé pour l’épaule gauche et la hanche droite du requérant daté du 27 mai 2017Note de bas de page 9 laissait entendre la présence d’une disjonction acromio-claviculaire, d’une tendinite au muscle subscapulaire, d’une rupture partielle au muscle sus-épineux gauche, mais ne montrait aucune anomalie à l’articulation de la hanche. M. Pathic, physiothérapeute, a indiqué le 5 juin 2017Note de bas de page 10 qu’il avait vu le requérant concernant ses douleurs à la hanche droite et à l’épaule gauche, qui avaient commencé dans les trois mois précédents. Les dossiers de physiothérapieNote de bas de page 11 confirment que le requérant a commencé à suivre des traitements de physiothérapie le 5 juin 2017, et qu’il suit ces traitements pour ses douleurs à l’épaule gauche et à la hanche droite depuis.

[16] Le Dr Cooper, psychiatre, a indiqué le 8 août 2017Note de bas de page 12 qu’il a vu le requérant le 29 juin 2017 pour une évaluation de son état émotionnel. Il a indiqué que le requérant avait travaillé au Canada dans un laboratoire et pour d’autres sociétés pendant 20 ans, mais qu’il n’avait pas travaillé au cours des quatre dernières années. En novembre 2015, il a subi une chute, et depuis, il souffre de douleurs à l’épaule gauche et à la hanche droite. Il se plaint également de problèmes avec son œil droit. Dans l’ensemble, il est en bonne santé physique. Il n’avait jamais vu de psychiatre auparavant. Sa mémoire semble légèrement détériorée. Son niveau de concentration est correct. Il semble posséder une bonne intelligence, dans la moyenne. Sa capacité de jugement est intacte. Le Dr Cooper a émis un diagnostic de trouble dépressif majeur. Il a recommandé le Cymbalta. Le requérant n’était pas employable et devait à son avis être considéré comme étant invalide. Il n’a pas vu de psychiatre par la suite, jusqu’à ce qu’il consulte le Dr Haziz, le 29 novembre 2018Note de bas de page 13.

[17] Le Dr Aziz a signalé le 21 novembre 2019Note de bas de page 14 que le requérant avait un trouble dépressif majeur depuis quatre ans, avec des symptômes chroniques et résiduels, y compris la fatigue et des détériorations cognitives. Il a vu le requérant pour la première fois le 29 novembre 2018Note de bas de page 15.

[18] Le Dr Gerges a signalé le 21 février 2020Note de bas de page 16 que le requérant avait des antécédents de dépression majeure et qu’il suivait un traitement depuis 2017. Il souffrait également de douleurs chroniques à l’épaule gauche, à la hanche droite et au corps depuis qu’il était confié à ses soins en mai 2017, ainsi qu’une perte de vision à l’œil droit. Il a indiqué que le requérant était un candidat au Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH) en raison de ses problèmes de santé.

[19] Je dois évaluer la partie du critère portant sur la gravité dans un contexte réalisteNote de bas de page 17. Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de certains facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de la vie. Le requérant avait 55 ans à la fin de sa PMA, soit plusieurs années de moins que l’âge habituel de la retraite au Canada. Il a une bonne éducation, maîtrise l’anglais, et a des compétences transférables acquises dans ses emplois précédents et grâce à son éducation et à son expérience de vie. J’estime que ces facteurs personnels n’ont pas affecté sa capacité résiduelle à occuper un emploi adéquat adapté à sa limitation fonctionnelle concernant l’utilisation de sa main gauche avant le 31 décembre 2013.

[20] La question que je dois trancher est celle de savoir si le requérant avait une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2013 ou avant. La question n’est pas de savoir s’il est devenu invalide après le 31 décembre 2013 ou de savoir s’il est actuellement invalide.

[21] Le requérant a cessé de travailler en février 2011 pour des raisons autres que médicales : la société de son employeur a fermé ses portes. Il prétend qu’il est incapable de travailler depuis mai 2013 en raison de la dépression, de douleurs au dos, à l’épaule gauche, à la hanche droite et à la main gauche, de la fatigue, de difficultés cognitives et de problèmes de vision avec l’œil droit. La preuve établit que les douleurs du requérant au dos, à l’épaule gauche et à la hanche droite sont apparues après sa chute de novembre 2015, que ses problèmes de vision avec l’œil droit sont apparus en 2016 et que sa dépression, ainsi que la fatigue et les difficultés cognitives qui en découlaient, sont apparues en 2017. Le seul problème médical datant d’avant la fin de la PMA, le 31 décembre 2013, est la blessure à la main gauche qu’il a subie en janvier 2013.

[22] Le chirurgien qui a traité le requérant pour sa blessure à la main gauche au début de 2013 a affirmé en avril 2013 que le requérant était capable de travailler s’il respectait ses limitations concernant le soulèvement d’objets. Il a affirmé que le requérant travaillait à temps plein comme programmeur informatique lorsqu’il l’a vu en juin 2013. À ce moment, le requérant a signalé qu’il avait des douleurs résiduelles à la main, mais qu’il était capable de bien fonctionner et qu’il prévoyait se rendre à Singapour pour travailler pour les six prochains mois. Il n’a reçu aucun traitement pour sa blessure à sa main gauche depuis juin 2013 et n’a pas souffert de douleurs importantes à la main depuis.

[23] Je dois considérer l’état de santé du requérant dans son ensemble, ce qui veut dire que je dois tenir compte de toutes les détériorations possibles, pas seulement des plus importantes ou des principalesNote de bas de page 18. Les problèmes de santé que je dois examiner sont ceux qui existaient le 31 décembre 2013 ou avant, pas ceux qui sont apparus par la suite. Le seul problème de santé qui a commencé avant le 31 décembre 2013 était la blessure à la main gauche du requérant. La preuve du chirurgien du requérant indique que sa blessure à la main ne l’empêchait pas de travailler s’il respectait ses limitations fonctionnelles lorsqu’il l’a vu pour la dernière fois, en juin 2013. Aucune preuve n’indique que sa blessure à la main se soit empirée depuis. Je reconnais que le requérant est probablement incapable de travailler en raison des effets cumulatifs de divers problèmes de santé qui sont apparus plusieurs années après la fin de sa PMA. Je reconnais également que la blessure à la main gauche du requérant a entraîné des limitations fonctionnelles. La perte de l’usage d’une main par une personne qui est autrement en bonne santé physique n’empêche pas celle-ci de se trouver et d’obtenir un travail dans un contexte réalisteNote de bas de page 19.

[24] Lorsqu’il existe une preuve de capacité de travail, la personne doit montrer que ses démarches pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueuses en raison de son état de santéNote de bas de page 20. Le chirurgien qui a traité la main du requérant a affirmé en juin 2013 que le requérant était capable de travailler s’il respectait ses limitations fonctionnelles. Aucune preuve n’indique que sa blessure à la main se soit empirée le 31 décembre 2013 ou avant, ni par la suite. J’estime que le rapport du chirurgien constitue la preuve que le requérant avait la capacité de travailler. Le requérant n’a pas fait de démarches importantes pour se trouver un emploi le 31 décembre 2013 ou avant, ni depuis lors. Le requérant n’a pas montré que ses démarches pour obtenir et conserver un emploi ont été vaines en raison de son état de santé. Puisque le requérant n’a pas montré que ses démarches pour obtenir et conserver un emploi ont été vaines en raison de son état de santé, je ne peux pas conclure qu’il avait une invalidité grave le 31 décembre 2013 ou avant.

[25] Le requérant est responsable d’établir, selon la prépondérance des probabilités, son admissibilité aux prestations d’invalidité du RPC. Je ne peux pas conclure qu’il était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice le 31 décembre 2013 ou avant. Ainsi, je conclus qu’il n’avait pas d’invalidité grave le 31 décembre 2013 ou avant.

Invalidité prolongée

[26] Puisque j’ai établi que le requérant n’avait pas d’invalidité grave le 31 décembre 2013 ou avant, je ne suis pas tenu de tirer une conclusion quant au critère relatif au caractère prolongé de son invalidité.

Conclusion

[27] L’appel est rejeté.

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