Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 990

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-307

ENTRE :

A. B.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Tyler Moore
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 21 septembre 2020
Date de la décision : Le 13 octobre 2020

Sur cette page

Décision

[1] La requérante, A. B, est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) payable à compter de janvier 2018. Cette décision explique pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[2] La requérante a travaillé pour la dernière fois en tant qu’aide-soignante à temps plein de juillet 2001 au 14 novembre 2016. Elle a précisé qu’elle ne pouvait plus travailler depuis ce temps, principalement à cause de douleurs dans le bas du dos.

[3] La requérante a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 5 décembre 2018. Le ministre de l’Emploi et du Développement social du Canada a rejeté sa demande, étant donné que la requérante n’avait pas tenté d’exercer un autre emploi adapté à ses limitations et que ses problèmes de dos duraient depuis longtemps. La requérante a interjeté appel de la décision de la division générale au Tribunal de la sécurité sociale.

Éléments que la requérante doit prouver

[4] Pour obtenir gain de cause, la requérante doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2018. Cette date est calculée selon ses cotisations au RPCNote de bas de page 1.

[5] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 2.

Motifs de ma décision

[6] J’estime que la requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2018. J’ai rendu cette décision en examinant les questions suivantes.

[7] Il convient de noter que la requérante a déposé le document GD9 juste avant la tenue de l’audience. Le dernier document était un rapport d’évaluation fonctionnelle de deux pages, préparé par Mme Huff, physiothérapeute, et daté du 16 septembre 2020. Bien que le rapport ait été rédigé bien après le 31 décembre 2018, je l’ai accepté parmi les éléments à examiner. Mme Huff est la physiothérapeute traitante de la requérante depuis un certain temps. Son rapport porte sur la nature prolongée et continue des limitations fonctionnelles découlant de l’état de santé de la requérante. J’ai aussi examiné les observations du ministre concernant le document GD9.

L’invalidité de la requérante était-elle grave?

La requérante a des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler

[8] Ma décision quant au fait de savoir si l’invalidité de la requérante est grave ne repose pas sur ses diagnostics. Elle est fondée sur la question de savoir si la requérante a des limitations fonctionnelles qui l’empêchent de travaillerNote de bas de page 3. Je dois examiner son état de santé général et réfléchir à la façon dont ses problèmes pourraient nuire à sa capacité de travaillerNote de bas de page 4.

[9] La requérante soutient que ses douleurs chroniques au dos découlent d’une incapacité à rester debout ou à s’asseoir pendant plus de 20 minutes, ou à marcher pendant plus de cinq minutes. Elle doit utiliser une canne parce qu’elle manque d’équilibre. Elle a également beaucoup de difficulté à monter les escaliers, à se pencher et à soulever des objets, et à participer aux activités familiales. Elle doit compter sur ses amis et les membres de sa famille pour effectuer de simples tâches ménagères, comme la cuisine et le nettoyage.

[10] La preuve médicale du Dr Williamson et du Dr Gosal appuie l’argument de la requérante. Une imagerie par résonnance magnétique du dos de la requérante, réalisée en 2017, révèle aussi de manière objective des disques moyennement bombés, ainsi que des fissures annulaires et une sténose légère du canal rachidien central entre les vertèbres L4 et S1.

[11] En octobre 2017, le Dr Williamson a rapporté que les maux de dos de la requérante duraient depuis 20 ans et qu’ils s’étaient accentués au point où la douleur était constante depuis les deux dernières années. Le fait de rester assise, de se tenir debout et de marcher pendant de longues périodes augmentait sa douleur. En septembre 2018, le Dr Gosal a rapporté que la requérante n’avait pas été capable de rester assise assez longtemps pour lui permettre de terminer un cours de recyclage. Elle n’arrivait pas à se concentrer ni à trouver une position confortable pour étudier. En mars 2019, peu après la date importante du 31 décembre 2018, le Dr Williamson a rapporté que la requérante éprouvait toujours des douleurs au cou ainsi que dans le milieu et le bas du dos. Il a précisé qu’elle semblait avoir des douleurs chroniques généralisées pour lesquelles une intervention, des procédures pour gérer la douleur ou une chirurgie ne seraient pas utiles. En juillet 2020, le Dr Gosal a rapporté que la requérante était incapable de gérer les activités de la vie quotidienne, dont les tâches ménagères, à cause de la douleur. La requérante avait de plus en plus mal au cou. Elle utilisait une canne pour marcher, et la douleur l’affaiblissait à vue d’œil.

[12] Selon la preuve médicale, la requérante avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler en date du 31 décembre 2018.

La requérante n’a pas la capacité de travailler

[13] Pour décider si la requérante est capable de travailler, je dois examiner bien plus que juste ses problèmes de santé et leur effet sur son fonctionnement. Je dois aussi tenir compte de son âge, de son niveau d’instruction, de ses aptitudes linguistiques, de ses antécédents de travail et de son expérience de la vie. Ces facteurs m’aident à décider si elle est capable de travailler dans un contexte réalisteNote de bas de page 5.

[14] J’estime que la requérante n’a pas la capacité de travailler dans un contexte réaliste. Je reconnais qu’à 43 ans, elle était relativement jeune en décembre 2018. En plus de parler couramment l’anglais, elle a terminé ses études secondaires et détient un certificat d’études collégiales en tant qu’aide-soignante. Toutefois, elle possède des compétences transférables limitées et a de nombreuses limitations fonctionnelles. Elle a seulement travaillé en tant qu’aide soignante.

[15] La requérante a tenté de suivre un programme de recyclage en informatique à l’Academy of Learning Career College [collège académique d’enseignement professionnel] du 4 au 21 septembre 2018. À la demande de sa compagnie d’assurance-invalidité privée, elle a assisté à ses cours trois heures par jour, trois jours par semaine. La requérante a dit qu’elle devait constamment alterner entre les positions assise et debout et qu’elle devait souvent prendre des pauses. Ses douleurs étaient pires les jours où elle assistait à ses cours. Elle n’a pas terminé le programme. En septembre 2018, le Dr Gosal a rapporté que la requérante n’avait pas été capable de poursuivre le programme de recyclage en raison d’intolérances posturales et d’un manque de concentration.

[16] La requérante a démontré qu’elle n’arrivait pas à se recycler, même à temps partiel. Le programme qu’elle a suivi tenait compte de ses limitations et ne nécessitait que 9 heures de cours par semaine. Même cela était trop pour la requérante. Compte tenu de ses limitations fonctionnelles, de ses compétences transférables limitées et de sa tentative ratée de se recycler, j’estime que la requérante ne serait pas réellement employable dans un environnement de travail compétitif.

La requérante a déployé des efforts raisonnables pour suivre les traitements recommandés

[17] La requérante a déployé des efforts raisonnables pour suivre les conseils médicauxNote de bas de page 6. Elle a participé à des séances de physiothérapie, de massothérapie, d’acupuncture et d’hydrothérapie. En plus d’avoir perdu 40 livres, elle a modifié son alimentation et a eu des injections de prolothérapie. Le Dr Williamson, médecin spécialisé en gestion de la douleur, s’occupait de la requérante. Comme de nombreux médicaments recommandés ont entraîné des effets secondaires, la requérante a dû cesser de les prendre. Les injections de stéroïdes ne lui ont procuré aucun soulagement durable.

[18] Au départ, le Dr Williamson avait recommandé les blocs de branches médianes (injections) à la requérante. Toutefois, en mars 2019, le Dr Williamson a renvoyé la requérante de sa clinique de la douleur. Il a précisé que des procédures d’intervention ou de gestion de la douleur supplémentaires ne seraient pas utiles. C’est pourquoi la requérante n’a pas eu recours aux injections. La requérante a suivi tous les autres traitements recommandés de son mieux.

[19] En décembre 2018, la requérante prenait un médicament inconnu contre l’hypertension, un médicament pour la thyroïde, de l’huile de CBD, du Tylenol et différents nutraceutiques. Elle utilisait aussi des timbres de fentanyl. Malheureusement, tous les traitements qu’elle a suivis n’ont pas amélioré son fonctionnement général. Aucun autre traitement réparateur n’a été recommandé.

L’invalidité de la requérante est-elle prolongée?

[20] L’invalidité de la requérante est prolongée. Ses problèmes de santé sont survenus il y a de nombreuses années. Ils étaient présents lorsqu’elle a quitté son emploi en novembre 2016, et ils persistent encore à ce jour. Malgré sa perte de poids, l’essai de plusieurs médicaments, les différents traitements conservateurs et invasifs qu’elle a suivis, ainsi que ses nombreuses consultations, l’état de santé de la requérante ne s’est pas amélioré. Comme ses symptômes sont chroniques et vont de mal en pis même si elle ne travaille plus depuis 2016, je ne m’attends pas à ce que l’état de la requérante s’améliore au point où elle pourrait reprendre régulièrement un emploi véritablement rémunérateur.

Conclusion

[21] La requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en novembre 2016, lorsqu’elle a cessé de travailler. Toutefois, le RPC prévoit qu’elle ne peut pas être réputée invalide plus de 15 mois avant que le ministre ne reçoive sa demande d’invalidité. Il y a ensuite une période d’attente de quatre mois avant le début des versementsNote de bas de page 7.

[22] Le ministre a reçu la demande de la requérante en décembre 2018. La requérante est donc réputée être devenue invalide en septembre 2017. Par conséquent, sa pension est payable à compter de janvier 2018.

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