Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : DD c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 919

Numéro de dossier du Tribunal: AD-20-718

ENTRE :

D. D.

Appelant
(Requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimé
(Ministre)


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Neil Nawaz
DATE DE LA DÉCISION : Le 23 octobre 2020

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Le requérant, D. D., est un ancien conducteur de camion qui a été impliqué dans un accident de véhicule automobile au travail en juin 2000. Un passager de l’autre véhicule n’a pas survécu. Le requérant n’a pas subi de blessures physiques, mais a plus tard reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique (TSPT) retardé. En novembre 2001, le requérant a été impliqué dans un second accident : il est tombé d’une hauteur de 30 pieds en bas d’un arbre lors d’un voyage de chasse. Il a subi plusieurs blessures, y compris des fractures au sternum, à la hanche gauche, aux côtes gauches, au fémur gauche et à la cheville gauche.

[3] En février 2014, le requérant a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), affirmant qu’il ne pouvait plus travailler en raison de son TSPT, de l’anxiété, de douleurs myofasciales chroniques et d’arthrite post-traumatique. Le ministre a rejeté sa demande, concluant que l’invalidité du requérant n’était pas « grave et prolongée » au sens du RPC avant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), soit le 31 décembre 2002.

[4] En juin 2016, la division générale du Tribunal de la Sécurité sociale a rejeté l’appel du requérant. La division d’appel a plus tard annulé cette décision parce que la division générale avait omis de tenir compte de l’incidence de l’anxiété et de la dépression du requérant sur sa capacité de travailler. La division d’appel a renvoyé l’affaire devant la division générale aux fins de réexamen. Le même membre qui avait tenu la première audience devant la division générale a tenu la deuxième, qu’il a menée sur la foi du dossier. En juin 2019, il a de nouveau rejeté l’appel du requérant en ajoutant essentiellement une annexe à sa décision précédente, dans laquelle il examinait les problèmes de santé mentale du requérant. Le requérant a de nouveau porté appel à la division d’appel, qui a accueilli l’appel, concluant que la division générale l’avait privé de son droit à une audience complète.

[5] La division d’appel a renvoyé l’affaire devant la division générale de nouveau. La division générale a tenu une audience par téléconférence, se penchant sur toutes les questions, mais elle a rejeté l’appel une troisième fois, concluant qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves montrant que le requérant était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice pendant sa PMA.

[6] Le requérant fait de nouveau appel à la division d’appel, soutenant que la plus récente décision de la division générale comprenait de nombreuses erreurs. Plus tôt cette année, j’ai accordé au requérant la permission d’en appeler parce que je considérais qu’il avait une cause défendable.

Questions en litige

[7] Il n’existe que quatre moyens d’appel devant la division d’appel. La partie requérante doit montrer que la division générale a agi de façon inéquitable, a refusé d’exercer sa compétence ou l’a excédée, a interprété la loi de façon erronée ou a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

[8] Le requérant affirme que la division générale a commis les erreurs suivantes en rendant sa décision :

  1. Elle n’a pas analysé adéquatement le contexte et les caractéristiques personnelles du requérant;
  2. Elle n’a pas analysé adéquatement l’effet cumulatif des problèmes de santé du requérant sur sa capacité de travailler;
  3. Elle n’a pas établi si l’invalidité du requérant était grave et prolongée pendant sa PMA;
  4. Elle a conclu erronément que le requérant avait la capacité résiduelle de se trouver un autre travail;
  5. Elle n’a pas reconnu le fait que les parties requérantes ne sont pas dans l’obligation de trouver des employeurs [traduction] « philanthropes » qui sont prêts à offrir des horaires de travail flexibles et à leur offrir des mesures d’adaptation.

[9] Le requérant soutient également que la division générale a commis les erreurs factuelles suivantes :

  1. Elle n’a pas tenu compte du témoignage du requérant;
  2. Elle s’est livrée à des spéculations injustifiées notamment :
    • en concluant que « le requérant avait peut-être une meilleure capacité fonctionnelle que ce qu’il affirmait aux autres praticiensNote de bas de page 2 »;
    • lorsqu’elle s’est demandé si le requérant avait menti au sujet de son niveau de douleur dans le but d’obtenir frauduleusement des médicaments antidouleurs;
    • lorsqu’elle a douté du fait que le requérant avait abandonné son programme de recyclage en informatique parce qu’il ne pouvait pas se concentrer sur le matériel présenté en cours ni endurer les longues périodes de temps en position assise;
    • lorsqu’elle a tiré des conclusions négatives fondées sur l’incapacité du requérant de se remémorer des dates d’il y a 10 ou 20 ans.
  3. Elle s’est contredite en affirmant du même souffle que le requérant avait « des limitations fonctionnelles importantes avant la fin de sa PMA » et que son invalidité n’était pas grave en date du 31 décembre 2002.
  4. Elle a omis d’examiner plusieurs éléments de preuve de spécialistes préparés avant et après la PMA.

[10] Mon rôle est de décider si les allégations du requérant ont un fondement.

Analyse

[11] Après avoir examiné le dossier et les observations orales et écrites des parties, j’ai conclu qu’aucun des motifs d’appel du requérant ne justifie d’annuler la décision de la division générale. Voici mes motifs.

Erreurs de droit alléguées

a) La division générale a tenu compte du contexte du requérant et de ses caractéristiques personnelles

[12] Le requérant soutient que la division générale a mal interprété l’arrêt VillaniNote de bas de page 3 en omettant de tenir adéquatement compte de son contexte et de ses caractéristiques personnelles. L’arrêt Villani indique que l’employabilité d’une personne doit être évaluée dans un contexte réaliste. Cela exige du décideur qu’il examine une personne qui demande une pension d’invalidité du RPC dans son ensemble et qu’il tienne compte de facteurs comme son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents professionnels et son expérience de vie.

[13] Le requérant reconnaît que la division générale a cité l’arrêt Villani et qu’elle a soulevé certains aspects de ses caractéristiques et expériences personnellesNote de bas de page 4, mais il soutient qu’elle a ignoré son manque total d’expérience du travail de bureau.

[14] Je ne vois aucun fondement dans cette observation.

[15] La division générale était pleinement consciente qu’elle se devait d’appliquer le critère du contexte réaliste de Villani et en a fait mention dans sa décision. Elle a fait mention de l’âge du requérant (40 ans à la fin de sa PMA), de ses aptitudes linguistiques (il maîtrisait l’anglais), et a aussi fait mention de l’incidence de son faible niveau de scolarité (10e ou 11e année) sur sa capacité de commencer une nouvelle carrière. Cela étant dit, la division générale a accordé un certain poids au rapport d’évaluation psychoprofessionnelleNote de bas de page 5 qui montrait que le requérant avait une capacité supérieure à la moyenne d’acquérir de nouvelles compétences :

Les notes au dossier indiquent que le requérant a subi un examen et qu’il détient l’équivalent d’un niveau de scolarité bien supérieur à la 11e année. Il aurait obtenu la note de 96 % dans une évaluation de ses capacités d’apprentissage. Une évaluation psychoprofessionnelle de mai 2003 indique que l’intelligence du requérant est supérieure à 70 % de la population générale. Il a une capacité de lecture équivalente à la 12e année, bien que son orthographe et ses opérations mathématiques soient équivalentes à la 8e année. L’évaluateur a conclu qu’il avait le potentiel de suivre de la formation au niveau postsecondaireNote de bas de page 6.

[16] Le requérant est d’avis que le rapport d’évaluation psychoprofessionnelle avait moins de poids que d’autres éléments de preuve qui montraient que ses douleurs et ses détériorations cognitives l’empêchaient carrément de travailler, même dans le cadre d’un emploi de bureau. En avançant cela, le requérant allègue en fait que la division générale a commis une erreur factuelle plutôt qu’une erreur de droit. Toutefois, la division générale, dans son rôle de juge des faits, a la prérogative de soupeser les éléments de preuves comme bon lui semble, tant et aussi longtemps que cela est fait dans les limites de la logique et de la raison. En l’espèce, je ne vois aucune raison d’interférer dans l’analyse de la division générale.

b) La division générale a tenu compte des effets cumulatifs des problèmes de santé du requérant

[17] L’arrêt BunguayNote de bas de page 7 réitère les principes énoncés dans Villani, et souligne l’importance de tenir compte de l’ensemble des problèmes de santé d’une partie prestataire, pas seulement de sa principale affection. Le requérant soutient que la division générale a omis de tenir compte de l’ensemble de ses problèmes de santé lorsqu’elle a établi que son invalidité n’était pas grave. Il allègue plus précisément que la division générale a ignoré la preuve montrant que ses douleurs chroniques et son TSPT l’empêchaient d’occuper un emploi sédentaire.

[18] J’ai déjà abordé la question de savoir si la division générale avait adéquatement tenu compte des facteurs énoncés dans Villani. Rien ne me laisse à penser qu’elle ne l’a pas fait. Je ne vois par ailleurs aucune raison de croire que la division générale a omis de tenir compte de l’ensemble des problèmes de santé du requérant et de leur incidence sur sa capacité à occuper un emploi peu physique. La division générale a entendu le témoignage du requérant selon lequel ses symptômes physiques et psychologiques ont mené à la fermeture de son animalerie. Pour les raisons que je vais fournir plus loin, la division générale a refusé de croire que l’implication du requérant dans l’entreprise était aussi passive que ce qu’il avait décrit. La division générale a conclu que, bien que l’entreprise ait éventuellement déclaré faillite, l’implication du requérant n’équivalait pas à une tentative vaine d’occuper un emploiNote de bas de page 8.

[19] Le requérant est en complet désaccord avec ces conclusions, mais cela ne signifie pas que la division générale a omis de tenir compte d’éléments de preuve ou qu’elle a mal appliqué un principe de droit. Encore une fois, la division générale doit avoir une marge de manœuvre dans sa façon d’évaluer l’information qu’elle détient, surtout dans le cas où elle a fourni des motifs clairs et détaillés, comme c’est le cas ici, expliquant pourquoi elle a donné préséance à certains éléments de preuve plutôt qu’à d’autres. En l’espèce, la division générale a fait une tentative réelle et exhaustive de passer en revue les diverses affections du requérant pour déterminer si elles constituaient une invalidité grave avant la fin de la PMA. À mon avis, la division générale n’a pas ignoré un quelconque aspect de l’état du requérant.

c) La division générale a adéquatement analysé la question de savoir si l’invalidité du requérant était grave et prolongée avant la fin de sa PMA

[20] Le requérant reconnaît que la division générale a analysé les dossiers médicaux du requérant, mais soutient qu’elle a omis d’analyser plus précisément son état de santé en date du 31 décembre 2002, soit la dernière date à laquelle il était admissible aux prestations d’invalidité.

[21] Je ne vois pas vraiment de fondement dans cette observation. En relisant la décision, je constate que la division générale a adéquatement porté son attention sur la PMA. Bien que la division générale ait abordé certains éléments de preuve datant d’après la PMA, elle ne l’a fait que pour établir si l’invalidité du requérant était prolongée et pour évaluer si ses démarches pour se trouver un autre emploi avaient été suffisantes. Autrement, la division générale a pris soin de restreindre son analyse aux périodes les plus pertinentes, soit les mois et les années menant jusqu’au 31 décembre 2002.

d) La division générale a adéquatement établi que le requérant avait la capacité résiduelle de se trouver un autre emploi

[22] Le requérant soutient que la division générale a mal fait appliquer la jurisprudence en ce qui concerne l’exigence que les personnes qui demandent une pension d’invalidité du RPC entreprennent des démarches raisonnables pour obtenir et conserver un autre emploi. Je ne suis pas d’accord.

[23] L’arrêt Inclima est le plus important en ce qui a trait à cette question. Cet arrêt indique que les parties requérantes qui ont une certaine capacité de travailler doivent montrer que leurs démarches pour se trouver et pour conserver un emploi ont été vaines en raison de leur état de santéNote de bas de page 9. Ce critère laisse entendre que le décideur ne peut pas se fonder sur un présumé échec de se recycler professionnellement ou d’occuper un autre type de travail sauf s’il conclut d’abord que la partie requérante avait la capacité résiduelle de le faire.

[24] En l’espèce, je suis convaincu que la division générale a complété cette première étape. La division générale était assurément consciente de l’arrêt Inclima et en a d’ailleurs fait mention dans sa décisionNote de bas de page 10. Elle a précédemment fait une analyse exhaustive de la preuve orale et documentaire, ce qui l’a menée à conclure que malgré ses détériorations, le requérant avait à tout le moins une certaine capacité de travailler. Elle a ensuite examiné les tentatives du requérant de demeurer dans la population active après sa PMA et a décidé qu’elles avaient échouées, pas en raison de son état de santé, mais pour d’autres raisons. La division générale a conclu que le requérant avait abandonné son programme de formation en informatique pour gérer sa propre animalerie – et pas, comme il le prétendait, parce qu’il ne pouvait pas endurer de rester assis pendant de longues périodes de temps et qu’il ne pouvait pas se concentrer sur ses études. Elle a également conclu que l’animalerie avait cessé ses activités parce que l’entreprise n’était pas viable – et pas, comme le requérant le prétendait, parce que son état de santé l’empêchait de la gérer efficacement. La demande de pension d’invalidité du requérant s’est jouée sur sa crédibilité, qui semble problématique à plusieurs égards dans la présente affaire. La division générale ne croyait pas le requérant lorsqu’il a témoigné au sujet de ses démarches pour se trouver et conserver un emploi. Comme nous le verrons plus loin, elle n’a pas tiré cette conclusion gratuitement. Elle a fourni de bonnes raisons pour l’appuyer, soulignant les incohérences entre le témoignage du requérant et ses affirmations documentées dans les dossiers médicaux. Comme juge des faits, la division générale était libre de soupeser l’ensemble de la preuve et de tirer des conclusions sur les tentatives du requérant d’occuper un autre emploi.

e) La division générale n’exigeait pas du requérant qu’il trouve un employeur philanthrope 

[25] Le requérant soutient que la division générale a ignoré une décision intitulée BennettNote de bas de page 11, qui indique qu’il n’est pas raisonnable qu’un preneur de décision s’attende à ce qu’une partie requérante doive trouver un employeur [traduction] « philanthrope » qui offre des heures flexibles ou des exigences amoindries quant à la productivité.

[26] Les mots « philanthropes » et « flexibles » n’apparaissent pas dans la décision de la division générale. La division générale n’a jamais explicitement mentionné que le requérant aurait dû chercher plus diligemment pour un employeur prêt à lui offrir des mesures d’adaptation et il n’y a aucune preuve montrant qu’il en avait déjà trouvé un. Je comprends tout de même l’argument qu’avance le requérant, selon lequel la division générale lui a implicitement imposé des normes plus rigides pour sa recherche d’emploi que ce que la loi exige.

[27] Cela étant dit, je n’estime pas que cet argument est convaincant et je ne vois pas en quoi la division générale a pu commettre une erreur de droit. Dans ses motifs, la division générale a analysé les activités du requérant après ses accidents et après avoir quitté son emploi de conducteur de camion. Il y avait des preuves montrant que le requérant avait entrepris deux démarches dans le but de gagner sa vie à nouveau : d’abord, il est retourné aux études, puis, il démarré une entreprise de commerce de détail. La division générale a reconnu qu’il s’agissait-là de deux démarches adéquates et réalistes pour une personne dans la situation du requérant, mais dans les deux cas, la division générale a conclu que le requérant a abandonné ses démarches pour des raisons autres que son état de santé. La division générale a présenté ce qui me semble être des raisons appuyées pour justifier ces conclusions.

Erreurs de fait alléguées

a) La division générale a tenu compte du témoignage du prestataire.

[28] Le requérant soutient que la division générale n’a pas accordé suffisamment de poids à son témoignage, dans lequel il décrivait les effets de ses détériorations physiques et mentales sur sa vie, et notamment, sur sa capacité de travailler.

[29] Après avoir écouté l’enregistrement de l’audience et avoir comparé le témoignage du requérant avec la description qu’en a fait la division générale, je ne suis pas d’accord. Dans ses motifs, la division générale a abordé de façon détaillée les parties qu’elle jugeait les plus pertinentes du témoignage du requérant, comparant ce qu’il avançait aux rapports des médecins traitants et de spécialistes mandatés par la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail de l’Ontario (WSIB). La division générale n’a pas à aborder chaque aspect du témoignage du requérant et n’est pas tenue d’accepter comme étant vraie l’entièreté de la version des faits du requérant.

b) La division générale ne s’est pas adonnée à des spéculations injustifiées.

[30] Le requérant soutient que la division générale a sauté aux conclusions à de nombreuses reprises, sans se fonder sur les faits. Il cite cinq occasions où la division générale aurait tiré des conclusions en fonction de spéculations et de présomptions. Pour les motifs suivants, je n’estime pas que la division générale a commis d’erreur dans ses conclusions.

La division générale n’a pas commis d’erreur en se fondant sur des éléments preuve montrant que le requérant a exagéré ses symptômes.

[31] Le requérant conteste la déclaration de la division générale, selon laquelle « il y a au dossier des indices qui laissent entendre que le requérant avait peut-être une meilleure capacité physique que ce qu’il affirmait aux autres praticiensNote de bas de page 12. » Le requérant soutient que cette conclusion n’était pas appuyée. La division générale a toutefois fait mention de deux occasions précises où il a exagéré ses symptômes : la conclusion de la WSIB, selon laquelle son niveau de fonctionnement était supérieur à ce qu’il prétendait, et l’accusation de son médecin de famille qu’il avait commis de la fraude pour obtenir des médicaments antidouleurs. L’utilisation du mot « indices » (« hints », dans la version anglaise) laisse entendre qu’il n’y a qu’un lien flou entre la preuve et les conclusions qui en ont été tirées. Toutefois, en l’espèce, la division générale a appuyé sa conclusion selon laquelle le requérant n’était pas crédible compte tenu des antécédents de duperie.

La division générale n’a pas commis d’erreur en se fondant sur la preuve que le requérant a commis une fraude relative à ses prescriptions.

[32] Dans le même ordre d’idées, le requérant conteste également le fait que la division générale se soit demandé « si le requérant ne mentait pas au sujet de ses niveaux de douleurs à ses médecins pour obtenir des médicaments antidouleursNote de bas de page 13 ». Dans ce cas, la division générale s’est fondée sur une lettre catégorique de la Dre Wendling, l’ancienne médecin de famille du requérant, dans laquelle elle mettait fin à leur relation patient-médecin.

[traduction]
« On a porté à mon attention que vous aviez commis de la fraude relativement aux prescriptions que je vous ai données pour votre traitement. Dans ces circonstances, il n’est pas dans votre intérêt que je continue à être votre médecin. C’est donc avec regret que je vous informe que je ne serai plus en mesure de vous fournir des services médicaux à l’avenirNote de bas de page 14. »

Comme l’a souligné la division générale, la Dre Wendling avait précédemment prescrit de l’Oxycocet et de l’Oxycontin au requérant pour la gestion de sa douleurNote de bas de page 15. Dans ce contexte, la division générale avait de solides raisons de remettre en question la crédibilité du requérant. Contrairement aux allégations du requérant, la division ne faisait pas que « spéculer » lorsqu’elle a affirmé qu’il avait menti au sujet de l’intensité de sa douleur.

La division générale n’a pas commis d’erreur en se fondant sur la preuve que le requérant avait abandonné son programme de formation.

[33] Le requérant allègue que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il avait abandonné son programme de recyclage professionnel pour acheter une animalerie. J’ai une opinion différente. La division générale a conclu que le requérant avait abandonné sa formation collégiale, pas en raison de son état de santé, mais plutôt parce qu’il voulait se lancer en affaires. Elle a appuyé cette conclusion sur la durée de la participation du requérant au programme et sur le fait qu’il avait abandonné son programme au moment où il a acheté l’animalerieNote de bas de page 16. Le requérant a témoigné qu’il n’avait pas l’intention d’acheter l’entreprise lorsqu’il a abandonné sa formation collégiale, mais la division générale ne l’a pas cru. La crédibilité du requérant était encore ici un facteur important dans son raisonnement. La division générale n’a toutefois pas simplement rejeté la version des faits du requérant : elle a fourni des raisons pour s’appuyer, citant des incohérences entre les dires du requérant et ce qui était écrit au dossier. Elle a souligné le fait que le requérant avait témoigné qu’il avait participé au programme pendant quatre mois, alors que la preuve documentaire indiquait qu’il y avait plutôt participé pendant huit ou neuf mois. Elle a souligné le fait que le requérant avait témoigné qu’il consultait la Dre Tahlan régulièrement pour du counseling alors que la preuve documentaire indiquait que sept ans s’étaient écoulés entre ses consultations.

[34] Le requérant soutient que sa participation au programme de recyclage professionnel ne devrait pas être assimilée à une capacité de travaillerNote de bas de page 17. Bien que cela soit vrai, sa participation demeure tout de même pertinente pour la détermination de sa capacité de travailler. Il s’agit d’un seul des facteurs dont il faut prendre compte lorsque l’on détermine si une partie requérante peut régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. En l’espèce, la division générale a décidé de refuser d’accorder des prestations d’invalidité au requérant pour de nombreuses raisons, pas simplement parce qu’il avait participé pendant plusieurs mois à une formation en informatique.

[35] Le requérant soutient aussi que la division générale a ignoré des éléments de preuve documentaires contenus au dossier qui corroboraient son affirmation qu’il avait abandonné le programme de recyclage professionnel pour des raisons de santé. Il fait référence à la lettre de la Dre Wendling de juillet 2004Note de bas de page 18, dans laquelle elle informe la WSIB qu’en raison d’une intensification des symptômes de TSPT du requérant, il ne serait pas en mesure de participer au programme d’études pour une durée de six à huit semaines. Il est vrai que la division générale n’a pas fait mention de cette lettre dans sa décision, mais cela ne signifie pas que le membre l’ait ignorée. De toute manière, les preneurs de décisions sont présumés avoir analysé tous les éléments de preuve portés à leur connaissance. De plus, la lettre ne constituait qu’un élément de preuve que la division générale a présumément soupesé lorsqu’elle a tenté de déterminer pourquoi le requérant avait abandonné le programme. Je constate que dans sa lettre, la Dre Wendling n’a pas fait état de sa propre évaluation du requérant, mais a simplement fait état de ce que son patient lui avait dit. Si la division générale a rejeté cette lettre en faveur d’autres facteurs (la coïncidence entourant la date d’achat de l’entreprise par le requérant, le manque de crédibilité du témoignage du requérant), c’est qu’elle avait une bonne raison de le faire.

La division générale n’a pas commis d’erreur en se fondant sur les incohérences au sujet du traitement psychiatrique du requérant.

[36] Le requérant soutient que la division générale a injustement mis en doute sa crédibilité simplement parce qu’il ne pouvait pas se remémorer des événements qui se sont produits il y a 10 ou 20 ans. Sur ce point, je ne suis également pas d’accord. Comme je l’ai soulevé précédemment, la division générale n’a pas accepté les explications fournies par le requérant pour l’abandon de son programme de formation, parce qu’entre autres choses il avait « de la difficulté à raconter son histoire » :

À plusieurs occasions pendant l’audience, la preuve qu’il a donnée était très incohérente avec la preuve documentaire. Par exemple, le requérant a affirmé qu’il avait commencé à consulter la Dre Tahlan en septembre 2001 ou en octobre 2001 et qu’il avait continué à la consulter régulièrement pour du counseling jusqu’à ce qu’elle décède, il y a quelques années. La preuve documentaire indique toutefois que le requérant a consulté la Dre Tahlan pour la première fois en décembre 2002, puis qu’il ne l’avait pas consultée de nouveau avant 2009. De plus, la représentante du requérant affirme qu’elle pense que la Dre Tahlan est décédée il y a nombreuses années (alors qu’elle n’est décédée qu’il y a deux ans)Note de bas de page 19.

Selon mes observations, ce passage montre précisément ce que le requérant a dit à la division générale lors de l’audienceNote de bas de page 20. Le dossier indique que le requérant a consulté la Dre Tahlan pour la première fois à la fin de novembre 2002 plutôt qu’en décembre 2002 comme l’a indiqué la division générale. À mon avis, cette incohérence est toutefois non pertinente. Pour aller droit au but, rien dans le dossier ne contredit la conclusion de la division générale, selon laquelle sept années se sont écoulées entre ses consultationsNote de bas de page 21. Le requérant a fait mention d’un rapport médical préparé dans le cadre de sa première demande de pension d’invalidité du RPC en juin 2009, dans lequel la Dre Talhlan a écrit qu’elle [traduction] « connaissait » le requérant depuis sept ans. Selon le requérant, cette affirmation et la [traduction] « solidité » de l’évaluation de la Dre Tahlan laissaient entendre qu’il existait une relation patient-médecin continue. Je pense que c’est une exagération. En l’absence de preuve documentaire montrant que le requérant a consulté la Dre Tahlan entre 2002 et 2009, la division générale avait la compétence de conclure qu’il n’avait pas suivi de séances de counseling régulières pendant cette période.

[37] Le requérant a affirmé qu’il consultait la Dre Tahlan [traduction] « de façon régulière »Note de bas de page 22. Ainsi, la division générale n’était pas dans l’erreur lorsqu’elle a conclu qu’il y avait une incohérence entre ce qu’il disait et ce qu’on pouvait lire dans les documentsNote de bas de page 23. Le requérant soutient que cette incohérence n’est pas pertinente, ou en tout cas, à tout le monde compréhensible compte tenu du temps qui s’est écoulé depuis qu’il a consulté la Dre Tahlan. Toutefois, j’estime que cette incohérence est en fait pertinente et je suis d’accord avec le ministre que la division générale était fondée à lui accorder un poids. Cette incohérence a de l’importance parce qu’elle est révélatrice de l’état de santé mental du requérant. On peut raisonnablement présumer qu’un cas de TSPT ne nécessitant que deux séances de psychothérapies sur une période de sept ans est moins grave qu’un cas nécessitant des séances hebdomadaires ou mensuelles au cours de la même période. Elle a aussi de l’importance parce qu’elle affecte la crédibilité du requérant. Si le requérant avait consulté le Dre Tahlan aussi souvent et régulièrement, on se serait attendu à ce qu’on en ait des traces évidentes dans le dossier.

c) La division générale ne s’est pas contredite.

[38] Le requérant affirme que la division générale s’est contredite lorsqu’elle a conclu que le requérant avait des « limitations fonctionnelles importantes avant la fin de sa PMANote de bas de page 24 » et du même souffle, plus loin dans sa décision, que son invalidité n’était pas grave en date du 31 décembre 2002.

[39] Je ne vois là aucune contradiction. La division générale n’a pas nié le fait que le requérant avait subi d’importantes blessures physiques et psychologiques en 2001 et en 2002, mais elle a conclu que, dans son ensemble, son invalidité n’était pas grave au sens de la loi applicable en date du 31 décembre 2002. Au titre du RPC, il est tout à fait possible qu’une personne soit « régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 25 », même si elle vit avec des détériorations diverses.

[40] De façon semblable, le requérant voit une contradiction entre le refus de sa demande par la division générale et sa conclusion que « l’état de santé mentale du requérant ne semble pas s’être amélioré de façon importante après sa PMA »Note de bas de page 26. Je n’estime pas qu’il y a contradiction, ici. Bien que la division générale ait conclu que les symptômes liés au TSPT du requérant étaient stables après le 31 décembre 2002, elle a aussi écrit clairement que ces symptômes, lorsque pris en compte avec les autres problèmes de santé du requérant, n’avaient jamais entraîné chez lui une invalidité grave pendant la période pertinente.

d) La division générale a tenu compte de la preuve des spécialistes.

[41] Le requérant soutient que la division générale n’a pas tenu compte des éléments de preuve des spécialistes. Il fait mention de nombreux rapports préparés avant et après sa PMA qui, selon lui, ont été ignorés par la division générale lorsqu’elle a conclu qu’il n’était pas invalide.

[42] Je ne vois pas de fondement dans cette observation. Comme je l’ai souligné ci-haut, un décideur est présumé avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve portée à sa connaissance. On ne peut s’attendre à ce qu’il fasse mention de chaque lettre et de chaque rapport en rendant sa décision. En l’espèce, le dossier d’appel contenait plusieurs centaines de pages de documents médicaux. La division générale a fait mention de plusieurs de ces documents, mais seulement ceux sur lesquels elle s’est fondée pour rendre sa décision. Je ne vois rien qui laisse à penser que la division générale n’a analysé l’information médicale disponible de façon sélective, ou qu’elle ait trié sur le volet les éléments de preuve pour pouvoir en arriver à une conclusion tirée d’avance.

Conclusion

[43] Pour les motifs énoncés ci-dessus, le requérant n’a pas démontré que la division générale a commis une erreur qui correspond aux moyens d’appel qu’il est possible d’invoquer.

[44] L’appel est donc rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 9 octobre 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

D. D., appelant

Bozena Kordasiewicz, représentante de l’appelant

Susan Johnstone, représentante de l’intimé

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