Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : DW c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1218

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-476

ENTRE :

D. W.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Tyler Moore
Représentante du requérant : Lesley Tough
Date de l’audience par téléconférence : Le 9 septembre 2020
Date de la décision : Le 30 septembre 2020

Sur cette page

Décision

[1] Le requérant, D. W., n’a pas satisfait aux critères de la disposition relative à l’incapacité du Régime de pensions du Canada (RPC). La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[2] Le requérant reçoit une pension de retraite du RPC depuis le 1er octobre 2017. Il a demandé une pension d’invalidité du RPC le 9 novembre 2018. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a accueilli sa demande et a fixé la date de début de l’invalidité à août 2017.

[3] La pension d’invalidité du RPC du requérant serait devenue payable en décembre 2017 et aurait pris fin en février 2018, lorsqu’il a eu 65 ans. Le ministre a jugé que l’annulation de sa pension de retraite entraînerait un trop-payé plus élevé que le moins-payé estimé de sa pension d’invalidité. Le ministre a alors offert au requérant la possibilité d’annuler sa pension de retraite ou de retirer sa demande de pension d’invalidité, parce qu’une personne ne peut pas recevoir à la fois une pension de retraite et une pension d’invaliditéFootnote 1. Le 1er août 2019, le requérant a écrit qu’il ne voulait pas annuler sa pension de retraite du RPC ni retirer sa demande de pension d’invalidité. Le ministre a décidé de continuer à verser la pension de retraite du requérant.

[4] Le 28 novembre 2018, le ministre a également reçu une déclaration d’incapacité remplie par le médecin de famille du requérant, le Dr Prenovault. La déclaration indiquait que le requérant était atteint d’une incapacité continue depuis juillet 2010 en raison du syndrome de fatigue chronique. Le ministre a refusé d’appliquer la disposition relative à l’incapacité parce que les limitations du requérant ne l’auraient pas empêché de former ou d’exprimer une intention continue de présenter une demande à une date antérieure. Il était capable de se rendre aux rendez-vous médicaux qu’il avait pris, de conduire, de discuter de ses antécédents médicaux et de ses plans de traitement, de prendre des décisions et de gérer ses soins. Rien n’indique qu’il a eu besoin d’avoirun curateur public, d’un tuteur légal ou d’une procuration. Le requérant a porté la décision de la division générale en appel au Tribunal de la sécurité sociale.

Ce que la Requérante doit prouver

[5] Pour obtenir gain de cause, le requérant doit prouver qu’il était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande avant le jour où sa demande a véritablement été faiteFootnote 2.

[6] La capacité de former l’intention de faire une demande de prestations est la même chose que la capacité de former une intention par rapport aux autres possibilités qui s’offrent au requérantFootnote 3. Pour évaluer la capacité du requérant durant la période pertinente, je dois tenir compte de la preuve médicale au dossier et de ses activitésFootnote 4. Dans cette affaire, la période pertinente s’étend de juillet 2010 au 9 novembre 2018.

Les motifs de ma décision

[7] J’estime que le requérant n’a pas prouvé qu’il satisfait aux critères de la disposition relative à l’incapacité du RPC. J’ai pris cette décision en tenant compte des questions et des périodes suivantes.

Le Requérant était-il atteint d’une incapacité entre juillet 2010 et le 9 novembre 2018 ?

Juillet 2010 au 31 octobre 2011

[8] Le fait que le requérant a des limitations et qu’il est atteint d’une invalidité grave n’est pas contesté. Il soutient que quelques heures seulement après avoir été piqué par une tique en juillet 2010, il a commencé à ressentir des symptômes de douleur, de fatigue et de brouillard mental. Cela a rendu son emploi à temps plein de plus en plus difficile à exercer.

[9] Lorsque les symptômes du requérant ont commencé, il travaillait pour une grande compagnie d’inspection et d’assurance dans un poste de marketing et de gestion. Son travail était stressant et exigeait qu’il soit vif d’esprit. Après avoir été piqué par la tique, il a continué de travailler, surtout de la maison, jusqu’à ce qu’il soit congédié le 31 octobre 2011 pour des raisons non médicales.

[10] Le requérant a soutenu que sa superviseure avait été embauchée en 2008. Il était difficile de travailler avec elle, et elle a congédié la plupart des employés du service dans lequel il travaillait avant de le congédier à son tour. Un collègue l’a même informé peu de temps avant son congédiement que la superviseure lui en voulait.

[11] Le requérant a expliqué qu’après juillet 2010, sa routine de travail quotidienne comprenait de brèves périodes de travail suivies de pauses pendant lesquelles il s’allongeait. Lorsqu’il était allongé, il réfléchissait à des problèmes liés au travail. Il réglait ensuite ces problèmes lorsqu’il retournait à son bureau. Il travaillait plus lentement en raison du brouillard mental, de la fatigue et des nausées. Ses journées de travail étaient beaucoup plus longues, mais il persévérait. Le fait que le requérant a continué de travailler à temps plein dans un poste de gestion, même s’il est possible que ses tâches aient été modifiées, empêche de conclure à une incapacité continue entre juillet 2010 et le 31 octobre 2011. Il a également été congédié pour des raisons non médicales.

Période du 1er novembre 2011 au 9 novembre 2018

[12] Le requérant a déclaré avoir seulement entendu parler de la pension d’invalidité du RPC en 2017 lorsqu’une personne de Service Canada lui a suggéré de faire une demande. Une conversation téléphonique entre le requérant et le Tribunal le 24 mai 2019 le confirme. Le fait que celui‑ci n'ait pas l'idée d'exercer une faculté donnée ne dénote pas chez lui une absence de capacité de travaillerFootnote 5.

[13] Le requérant a déclaré qu’entre le 31 octobre 2011 et 2013, il était essentiellement alité. Son fils a emménagé avec lui en 2015 pour l’aider dans sa vie quotidienne. Avant cela, le requérant faisait rarement le ménage et il pouvait passer jusqu’à une semaine sans prendre sa douche.

[14] En 2015, le requérant a reçu un diagnostic de cancer de la peau et a subi un traitement. En 2016, il s’est fait opérer pour une hernie inguinale. Il a soutenu qu’il n’avait pas d’autre choix que de suivre ces traitements. La hernie inguinale était un problème chronique qui s’était aggravé, et le traitement du cancer de la peau ne pouvait pas être repoussé. Pour obtenir ces traitements, le requérant n’a pas été tout à fait honnête avec les spécialistes au sujet de ses autres symptômes. Il a dissimulé certains renseignements parce qu’il craignait qu’on lui refuse le traitement. Il a également déclaré que c’est grâce au fait qu’il a insisté qu’il a été orienté vers ces spécialistes et qu’il a pu recevoir ces traitements. Il a défendu sa cause avec vigueur.

[15] Le requérant a reconnu avoir consenti à plusieurs traitements et opérations entre le 1er novembre 2011 et le 9 novembre 2018. Il a également soutenu que personne ne lit vraiment les formulaires de consentement médical et que le simple fait qu’il les ait signés ne signifie pas qu’il avait un haut niveau de fonction cognitif.

[16] En 2015, 2017 et 2018, plusieurs spécialistes indépendants ont déclaré que le requérant était un haltérophile et qu’il fréquentait un centre de conditionnement physique local. En mars 2015, le Dr Taylor a déclaré que le requérant aimait beaucoup aller au centre de conditionnement physique et qu’il était un haltérophile. La seule raison pour laquelle il ne se rendait pas au centre de conditionnement physique était qu’il avait une blessure au genou. En 2017 et en 2018, le Dr Wong a déclaré que le requérant était un culturiste et qu’il allait habituellement au centre de conditionnement physique où il s’échauffait à vélo et faisait des exercices de résistance. Le requérant a nié avoir déjà été un haltérophile. Il a effectivement fréquenté un centre de conditionnement physique local de façon intermittente pendant la période en question, mais jamais de façon constante. Je trouve toutefois cela intéressant que plusieurs spécialistes aient décrit la même routine d’entraînement à différentes périodes. Quoi qu’il en soit, le requérant était capable de décider de se rendre au centre de conditionnement physique en voiture et de s’entraîner lorsqu’il en était capable.

[17] En ce qui concerne sa situation financière, le requérant a soutenu que depuis qu’il a perdu son emploi, il n’est pas capable de gérer ses finances. Ses placements n’ont pas généré d’intérêt et il n’a pas fait le suivi de sa pension. Depuis avant 2010, le paiement des factures du requérant se fait de façon automatisée, et il utilise un seul compte pour retirer de l’argent lorsqu’il en a besoin.

[18] Le requérant a expliqué qu’il était très minutieux et qu’il pouvait facilement accomplir plusieurs tâches à la fois avant juillet 2010. Toutefois, depuis ce temps, il n’a pas été en mesure de faire des affaires, de gérer son divorce qui dure depuis 2005, de contester une contravention de stationnement, de s’occuper de la succession de sa mère ou de contester une réclamation d’assurance familiale. Il n’a pas choisi de ne pas en tenir compte, mais il n’a plutôt pas été en mesure de s’en occuper en raison de son incapacité. Il a toutefois été en mesure de payer pour la réparation du toit de son ex-épouse plutôt que de contester la réclamation d’assurance, de payer la contravention de stationnement et d’accepter que son frère vive dans la maison de sa mère après son décès.

[19] Le requérant a affirmé que depuis juillet 2010, son objectif principal est d’obtenir des réponses au sujet de son état de santé, de gérer ses symptômes et d’essayer de se rétablir. Je reconnais qu’il n’a pas été capable d’accomplir plusieurs tâches à la fois comme il le faisait auparavant, mais cela n’équivaut pas à une incapacité.

[20] La preuve médicale provenant des médecins traitants du requérant ne permet pas non plus de conclure à une incapacité continue pendant la période en question. Plus précisément :

  1. En octobre 2013, le Dr Ritchie a déclaré que le requérant était entre deux emplois et qu’il vivait un divorce très difficile.
  2. En mars 2015, le Dr Taylor a souligné que le requérant a demandé de se faire opérer pour une hernie inguinale qu’il avait depuis longtemps. Il a discuté du diagnostic et des options de traitement avec le requérant, et celui-ci a signé un consentement pour l’opération.
  3. En mai 2015, le Dr Afifi a discuté des options de traitement du carcinome basocellulaire dans l’oreille droite du requérant. Celui-ci a opté pour une intervention chirurgicale.
  4. En juin 2015, le Dr Afifi a signalé que le requérant et lui avaient convenu d’opter pour la chirurgie micrographique. Le requérant a été en mesure de fournir un consentement verbal et écrit au traitement.
  5. En janvier 2016, le requérant a rempli un questionnaire préopératoire seul. Il a indiqué qu’il vivait seul et qu’il n’avait aucune préoccupation concernant ses conditions de logement. Il a également précisé qu’il n’aurait pas besoin de services communautaires après son opération.
  6. En décembre 2016, le requérant a subi une évaluation cardiaque. Il était préoccupé par la possibilité d’une coronaropathie.
  7. En avril 2018, le Dr Wong a signalé que le requérant fréquentait habituellement un centre d’entraînement physique où il s’échauffait à vélo et faisait ensuite des exercices de résistance avec des poids. Le requérant avait également examiné les résultats de ses analyses sanguines récentes et il s’inquiétait de sa glycémie. Il voulait s’assurer qu’il n’était pas diabétique ou acidosique.

[21] Je conclus que la preuve médicale au dossier et les activités du requérant entre le 1er novembre 2011 et le 9 novembre 2018 n’appuient pas une conclusion d’incapacité continue. Il était capable de conduire, de prendre des décisions, de prendre des rendez-vous médicaux régulièrement et de s’y rendre, de consentir à des traitements verbalement et par écrit, et de plaider lui-même en faveur d’un traitement, d’aiguillages vers des spécialistes et de tests. Le requérant vivait seul jusqu’à ce que son fils emménage avec lui en 2015. Il n’avait pas besoin d’une procuration ou d’une procuration pour soins de santé, et il gérait ses propres finances au quotidien.

Conclusion

[22] Je rejette l’appel.

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