Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : VK c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1049

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-592

ENTRE :

V. K.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Tyler Moore
Requérant représenté par : Loretta Edlund
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 7 octobre 2020
Date de la décision : Le 2 novembre 2020

Sur cette page

Décision

[1] Le requérant, V. K., n’a pas satisfait aux critères concernant la disposition relative à l’incapacité du Régime de pensions du Canada (RPC). La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[2] Le requérant a été impliqué dans un accident de la route survenu le 11 octobre 2014. Il a demandé une pension d’invalidité du RPC le 24 janvier 2017. Le ministre a accueilli sa demande et lui a accordé la somme rétroactive maximale en fonction de la date de réception de sa demande.

[3] Le requérant a demandé des versements rétroactifs supplémentaires de la pension d’invalidité parce qu’il était incapable de présenter une demande de façon continue entre la date de son accident de voiture et la date de réception de sa demande. Le ministre a rejeté la demande de révision et a conclu que la disposition relative à l’incapacité du RPC ne pouvait pas être appliquée. Le requérant a pu continuer à conduire et n’avait pas besoin d’une procuration ni d’une procuration pour soins de santé. De plus, rien ne prouve qu’il ait été incapable de prendre des décisions médicales pour lui-même à la suite de son accident. Le requérant a interjeté appel de la décision à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[4] Le 28 mai 2019, la division générale a rejeté l’appel du requérant. La membre a conclu que le requérant n’avait pas établi qu’il était plus probable qu’improbable qu’il n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de pension d’invalidité plus tôt.

[5] La décision de la division générale a été portée en appel devant la division d’appel. La division d’appel a accordé la permission d’interjeter appel après avoir conclu qu’il était possible de soutenir que la division générale avait omis d’offrir un processus équitable.

[6] Le 17 avril 2020, la division d’appel a conclu que la division générale avait omis d’offrir un processus équitable en permettant à l’avocate du requérant, qui était avec lui lors de l’accident survenu en 2014, de présenter des éléments de preuve et d’agir à titre de représentante dans le même dossier. La division d’appel a renvoyé l’affaire à la division générale pour réexamen.

Questions relatives au processus du tribunal

[7] À la suite de la décision rendue par la division d’appel, j’ai invité toutes les parties à présenter des observations sur la façon dont le réexamen de la décision devait avoir lieu. L’avocate du requérant était d’accord avec la tenue d’une nouvelle audience par téléconférence, mais elle estimait que l’interrogatoire du requérant serait inutile étant donné qu’il avait du mal à se rappeler les événements ayant suivi l’accident. Elle a également soutenu que l’enregistrement original de l’audience devant la division générale ne devrait pas faire partie du dossier d’audience actuel, car il contient des éléments de partialité en faveur du ministre. La dernière membre de la division générale a précisé à quel point il serait difficile de réfuter les arguments du ministre sans tenir compte de la preuve. Le ministre était d’accord avec la tenue d’une nouvelle audience par téléconférence compte tenu de la complexité du cas.

[8] Le 10 septembre 2020, une conférence préparatoire à l’audience a eu lieu avec l’avocate du requérant et la représentante du ministre. La conférence avait pour but de discuter de l’inclusion de l’enregistrement de l’audience précédente devant la division générale et de clarifier le rôle que jouerait l’avocate du requérant.

[9] L’avocate du requérant a confirmé qu’elle agirait seulement à titre de représentante. Pour éviter toute partialité réelle ou apparente, j’ai décidé de ne pas écouter ni de prendre en considération l’enregistrement de l’audience précédente devant la division générale. La division d’appel a renvoyé l’affaire à la division générale pour réexamen, car celle-ci n’avait pas offert un processus équitable. Plus précisément, l’avocate du requérant a été autorisée à témoigner et à représenter le requérant. L’enregistrement de l’audience contient ce témoignage.

Ce que le requérant doit prouver

[10] Pour obtenir gain de cause en appel, le requérant doit prouver qu’il était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de pension d’invalidité du RPC en son nom avant le jour où sa demande a véritablement été faite. Si tel est le cas, je devrai alors déterminer la date de début de son incapacité.

[11] La période d’incapacité doit être continue. Lorsque la disposition relative à l’incapacité s’applique, la demande de la partie requérante peut être réputée avoir été reçue à une date antérieure à celle où elle a réellement été reçueNote de bas de page 1.

Le requérant n’a pas participé à l’audience

[12] L’avocate du requérant est la seule qui a participé à l’audience. Elle a soutenu qu’elle avait récemment communiqué avec le requérant par courriel. Malheureusement, cela faisait plusieurs nuits qu’il n’arrivait pas à dormir. Son manque de sommeil l’avait rendu paranoïaque, agressif et incapable de communiquer efficacement. L’avocate du requérant souhaitait aller de l’avant avec l’audience en l’absence du requérant et avoir une décision rendue en fonction de la preuve écrite figurant dans le dossier d’audience.

Le requérant était-il atteint d’une incapacité au sens du rpc?

Les gestes posés par le requérant pendant la période visée n’appuient pas une conclusion d’incapacité

[13] La capacité de former l’intention de présenter une demande de pension d’invalidité du RPC est semblable à la capacité de former une intention relativement aux autres possibilités qui s’offrent à la personne. Le RPC n’a pas pour effet de nous obliger à donner au terme « capacité » un autre sens que son sens ordinaireNote de bas de page 2. Autrement dit, l’intention de faire une demande de pension d’invalidité du RPC n’est pas de nature différente de l’intention relativement aux autres possibilités qui s’offrent à la personneNote de bas de page 3.

[14] Le requérant a dit par le passé qu’il n’avait pas pu avoir un sommeil réparateur pendant près de deux ans après son accident de la route. Ce problème, combiné à ses blessures physiques, l’a rendu incapable de fonctionner de quelque manière que ce soit. Je ne remets pas en question le fait que le requérant soit atteint d’une invalidité grave et prolongée depuis son accident de la route en 2014. Ses nombreuses blessures et son manque de sommeil ont sans aucun doute eu une incidence sur sa capacité cognitive, mais cela ne représente pas nécessairement une incapacité à former ou à exprimer une intention. Afin de faire la lumière sur toute période continue d’incapacité, il est donc important de tenir compte des activités du requérant pendant la période viséeNote de bas de page 4.

[15] Le requérant vivait seul au moment de l’accident. Selon une lettre datée du 22 octobre 2018, un ami lui est venu en aide le jour presque à temps plein pendant au moins cinq mois après son accident. En plus d’aider le requérant dans ses activités quotidiennes, l’ami en question payait les factures du requérant en ligne. Par la suite, le requérant se rendait à la banque où une caissière ou un caissier l’aidait. Le requérant a aussi soutenu qu’il n’était pas au courant de ses investissements financiers entre le moment de son accident et janvier 2017. Selon le Dr Chue en 2015, le requérant a toutefois affirmé avoir perdu tous ses investissements parce qu’il avait dû encaisser des REER d’une valeur de 500 000 $Note de bas de page 5.

[16] Le requérant a indiqué dans sa demande initiale qu’il avait besoin d’aide pour cuisiner, qu’il devait embaucher une personne pour l’aider avec l’entretien ménager, qu’il devait demander de l’aide pour faire son épicerie, et qu’il devait étaler de simples courses sur plusieurs jours parce qu’il manquait d’énergie. Il était toutefois capable de conduire.

[17] Lors d’un appel téléphonique avec Service Canada en janvier 2017, le requérant a pu fournir les coordonnées du principal fournisseur de soins de ses enfants et la date prétendue d’invalidité à partir de laquelle il ne pouvait plus travailler.

[18] Tous ces facteurs sont pertinents dans mon évaluation de l’incapacité du requérant.

La preuve médicale n’est pas concluante et le requérant a choisi ses propres soins médicaux

[19] Le Dr Khan, qui n’était pas le médecin traitant du requérant au moment de son accident, a rempli un formulaire de déclaration d’incapacité en janvier 2017. Le Dr Khan a déclaré que le requérant était atteint d’une incapacité depuis octobre 2014 et qu’il l’était toujours au moment où il a rempli son rapport. L’incapacité serait due au syndrome post-commotionnel et à l’encéphalopathie traumatique chronique, mais il n’a fourni aucun autre motif substantiel. Étant donné que le Dr Khan n’a pas fourni d’éléments de preuve substantiels à l’appui de la déclaration d’incapacité et qu’il n’était pas l’un des médecins traitants du requérant pendant la période visée, j’ai accordé une importance plutôt limitée à son évaluation.

[20] Le 13 juin 2015, le médecin de famille du requérant, Dr Seto, a soumis une liste détaillée des symptômes persistants que le requérant aurait fournieNote de bas de page 6. La liste était rédigée à la première personne, et j’estime que cela démontre que le requérant avait une bonne idée de son état de santé et de ses limitations continues. La liste énumérait les éléments suivants :

  • fatigue extrême; forces affaiblies (p. ex. une demi-traction à une barre fixe au lieu de 25 à 50; difficulté à faire des pompes);
  • je dois encore surélever mes jambes dans ma chaise de convalescence et mettre deux oreillers sous mes mollets;
  • mon QI habituel de plus de 175 est bien inférieur à cela, sans oublier mes faibles capacités de compréhension et de rétention, qui sont normalement à un niveau très élevé;
  • manque d’intérêt pour le sexe;
  • étouffements; haut-le-cœur; reflux contenant des morceaux de mucosités; symptômes d’allergies graves même si je n’ai pas d’allergies;
  • sautes d’humeur extrêmes, alors que je suis habituellement calme et centré;
  • perte de masse musculaire et prise de poids;
  • acouphènes extrêmes; oreilles tellement bouchées que j’ai parfois l’impression que ma tête va exploser;
  • lorsque je tourne la tête à gauche ou à droite et que je reviens au centre, il faut quelques secondes à mon cerveau pour se recentrer;
  • symptômes d’épuisement dus à la chaleur alors qu’il ne fait pas réellement chaud;
  • je ne suis pas allé à la salle de sport depuis l’accident;
  • mon plus gros problème était de prendre l’avion après une commotion cérébrale, puis notamment de magasiner, de lire, d’utiliser l’ordinateur et de regarder la télévision, car ces activités n’étaient pas du tout recommandées; cependant, personne à Austin ne se souciait de ma commotion cérébrale, car ma colonne vertébrale fracturée était la priorité;
  • je suis maintenant capable de m’asseoir partout et de conduire sans siège pour le coccyx;
  • j’ai vieilli de 10 ans (j’ai l’impression de ressembler à Burt Reynolds aujourd’hui);
  • j’ai encore du mal avec l’hyperstimulation en public (restaurants, magasins, etc.);
  • je me sens toujours dépassé, et la moindre chose me fait sortir de mes gonds;
  • je saute maintenant un demi-pied à un pied de haut de moins qu’avant;
  • habituellement un grand lecteur, je lis maintenant rarement par manque d’intérêt et de compréhension.

[21] Le requérant a fourni d’autres renseignements rédigés à la première personne qui ne sont pas datés, mais qui sont plus détaillés. Ceux-ci comparent ses capacités mentales et physiques avant et après l’accidentNote de bas de page 7. Ils démontrent également une compréhension retenue et une capacité de fournir un raisonnement logique sur les raisons pour lesquelles le requérant a choisi de poursuivre les traitements qu’il a suivis après son accident.

[22] Le requérant a aussi passé différents examens médicaux indépendants en 2015. Le Dr Siddiqi a rapporté en juillet 2015 que le requérant était capable de donner son consentement. Il a également noté que le requérant lui avait dit qu’il croyait fermement en la médecine alternative. C’est ce qui l’a amené à suivre une thérapie d’optimisation des ondes cérébrales, un traitement de massothérapie par intégration structurelle et des soins au laser froid qu’il se prodiguait lui-même à domicile environ trois heures par jour.

[23] En août 2015, le Dr Chue, psychiatre, a également rapporté que le requérant avait pu jeter un œil à l’examen et donner son consentement avant d’aller de l’avant. Dans le cadre de son évaluation globale du fonctionnement, le Dr Chue a attribué la note de 60 au requérant, ce qui faisait de lui une personne atteinte d’une déficience légère. Le Dr Chue a aussi rapporté que le requérant était motivé à se rétablir, mais selon ses propres conditions. Le requérant a dit au Dr Chue que la conception automobile pouvait être une perspective d’emploi intéressante. Il a également pu décrire ses propres blessures et celles de sa passagère après l’accident. Il convient de noter que le requérant a dit au Dr Chue qu’il s’était renseigné sur les lasers froids et qu’il avait acheté le sien pour être en mesure de s’administrer son propre traitement.

[24] Selon les éléments de preuve concernant les examens médicaux indépendants de 2015, le requérant avait pu donner son consentement écrit et verbal pour les évaluations et les traitements. Il avait également pu : prendre des décisions concernant les traitements qu’il souhaitait suivre et ceux qu’il ne voulait pas suivre; chercher ses traitements et se renseigner à leur sujet; se prodiguer lui-même des soins; donner un aperçu de son état de santé et de ses limitations fonctionnelles; conduire un véhicule; et prendre des dispositions pour l’aide dont il avait besoin à domicile.

[25] Le requérant ne m’a pas convaincu qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de pension d’invalidité de façon continue entre octobre 2014 et janvier 2017.

Conclusion

[26] Je rejette l’appel.

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