Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : CB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 899

Numéro de dossier du Tribunal: AD-20-745

ENTRE :

C. B.

Appelante

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimé


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Valerie Hazlett Parker
DATE DE LA DÉCISION : Le 19 octobre 2020

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Bien que la division générale ait commis une erreur de droit, lorsque celle-ci est corrigée, la même décision est rendue.

Aperçu

[3] La requérante, C. B., a terminé son secondaire. Après avoir travaillé pendant un certain temps, elle est retournée au collège et a fait un certificat en électroniques grand public et elle a fait un programme d’apprentissage dans le domaine. Elle a ensuite travaillé comme technicienne en électronique jusqu’en décembre 1998. La requérante a fait une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) en 2018 et a affirmé qu’elle était invalide en raison de douleurs chroniques au cou et au dos. Elle a aussi eu des opérations à un genou et elle fait des crises épileptiques nocturnes.

[4] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande de pension d’invalidité. Il a déterminé que la requérante n’était pas atteinte d’une invalidité grave avant la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA – la date avant laquelle une partie requérante doit prouver qu’elle était invalide pour recevoir la pension d’invalidité). La requérante a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel. Elle a décidé que l’invalidité de la requérante n’était pas grave avant la fin de sa PMA.

[5] La permission d’appeler de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal a été accordée parce qu’il était possible que la division générale ait commis une erreur de droit. J’ai maintenant lu les observations écrites des parties et j’ai entendu leurs arguments oraux. J’ai pris en considération la décision de la division générale et le dossier écrit de la division générale, et j’ai écouté l’enregistrement de l’audience devant la division générale. La division générale a commis une erreur de droit. Toutefois, même après avoir corrigé l’erreur, la même décision a été rendue. Par conséquent, l’appel est rejeté.

Questions en litige

[6] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur au moins une des erreurs de fait importantes suivantes :

  1. que les conditions du marché ont empêché la requérante d’obtenir un emploi véritablement rémunérateur;
  2. qu’il est possible d’avoir une bonne ergonomie et de changer fréquemment de position dans plusieurs milieux de travail, sans tenir compte de l’étendue des mesures d’adaptation requises par la requérante;
  3. que la participation de la requérante à un programme de réadaptation interdisciplinaire démontre sa capacité à détenir régulièrement un emploi à temps partiel;
  4. que la fatigue de la requérante et son besoin de faire une sieste en après-midi ne l’empêcheraient pas de détenir de façon régulière et prévisible un emploi véritablement rémunérateur.

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en exigeant que la requérante démontre que ses efforts pour obtenir ou conserver un emploi avaient échoué en raison de son état de santé avant la fin de sa PMA?

Analyse

[8] Un appel devant la division d’appel du Tribunal n’est pas une nouvelle audience de l’affaire originale. La division d’appel peut seulement décider si la division générale a :

  1. négligé d’offrir un processus équitable;
  2. omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher, ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. commis une erreur de droit;
  4. fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

Importantes erreurs de fait

[9] La requérante affirme que la division générale a fondé sa décision sur de nombreuses erreurs de fait importantes. Pour obtenir gain de cause en appel pour ce motif, elle doit prouver trois choses :

  1. qu’une conclusion de fait était erronée (a été tirée par erreur);
  2. que la conclusion a été tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale;
  3. que la décision a été fondée sur cette conclusion de faitNote de bas de page 2.
Trouver un emploi

[10] Selon la requérante, la première conclusion de fait erronée tirée par la division générale dans sa décision est celle selon laquelle si la requérante ne pouvait pas trouver d’emploi où l’on pouvait lui offrir des mesures d’adaptation, c’était en raison des conditions du marché du travailNote de bas de page 3. La requérante soutient que cette conclusion de fait n’a aucun fondement probatoire. Cela pourrait être vrai. Si cela est le cas, la conclusion de fait est erronée.

[11] Cependant, la décision de la division générale n’est pas fondée sur la question de savoir si la requérante pouvait trouver un emploi. La décision est fondée sur la capacité de la requérante à faire un travail sédentaire, le manque d’éléments de preuve démontrant que ses efforts pour obtenir ou conserver un emploi n’ont rien donné en raison de son état de santé, et le fait qu’elle n’avait pas essayé d’occuper le type d’emploi recommandé par le programme de réadaptation.

[12] La division générale n’a donc pas fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

Ergonomie et changement de position

[13] La deuxième conclusion de fait que la requérante remet en cause est l’affirmation dans la décision de la division générale selon laquelle plusieurs milieux de travail offrent la possibilité d’avoir une bonne ergonomie et de changer de position fréquemmentNote de bas de page 4. Elle soutient qu’il n’y avait aucune preuve devant la division générale lui permettant de tirer cette conclusion de fait.

[14] Toutefois, la division générale peut prendre connaissance d’office de certains faits. Prendre connaissance d’office signifie accepter un fait sans preuveNote de bas de page 5. Le critère juridique à remplir pour que la personne qui rend la décision admette un fait sans preuve est soit 1) que le fait est généralement admis au point de ne pas être l’objet de débats entre des personnes raisonnables ou 2) que l’existence du fait peut être démontrée immédiatement et fidèlement en ayant recours à des sources facilement accessibles dont l’exactitude est incontestableNote de bas de page 6. Le fait que l’exigence d’une bonne ergonomie et de pouvoir changer de position fréquemment est courant sur le marché commercial est un tel fait. Il est généralement reconnu que la plupart des employés ont ces exigences. Cela n’est pas sujet à contestation. Par conséquent, la division générale n’a commis aucune erreur en tirant cette conclusion de fait.

[15] La requérante affirme aussi que la division générale a commis une erreur de droit à ce sujet, car elle n’a pas vérifié si la requérante avait besoin de trouver un employeur bienveillant pour faire de nouveau partie de la main-d’œuvre rémunérée.

[16] Un employeur bienveillant est un employeur qui modifie les tâches ou les attentes au travail afin d’être moins exigeant qu’envers d’autres employésNote de bas de page 7. Les parties n’ont présenté aucun élément de preuve à la division générale concernant des mesures d’adaptation que la requérante a obtenues dans un milieu de travail, ou de la façon dont les attentes liées à son rendement étaient différentes de celles des autres. Ainsi, la division générale n’aurait pas pu tenir compte de cette question. Elle ne peut pas avoir commis une erreur en omettant de tenir compte de quelque chose pour lequel il n’y avait aucun élément de preuve.

[17] L’appel ne peut donc être accueilli sur ce fondement.

Programme de réadaptation

[18] La conclusion de fait suivante que la requérante affirme a été tirée par erreur concerne sa participation à un programme de réadaptation. La division générale a conclu que la participation de la requérante à ce programme à raison de six heures par jour, cinq jours par semaine pendant neuf semaines sans que son état de santé se détériore montre qu’elle avait la capacité de travaillerNote de bas de page 8. La requérante soutient que la division générale a commis une erreur, car elle n’a pas pris en considération son témoignage selon lequel elle prenait des pauses supplémentaires durant ce programme, et que l’environnement était différent de celui du marché du travail concurrentiel.

[19] Bien que la décision de la division générale ne fasse pas expressément mention de ce témoignage, cela n’est pas fatal à la décision. Il n’est pas nécessaire que la décision mentionne chacun des éléments de preuve qui lui sont présentés. L’on présume que la division générale a tenu compte de l’ensemble de la preuveNote de bas de page 9. La décision doit seulement établir les conclusions de fait les plus importantes et les justifications de celles-ciNote de bas de page 10.

[20] La division générale a examiné la preuve de la requérante concernant sa participation au programme de réadaptation. Elle a accordé plus de poids aux rapports médicaux qui démontraient que l’état de santé de la requérante ne s’était pas détérioré durant le programmeNote de bas de page 11. Ainsi, la division générale n’a tiré aucune conclusion de fait erronée.

[21] L’appel est rejeté pour ce motif.

Fatigue

[22] Enfin, la requérante soutient que la division générale a omis de prendre en considération le fait que sa fatigue et son besoin de faire une sieste en après-midi la rendent inapte à occuper un emploi. Toutefois, la décision de la division générale indique que la requérante n’a pas mentionné qu’elle avait des problèmes de sommeil, de la difficulté à sortir du lit ou à se concentrer, ou qu’elle avait besoin de s’étendre lorsqu’elle a été examinée à deux reprises par Dr ReynoldsNote de bas de page 12. Elle a pris cette preuve en considération. Il incombe à la division générale d’accepter les éléments de preuve des parties et de les apprécier pour rendre une décision. Il n’appartient pas à la division d’appel d’apprécier à nouveau la preuve pour arriver à une décision différente. Voilà ce que la requérante demande avec cet argument.

[23] L’appel est rejeté sur ce motif.

Erreur de droit

[24] La requérante affirme également que la division générale a commis une erreur de droit. La Cour d’appel fédérale affirme que, là où il y a des preuves de capacité de travail, une partie requérante doit démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux en raison de son état de santéNote de bas de page 13. C’est ce qu’énonce correctement la décision de la division généraleNote de bas de page 14.

[25] La décision de la division générale précise ensuite que la requérante n’a pas satisfait à cette obligation légale parce que premièrement, elle n’a fait aucun effort pour travailler avant la fin de sa PMANote de bas de page 15 et deuxièmement, elle a seulement fait des efforts plusieurs années après la fin de sa PMANote de bas de page 16. Toutefois, la Cour d’appel fédérale ne précise pas quand les efforts pour obtenir et conserver un emploi doivent avoir lieu. Par conséquent, exiger que les efforts pour travailler soient déployés avant la fin de la PMA ou près de cette date ajoute une exigence supplémentaire à cette obligation légale. Cela constitue une erreur de droit.

[26] La division d’appel doit intervenir sur ce fondement.

Réparation

[27] La division d’appel peut offrir plusieurs réparations différentes lorsqu’elle intervient, comprenant la confirmation de la décision de la division généraleNote de bas de page 17. Dans ce cas-ci, la décision de la division générale est confirmée. Cette réparation est fournie pour les raisons suivantes :

  1. le dossier est complet;
  2. les parties ont fait des observations orales et écrites sur toutes les questions juridiques;
  3. il n’y a pas de lacune dans les observations;
  4. les deux parties ont demandé que la division d’appel rende la décision que la division générale aurait dû rendre si elle intervenait;
  5. le Tribunal peut décider des questions de fait et de droit nécessaires pour conclure un appelNote de bas de page 18;
  6. Les appels doivent être conclus de la manière la plus expéditive que l’équité et la justice naturelle permettentNote de bas de page 19.
  7. Cette affaire dure depuis mai 2018. Un délai supplémentaire s’ajouterait si l’affaire était renvoyée à la division générale pour réexamen.

[28] Il n’est pas nécessaire de modifier les conclusions de fait tirées par la division générale. Elle n’a pas commis d’erreur en décidant qu’il y avait des éléments de preuve de la capacité à travailler avant la fin de la PMA. Lorsqu’il existe de tels éléments de preuve, une partie requérante doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux en raison de son état de santéNote de bas de page 20. La requérante n’a pas satisfait à cette obligation légale.

[29] La requérante a cessé de travailler comme technicienne en électroniques grand public en 1998. Elle ne pouvait plus faire son travail parce qu’elle avait des douleurs constantes au cou et au dos. En 1999, elle travaillait quelques heures chaque mois en faisant des tâches de comptabilité à partir de son domicile pour l’entreprise de consultation de son époux. Cet emploi n’a pas pris fin parce que la requérante n’arrivait plus à faire son travail en raison de son état de santé.

[30] La requérante a cherché un autre emploi plus tard en se rendant dans des agences et en essayant de trouver un travail qu’elle pourrait faire malgré son invaliditéNote de bas de page 21. Elle n’a pas trouvé de travail. La requérante a dit que tous les emplois disponibles exigeaient qu’elle soit debout, qu’elle soulève des charges, etc., et qu’elle ne pouvait pas le faire.

[31] La requérante n’a pas satisfait à l’obligation légale de démontrer qu’elle ne pouvait pas obtenir ou conserver un emploi en raison de son état de santé. L’emploi que la requérante avait avant la fin de sa PMA a pris fin pour d’autres raisons que son état de santé.

[32] Même si je reconnais que la requérante ne peut pas faire un travail exigeant sur le plan physique, elle n’a pas essayé de faire un travail sédentaire. De plus, la requérante était jeune à la fin de sa PMA. Le fait qu’elle soit retournée au collège à l’âge adulte montre qu’elle pourrait se recycler. Toutefois, elle n’a fait aucun effort pour le faire.

[33] L’invalidité de la requérante n’est donc pas grave au sens du RPC.

[34] Pour être considérée comme étant invalide au titre du RPC, une partie requérante doit démontrer qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Étant donné que l’invalidité de la requérante n’est pas grave, je n’ai pas besoin de déterminer si elle est prolongée.

Conclusion

[35] L’appel est rejeté.

[36] Même si la division générale a commis une erreur de droit, lorsqu’elle a été corrigée, la même décision a été rendue. La requérante n’était pas invalide avant la fin de sa PMA.

Date de l’audience :

Le 14 octobre 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

Chantelle Yang, représentante de l’appelante

Ian McRobbie, avocat de l’intimé

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