Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : BM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1092

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-1565

ENTRE :

B. M.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : George Tsakalis
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 25 novembre 2020
Date de la décision : Le 27 novembre 2020

Sur cette page

Décision

[1] La requérante, B. M., est admissible à recevoir des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Les paiements doivent être faits à partir de mai 2018. La présente décision explique pourquoi l’appel est accueilli.

Aperçu

[2] La requérante est née en 1958. Elle a terminé sa douzième année d’études et a repris des études. Elle a obtenu un diplôme d’infirmière auxiliaire autorisée. Elle a travaillé pour la dernière fois comme infirmière en janvier 2018. Elle a cessé de travailler en raison de douleurs aiguës au dos. Elle a subi une opération de la colonne vertébrale en août 2018. Elle allègue qu’elle ne peut exercer aucun emploi depuis son dernier travail en janvier 2018.

[3] La requérante a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 26 février 2019. Le ministre de l’Emploi et du Développement social du Canada a rejeté sa demande parce qu’il a estimé que si la requérante ne pouvait peut-être pas travailler comme infirmière, elle devait néanmoins être en mesure d’effectuer un certain type de travailNote de bas de page 1. La requérante a fait appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

Ce que la requérante doit prouver

[4] Pour que la requérante ait gain de cause, elle doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée au 31 juillet 2018. Selon le RPC, la requérante doit être jugée invalide au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations au RPC de la requéranteNote de bas de page 2. Je constate que la PMA de la requérante prend fin le 31 décembre 2021. Cependant, la requérante a commencé à recevoir une pension de retraite du RPC le 1er août 2018. Le RPC prévoit qu’une partie requérante ne peut pas toucher de pension d’invalidité lorsqu’elle reçoit une pension de retraiteNote de bas de page 3. Une partie requérante peut demander le retrait d’une pension de retraite au profit d’une pension d’invalidité si elle est considérée comme invalide avant que la pension de retraite ne devienne payableNote de bas de page 4. Cela signifie que la requérante doit être jugée invalide au sens du RPC au plus tard le 31 juillet 2018 afin de recevoir une pension d’invalidité.

[5] Une invalidité est grave si elle rend une personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 5.

Raisons de ma décision

[6] Je conclus que la requérante est atteinte d’une invalidité grave et prolongée à compter de janvier 2018. Je suis parvenu à cette conclusion en examinant les questions suivantes.

L’invalidité de la requérante était-elle grave?

La requérante a des limitations fonctionnelles qui ont un impact sur sa capacité à travailler

[7] Ma décision quant à la gravité de l’invalidité de la requérante n’est pas fondée sur son diagnostic. Elle est basée sur la question de savoir si elle a des limitations fonctionnelles qui l’empêchent de travaillerNote de bas de page 6. Je dois considérer l’état de santé général de la requérante et réfléchir à la manière dont ses problèmes de santé pourraient affecter sa capacité à travaillerNote de bas de page 7.

[8] La requérante doit fournir des preuves médicales objectives de son invalidité au 31 juillet 2018. Si la requérante ne parvient pas à prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave avant cette date, les preuves médicales postérieures à cette date ne sont pas pertinentesNote de bas de page 8.

[9] La requérante fait valoir que ses douleurs au dos se traduisent par des déficiences dans les fonctions suivantes : s’asseoir, se tenir debout, marcher, soulever des charges, tendre les bras, se pencher, dormir, s’habiller, conduire et effectuer des tâches ménagèresNote de bas de page 9.

[10] La requérante et son époux ont témoigné à l’audience. La requérante a témoigné qu’elle avait travaillé dans le commerce de détail, dans la vente et comme commis. Elle a commencé à travailler comme infirmière en 1998. Elle a commencé à avoir des problèmes de dos en 2017. Au travail, il était difficile pour elle de se pencher et de rester penchée. Elle a parlé à son employeur de ses problèmes de dos en janvier 2018. Elle a été autorisée à prendre quelques semaines de congé, mais elle n’est jamais retournée au travail.

[11] Le médecin de famille de la requérante lui a recommandé de suivre une physiothérapie. Le physiothérapeute a suggéré qu’elle passe un examen IRM. L’IRM a révélé de graves problèmes de dos. La requérante a subi une intervention chirurgicale en août 2018. Mais elle n’est jamais retournée au travail et n’en a jamais cherché un autre. Elle perçoit des prestations d’invalidité de la Manulife. Il n’y a eu aucune discussion avec Manulife concernant un retour au travail ou une reconversion.

[12] La requérante a témoigné qu’en 2018 elle avait des problèmes pour s’asseoir, se tenir debout, dormir, se pencher, soulever des charges, s’habiller et conduire. Ces problèmes ont persisté après son opération de la colonne vertébrale. La chirurgie de la colonne vertébrale lui a permis d’améliorer quelque peu sa qualité de vie. Elle n’a finalement plus eu besoin de canne pour marcher. Mais elle présente toujours de graves déficiences.

[13] La requérante et son époux ont déclaré qu’elle est fortement diminuée dans ses tâches ménagères. La requérante et son époux s’étaient partagé les tâches ménagères avant qu’elle ne commence à avoir des problèmes de santé en 2017. Son époux a dû accomplir davantage de tâches ménagères en raison de ses limitations. En 2018, ils ont acheté des pinces longues et des attrape-objets pour que la requérante n’ait pas à se pencher pour ramasser des objets. La requérante a témoigné qu’elle avait des difficultés à maintenir tout type d’activité pendant une longue période. Elle ne peut faire la vaisselle ou effectuer certains travaux ménagers que pendant environ 15 minutes avant de devoir prendre une pause.

[14] La requérante ne croit pas qu’elle puisse travailler, quel que soit l’emploi. Elle souffre en permanence et sa douleur peut avoir un impact sur sa concentration. Elle ne pense pas pouvoir s’acquitter d’un travail de chauffeur. Elle n’a pas d’expérience en matière d’informatique. Elle ne pense pas pouvoir travailler à domicile sur un ordinateur, car elle doit régulièrement changer de position, passant de la position assise à la position debout. Elle doit également prendre des pauses toutes les 15 minutes, ce qui signifie qu’elle ne peut pas travailler de manière productive. L’intensité de ses douleurs est imprévisible. Elle ne pense pas que sa situation puisse garantir une présence fiable, quel que soit le travail.

[15] Les preuves médicales soutiennent l’argument de la requérante selon lequel elle ne pouvait plus exercer d’emploi depuis janvier 2018.

[16] Un examen IRM de la colonne vertébrale lombaire réalisé le 13 mars 2018 a montré un effet de masse sur la racine nerveuse L5 et une scoliose importanteNote de bas de page 10.

[17] La requérante a vu un neurochirurgien le 19 avril 2018. Le neurochirurgien a noté que la requérante souffrait de douleurs au dos depuis cinq à six mois. La douleur s’était étendue à sa jambe droite. Elle ressentait également un engourdissement du genou gauche et une douleur dans les hanches. La requérante utilisait une canne depuis janvier 2018. Le neurochirurgien a recommandé que la requérante subisse une intervention chirurgicaleNote de bas de page 11.

[18] La requérante a été opérée le 8 août 2018. Elle a subi une opération d’arthrodèse et de décompression de sa colonne lombaire et thoracique en raison d’une scoliose dégénérative sévère, de claudication neurogène, de sténose du canal rachidien et de radiculopathieNote de bas de page 12.

[19] Dans un rapport du 24 septembre 2018, le neurochirurgien de la requérante a noté que celle-ci se portait très bien. Mais la requérante utilisait toujours une canne pour marcher sur de longues distances. Le neurochirurgien a déclaré que la requérante était scoliotique avant l’opération et qu’elle pouvait difficilement se tenir droite. La requérante avait toujours des difficultés à marcher après son opération. Le neurochirurgien a recommandé à la requérante de suivre une physiothérapie et de continuer à marcherNote de bas de page 13.

[20] Dans un rapport du 5 novembre 2018, le neurochirurgien a convenu que la requérante ne pouvait pas travailler comme infirmière de par ses difficultés à se pencher et à soulever des charges. La requérante souffrait toujours de douleurs au dos qui l’empêchaient de rester longtemps assise ou debout. Le neurochirurgien a convenu que la requérante pourrait devoir chercher un autre emploi, mais que son incapacité à rester assise ou debout pendant de longues périodes rendrait d’autres emplois difficilesNote de bas de page 14.

[21] Le 14 février 2019, le médecin de famille de la requérante a rédigé un rapport médical pour le ministre. Le médecin de famille a noté que la requérante avait des difficultés à rester assise, à se tenir debout, à porter et à soulever des charges ainsi qu’à se pencherNote de bas de page 15.

[22] L’infirmière praticienne de la requérante a rempli un rapport du Healthcare of Ontario Pension Plan. L’infirmière praticienne a déclaré que la requérante avait des douleurs dorsales et pelviennes. Elle était d’avis que la requérante ne pouvait pas reprendre un travail à temps partiel ou à temps plein, quelle que soit l’activité exercéeNote de bas de page 16.

[23] Le ministre a fait valoir que les preuves médicales ne permettaient pas de conclure à une invalidité grave. Le ministre a fait valoir que le neurochirurgien a seulement exclu un retour au travail en tant qu’infirmière et non pas tous les types de travailNote de bas de page 17. Je ne considère pas que les commentaires du neurochirurgien signifient que la requérante avait une capacité de travail. Dans son rapport du 5 novembre 2018, le neurochirurgien a souligné que la requérante aurait des difficultés à effectuer tout travail en raison de ses difficultés à se tenir debout et assise.

[24] Lorsque j’examine les preuves médicales, je constate que la requérante n’a pas retrouvé sa capacité de travail après avoir quitté son emploi en janvier 2018. La requérante souffrait d’une affection dorsale débilitante qui rendait difficile pour elle de se tenir debout, ce qui l’a amenée à s’arrêter de travailler en janvier 2018 et à subir une opération de la colonne vertébrale en août 2018. La chirurgie de la colonne vertébrale a quelque peu réduit la douleur et amélioré la qualité de vie de la requérante, mais je ne pense pas qu’elle n'ait jamais retrouvé sa capacité de travail. Elle a commencé à consulter une infirmière praticienne en 2019 et celle-ci a formulé des commentaires sur son incapacité à travailler en février 2020. Même si le rapport de l’infirmière praticienne arrive après la date à laquelle la requérante est censée être invalide en vertu du RPC, je constate que l’incapacité de travail de la requérante a débuté en janvier 2018.

La requérante n’a pas de capacité de travail

[25] Lorsque je décide si la requérante est en mesure de travailler, je ne dois pas seulement tenir compte de son état de santé et de son effet sur sa fonctionnalité. Je dois également tenir compte de son âge, de son niveau d’éducation, de ses compétences linguistiques, de ses antécédents professionnels et de son expérience de vie. Ces facteurs m’aident à décider si la requérante peut travailler dans le monde réelNote de bas de page 18.

[26] Je trouve que la requérante n’a pas la capacité de travailler dans le monde réel. La requérante était âgée de 60 ans au 31 juillet 2018. Elle a fait des études postsecondaires. Elle a travaillé comme infirmière. Elle comprend l’anglais. La requérante pourrait avoir des compétences transférables sur le marché du travail, mais je suis néanmoins convaincu qu’au 31 juillet 2018 la requérante était régulièrement incapable d’exercer une occupation véritablement rémunératrice.

[27] Je suis convaincu que la requérante n’aurait pas pu effectuer un quelconque travail physique au 31 juillet 2018 en raison de ses difficultés à soulever des charges et à se tenir debout. Je ne pense pas que la requérante aurait pu effectuer un quelconque travail sédentaire au 31 juillet 2018. Je ne crois pas que la requérante aurait pu travailler sur un ordinateur en raison de ses difficultés à rester assise. Tout type de travail de bureau, à un bureau, aurait été une option irréaliste pour la requérante en raison de son besoin de passer fréquemment d’une position assise à une position debout. La nécessité pour la requérante de changer fréquemment de position aurait fait d’elle une employée improductive. Je ne pense pas qu’elle aurait pu occuper un poste de chauffeur en raison de sa difficulté à rester assise. Je reconnais que ses activités de la vie quotidienne étaient diminuées au 31 juillet 2018, y compris sa capacité à accomplir ses tâches ménagères. J’accepte la preuve qu’elle ne pouvait maintenir ses activités que pendant environ 15 minutes avant de devoir prendre une pause. J’accepte que la requérante ne puisse pas maintenir des activités pendant une période suffisamment longue pour être employable dans un contexte réel. Je suis également convaincu que les douleurs de la requérante étaient imprévisibles au point qu’elle ne pouvait pas travailler de manière fiable, prévisible et régulière au 31 juillet 2018.

[28] J’estime que la requérante est un témoin crédible. Elle avait une excellente éthique de travail. Son registre des gains montre qu’elle a eu des revenus d’emploi pendant plus de 30 ansNote de bas de page 19. Elle a travaillé pendant près de 20 ans dans son dernier emploi. J’accepte son témoignage selon lequel son problème de dos et sa scoliose étaient si graves qu’elle avait des difficultés à se tenir debout au 31 juillet 2018. J’accepte sa preuve que sa chirurgie du dos a atténué ses douleurs et amélioré sa qualité de vie dans une certaine mesure, mais que son état ne s’est jamais amélioré au point de retrouver sa capacité de travail. J’estime que la requérante n’avait plus de capacité de travail depuis janvier 2018, date à laquelle elle a travaillé pour la dernière fois.

La requérante a fait des efforts raisonnables pour suivre les traitements recommandés

[29] La requérante a suivi les conseils médicauxNote de bas de page 20. Elle a fait un suivi avec son médecin de famille et son infirmière praticienne. Elle a suivi des traitements de physiothérapie et de chiropractie. Elle a consulté un neurochirurgien et a accepté de subir une opération d’arthrodèse vertébrale au cours de laquelle du matériel métallique est inséré dans la colonne vertébrale. Elle a essayé de prendre des médicaments contre la douleur. Ces traitements n’ont pas amélioré l’état de la requérante au point qu’elle puisse reprendre un emploi substantiellement rémunérateur. Elle continue à suivre des séances de physiothérapie au besoin.

L’invalidité de la requérante était-elle prolongée?

[30] L’invalidité de la requérante est prolongée.

[31] Le problème de santé de la requérante a commencé en 2017, il était présent lorsqu’elle a quitté son travail en janvier 2018 et persiste encore aujourd’hui.

[32] Le médecin de famille de la requérante a déclaré qu’elle souffre de maux de dos chroniques. Il ne s’attend pas à une amélioration de l’état de santé de la requéranteNote de bas de page 21.

Conclusion

[33] L’appel est accueilli. L’invalidité de la requérante est devenue grave et prolongée en janvier 2018, date à laquelle elle a travaillé pour la dernière fois. Il y a une période d’attente de quatre mois avant le versement de la pension d’invaliditéNote de bas de page 22. Cela signifie que les paiements commencent à partir de mai 2018.

Questions relatives à la procédure du tribunal

[34] Le RPC a été modifié en 2019, soit avant que l’appel de la requérante n’arrive au Tribunal. Une nouvelle prestation a été créée, la Prestation d’Invalidité Après-Retraite (PIAR). La PIAR offre une protection contre l’invalidité aux personnes retraitées du RPC qui sont invalides à la date de début de leur pension de retraite ou après, et qui n’ont pas atteint l’âge de 65 ans. Pour avoir droit à la PIAR, les parties requérantes doivent être âgées de moins de 65 ans et avoir une PMA qui se termine en janvier 2019 ou après cette dateNote de bas de page 23. La requérante a 62 ans et sa PMA prend fin le 31 décembre 2021 aux fins de la PIAR. Le ministre a fait valoir que la requérante ne pouvait pas recevoir la PIAR parce qu’elle n’était pas atteinte d’invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2021Note de bas de page 24.

[35] J’ai conclu que la requérante est admissible à une pension d’invalidité du RPC parce qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée avant de commencer à recevoir sa pension de retraite. Cela signifie que je n’ai pas à considérer son admissibilité à la PIAR parce qu’elle a droit à la pension d’invalidité du RPC.

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