Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : SR c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 930

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-1862

ENTRE :

S. R.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Raymond Raphael
Représentant de la requérante : George Dietrich
Représentante du ministre : Alexandra Dejone
Date de l’audience par téléconférence : Le 24 septembre 2020
Date de la décision : Le 2 octobre 2020

Sur cette page

Décision

[1] La requérante est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) payable à compter de mars 2016.

Aperçu

[2] La requérante avait 31 ans lorsqu’elle a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC en février 2016. Le dernier emploi qu’elle a occupé était charpentière. Elle a déclaré qu’elle avait été incapable de travailler depuis mai 2015 en raison de dépression, du trouble de stress post-traumatique, de multiples commotions cérébrales et de douleur généralisée constante. Elle a aussi déclaré que ses problèmes de sommeil et l’aggravation de son épilepsie l’empêchaient de travaillerFootnote 1.

[3] Le ministre a rejeté sa demande initialement et après révision. La requérante a interjeté appel de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale. Le 3 juin 2019, la division générale a rejeté son appel. La requérante a interjeté appel à la division d’appel. Le 7 novembre 2019, la division d’appel a accueilli l’appel et ordonné que l’affaire soit renvoyée à la division générale pour qu’une nouvelle audience soit tenue.

[4] Pour éviter les duplications inutiles, j’ai traité l’enregistrement des éléments de preuve de l’audience initiale de la division générale comme faisant partie de la preuve à cette audience. J’ai également entendu des éléments de preuve supplémentaires de la requérante ainsi que de sa mère, C. R., et de son conjoint, B. D.

[5] Avant l’audience, M. Dietrich, le représentant de la requérante, s’est opposé à ce que j’utilise l’enregistrement de l’audience précédente devant la division générale. Le 19 août 2020, il a demandé que cette affaire soit renvoyée à un autre membre du Tribunal. Les raisons de cette demande se trouvent dans le document IS23. J’ai rejeté cette demande le 2 septembre 2020. Mes motifs se trouvent dans le document IS24.

Critère relatif à l’invalidité selon le RPC

[6] Pour l’application du RPC, une invalidité est une déficience physique ou mentale grave et prolongéeFootnote 2. L’invalidité de la requérante est grave si elle l’empêche de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Son invalidité est prolongée si elle est susceptible de durer pendant une période longue, continue et indéfinie.

[7] Pour avoir gain de cause, la requérante doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est devenue invalide à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA)Footnote 3. Sa PMA, c’est‑à‑dire la date à laquelle elle doit prouver qu’elle était invalide, est le 31 décembre 2018. Il s’agit de la dernière date à laquelle elle avait des cotisations valides au RPC pendant quatre des six dernières années. Elle est établie par ses cotisations au RPC ainsi que par la clause pour élever des enfants, qui lui permettaient d’exclure les années où elle s’occupait d’un enfant de moins de sept ansFootnote 4.

Questions en litige

  1. Les problèmes de santé de la requérante l’ont-ils rendue régulièrement incapable d’occuper un emploi véritablement rémunérateur en date du 31 décembre 2018?
  2. Dans l’affirmative, son invalidité doit-elle durer pendant une période longue, continue et indéfinie?

Questions préliminaires

[8] Le 21 juillet 2020, j’ai ajourné l’audience au 24 septembre 2020. Même si la requérante n’a pas demandé l’ajournement avant la veille de l’audience, je l’ai fait parce que M. Dietrich a déclaré qu’il attendait des documents supplémentaires des autorités provinciales en matière d’invalidité (Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées) qui pourraient être pertinents pour l’appel. J’ai fixé la nouvelle date de l’audience environ deux mois après l’ajournement, afin de donner à la requérante le temps nécessaire pour obtenir et déposer les documents du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH). Dans ma décision du 2 septembre 2020 rejetant la demande de la requérante de renvoyer cette affaire à une ou un autre membre, j’ai déclaré qu’elle devrait immédiatement déposer les documents du POSPH afin que le ministre et moi-même ayons suffisamment de temps pour les lire avant l’audienceFootnote 5.

[9] La requérante n’a pas déposé les documents du POSPH avant le 21 septembre 2020, soit seulement deux jours avant l’audience. Les documents supplémentaires qu’elle a déposés comprenaient 259 pagesFootnote 6. M. Dietrich a reconnu que son bureau avait reçu presque la totalité des documents supplémentaires le 19 août 2020 à l’exception du formulaire médical du POSPH rempli par le Dr Librach, qu’il avait pour sa part reçu le 18 septembre 2020. En outre, une grande partie des documents était une copie des documents déjà déposés. C’est pourquoi j’ai exclu tout le document IS26 sauf le formulaire médical du Dr LibrachFootnote 7.

[10] Le matin de l’audience, la requérante a déposé 233 pages supplémentaires de documentsFootnote 8. Ces documents étaient en grande partie des copies de documents déjà déposés. En outre, les documents s’étendaient de 2012 à 2019 et étaient datés pour la plupart d’avant l’audience initiale de la division générale. M. Dietrich n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi il n’avait pas déposé ces documents avant. Il n’a pas non plus été en mesure d’expliquer pourquoi ils étaient d’une quelconque pertinence. Par conséquent, j’ai exclu tout le document IS28.

[11] La représentante du ministre, Mme Dejone, a demandé un ajournement pour qu’une évaluatrice médicale ou un évaluateur médical puisse examiner les documents supplémentaires pour le ministre. Cette demande aurait pu être raisonnable si tous les documents avaient été admis. Cependant, je n’étais pas convaincu qu’un ajournement était nécessaire puisque je n’avais admis que le formulaire médical du Dr Librach de septembre 2020. Ce formulaire indiquait que la requérante ne souffrait d’aucun nouveau trouble et qu’il n’y avait eu aucun changement en ce qui a trait aux troubles relevés précédemment. Je n’étais pas persuadé que Mme Dejone avait besoin d’une évaluation médicale pour répondre à ce rapport. C’est pourquoi j’ai refusé la demande d’ajournement du ministre.

Analyse

Invalidité grave

Les problèmes médicaux de la requérante ont nui à sa capacité à travailler au 31 décembre 2018.

Le témoignage de la requérante

[12] En septembre 2014, la requérante a été blessée dans un accident de voiture. Elle n’a pas subi de blessures graves et n’a pas manqué de jours de travail. En mai 2015, elle a cessé de travailler en raison d’une [traduction] « réaction de deuil » après le décès de son grand-père et de sa meilleure amie. Le 28 novembre 2015, elle a été grièvement blessée dans un deuxième accident de voiture. Elle n’est pas retournée au travail.

[13] Au cours de cette audience, la requérante a témoigné qu’elle n’a pas été en mesure d’effectuer un retour au travail en raison de plusieurs déficiences physiques et psychologiques. Elle souffre de douleur chronique généralisée. Elle souffre de crises d’épilepsie plus fréquentes et tombe en raison de celles-ci. Elle a perdu sa vision périphérique de l’œil gauche. Elle souffre de crises de panique, de retour en arrière et d’amaxophobie (peur extrême et irrationnelle d’être dans une voiture) en raison d’un trouble de stress post-traumatique. Elle souffre de dépression et d’anxiété. Elle n’arrive pas à dormir.

[14] Elle a tenté d’effectuer un retour au travail comme commis bénévole dans le cabinet juridique de sa mère en janvier de cette année. Elle l’a fait pendant environ quatre à six semaines. Elle a essayé de travailler pendant une à deux heures par jour. Elle n’arrivait pas à se rendre au bureau avant 11 h ou midi, et était [traduction] « inutile » après avoir travaillé pendant une à deux heures.

[15] C. R., la mère de la requérante a témoigné qu’elle n’était pas en mesure de faire du classement au bureau parce que c’était trop exigeant sur le plan physique. Elle ne pouvait pas rester assise ou debout pendant une longue période. Elle ne pouvait pas fixer un écran d’ordinateur. Elle avait de la difficulté à monter et à descendre les escaliers. Elle avait de fréquentes crises d’épilepsie et parfois, elle lançait soudainement un stylo à l’autre bout de la pièce à cause de ses contractions musculaires. Parfois, elle ne pouvait pas parler. Elle n’arrivait pas à finir une phrase et avait des difficultés à former des mots, en particulier lorsqu’elle était fatiguée. Elle avait besoin de se faire rappeler des choses constamment. Elle avait également des difficultés à contrôler ses émotions et avait des conflits avec d’autres personnes dans le bureau.

[16] B. D., le mari de la requérante a témoigné qu’elle souffre de douleur constante. Elle souffre de fréquentes crises d’épilepsie pendant lesquelles ses bras et ses jambes tremblent et se contractent. Elle a des problèmes de vision de l’œil gauche. Lorsqu’ils marchent, il doit se tenir à sa gauche pour qu’elle ne heurte pas quelque chose. Après une crise, elle ne se souvient pas de ce qui s’est passé. Elle n’arrive pas à dormir parce qu’elle souffre de secousses et de crises constantes tout au long de la nuit.

Preuve médicale

[17] La preuve médicale appuie le récit de la requérante. Ses principaux troubles invalidants sont la douleur chronique, l’épilepsie, le trouble de stress post-traumatique et la perte du champ de vision de l’œil gauche.

[18] Je dois évaluer l’état de santé de la requérante dans son ensemble et examiner toutes les détériorations ayant une incidence sur son employabilité, et non seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principaleFootnote 9. Même si chacun des problèmes de santé de la requérante, pris séparément, pourrait ne pas entraîner une invalidité grave, l’effet combiné de ses diverses affections peut la rendre gravement invalideFootnote 10.

Rapports initiaux destinés au RPC

[19] Dans son rapport médical au RPC daté de février 2016, le Dr Pantin, médecin de famille, a diagnostiqué des douleurs au dos, à la poitrine et aux côtes, un trouble de stress post-traumatique, de l’anxiété, une rhinite allergique, et un trouble convulsif. Son pronostic était réservéFootnote 11.

[20] Dans son rapport médical au RPC daté de mars 2016, le Dr Librach, médecin de famille, a diagnostiqué à la requérante de multiples séquelles d’un accident de voiture survenu en novembre 2015 soit un dysfonctionnement de la colonne cervicale et thoracique, un dysfonctionnement de l’épaule gauche et une tendinopathie de la coiffe des rotateurs, une faiblesse de la musculature pelvienne, une faiblesse des muscles de la main gauche et une perte de vision périphérique de l’œil gauche. Son pronostic était réservé pour son retour au travail comme charpentièreFootnote 12.

Neurologues

[21] La requérante a subi sa première crise épileptique en octobre 2000, alors qu’elle était âgée de 15 ans. Elle a subi une deuxième crise en août 2001. Elle a vu pour la première fois le Dr Jichichi, neurologue, en novembre 2001. Elle a eu d’autres crises en octobre 2002 et février 2003. D’autres crises se sont produites en février 2005, mai et novembre 2006, ainsi que juillet 2008Footnote 13.

[22] En décembre 2012, le Dr Jichichi a déclaré que la requérante se portait bien et que ses symptômes étaient bien contrôlés par les médicamentsFootnote 14. En juillet 2015, il a déclaré que l’épilepsie de la requérante était bien contrôlée et qu’elle n’avait pas subi de nouvelle crise. Cependant, la requérante a indiqué qu’elle était extrêmement déprimée, anxieuse et qu’elle avait fait des crises de panique depuis la mort de sa meilleure amie. Elle avait cessé de travailler depuis la fin du mois de maiFootnote 15.

[23] Le Dr Jichichi a vu la requérante en janvier 2016. La requérante a signalé qu’elle avait eu une crise d’épilepsie non provoquée le 1er novembre et qu’elle avait été blessée dans un accident de voiture le 28 novembreFootnote 16. Le Dr Jichichi a revu la requérante en juin 2016. Elle s’est plainte d’épisodes fréquents de douleurs lancinantes et de symptômes de décharge électrique dans son bras gauche et dans ses jambes. Ces symptômes se produisaient jusqu’à dix fois par jour. La requérante a continué la thérapie pour son trouble de stress post-traumatique. Le Dr Jichichi s’inquiétait du fait que certains de ses symptômes pouvaient être des pseudo-crises d’épilepsie (des crises non épileptiques qui ressemblent à des crises d’épilepsie)Footnote 17.

[24] En août 2016, la requérante a dit au Dr Morillo, un autre neurologue, que la fréquence de ses crises d’épilepsie avait augmenté à environ une par mois après son accident de novembre 2015 comparativement à une par année. Le Dr Morillo a déclaré qu’il n’y avait pas de preuve évidente de traumatisme crânien découlant de l’accidentFootnote 18.

[25] Dans un bilan de santé daté de mai 2017, appuyant la demande de POSPH de la requérante, le Dr Morillo a déclaré que la fréquence de ses crises d’épilepsie avait augmentéFootnote 19.

Dr Jones, psychologue

[26] Le Dr Jones a traité la requérante pour ses troubles de santé mentale de juillet 2016 jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite en mai 2019. En juillet 2016, le diagnostic du Dr Jones faisait état d’une interrogation au sujet d’un trouble de stress post-traumatique, d’un trouble dépressif majeur, d’une interrogation au sujet d’une phobie situationnelle liée à la conduite, et d’un trouble de symptôme somatique. Il a affirmé que la requérante avait une déficience psychologique importante en raison de l’accidentFootnote 20. En novembre 2016, le Dr Jones a déclaré que les effets combinés de l’épilepsie, de la dépression grave, de l’anxiété, et du trouble de stress post-traumatique de la requérante étaient [traduction] « dévastateurs ». L’effet combiné de ces problèmes de santé faisait en sorte qu’il était [traduction] « pratiquement impossible » pour elle de fonctionner dans un environnement de travail à temps plein dans [traduction] « tout type d’emploiFootnote 21 ».

[27] En février 2017, le Dr Jones a déclaré que les symptômes psychologiques de la requérante comprenaient la dépression et des crises d’anxiété. Elle souffrait de retour en arrière, de cauchemars, de distanciation et d’attachement dissociatif, d’hyper vigilance et d’anxiété véhiculaire. Il lui a diagnostiqué un trouble de stress post-traumatique et une phobie liée aux véhicules. Il affirme que l’accident de novembre 2015 a entraîné la détérioration de symptômes dépressifs dont elle souffrait déjà. Il a aussi affirmé que l’épilepsie dont elle était atteinte de longue date compliquait le traitement de son trouble de stress post-traumatiqueFootnote 22.

[28] En juin 2018, le Dr Jones a déclaré que la requérante souffrait toujours de symptômes du trouble de stress post-traumatique, de trouble dépressif majeur et de phobie liée aux véhicules. Il a diagnostiqué ses symptômes de douleur physique comme un trouble à symptomatologie somatique. Il a conclu qu’elle était incapable de retourner à son ancien poste ou toute autre occupation véritablement rémunératrice pour lequel elle était qualifiée selon son âge, son éducation et son expérience. Il a déclaré que la combinaison de ses trois troubles (douleur chronique, épilepsie et trouble de stress post-traumatique) entraînait une invalidité beaucoup plus grande que si chacun de ces troubles était considéré séparémentFootnote 23.

Optométristes

[29] Bien que la cause soit inconnue, la preuve des optométristes confirme que la requérante souffre d’une importante perte de vision du champ visuel gauche. Deux optométristes ont déposé des rapports à cette fin en novembre 2016 et avril 2017Footnote 24.

Limitations fonctionnelles

[30] Dans son questionnaire sur l’invalidité, signé en février 2016, la requérante a indiqué qu’elle avait des difficultés et des limitations fonctionnelles pour s’asseoir, se tenir debout, marcher, s’étirer, se pencher, voir de l’œil gauche, se souvenir de certaines choses, se concentrer et dormir. Elle ne conduisait pas en raison de ses crises d’épilepsieFootnote 25.

[31] En septembre 2016, le Dr Tester, chiropraticien, a effectué une évaluation des capacités fonctionnelles. Il a conclu que la requérante ne pouvait pas physiquement tolérer les exigences de son ancien emploi de charpentière en raison de ses limites à soulever et porter des charges, pousser et étendre son bras gauche. En outre, elle était incapable de monter dans une échelle ou d’effectuer les tâches de manipulation et de transport exigées par une charpentièreFootnote 26.

[32] Lors de l’audience initiale, la requérante a témoigné qu’elle ne pouvait faire que des tâches légères dans la maison, comme plier le linge. Même à ce moment-là, elle devait faire des pauses et suivre son propre rythme. Ses enfants faisaient la vaisselle et son copain nettoyait la salle de bain, sortait les poubelles, l’emmenait à l’épicerie et conduisait les enfants à leurs activités. Elle ne pouvait pas prédire l’ampleur de la douleur qu’elle ressentirait au réveil le matin. Elle ne pouvait pas dormir longtemps parce qu’elle se réveillait [traduction] « en gémissant et en se plaignant » de douleur. Elle avait des problèmes de mémoire, et parfois ne se souvenait pas de la façon de prononcer les mots. Parfois, elle oubliait l’âge de ses enfants et perdait la notion du temps. La fatigue et le stress déclenchaient ses symptômes.

Mes conclusions

[33] Le ministre s’appuie sur les rapports d’évaluation multidisciplinaires mentionnés ci-dessous. Ils ont été préparés pour la compagnie d’assurances en avril 2018. Toutefois, chacun de ces rapports évaluait l’employabilité de la requérante selon un trouble au lieu de toutes ses déficiences mises ensemble.

[34] John Haratsis, physiothérapeute, a effectué une évaluation des capacités fonctionnelles. Il a conclu que la requérante pouvait accomplir du travail dont les exigences physiques étaient de niveau léger à modéré à temps pleinFootnote 27. Cependant, son évaluation n’a pris en compte que sa douleur chronique. Elle n’a pas pris en compte son trouble de stress post-traumatique, son épilepsie et la perte de vision du champ visuel gauche. De la même manière, le rapport d’examen orthopédique ne prend en compte que sa douleur chroniqueFootnote 28.

[35] Le rapport d’examen neurologique ne tient compte que de l’augmentation de la fréquence des crises d’épilepsie de la requérante et conclut que [traduction] « d’un point de vue purement neurologique », la requérante n’est pas totalement incapable d’exercer un emploi pour lequel elle est raisonnablement qualifiée compte tenu de ses études ou sa formationFootnote 29.

[36] Le rapport d’évaluation neurocognitif conclut que, du seul point de vue neurocognitif, la requérante n’est pas totalement incapable d’exercer un emploi pour lequel elle est raisonnablement qualifiée en raison de son éducation, sa formation ou son expérience. Le rapport conclut également qu’elle ne souffre d’aucun trouble psychiatrique découlant de l’accident qui l’empêcherait de travailler. Cependant, ce rapport ne tient pas compte des diagnostics psychiatriques de trouble de stress post-traumatique, de trouble dépressif majeur et de phobie véhiculaire établis par le Dr JonesFootnote 30.

[37] Dans la mesure où il y a un conflit, je préfère les conclusions du Dr Jones qui avait vu et traité la requérante à 27 reprises jusqu’en juin 2018 contrairement au Dr Watson qui ne l’a vue que pendant une brève période aux fins d’une évaluationFootnote 31. En outre, le Dr Jones a évalué l’effet combiné de tous ses troubles alors que le Dr Watson n’a tenu compte que de ses troubles neurocognitifs.

[38] Je constate que l’effet combiné de l’épilepsie de la requérante, du trouble de stress post-traumatique, de la dépression, de l’anxiété et de la perte de vision du champ visuel gauche a nui à sa capacité à travailler au 31 décembre 2018.

La requérante a établi l’existence d’une invalidité grave

[39] L’invalidité est grave si elle rend la partie requérante incapable d’exercer avec une fréquence constante une occupation véritablement rémunératrice. Je dois évaluer l’exigence relative à la gravité dans un « contexte réaliste » et tenir compte de plusieurs facteurs, tels que l’âge de la requérante, son niveau de scolarité, sa maîtrise de la langue, ses antécédents de travail et son expérience de vie afin de déterminer son « employabilitéFootnote 32 ».

[40] La question principale dans les affaires touchant le RPC n’est pas de déterminer la nature ou le nom du problème de santé, mais plutôt son effet sur la capacité à travailler de la partie requéranteFootnote 33. C’est la capacité de la partie requérante à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de son invalidité au titre du Régime de pensions du CanadaFootnote 34.

[41] Mme Dejone reconnaît que la requérante est incapable de reprendre son ancien travail physiquement exigeant. Toutefois, la position du ministre est qu’elle est en mesure d’exercer un autre travail approprié dans les limites de ses capacités.

[42] La requérante n’avait que 33 ans au 31 décembre 2018, date de la PMA. Cela est bien loin de l’âge habituel de la retraite. Elle a terminé avec succès ses études secondaires ainsi qu’un programme collégial de charpenterie. Elle a des antécédents professionnels variés, notamment comme serveuse, barmaid, comme commis dans un magasin de bières et comme charpentière. Ce sont des facteurs positifs lorsqu’on considère sa capacité à se recycler ou à rechercher un autre emploi moins physique.

[43] Cependant, elle souffre de dyslexie et on lui a diagnostiqué de l’épilepsie en première année du secondaire. Par conséquent, elle a eu besoin de mesures d’adaptation et a dû redoubler sa 11e année. Elle a besoin de plus de temps pour lire et comprendre. Son orthographe est affectée et elle lit souvent mal les mots. Elle tape les mauvais mots à l’ordinateur et a besoin d’un logiciel de reconnaissance vocale. Elle a d’abord échoué à plusieurs reprises au seul examen de son diplôme de charpenterie. Elle a fini par réussir parce que le professeur l’a accompagnée en personne lors de l’examen. En raison de ces problèmes, elle n’a exercé que des emplois physiques.

[44] La mère de la requérante a témoigné que bien que la requérante soit une bonne élève, elle avait des difficultés d’apprentissage et de compréhension du langage parce qu’elle souffrait de dyslexie non diagnostiquée. Elle inversait des syllabes. Lorsque la requérante travaillait au cabinet juridique de sa mère, elle avait des problèmes pour prendre des messages. Elle transposait des noms et des numéros.

[45] Je suis convaincu qu’en raison de l’effet combiné de ses nombreux problèmes invalidants, la requérante n’est pas en mesure d’exercer régulièrement un quelconque emploi véritablement rémunérateur. Elle n’est pas arrivée à travailler au cabinet juridique de sa mère, même pendant quelques heures. Elle souffre de nombreuses limitations physiques et cognitivesFootnote 35. Elle ne pourrait pas être une employée régulière et fiable.

[46] J’estime que la requérante a établi qu’il était plus probable qu’improbable qu’elle était atteinte d’une invalidité grave qui satisfait aux exigences du RPC.

Invalidité prolongée

[47] Les problèmes invalidants physiques et psychologiques de la requérante persistent depuis plusieurs années. En dépit de nombreux traitements, il y a eu peu d’amélioration. L’invalidité de la requérante se prolonge depuis longtemps et ne présente aucune perspective raisonnable d’amélioration dans un avenir prévisible. Je conclus que son invalidité est prolongée.

Conclusion

[48] J’estime que la requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en novembre 2015, à la suite d’une blessure survenue dans un accident de voiture. Les versements doivent commencer quatre mois après la date de début de l’invaliditéFootnote 36. Les paiements doivent commencer en mars 2016.

[49] L’appel est accueilli.

Annexe

Les documents suivants ont été rejetés.

  1. IS26 sauf le formulaire médical du Dr Librach aux pages IS26-14 à 29.
  2. IS28.
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