Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : SC c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 937

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-839

ENTRE :

S. C.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Pierre Vanderhout
Requérante représentée par : R. L.
Date de l’audience par
vidéoconférence :
Le 28 septembre 2020
Date de la décision : Le 30 septembre 2020

Sur cette page

Décision

[1] La requérante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] La requérante a 60 ans et elle vit avec son époux R. L. Elle n’a pas travaillé officiellement depuis 2014. Le 22 janvier 2018, elle a subi un AVC ischémique bithalamiqueNote de bas de page 1. Le 16 avril 2018, le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité de la requérante. Le ministre a rejeté cette demande initialement et après révision. La requérante a fait appel de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, la requérante doit satisfaire aux exigences qui sont énoncées dans le RPC. Plus précisément, elle doit être déclarée invalide aux termes du RPC à la date d’échéance de sa période minimale d’admissibilité (PMA) ou à une date antérieure. Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations de la requérante au RPC. J’estime que la PMA de la requérante a pris fin le 31 décembre 2017.

Questions préliminaires

[4] Même si R. L. est indiqué comme étant le représentant de la requérante, je lui ai permis de fournir des éléments de preuve à l’audience. Il est l’époux de la requérante, et il a uniquement agi à titre de représentant administratif. Il n’est pas un professionnel du droit. Il est indiqué comme étant le représentant de la requérante parce que celle-ci n’est pas capable de défendre ses propres droits et intérêts. Elle n’a même pas participé à l’audience, car elle aurait été incapable d’y participer pleinement.

[5] Le ministre a déposé un registre des gains et des cotisations au RPC mis à jour le 14 septembre 2020 (figurant à GD5). Même s’il a été déposé seulement deux semaines avant l’audience, j’ai accepté GD5 en raison de sa pertinence potentiellement très élevée pour l’appel. Il a confirmé que la requérante n’avait pas travaillé depuis que le registre des gains et des cotisations au RPC précédent avait été déposéNote de bas de page 2.

Questions en litige

[6] La PMA de la requérante peut-elle être prolongée au-delà du 31 décembre 2017?

[7] La requérante était-elle atteinte d’une invalidité grave à la fin de sa PMA?

[8] Dans l’affirmative, son invalidité était-elle aussi prolongée à la fin de sa PMA?

Analyse

[9] Une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 3. Une personne est atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès. La requérante doit prouver que, selon la prépondérance des probabilités, son invalidité satisfait aux deux volets du critère avant la fin de sa PMA. Si elle ne satisfait qu’à un des deux volets, elle n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

[10] La date de fin de la PMA de la requérante est essentielle dans ce cas-ci. La requérante a subi un grave AVC seulement trois semaines après le 31 décembre 2017. Le ministre reconnaît que cet AVC l’a empêché de travailler à partir du 22 janvier 2018Note de bas de page 4, mais nie qu’elle était atteinte d’une invalidité grave à la fin de sa PMA.

La PMA de la requérante peut-elle être prolongée au-delà du 31 décembre 2017?

[11] Je juge que la PMA de la requérante ne peut pas être prolongée au-delà du 31 décembre 2017.

[12] La requérante n’a pas fait de cotisations valides au RPC depuis 2014. Avant cela, elle avait des cotisations valides au RPC chaque année de 1978 à 2014Note de bas de page 5. Puisqu’elle a plus de 25 ans de cotisations, sa PMA se poursuit tant et aussi longtemps qu’elle a des cotisations valides pour au moins trois des six dernières annéesNote de bas de page 6. Elle a seulement satisfait à cette exigence jusqu’au 31 décembre 2017. Le 1er janvier 2018, la requérante avait seulement des cotisations pour deux (2013 et 2014) des six dernières années (2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018).

[13] La PMA de la requérante ne peut pas être prolongée au-delà de la fin de 2017, car elle ne satisfait à aucun des critères de prolongation. Elle n’a pas reçu de pension d’invalidité du RPC de janvier 2015 à janvier 2018Note de bas de page 7. Elle n’a eu aucun revenu d’emploi officiel en 2018 qui permettrait de faire le calcul proportionnel de sa PMA jusqu’en janvier 2018Note de bas de page 8. Elle n’a pas gagné de revenus après 2014 dans un autre pays qui pourraient être comptés comme des cotisations au RPC grâce à un accord internationalNote de bas de page 9. Elle n’était pas non plus admissible à l’exclusion pour élever des enfants (« CEEE ») après 2014Note de bas de page 10.

La requérante était-elle atteinte d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2017?

[14] Pour les raisons énoncées dans les paragraphes qui suivent, j’estime que la requérante n’était pas atteinte d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2017.

[15] Je reconnais que la requérante est maintenant atteinte d’une invalidité grave. En septembre 2018, le Dr Kennie (médecin de famille) a dit que la requérante demeurait très dépendante des personnes qui prennent soin d’elleNote de bas de page 11. En octobre 2018, le Dr Kennie a préparé un certificat d’incapacité. La requérante n’avait aucune notion du temps, son jugement était altéré en raison de la détérioration de ses fonctions intellectuelles, elle ne pouvait pas effectuer un suivi des décisions, et elle ne pouvait pas gérer ses affaires. Elle ne pouvait pas cuisiner ou conduire, et elle était avec R. L. 24 heures par jourNote de bas de page 12. En janvier 2020, le Dr Kennie a dit qu’elle était incapable de fonctionner seule et qu’elle avait besoin d’aide pour accomplir ses activités de tous les joursNote de bas de page 13. En mai 2020, le Dr Kennie a confirmé qu’elle était incapable de détenir une occupation. R. L. devait l’aider avec ses activités plus complexes de tous les jours. La Dre Firestone (physiatre) a dit qu’elle ne pouvait effectuer aucun travailNote de bas de page 14.

[16] R. L. a fourni des éléments de preuve semblables. En janvier 2020, il a dit que la requérante avait subi une perte de mémoire permanente et qu’elle ne se souvenait plus du jour, du mois ou de l’année. S’occuper d’elle était comme s’occuper d’un enfant de six ans, et elle ne pouvait rien faire par elle-mêmeNote de bas de page 15. En mai 2020, il a dit qu’elle ne se souvenait plus des noms de ses petits-enfants. Elle demandait toujours si le jour suivant était samedi. Elle ne se souvenait pas où elle mettait les choses. Lorsqu’il tardait à revenir du travail, elle se mettait à pleurer parce qu’elle pensait qu’il n’allait pas revenirNote de bas de page 16. Comme il a été noté plus haut, le ministre reconnaît que l’invalidité de la requérante l’empêche maintenant de travailler.

[17] Toutefois, R. L. a aussi avoué à maintes reprises que la requérante était seulement invalide depuis qu’elle avait subi son AVC le 22 janvier 2018Note de bas de page 17. Il a maintenu cela à l’audience, comme D. S. (une amie de la famille) l’a fait. Bien que la requérante n’ait pas travaillé officiellement depuis 2014, elle a tout de même gardé deux enfants pour une amie de façon non officielleNote de bas de page 18. À l’audience, R. L. et D. S. ont dit que la requérante était capable de travailler avant son AVC et qu’elle avait continué à chercher du travail jusqu’en 2018. Toutefois, les possibilités d’emploi sont limitées dans la région. Les rapports médicaux objectifs ne contiennent aucun antécédent d’AVC ou d’autres problèmes invalidants importants avant l’AVCNote de bas de page 19.

[18] R. L. et D. S. ont tous deux été des témoins exceptionnellement honnêtes et crédibles. J’accepte pleinement leurs descriptions des limitations de la requérante. J’estime que la requérante est devenue atteinte d’une invalidité grave lorsqu’elle a subi son AVC le 22 janvier 2018, et qu’elle est demeurée atteinte d’une invalidité grave depuisNote de bas de page 20. Le problème est que sa PMA se termine le 31 décembre 2017. J’estime qu’elle avait encore une capacité de travailler à cette date. Lorsque des éléments de preuve démontrent qu’une personne avait une capacité de travailler, cette personne doit démontrer que ses efforts pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santéNote de bas de page 21. La requérante n’a démontré cela pour aucune période ayant précédé son AVC.

Les circonstances spéciales dans ce cas-ci

[19] Les défis actuels de la requérante sont considérables. Toutefois, les défis de R. L. sont aussi importants. Sa vie a été bouleversée. Son épouse est soudainement devenue une personne complètement différente. Elle pose constamment les mêmes questions en raison de ses problèmes de mémoire. Elle ne se souvient même pas de leur mariage. Il est difficile d’avoir une conversation avec elle. Avant, elle allait faire les courses, elle cuisinait, elle faisait la lessive, elle tondait le gazon, et elle accomplissait des tâches comme peindre la maison. Elle ne peut plus rien faire de cela. R. L. doit tout faire en plus de travailler à temps plein. Il a besoin d’aide pour s’occuper de la requérante, mais il ne peut pas se le permettre en raison de son revenu. Il doit la conduire partout, et elle pleure chaque fois qu’il part de la maison ou lorsqu’il ne revient pas rapidement. Lorsqu’elle est seule, elle reste au lit toute la journée. Cela fait qu’il est encore plus difficile pour R. L. de partir.

[20] R. L. et D. S. ont tous deux reconnu que la PMA de la requérante était son principal obstacle. Toutefois, ils ont tous deux demandé que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire compte tenu du peu de temps qui s’est écoulé entre la fin de la PMA de la requérante et son AVC invalidant.

[21] J’éprouve énormément de sympathie pour R. L. et la requérante. Son plus récent emploi a pris fin de façon involontaire, car son employeur a fermé son entrepriseNote de bas de page 22. Personne n’aurait pu anticiper l’AVC qu’elle a subi en janvier 2018, ou que son incidence serait si grave. Le fait qu’ils vivent dans un endroit éloigné complique les choses pour ses soins, et cela a probablement contribué au fait qu’elle n’a pas eu d’emploi officiel après 2014.

[22] Toutefois, malgré les circonstances personnelles convaincantes, je ne peux pas ignorer les dispositions du RPC. Le Tribunal a été créé par une loi. Cela signifie que le Tribunal a seulement les pouvoirs qui lui sont conférés par sa loi habilitante. En tant que membre du Tribunal, je dois interpréter et appliquer les dispositions comme elles figurent dans le RPC. Je ne peux pas les changer ou les ignorer même si elles peuvent sembler injustes ou sévères dans ce cas-ci. Je ne peux pas contredire l’intention du législateurNote de bas de page 23. Je ne peux pas non plus rendre une décision pour des motifs de compassion. La PMA de la requérante se termine le 31 décembre 2017, et la preuve ne démontre tout simplement pas que la requérante était atteinte d’une invalidité grave à cette date. Par conséquent, l’appel n’a aucune chance de succès.

L’invalidité de la requérante était-elle aussi prolongée en date du 31 décembre 2017?

[23] Puisque l’invalidité de la requérante n’était pas grave en date du 31 décembre 2017, il n’est pas nécessaire de répondre à cette question.

Conclusion

[24] L’appel est rejeté.

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