Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : MD c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1062

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-1280

ENTRE :

M. D.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Raymond Raphael
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 14 octobre 2020
Date de la décision : Le 18 octobre 2020

Sur cette page

Décision

[1] Le requérant n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] Le requérant avait 61 ans en juin 2018 quand il a demandé une pension d’invalidité du RPC. Le dernier emploi qu’il a occupé était comme employé dans le rayon de la plomberie d’une quincaillerie. Il a affirmé qu’il avait été incapable de travailler depuis août 2017 en raison d’une blessure au genou gauche, d’arthrose et de dommages aux cartilages, de même que de douleurs aiguës au genou droit causées par l’arthrose. Il a aussi affirmé qu’il avait d’autres problèmes de santé. Ceux-ci comprennent des problèmes cardiaques, de l’hypertension, une dépression grave et une maladie du foieNote de bas de page 1. Le ministre a rejeté sa demande au stade initial et après révision. Le requérant a fait appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Dans sa demande de révision, le requérant a affirmé qu’il avait été incapable de travailler depuis novembre 2012 jusqu’à ce qu’il commence à travailler dans une quincaillerie en mars 2016Note de bas de page 2. Dans ses observations écrites, il a dit qu’il avait été incapable de travailler depuis décembre 2012 parce qu’il faisait des crises de foie aiguë et de l’apnée du sommeil, et qu’il était atteint de problèmes cardiaques et de dépressionNote de bas de page 3.

[4] Le ministre reconnaît que le requérant était incapable de travailler lorsqu’il a fait sa demande de prestations d’invalidité du RPC en juin 2018. Toutefois, il est d’avis que la preuve n’établit pas qu’il était incapable de travailler à compter de décembre 2012, au moment où son admissibilité à une pension d’invalidité du RPC s’est terminée. Il soutient aussi que le fait qu’il avait travaillé à la quincaillerie démontrait qu’il était capable de travailler après que son admissibilité à une pension d’invalidité du RPC s’est terminée.

[5] Pour les besoins du RPC, une invalidité est une incapacité physique ou mentale qui est grave et prolongéeNote de bas de page 4. L’invalidité du requérant est grave si elle le rend régulièrement incapable de détenir une quelconque occupation véritablement rémunératrice. Son invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie.

[6] Pour que le requérant ait gain de cause, il doit prouver qu’il est plus probable que le contraire qu’il est devenu invalide au plus tard à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) et qu’il a continué d’être invalide jusqu’à la date de l’audienceNote de bas de page 5. Sa PMA – c’est-à-dire la date à laquelle il doit prouver qu’il était invalide – est le 31 décembre 2012. Il s’agit de la dernière date à laquelle il avait des cotisations valides au RPC dans quatre des six dernières annéesNote de bas de page 6.

Questions en litige

  1. Les problèmes de santé du requérant l’ont-ils rendu régulièrement incapable d’occuper un emploi véritablement rémunérateur en date du 31 décembre 2012?
  2. Si tel est le cas, son invalidité est-elle d’une durée longue, continue et indéfinie?

Analyse

Invalidité grave

[7] Le requérant a affirmé qu’il était incapable de travailler à partir de la fin de décembre 2012 en raison de crises de foie aiguës, d’apnée du sommeil, et de problèmes cardiaques. Il a aussi affirmé que son genou gauche était douloureux à ce moment et que sa dépression avait commencé après qu’il a subi une angioplastie en octobre 2012.

[8] Le ministre a affirmé que les problèmes cardiaques du requérant étaient stables depuis son angioplastie en octobre 2012, et qu’il gérait son apnée du sommeil à l’aide d’un appareil de traitement à pression positive continue (PPC). Il a reconnu que le requérant avait un long historique de cholangiteNote de bas de page 7, mais il a affirmé qu’il avait été capable de travailler malgré cela. Le ministre a aussi affirmé qu’il n’y avait aucune preuve médicale de dépression ou d’arthrose aux genoux à compter de décembre 2012.

La preuve médicale n’établit pas que les problèmes de santé du requérant ont nui à sa capacité de travailler à compter de la fin de décembre 2012

[9] Le programme de prestations d’invalidité du RPC est un régime d’assurance sociale fondé sur des cotisations. Le requérant est couvert seulement pour les problèmes de santé qui sont devenus graves au plus tard le 31 décembre 2012. Il n’est pas couvert pour les problèmes de santé qui sont devenus graves par la suite.

[10] Même si la preuve médicale montre que le requérant est maintenant atteint d’une invalidité grave, elle ne démontre pas que ses problèmes de santé ont nui à son employabilité en date du 31 décembre 2012.

[11] Dans une décision récente, la Cour fédérale a affirmé que pour obtenir gain de cause, une partie requérante doit fournir des éléments de preuve médicale objectifs de ses troubles invalidants au moment de sa PMA. La Cour fédérale a aussi affirmé que les preuves médicales postérieures à la PMA ne sont pas pertinentes lorsqu’une partie requérante ne parvient pas à prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave avant la PMANote de bas de page 8.

Crises de foie

[12] Le requérant a affirmé qu’il avait commencé à faire des crises de foie après avoir subi une opération à la vésicule biliaire en 2002. Il ne se sentait pas bien, perdait l’appétit, était fatigué, faisait de la fièvre, et avait de la douleur et de l’enflure à la région abdominale. Il était [traduction] « complètement épuisé » pendant cinq ou six jours, puis il reprenait tranquillement des forces.

[13] La preuve médicale démontre que le requérant est atteint de problèmes au foie depuis longtemps. Toutefois, elle ne démontre pas que ses problèmes de santé étaient invalidants à la fin de décembre 2012.

[14] La première preuve médicale des problèmes de foie chroniques du requérant est la cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique (CPRENote de bas de page 9) effectuée par le gastroentérologue Dr Gopinath en avril 2005. Le Dr Gopinath a conclu que le requérant avait seulement une obstruction temporaire et qu’il pourrait retourner au travail dans quelques joursNote de bas de page 10. En novembre 2005, le Dr Gopinath a affirmé que le requérant allait bien du point de vue clinique en ce qui avait trait à ses problèmes de foie chroniquesNote de bas de page 11. En février 2006, le Dr Gopinath a effectué une deuxième CPRE. Il a conclu que sa cholangite avait été causée par une pierre au rein.Note de bas de page 12 En janvier 2012, le Dr Gopinath a effectué une autre CPRE et il a affirmé que le requérant n’avait pas de nouveaux symptômes cliniquesNote de bas de page 13.

[15] Le requérant a affirmé qu’il subissait une CPRE lorsqu’il faisait une crise de foie grave. Sa dernière CPRE avant sa PMA a eu lieu en janvier 2012. Il a seulement subi une autre CPRE 21 mois plus tard, soit en octobre 2013Note de bas de page 14.

[16] Malgré ses problèmes au foie récurrents, le requérant a continué de travailler jusqu’en 2010. Il a arrêté de travailler parce que les affaires ont [traduction] « ralenti » et le bureau a changé d’emplacement. Il a affirmé que l’entreprise l’avait [traduction] « forcé » à démissionner sans indemnité. Il n’a pas arrêté de travailler à cause de ses problèmes au foie, mais plutôt en raison des difficultés que l’entreprise de son employeur éprouvait. Après avoir quitté son emploi en 2010, il a commencé à recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. Pour toucher ces prestations, il a dû certifier qu’il était prêt et disposé à travailler.

[17] Je reconnais que le requérant avait depuis longtemps des problèmes de foie et qu’il y avait des périodes où il faisait des crises de foie. Toutefois, il a reconnu qu’il avait été capable de continuer à travailler malgré ces crises. Il n’existe aucune preuve démontrant qu’elles étaient d’une durée et d’une fréquence suffisantes pour l’empêcher de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

Apnée du sommeil

[18] Le requérant a reçu un diagnostic d’apnée du sommeil en mai 2012. Toutefois, il a reconnu qu’il était capable de la traiter à l’aide d’un appareil à PPC. Il a dit que son apnée du sommeil complique l’anesthésie requise pour ses récentes opérations au genou. Toutefois, cela n’aurait pas été d’une grande incidence en décembre 2012.

Problèmes cardiaques

[19] Le requérant a subi un angiogramme et une angioplastie en octobre 2012. Son cœur était stable jusqu’à ce qu’il fasse une deuxième crise cardiaque en juin 2016, ce qui était après son retour au travail. Il a été capable de retourner au travail environ deux mois après sa deuxième crise cardiaque.

Dépression

[20] Le requérant a affirmé qu’il avait discuté de sa dépression avec sa médecin de famille après son angioplastie d’octobre 2012. Toutefois, aucune preuve médicale ne démontre qu’il s’agissait d’un problème de santé important en décembre 2012. Rien ne démontre qu’il a été traité pour la dépression autre que le fait qu’on lui a prescrit des antidépresseurs. Il a reconnu que sa médecin de famille lui avait seulement prescrit des antidépresseurs en 2017.

Arthrose aux genoux

[21] Lorsque le requérant a fait sa demande de prestations d’invalidité du RPC en juin 2018, son principal problème de santé invalidant était son arthrose bilatérale des genoux. Dans son formulaire relatif à l’invalidité, il a indiqué qu’il s’agissait du seul problème de santé qui l’empêchait de travaillerNote de bas de page 15. Toutefois, il n’existe aucune preuve démontrant que son arthrose aux genoux était importante avant 2015.

[22] Dans le rapport médical du RPC, la Dre Fitzpatrick (médecin de famille) a affirmé que l’arthrose bilatérale des genoux était le principal problème de santé du requérant. Sa douleur aux genoux s’est aggravée entre 2016 et 2018Note de bas de page 16. En septembre 2017, le Dr Catre (chirurgien orthopédiste) a affirmé que l’état du requérant s’était détérioré depuis qu’il avait subi sa chirurgie arthroscopique au genou gauche en octobre 2015. En octobre 2017, le Dr Catre a affirmé qu’en raison de son arthrose aux genoux, le requérant était seulement apte à accomplir des tâches légères à son [traduction] « emploi extrêmement exigeant sur le plan physique ». Le Dr Catre n’était pas prêt à déclarer le requérant comme étant complètement invalide d’un point de vue orthopédiqueNote de bas de page 17.

Mes conclusions

[23] Je dois me concentrer sur l’état de santé du requérant à compter de la fin de décembre 2012. Ce faisant, je dois prendre en considération toutes les détériorations possibles, pas seulement les plus importantes ou la détérioration principaleNote de bas de page 18.

[24] La question principale dans les causes touchant le RPC n’est pas de déterminer la nature ou le nom du problème de santé, mais plutôt son effet sur la capacité à travailler de la partie requéranteNote de bas de page 19. La capacité de travailler du requérant, et non le diagnostic de sa maladie, détermine la gravité de son invalidité au titre du RPCNote de bas de page 20.

[25] Je reconnais que le requérant a une maladie chronique du foie depuis décembre 2012. Toutefois, il a été capable de travailler malgré cette maladie. Il traitait son apnée du sommeil à l’aide d’un appareil à PPC et ses problèmes cardiaques étaient stables. Il n’existe aucune preuve médicale démontrant qu’il était atteint de dépression ou d’arthrite aux genoux à ce moment.

[26] J’estime que les problèmes de santé du requérant, qu’ils soient pris en considération ensemble ou séparément, ne l’empêchaient pas de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice en décembre 2012.

Le requérant était capable de travailler après décembre 2012

[27] Le requérant a affirmé avoir fait plusieurs tentatives infructueuses pour trouver du travail à partir de 2010, jusqu’à ce qu’il trouve un emploi en mars 2016.

[28] Ces tentatives infructueuses comprenaient les suivantes :

  • Mai 2011 : il a cherché un emploi technique comme mécanicien automobile ou opérateur de machine à étiqueter à un salon de l’emploi.
  • Mars 2012 : il a fait une demande pour suivre un cours d’inspecteur d’habitations au Collège Seneca. Il était incapable de payer pour le cours.
  • Février 2014 : il a postulé pour un poste de technicien d’atelier pour la compagnie aérienne Porter.
  • Février 2015 : il a postulé pour un poste d’exploitant des installations au St. Michael’s college.
  • Mars 2015 : il a postulé pour un poste de commis à l’inventaire au Shopper’s Drug Mart.
  • Juin 2015 : il a postulé pour un poste de commis à l’accueil au East General Hospital.

[29] Le requérant ne savait pas pourquoi ses demandes avaient été infructueuses, mais il a dit qu’il aurait été capable d’occuper ces emplois s’il avait été embauché. Être incapable de trouver du travail n’est pas la même chose qu’être incapable régulièrement de détenir une occupation véritablement rémunératrice en raison d’un problème de santé.

[30] En mars 2016, le requérant a commencé à travailler dans le rayon de la plomberie d’une quincaillerie. Il travaillait 36 heures par semaine et gagnait environ 12 $ de l’heure. Son travail était très exigeant sur le plan physique. Il devait mettre des articles lourds dans des paniers, grimper dans des échelles et conduire des chariots élévateurs. En juin 2016, il a fait une crise cardiaque et il n’a pas pu travailler pendant deux mois. Il est ensuite retourné au travail jusqu’en septembre 2017. Il a arrêté de travailler en raison de douleurs atroces aux genoux. Il a gagné 12 949 $ pendant les mois où il a travaillé en 2016 et 15 254 $ pour environ neuf mois de travail en 2017. Aucun élément de preuve ne démontre qu’il a obtenu des mesures d’adaptation à cet emploi.

[31] Je suis convaincu que le requérant était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice après la PMA de décembre 2012.

Le requérant n’a pas su démontrer que son invalidité était grave à la fin de décembre 2012

[32] Une invalidité est grave si elle rend une partie requérante incapable d’exercer avec une fréquence constante une occupation véritablement rémunératrice. Je dois évaluer l’exigence relative à la gravité dans un contexte « réaliste » et tenir compte de facteurs tels que l’âge de la partie requérante, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie pour me prononcer sur son « employabilité »Note de bas de page 21.

[33] Le requérant avait 56 ans à la fin de sa PMA en décembre 2012. Cela est environ neuf ans avant l’âge habituel de la retraite. Il est né au Pakistan. Il est venu au Canada en 1998. Il a acquis beaucoup d’expérience de travail au Pakistan. Il a entre autres travaillé avec des machines pour une compagnie pharmaceutique, conduit des chariots élévateurs et des grues, travaillé dans un bureau pour une compagnie pétrolière, et travaillé comme technicien en instruments pour faire des tests dans les puits de pétrole. Au Canada, il a principalement travaillé dans des salles du courrier. Je suis convaincu que le requérant avait des compétences transférables et que ses caractéristiques personnelles ne limitaient pas de façon importante sa capacité à trouver un autre emploi.

[34] J’ai déjà conclu que les problèmes de santé du requérant ne l’empêchaient pas de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice à compter de décembre 2012.

[35] Le requérant n’a pas établi qu’il est plus probable que le contraire qu’il est atteint d’une invalidité grave conformément aux exigences du RPC.

[36] Étant donné que le requérant n’a pas su démontrer qu’il était atteint d’une invalidité grave, il n’est pas nécessaire que je tranche la question du caractère prolongé de l’invalidité.

Conclusion

[37] L’appel est rejeté.

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