Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : SA c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1189

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-1966

ENTRE :

S. A.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Nicole Zwiers
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 14 octobre 2020
Date de la décision : Le 16 novembre 2020

Sur cette page

Décision

[1] Le requérant n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] Le requérant a cessé de travailler en avril 2016 en raison des symptômes relatifs à ses douleurs au dos et à sa neuropathie diabétique. Le requérant a terminé avec succès ses études postsecondaires en 2014, alors qu’il était en congé. Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité du requérant le 20 juillet 2017. Le ministre a rejeté sa demande initialement et après révision. Le requérant a fait appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, le requérant doit satisfaire aux exigences établies dans le RPC. Plus précisément, il doit être réputé invalide au sens du RPC au plus tard à la fin de la période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA repose sur les cotisations que le requérant a versées au RPC. Je constate que la PMA du requérant a pris fin le 31 décembre 2013.

Questions en litige

[4] Les douleurs au dos et la neuropathie diabétique du requérant ont-elles donné lieu à une invalidité grave, c’est-à-dire qu’il était incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice en date du 31 décembre 2013?

[5] Le cas échéant, l’invalidité du requérant était-elle également de durée continue et indéfinie au 31 décembre 2013?

Analyse

[6] Une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas page 1. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès. Il incombe au requérant de prouver selon la prépondérance des probabilités que son invalidité satisfait aux deux volets du critère. Autrement dit, si le requérant satisfait seulement à un volet, il n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

Le requérant n’était pas atteint d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2013

[7] La PMA du requérant se terminait le 31 décembre 2013, et le requérant a continué à travailler jusqu’en avril 2016, date à laquelle il a cessé de travailler en raison de ses problèmes de santé. Les problèmes de santé du requérant sont des douleurs au dos et une neuropathie diabétique. Le requérant est atteint de diabète type 1. Dans sa demande de prestations d’invalidité du RPC, le requérant a déclaré qu’il avait 49 ans, qu’il travaillait comme gérant d’une épicerie et qu’il avait effectué des tâches légères au cours des sept derniers mois. Le requérant a déclaré qu’il avait les limitations fonctionnelles suivantes en raison de sa douleur : s’asseoir, se tenir debout, marcher, soulever ou porter des charges, s’étirer, se pencher, satisfaire ses besoins personnels et effectuer des tâches ménagères. Le requérant a également indiqué qu’il avait des problèmes de mémoire, de concentration et de sommeil dus à ses médicaments, mais qu’il continuait à conduire. Le requérant avait travaillé à l’épicerie de 2007 à 2016. Il a indiqué qu’il ne pouvait plus travailler en raison de son état de santé à partir d’avril 2016Note de bas page 2.

[8] Le requérant a affirmé à l’audience qu’il était séparé de son épouse en 2007 et que le stress avait fait monter son taux de glycémie. Il a déclaré qu’il avait des sensations de brûlure aux pieds et que son médecin l’avait immédiatement mis en arrêt de travail. Le requérant n’a pas obtenu de diagnostic immédiatement et il est retourné au travail en décembre 2014 parce que son salaire allait être coupé et qu’il n’avait pas d’argent.

[9] Le requérant a affirmé avoir reçu un diagnostic de neuropathie diabétique. Il a reçu un diagnostic de diabète de type 1 lorsqu’il avait 6 ans et était insulinodépendant. Sa glycémie a toujours été un peu élevée, car il avait tendance à limiter ses doses d’insuline par crainte d’en prendre trop. Le requérant a également soutenu qu’il était en mesure de contrôler son diabète grâce à l’insuline et à un régime alimentaire, en mangeant des plats cuisinés à la maison et des aliments à faible teneur en sucre. Le requérant a constaté qu’au cours des 5 à 7 dernières années, il est devenu beaucoup plus difficile de contrôler sa glycémie, car il ne peut pas faire beaucoup d’exercice. Il a expliqué qu’il a de bonnes et de mauvaises journées et que, lorsqu’il y a de bonnes journées, il peut faire de petits travaux.

[10] Le requérant a déclaré que sa neuropathie est devenue très grave à partir de décembre 2013 lorsqu’il avait du mal à se brosser les dents par moments et ne pouvait pas rester debout pendant plus de 25 minutes. Le requérant a affirmé qu’il continue à éprouver des symptômes jusqu’à ce jour. Par exemple, ses pieds sont toujours froids et il lui arrive de ne pas sentir ses jambes. Le requérant a augmenté sa quantité d’insuline en utilisant à la fois de l’insuline à action prolongée et de l’insuline à action rapide. Il prend également de la gabapentine pour traiter sa neuropathie, mais cela lui fait se sentir comme un zombie. Il en prend 900 mg par jour. Le requérant utilise également du cannabis pour l’aider à dormir et pour atténuer la douleur.

[11] Le requérant a soutenu qu’il vivait seul en 2013 et que ses parents ont emménagé avec lui en 2014. Ils ont vécu ensemble pendant un an et demi à deux ans. Il pouvait faire la vaisselle, utiliser un lave-vaisselle et effectuer de petites tâches ménagères, mais ses parents aidaient, ainsi que sa conjointe et ses amis. Le requérant a soutenu qu’il était inscrit à temps plein à X, un programme de travail social. Il faisait quotidiennement l’aller-retour en voiture entre le collège et sa maison, bien que le collège ne se trouve qu’à trois minutes de route. Le requérant a fait ses travaux scolaires sur un ordinateur et a trouvé que c’était réalisable s’il utilisait une taille de police de 12, car il a des problèmes oculaires qui n’étaient pas encore diagnostiqués à l’époque.

[12] Le requérant a déclaré qu’il assistait régulièrement aux cours du programme universitaire auquel il était inscrit. S’il se sentait malade, il pouvait se connecter de chez lui et assister aux cours à distance. Le requérant a affirmé qu’il avait des douleurs au dos et qu’il devait se lever périodiquement pendant les cours. Il y assistait tous les jours de 9 h à 14 h 30. Le requérant a déclaré qu’il avait envisagé d’abandonner le programme à un certain moment, mais qu’il avait pu s’en sortir avec le soutien de ses camarades de classe et de l’école.

[13] Une lettre du médecin de famille du requérant, le docteur Cortens, datée du 29 décembre 2014 et adressée à la Croix-Bleue, indique que le requérant avait : 1) un trouble d’adaptation avec anxiété et dépression; 2) une neuropathie diabétique; et 3) une lombalgie mécanique chronique. Le docteur Cortens a indiqué que le requérant avait été traité à l’aide de médicaments (Crestor, Cipralex, Voltaren, gabapentine, Altace, Humalog et insuline glargine) ainsi que de séances de counselling régulières. Le docteur  Cortens a conclu que le requérant était capable de gérer les activités de la vie quotidienne et qu’il y avait de bonnes chances qu’il retourne au travail un jour. Le docteur  Cortens a écrit que le requérant n’était pas capable de faire de l’activité physique et serait seulement capable d’effectuer des tâches légères ou sédentaires. En outre, le docteur  Cortens a indiqué que le requérant n’était pas du tout capable de retourner au travail, y compris à temps partiel, à la date de la lettre, en raison de restrictions physiques et mentalesNote de bas page 3.

[14] Les documents de diagnostic déposés auprès du Tribunal concernant le dos du requérant ne font pas état d’un problème de dos grave. Un tomodensitogramme de la colonne lombaire du requérant effectué en juillet 2016 révèle qu’il n’a pas de hernie discale ni de sténose de haut grade et qu’il avait de légères modifications dégénératives de fondNote de bas page 4.

[15] Une demande d’assurance invalidité hypothécaire de la Banque de Montréal déposée auprès du Tribunal et remplie par le docteur  Cortens indiquait que le requérant était devenu incapable de travailler pour la première fois le 7 avril 2016. Le diagnostic indiqué est le diabète avec une neuropathie diabétique grave, ainsi qu’un diagnostic secondaire de douleurs dans le bas du dos et des symptômes subjectifs de paresthésies et de douleurs au bas du dosNote de bas page 5. Les conclusions objectives étaient une diminution de l’amplitude de mouvement de la colonne lombaire et une altération des sensations au niveau des piedsNote de bas page 6. Le traitement était le suivant : insuline, Cymbalta, gabapentine, ibuprofène et physiothérapie.

[16] Compte tenu de l’ensemble de la preuve dont je suis saisie, je ne peux pas conclure que le requérant était atteint d’une invalidité grave au 31 décembre 2013, et ce de manière continue par la suite. J’accepte le témoignage du requérant selon lequel il avait de la douleur au dos et était atteint de neuropathie à la date de fin de sa PMA. Cependant, le requérant était inscrit à un programme universitaire à temps plein qu’il suivait régulièrement et qu’il a terminé avec succès. Cela prouve que le requérant avait la capacité de travailler à la date de fin de sa PMA. La demande du requérant et les documents du docteur  Cortens indiquaient qu’avril 2016 était la date à laquelle le requérant ne pouvait plus travailler en raison de son état de santé. Cette date est bien antérieure à la dernière date possible à laquelle le requérant pouvait démontrer qu’il était atteint d’une invalidité grave, c’est-à-dire le 31 décembre 2013.

Le requérant avait une capacité de travail

[17] Je dois évaluer la gravité du critère dans un contexte réalisteNote de bas page 7. Cela signifie que pour décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de différents facteurs comme l’âge, le niveau de scolarité, la maîtrise linguistique ainsi que l’expérience de travail et de vie. Le requérant avait 49 ans au moment où il a présenté sa demande de pension du RPC. Il avait de nombreuses années d’expérience professionnelle et avait réussi dans des fonctions antérieures, notamment en tant que directeur technique avec huit employés sous sa responsabilité lorsqu’il travaillait chez X. Plus récemment, le requérant s’est inscrit à un programme universitaire à temps plein pour l’année 2013-2014 pour lequel il a obtenu son diplôme, et il est devenu gérant d’épicerie en avril 2016, date à laquelle il a cessé de travailler en raison de son état de santé. Le requérant possède un permis de conduire valide et parle couramment l’anglais. Compte tenu de la formation à temps plein que le requérant a pu suivre, de son âge relativement jeune et du travail qu’il a repris après avoir terminé ses études universitaires, je conclus que le requérant avait la capacité de travailler à la date de fin de sa PMA en décembre 2013.

[18] Pour décider si une invalidité est « grave », il ne faut pas vérifier la gravité des incapacités dont est atteinte une personne, mais plutôt si l’invalidité empêche la personne de gagner sa vie. La détermination de la gravité de l’invalidité d’une personne ne dépend pas de son incapacité d’occuper son emploi régulier, mais plutôt de son incapacité de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 8. Bien que le docteur  Cortens ne pense pas que le requérant puisse reprendre un quelconque travail physique, il prévoit que le requérant puisse reprendre un emploi sédentaire. Cependant, le docteur  Cortens a fourni ce pronostic après la PMA du requérant. Le docteur  Cortens a parlé expressément du travail antérieur du requérant à l’épicerie et n’a pas fait de commentaires sur la capacité du requérant à s’inscrire à temps plein dans un établissement d’enseignement post-secondaire en 2013-2014. En juillet 2017, le pronostic du docteur  Cortens était que la capacité du requérant à retourner sur le marché du travail était faible et que, s’il y retournait, il devrait exercer une profession qui ne nécessite pas beaucoup d’efforts physiquesNote de bas page 9. La preuve dont je dispose ne démontre pas que le requérant était incapable d’effectuer tout type de travail, y compris d’aller à l’école, à la date de fin de sa PMA.

[19] Il me faut évaluer l’état de santé du requérant dans son ensemble. Je dois donc tenir compte de toutes les détériorations possibles, et pas seulement des détériorations les plus importantes ou de la détérioration principaleNote de bas page 10. La preuve médicale ne démontre pas que les douleurs au dos et la neuropathie du requérant étaient des problèmes importants au 31 décembre 2013. Dans une lettre du docteur  Cortens datée du 14 février 2018, ce dernier a indiqué que le requérant était atteint d’une neuropathie diabétique qui s’était développée au cours des 6 ou 7 dernières années et a noté que cela avait été mentionné lors de l’évaluation du requérant en mars 2013. De plus, le docteur  Cortens a noté que le tomodensitogramme du dos du requérant effectué en juillet 2016 a révélé de légers changements dégénératifs de fondNote de bas page 11. La preuve ne démontre pas, même en tenant compte de tous les problèmes de santé du requérant, qu’il était atteint d’une invalidité grave au 31 décembre 2013 ou qu’il n’avait pas de capacité de travail.

[20] Le témoignage du requérant et la preuve médicale démontrent que le requérant connaissait des difficultés dans sa vie personnelle en 2013 en raison de l’échec de son mariage et des problèmes concernant la garde de ses enfants. Les notes du docteur  Cortens indiquent que le requérant continuait à avoir des problèmes d’anxiété et de dépression, des douleurs mécaniques au dos et une neuropathie. Toutefois, aucune invalidité grave n’est indiquée. En outre, le docteur  Cortens a également noté que le requérant était inscrit à un programme universitaire à temps plein de deux ans en travail socialNote de bas page 12. Cela démontre une certaine capacité de travail.

[21] Lorsqu’il existe une preuve de capacité de travail, une personne doit démontrer que les efforts qu’elle a déployés pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santéNote de bas page 13. Le requérant a terminé son programme universitaire et est retourné travailler jusqu’en avril 2016. Il a donc cessé de travailler bien après la fin de sa PMA.

[22] Puisque j’ai conclu que le requérant n’était pas atteint d’une invalidité grave à la date de fin de sa PMA, je n’ai pas besoin d’examiner s’il était atteint d’une invalidité prolongée.

Conclusion

[23] L’appel est rejeté.

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