Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : MG c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 897

Numéro de dossier du Tribunal: AD-20-670

ENTRE :

M. G.

Demandeur

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Défendeur


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


Décision relative à une demande de permission
d’en appeler et décision rendues par :
Shirley Netten
Date de la décision : Le 15 octobre 2020

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est accueillie, et l’appel est accueilli en partie. La décision de mai 2020 de la division générale est annulée. Toutefois, la demande de modification de la décision d’avril 2019 de la division générale est rejetée.

Aperçu

[2] M. G. (requérant) a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) en juin 2016. Service Canada a rejeté sa demande en décembre 2016 et après révision, en janvier 2018Note de bas de page 1.

[3] En appel, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale a accordé la pension d’invalidité. Dans sa décision de janvier 2019, la division générale a conclu que le requérant avait satisfait au critère relatif à l’invalidité en septembre 2011. La division générale a précisé que la pension d’invalidité était payable à compter de juillet 2015, soit 11 mois avant la date de la demande.

[4] Pour donner suite à une demande d’Emploi et Développement social Canada, la division générale a rendu une décision corrigée le 5 avril 2019. L’issue de la nouvelle décision est restée la même : la pension est demeurée payable à compter de juillet 2015. Toutefois, la division générale a conclu que le requérant avait satisfait au critère relatif à l’invalidité en avril 2014 plutôt qu’en septembre 2011.

[5] Le requérant a demandé à la division générale de modifier la décision d’avril 2019Note de bas de page 2. La division générale a rejeté la demande le 31 mai 2020. Avec l’accord des parties, j’annule la décision de mai 2020 en raison d’un manquement à l’équité procédurale.

[6] J’ai rendu une nouvelle décision concernant la demande de modification de la décision d’avril 2019. Le requérant n’a présenté aucun fait nouveau et essentiel qui, au moment de l’audience, ne pouvait être connu malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.

Accord sur la permission d’en appeler et manquement à l’équité procédurale

[7] L’un des moyens d’appel à la division d’appel est que la division générale « n’a pas observé un principe de justice naturelleNote de bas de page 3 ». Le principe de justice naturelle concerne l’équité procédurale. Les parties d’une instance doivent avoir une chance équitable de présenter leurs arguments.

[8] Le 20 mai 2020, la division générale a invité le requérant à répondre aux observations du ministre. Le requérant avait jusqu’au 5 juin 2020 pour le faire. La division générale a reçu une lettre du requérant le 22 mai 2020 et a rendu sa décision le 31 mai 2020. Toutefois, le requérant avait rédigé sa lettre le 20 mai 2020, avant que la division générale ne l’invite à répondre aux observations du ministre. Le requérant croyait naturellement qu’il avait jusqu’au 5 juin 2020 pour déposer ses observations. Il a été pris au dépourvu lorsque la décision a été rendue avant qu’il n’ait la chance de le faire.

[9] Les parties conviennent que la division générale n’a pas agi équitablement. Les parties s’entendent pour dire que l’appel doit être accueilli dans la mesure où la décision du 31 mai 2020 est annulée. J’accepte cet accord puisqu’il correspond à la preuve de la séquence des événements survenus à la division générale. J’accorde au requérant la permission d’en appeler et j’estime que la division générale a manqué au principe de justice naturelle en rendant une décision sans attendre les observations du requérant.

[10] Après avoir cerné une erreur commise par la division générale, la division d’appel peut annuler la décision de la division généraleNote de bas de page 4. Conformément à l’accord des parties, j’annule la décision du 31 mai 2020.

[11] La division d’appel peut aussi rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 5. Le requérant a maintenant présenté ses arguments concernant sa demande de modification de la décision d’avril 2019 de la division générale. Il n’est pas nécessaire de renvoyer l’affaire à la division générale. Le reste de cette décision répond à la question dont était saisie la division générale en mai 2020 : le requérant a-t-il présenté un fait nouveau et essentiel qui, au moment de l’audience, ne pouvait être connu malgré l’exercice d’une diligence raisonnable?

Critère pour rouvrir une décision

[12] Le pouvoir de modifier une décision de la division générale concernant une pension d’invalidité du RPC est prévu à l’article 66(1)(b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) :

  1. 66 (1) Le Tribunal peut annuler ou modifier toute décision qu’il a rendue relativement à une demande particulière : […]
    1. b) dans les autres cas, si des faits nouveaux et essentiels qui, au moment de l’audience, ne pouvaient être connus malgré l’exercice d’une diligence raisonnable lui sont présentés [mis en évidence par la soussignée].

[13] Afin de rouvrir la décision d’avril 2019, le requérant devrait présenter au moins un fait nouveau et essentiel qui, au moment de l’audience, ne pouvait être raisonnablement connu.

Demande du requérant de modifier la décision d’avril 2019

[14] Dans sa demande, le requérant a écrit ceciNote de bas de page 6 :

[traduction]
Service Canada a précisé par écrit à maintes reprises que si j’avais été admissible en décembre 2003, j’aurais droit à une pension d’invalidité rétroactive à compter de cette date. Comme le démontrent mes déclarations de revenus, je pense que les documents et le témoignage de la Dre Keith indiquent clairement que c’est effectivement le cas. Je demande au Tribunal de rétablir la date de mon invalidité à la date de mon accident survenu en janvier 1999 [mis en évidence dans l’original].

[15] Lorsqu’on lui a récemment demandé sur quels faits il s’appuyait, le requérant a écrit ceciNote de bas de page 7 :

[traduction]
Comme indiqué, la Dre Keith a rédigé sa lettre du 23 juillet 2019 afin d’avoir une discussion officielle au sujet de la PMA prenant fin en décembre 2003. La Dre Keith n’a toujours pas été officiellement interrogée à ce sujet par le Tribunal. Veuillez vous adresser à la Dre Keith pour en savoir plus.

Les déclarations de revenus, les documents antérieurs et le témoignage ne sont pas nouveaux

[16] Des faits « nouveaux » sont des faits que le décideur ne connaissait pas avant de rendre sa décision.

[17] Le requérant a fourni ses déclarations de revenus de 2006, 2007 et 2008 à la division générale en décembre 2018Note de bas de page 8. La Dre Keith a rédigé un rapport médical et deux lettres à l’appui de la demande du requérant concernant la pension d’invalidité. Ces documents ont été communiqués à la division générale en février 2018Note de bas de page 9. Le membre de la division générale a pris connaissance de tous ces documents. Ils ne constituent pas de nouveaux éléments de preuve et ne contiennent pas de faits nouveaux.

[18] La Dre Keith a également témoigné à l’audience. Comme la division générale a entendu son témoignage, celui-ci ne constitue pas un nouvel élément de preuve et ne contient pas de faits nouveaux.

L’avis que la Dre Keith a donné en juillet 2019 comprend des faits nouveaux

[19] L’un des documents de la Dre Keith ne figurait pas au dossier de la division générale. Il s’agit de la lettre du 23 juillet 2019Note de bas de page 10. Voici ce qu’elle précise :

[traduction]
J’écris en ma qualité de psychologue traitante [du requérant]. [Le requérant] et moi avons travaillé ensemble initialement, à la suite de son accident de la route survenu en 1999. Il est revenu me voir en 2011, après l’accident de la route de sa mère.

L’accident de la route [du requérant] en 1999 était grave et lui a causé une déficience. Il n’a pas pu se rétablir suffisamment pour reprendre la charge de travail qu’il avait avant l’accident. Lorsque je l’ai revu en septembre 2011, il était encore incapable de travailler.

[20] La lettre exprime une opinion sur l’état de santé du requérant après l’accident de la route survenu en 1999 que la Dre Keith n’avait pas partagée auparavant. En ce sens, la lettre présente des faits nouveaux.

[21] Il y a deux raisons pour lesquelles ces faits nouveaux ne répondent pas au critère énoncé à l’article 66(1)(b) de la Loi sur le MEDS. L’une ou l’autre suffit pour rejeter la demande du requérant.

Ces faits nouveaux pouvaient être raisonnablement connus au moment de l’audience

[22] Premièrement, l’avis de la Dre Keith aurait pu être présenté à l’audience ou avant celle-ci avec l’exercice d’une diligence raisonnable. Son opinion portait sur des événements survenus entre 1999 et 2011, et reposait sur ses contacts avec le requérant au cours de ces années. C’était bien avant la date de l’audience.

[23] Qui plus est, Service Canada a dit au requérant en décembre 2016 qu’il avait versé assez de cotisations pour être admissible à une pension d’invalidité s’il était atteint d’une invalidité grave, prolongée et continue depuis décembre 2003Note de bas de page 11. Le requérant avait deux ans pour demander à la Dre Keith de fournir des renseignements par écrit à l’appui d’une date d’invalidité antérieure. La Dre Keith a plutôt rédigé une lettre en janvier 2018, précisant que le requérant ne pouvait plus travailler depuis septembre 2011Note de bas de page 12.

[24] Le requérant dit qu’il y a eu une discussion animée au sujet de lacunes dans son dossier d’appel lors de l’audienceNote de bas de page 13. La discussion a eu lieu pendant le témoignage du requérant, et je ne vois pas en quoi cela a empêché la Dre Keith de livrer son témoignage au complet avec exactitude sur la date d’invalidité du requérant. La Dre Keith a parlé de ses contacts avec le requérant après l’accident de la route de 1999, mais elle s’est finalement appuyée sur son avis selon lequel le requérant satisfaisait au critère relatif à l’invalidité en septembre 2011. Le membre de la division générale lui a demandé si elle avait autre chose à ajouter, mais elle a répondu non.

[25] Le requérant affirme que la Dre Keith n’a pas été interrogée au sujet d’une date d’invalidité antérieure et il souhaiterait qu’elle ait une autre occasion de témoignerNote de bas de page 14. Il incombait au requérant de présenter ses arguments devant la division générale. Autrement dit, si le requérant estimait répondre au critère relatif à l’invalidité avant 2003, il était de son devoir de présenter des éléments de preuve à l’appui. Le fait de se rendre compte par la suite que les documents présentés n’étaient pas suffisants ou que le témoignage n’était pas adéquat ne permet pas de satisfaire au critère juridique visant à rouvrir une décision.

Ces faits nouveaux ne sont pas essentiels

[26] Deuxièmement, ces faits nouveaux ne sont pas essentiels. Pour être « essentiels », il faut « raisonnablement croire qu’ils auraient conduit à une décision autreNote de bas de page 15 ».

[27] L’avis de la Dre Keith selon lequel le requérant avait une déficience non précisée et ne pouvait pas reprendre la charge de travail qu’il avait avant son accident de 1999 ne mènerait pas nécessairement à une conclusion d’invalidité en date de décembre 2003 et de façon continue par la suite. Cependant, même si cet élément de preuve était convaincant, il n’aurait pas eu d’incidence sur la décision. Le requérant recevrait tout de même la pension d’invalidité à compter de juillet 2015 s’il était réputé invalide avant décembre 2003. Cela s’explique par le fait que le requérant a eu droit au montant rétroactif maximal permis en vertu de la loi.

[28] S’il était invalide en 1999, le requérant estime que la date de la demande ne serait pas pertinenteNote de bas de page 16. Cela est fauxNote de bas de page 17. L’article 42(2)(b) du RPC prévoit ceci :

[…] en aucun cas une personne – notamment le cotisant visé au sous‑alinéa 44(1)b)(ii) – n’est réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date de la présentation d’une demande à l’égard de laquelle la détermination a été faite.

[29] Étant donné que le requérant a présenté sa demande de pension d’invalidité en juin 2016, la date réputée de son invalidité ne peut être antérieure à mars 2015. Il s’agirait de la date réputée de son invalidité, qu’il soit devenu invalide en 2014, en 2003 ou en 1999. Selon l’article 69 du RPC, la pension est payable à compter du quatrième mois suivant le mois de l’invalidité. Juillet 2015 correspond à quatre mois après mars 2015. Les versements du requérant commenceraient en juillet 2015, qu’il soit devenu invalide en 2014, en 2003 ou en 1999.

La décision d’avril 2019 ne peut être rouverte

[30] Le requérant n’a présenté aucun fait nouveau et essentiel qui, au moment de l’audience, ne pouvait être connu malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. Je ne peux pas rouvrir la décision d’avril 2019 de la division générale.

Conclusion

[31] La demande de permission d’en appeler est accueillie, et l’appel est accueilli en partie. La décision de mai 2020 de la division générale est annulée. La demande du requérant de modifier la décision d’avril 2019 de la division générale est rejetée.

Représentants :

M. G., non représenté

Viola Herbert, représentante du défendeur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.