Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : PM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1044

Numéro de dossier du Tribunal: AD-18-769

ENTRE :

P. M.

Appelante
(Requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimé
(Ministre)


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Neil Nawaz
DATE DE LA DÉCISION : Le 16 décembre 2020

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] La requérante est née en 1969 et détient un diplôme de baccalauréat ès arts. Elle a travaillé comme agente d’assurance ainsi qu’à son compte, comme médiatrice. En 2000, elle a suivi des cours, mais n’a pas réussi à obtenir sa licence de courtière d’assurances. Trois ans plus tard, elle s’est blessée dans un accident de voiture, à la suite de quoi, elle a commencé à souffrir de douleurs neuropathiques de plus en plus intenses et à présenter des symptômes de la maladie vasculaire périphérique (MVP).

[3] En janvier 2013, la requérante a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Le ministre a rejeté la demande parce que selon lui, son invalidité n’était pas « grave et prolongée » pendant sa période minimale d’accessibilité (PMA), qui a pris fin le 31 décembre 2003.

[4] La requérante a interjeté appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a rejeté l’appel dans sa décision, que la division d’appel a ensuite annulée pour des raisons d’équité procédurale. L’affaire a été renvoyée devant la division générale aux fins de réexamen.

[5] La division générale a tenu une autre audience et a rendu sa décision le 22 août 2018. De nouveau, la division générale a conclu que la requérante n’était pas invalide.

[6] En novembre 2018, la requérante a informé le Tribunal qu’elle avait l’intention de demander la permission d’en appeler et a demandé une prolongation du délai accordé pour présenter sa demande. Le Tribunal lui a accordé cette prolongation et le 15 mars 2019, la requérante a fourni les motifs pour lesquels elle souhaitait porter en appel la deuxième décision de la division générale. Entre temps, elle a également présenté une demande d’annulation ou de modification de cette décision sur le fondement de renseignements nouveauxNote de bas de page 1.

[7] La division d’appel a mis cet appel en suspens en attendant l’issue de la demande de la requérante d’annuler ou de modifier la décision. J’ai été saisi de l’affaire plus tôt cette année, lorsque la division d’appel a appuyé la conclusion de la division générale selon laquelle il n’y avait pas de nouveaux éléments justifiant de revenir sur la décisionNote de bas de page 2.

Motifs de la requérante pour faire appel

[8] La requérante prétend que la division générale a commis diverses erreurs lorsqu’elle a conclu qu’elle n’était pas admissible à la pension d’invalidité du RPC, plus précisément :

  1. La division générale a tenu son audience par vidéoconférence, même si elle et le ministre avaient demandé à ce qu’elle se tienne en personne.
  2. La division générale a accordé peu de poids au témoignage de C. D., selon lequel la maladie vasculaire de la requérante était de nature génétique et que sa maladie n’avait pas été diagnostiquée pendant de nombreuses années.
  3. La division générale a accordé peu de poids au témoignage de C. C., selon lequel la requérante souffrait de douleurs chroniques depuis 2000.
  4. La division générale a conclu que la requérante avait fait « beaucoup de travail bénévole ». Ainsi, la division générale n’a pas tenu compte de la preuve indiquant que son travail bénévole était minimal et a ignoré le fait que les lois applicables n’empêchent pas les demandeurs de prestations d’invalidité de faire de telles activités.
  5. La division générale a accordé trop de poids à la note de la Dre Ashfield laissant entendre que la requérante avait commencé à prendre du Tylenol n3 après sa PMA. Elle n’a pas donné un poids adéquat à la preuve selon laquelle la requérante prenait des doses de plus en plus importantes de narcotiques antidouleurs avant le 31 décembre 2003.
  6. La division générale n’a pas accordé un poids adéquat à la note de la Dre Ashfield indiquant que la requérant souffrait d’un deuil insurmontable et de stress pendant sa PMA.
  7. La division générale a fait des présomptions, sans preuve à l’appui, concernant les discussions entre la requérante et la Dre Ashfield.

[9] En juin, j’ai accordé à la requérante la permission d’en appeler parce que j’estimais qu’elle avait une cause défendable. Le mois dernier, j’ai tenu une audience par vidéoconférence afin d’aborder les allégations de la requérante.

Question en litige

[10] Selon la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il existe seulement trois moyens d’appel à la division d’appel. Une partie requérante doit montrer que la division générale a agi de façon inéquitable, qu’elle a mal interprété la loi ou qu’elle a fondé sa décision sur une importante erreur de faitNote de bas de page 3.

[11] Je dois déterminer si les allégations de la requérante sont fondées.

Analyse

[12] J’ai examiné le dossier et j’ai tenu compte des observations orales et écrites des parties. J’ai conclu qu’aucun des motifs invoqués par la requérante pour son appel ne justifie d’infirmer la décision de la division générale.

Question en litige n1 : La division générale a-t-elle agi de façon inéquitable en tenant l’audience de la requérante par vidéoconférence?

[13] Je ne vois aucun fondement dans cette observation. D’abord, contrairement aux observations de la requérante, le ministre n’a pas demandé pour une audience en personneNote de bas de page 4. Pour soutenir cette allégation, la requérante a fait référence aux observations de l’un des représentants du ministreNote de bas de page 5, mais il s’agissait d’une lettre d’une procédure antérieure, dans laquelle le ministre se disait d’accord que la requérante n’avait pas eu droit à une procédure équitable.

[14] Deuxièmement, la requérante n’a jamais insisté pour avoir une audience en personne auprès de la division générale. Elle a écrit qu’elle préférait une audience par vidéoconférence ou en personneNote de bas de page 6. En tenant son audience par vidéoconférence, la division générale n’a fait que répondre aux souhaits exprimés par la requérante.

[15] Lors de l’audience qui a été tenue le mois dernier, la requérante a dit que puisqu’elle avait convoqué trois témoins, elle sentait [traduction] « de la pression » pour procéder à l’audience. Elle a affirmé que le jour de l’audience, elle était malade en raison de symptômes de sevrage de narcotiques, mais qu’elle ne savait pas qu’elle avait le droit de demander un ajournement. Elle ne le savait pas, à ses dires, parce que l’avis d’audience du Tribunal et ses autres correspondances n’en faisaient pas mention. Elle soutient que si l’audience devant la division générale s’était tenue en personne, le ou la membre aurait pu constater qu’elle ne se sentait pas bien et lui aurait offert l’occasion de demander un ajournement.

[16] J’ai écouté attentivement le récit de la requérante, mais je ne suis pas convaincu qu’elle n’ait pas été traitée de façon équitable par la division générale. Ce qui a fait la différence, c’est le fait qu’au moment de l’audience, la requérante était représentée par un avocat. Les avocats sont présumés être compétents, et pendant la durée de leur mandat, ils ont l’obligation professionnelle de se conformer aux instructions de leurs clients et clientes ainsi que de protéger leurs intérêts.

[17] Il est possible que les avis envoyés par le Tribunal n’aient pas informé la requérante de son droit de demander un ajournement avant ou pendant l’audience. D’un autre côté, il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que les lettres standard qui sont envoyées abordent tous les problèmes potentiels qui pourraient être soulevés au cours d’une instance. De plus, peu importe ce que l’avis mentionne, un avocat expérimenté sait qu’il est toujours possible pour une partie à une instance judiciaire ou quasi-judiciaire de demander un ajournement, même s’il n’existe aucune garantie que cette demande sera acceptée. Je peux comprendre pourquoi la requérante avait l’impression que même si elle ne se sentait pas bien, elle n’avait pas d’autre choix que d’aller de l’avant avec l’audience. J’estime qu’il est toutefois difficile de comprendre pourquoi elle n’aurait pas fait part de sa détresse avec son avocat, qui aurait pu demander un ajournement.

[18] Ainsi, la membre de la division générale avait organisé l’audience selon ce qu’elle croyait être les préférences de la requérante et ne pouvait aucunement savoir que la requérante ne se sentait pas en mesure de procéderNote de bas de page 7. Puisque son avocat n’a jamais soulevé la question, je ne peux pas conclure qu’il y a eu préjudice envers les intérêts de la requérante lors de la tenue de l’audience.

Question en litige n2 : La division générale a-t-elle commis une erreur en accordant peu de poids au témoignage de C. D.?

[19] L’une des témoins de la requérante était sa tante biologique, C. D. Celle-ci a affirmé à la division générale que, tout comme sa nièce, elle était atteinte de la MVP et que, comme elle, il avait fallu beaucoup de temps (dans son cas, 24 ans) avant que sa maladie ne soit adéquatement diagnostiquée. Elle a également affirmé que la MVP était une maladie génétique et que les symptômes s’aggravaient au fil du temps.

[20] La requérante soutient que la division générale n’a pas compris le but du témoignage de C. D. et qu’elle a porté son attention sur le fait non pertinent qu’elle et sa tante ne se sont rencontrées qu’après la PMA. Elle affirme que cet élément de preuve aurait logiquement dû mener la division générale à conclure que, tout comme sa tante, elle était atteinte de la MVP bien des années avant avoir reçu son diagnostic et que la maladie était débilitante pendant sa PMA.

[21] Après avoir examiné le dossier, je ne peux pas être d’accord avec la requérante. Personne ne conteste le fait que la requérante a reçu un diagnostic de MVP ni que la maladie l’ait rendue de plus en plus handicapée. La question a toujours été quand elle est devenue handicapée au point où elle ne pouvait plus régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. Dans sa décision, la division générale a décrit le témoignage de C. D. ainsi :

J’ai aussi entendu le témoignage de C. D. (la tante de l’appelante). Toutefois, elle n’a pas fourni de témoignage au sujet de l’état de santé de l’appelante ou de ses symptômes en décembre 2003. En fait, elle a témoigné qu’elle a rencontré l’appelante il y a 10 ou 15 ans (elle ne se souvenait pas de la date) et qu’il était donc possible qu’elle ne connût même pas l’appelante au moment de la PMA de l’appelante. La raison pour laquelle l’appelante a appelé C. D. à témoigner était que l’appelante pensait qu’elle était atteinte de la maladie artérielle périphérique bien avant qu’elle ne soit diagnostiquée. Plus précisément, elle pense que les symptômes de la maladie sont d’abord apparus en 1998. C. D. a parlé de sa propre expérience de la maladie vasculaire et du fait qu’elle n’avait pas été diagnostiquée avant novembre 2014, malgré le fait qu’elle présentait des symptômes de la maladie depuis bien des années auparavant. Aux fins du présent appel, je n’ai pas à établir si l’appelante avait en fait la maladie dès 1998, puisque le point central de mon analyse porte sur l’effet des problèmes de santé sur le niveau de fonctionnement de l’appelante le 31 décembre 2003 ou avant et dans ce cas-ci, la preuve médicale n’indique pas que l’appelante avait des limitations importantes à ce moment-là.

Cet extrait m’indique que la division générale comprenait très bien pourquoi la requérante avait invité sa tante à témoigner. Toutefois, pour des raisons qui ont été expliquées clairement, la division générale n’a pas accordé beaucoup de poids au témoignage de C. D. comme le souhaitait la requérante. La division générale n’a pas dit que le témoignage était sans valeur, mais elle a indiqué que ce que C. D. avait à dire aurait été plus pertinent si elle avait été en position de décrire l’état de santé de la requérante en 2003-2004.

[22] Je ne vois aucune erreur dans le raisonnement de la division générale à cet égard. La division générale avait des éléments de preuve indiquant que les symptômes de la requérante ne correspondaient pas à ceux d’une invalidité « grave » le 31 décembre 2003 ou avant. Il est possible que la requérante fût atteinte de la MVP dès les années 1990, mais cela ne signifie pas qu’elle était invalide à l’époque ni par la suite. Une invalidité n’est pas définie selon le diagnosticNote de bas de page 8. La MVP est une maladie dégénérative. Le fait que la requérante soit invalide maintenant n’indique en rien si elle était invalide il y a 17 ans.

[23] Bien que la requérante ne soit peut-être pas d’accord avec les conclusions de la division générale, ce n’est pas mon rôle d’intervenir et de mettre en doute son interprétation de la preuve, sauf si elle a commis une erreur qui correspond à l’un des trois moyens d’appel prévus par la loi. Or, ce n’est pas le cas ici.

Question en litige n3 : La division générale a-t-elle commis une erreur en accordant peu de poids au témoignage de C. C.?

[24] C. C. était un autre témoin, qui avait embauché la requérante comme stagiaire dans son entreprise de courtage d’assurance pendant environ un an. C. C. a attesté l’honnêteté de la requérante. Il a dit à la division générale qu’il avait fait de son mieux pour lui offrir des mesures d’adaptation. Il a affirmé qu’elle était souvent absente du travail et qu’ultimement, elle n’avait pas été en mesure de terminer les cours nécessaires pour obtenir sa licence de courtièreNote de bas de page 9.

[25] La requérante soutient que la division générale aurait dû donner plus de poids au témoignage de C. C., qui avait été témoin de ses difficultés pendant la période où elle a commencé à consulter sa médecin de famille actuelle, la Dre Ashfield.

[26] Encore une fois, j’estime que cet argument n’est pas fondé. La requérante critique une fois de plus la division générale pour la façon dont elle a soupesé la preuve, plutôt que de soulever une erreur qui aurait été commise aux termes de la Loi sur le MEDS. En fait, la décision de la division générale a abordé le témoignage de C. C. en détail :

Le témoignage de C. C. appuie la conclusion selon laquelle l’appelante souffrait de douleurs en 2000, mais son témoignage ne va pas jusqu’à laisser entendre que l’appelante était invalide. Il a déclaré que l’appelante souffrait de douleurs assez importantes. Il a aussi dit qu’il savait qu’elle avait de quelconques problèmes de santé (physiques ou mentaux), mais qu’il n’en connaissait pas la nature précise. C’est un fait important que l’appelante n’ait pas cessé de travailler pour lui en raison de son incapacité à faire les tâches propres à son travail (classement, références, travail de réception). Plutôt, son emploi à pris fin parce que C. C. et l’appelante se sont entendus sur le fait que l’appelante n’était pas en mesure de faire les cours qu’elle devait faire pour C. C. Ce que j’en comprends, c’est que l’appelante devait suivre des cours en plus de travailler à temps plein, puisque l’appelante a témoigné qu’elle ne pouvait pas travailler à temps plein et étudier en plus. [...] C. C. a témoigné que l’appelante avait commencé à travailler pour lui à la mi-2000 et qu’elle avait conservé son poste pendant environ un an. Cela signifie que les activités d’entraîneuse de l’appelante ont bien pu se dérouler en même temps que son emploi pour C. C.Note de bas de page 10

J’ai écouté l’enregistrement de l’audience et j’estime que la division générale a relaté le témoignage de C. C. avec justesse. Tant que la division générale ne commettait pas d’erreur factuelle, elle avait le droit d’accorder au témoignage de C. C. le poids qu’elle considérait comme étant approprié. Dans l’extrait ci-dessus, la division générale a établi que l’emploi de la requérante avait pris fin principalement parce qu’elle ne pouvait pas compléter ses cours et parce qu’elle n’était pas capable de faire ses tâches administratives. La division générale n’a pas nié le fait que la requérante souffrait de douleurs à l’époque, mais elle a aussi entendu dans le témoignage de C. C. qu’elle était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Cette conclusion implique aussi la reconnaissance qu’il y avait probablement des raisons autres qu’un handicap qui expliquaient pourquoi la requérante n’était pas devenue courtière d’assurances et qu’elle n’a pas poursuivi son travail dans ce domaine.

Question en litige n4 : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la requérante avait « fait beaucoup de travail bénévole »?

[27] La requérante conteste vigoureusement la conclusion de la division générale selon laquelle la requérante semblait « avoir fait beaucoup de travail bénévole » au fil des années. Celle-ci reconnaît avoir continué à participer à des activités de service communautaire dans la période menant jusqu’à la fin de sa PMA, mais elle affirme cela n’aurait pas dû lui être reproché, puisque le bénévolat était une partie importante de sa vie depuis des années. Elle soutient que la division générale s’est concentrée sur son travail bénévole et qu’elle a ignoré le contexte général, qui montrait qu’elle avait presque tout abandonné ses activités bénévoles avant le 31 décembre 2003.

[28] Après avoir analysé la question en profondeur, j’ai conclu que la division générale n’avait pas mal interprété la preuve entourant les activités bénévoles de la requérante.

[29] La requérante a fait référence au Cadre d’évaluationNote de bas de page 11 du ministre pour appuyer son argument selon lequel une activité bénévole n’est pas, en soi, un indicateur de la capacité de travailler. Cet énoncé est vrai, mais il n’appuie pas l’argument de la requérante autant qu’elle semble le croire.

[30] Le Cadre d’évaluation n’est pas une loi, mais plutôt un guide utilisé par les représentants du ministre pour établir si une personne est admissible aux prestations d’invalidité du RPC. Bien que le Cadre tente de suivre le Régime de pensions du Canada, ses règlements et la jurisprudence associée, il n’a pas force de loi.

[31] Tout de même, sur ce point, le Cadre d’évaluation est juste. La jurisprudence indique que les activités bénévoles sont pertinentes, mais qu’on ne peut se fonder seulement sur celles-ci pour refuser l’octroi de prestations. Comme l’indique la requérante, le bénévolat n’est pas en soi un indicateur de la capacité de travailler, mais on peut en inférer le niveau de fonctionnement d’une personne, lorsqu’on le considère avec d’autres facteursNote de bas de page 12

[32] Rien ne m’indique que la division générale ait fondé sa décision seulement sur les activités bénévoles de la requérante. La division générale a refusé d’octroyer des prestations à la requérante pour diverses raisons, y compris a) la preuve indiquant que plusieurs des problèmes de santé de la requérante sont apparus après la PMA, b) l’absence de signes convaincants d’invalidité dans les notes de la Dre Ashfield en 2003-2004 et c) les incohérences qui ont soulevé des questions quant à la fiabilité du témoignage de la requérante.

[33] Cela étant dit, les activités bénévoles de la requérante ont eu une incidence sur le raisonnement de la division générale. Dans sa décision, la division générale a écrit :

C’est aussi un fait important que pendant cette période, l’appelante semble avoir fait beaucoup de travail bénévole. Par exemple, en mars 2017, l’appelante a écrit qu’elle était membre d’un conseil scolaire (une nomination gouvernementale) et membre d’une association de policiers volontaires (nommée par le chef de police), mais qu’elle avait dû abandonner ces rôles au début de l’année 2003. De plus, l’appelante a affirmé qu’elle faisait depuis longtemps du bénévolat pour un politicien, mais qu’elle avait cessé de le faire en mars 2004. L’appelante a également mentionné qu’elle était entraîneuse pour l’équipe de hockey de son fils pendant un an et demi de 2001 à 2002Note de bas de page 13.

Cet extrait est selon moi exact sur le plan factuel. Cela correspond au témoignage de la requérante. Elle a participé à des activités communautaires bénévoles à au moins quatre reprises dans les dernières années de sa PMA. La requérante s’oppose aussi à la description de la division générale de ces activités comme étant « importantes », mais je ne pense pas que l’utilisation de ce mot constitue une erreur. La preuve a montré qu’elle participait à une ou deux séances d’entraînement par semaine, à trois réunions du conseil scolaire par mois, et à des réunions de l’association de policiers volontaires une ou deux fois par mois. Elle participait également à la direction d’une association de circonscription locale pour un parti politique majeur. Bien qu’aucune de ces activités n’impliquait forcément d’efforts physiques, elles représentent collectivement un investissement de temps et un effort d’organisation considérables. Dans son rôle de juge des faits, la division générale avait le droit de soupeser la preuve qui lui avait été présentée et d’en tirer des conclusions appropriées. La division générale n’a pas commis d’erreur en accordant un certain poids à l’horaire plutôt chargé de bénévolat de la requérante.

[34] Toutefois, la requérante affirme également que la division générale aurait dû accorder plus de poids au fait qu’elle avait abandonné toutes ses activités de bénévolat, sauf une petite exception, avant la fin de sa PMA. Cette petite exception, selon elle, est qu’elle a fait du travail bénévole après sa PMA seulement parce qu’elle devait respecter un engagement précédent d’organiser une fête d’adieu pour un député qui a pris sa retraite au début de 2004. 

[35] Encore une fois, je ne suis pas convaincu que la division générale a commis une erreur en ne rejetant pas complètement les activités bénévoles simplement parce qu’elles avaient largement cessé au 31 décembre 2003. Il est important de garder à l’esprit le contexte dans lequel la division générale a abordé ces activités : dans un passage qui évaluait le témoignage de C. C., l’employeur de la requérante en 2000-2001. C. C. a témoigné que l’emploi de la requérante avait pris fin parce que la requérante était incapable de terminer ses cours de courtage d’assurance en plus de travailler à temps plein au bureau. La requérante a expliqué cette incapacité de gérer les deux activités par ses problèmes de santé, mais la division générale a signalé qu’elle avait continué à faire beaucoup de travail bénévole pendant et après son emploi pour C. C. Je n’estime pas que la division générale a commis une erreur en mettant en contraste le témoignage et la preuve de C. C. indiquant que la requérante avait un horaire chargé au moment où elle prétendait être devenue de plus en plus handicapée.

Question en litige n5 : La division générale a-t-elle mal interprété les notes de la Dre Ashfield concernant la prise d’antidouleurs de la requérante?

[36] La requérante affirme qu’elle prenait des antidouleurs bien avant la fin de sa PMA, mais qu’elle était incapable d’obtenir des dossiers médicaux pour le prouver. Elle n’a pas eu de médecin de famille pendant un certain temps, puis la Dre Ashfield est devenue sa médecin de famille. La requérante soutient que la division générale a tiré les mauvaises conclusions des premières notes cliniques de la Dre Ashfield. Elle affirme que contrairement aux conclusions de la division générale, les notes ne montrent pas qu’elle avait commencé à prendre du Tylenol no 3 après sa PMA. Elle affirme que la division générale a ignoré la preuve selon laquelle la Dre Ashfield lui a prescrit Tylenol no 3 en octobre 2003 et selon laquelle elle a commencé à prendre des doses de plus en plus importantes d’antidouleurs narcotiques après cette date.

[37] J’ai examiné les notes de la Dre Ashfield au sujet des médicaments de la requérante et je les ai comparées à la description qu’en a faite la division générale. J’ai conclu que la division générale n’a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée.

[38] La Dre Ashfield a vu la requérante pour la première fois le 9 octobre 2003. Dans sa note pour cette consultation, elle a écrit :

[traduction]
dernier test PAP il y a 6-7 mois

cycles Ø3 mois

accident de voiture, symptômes liés aux articulations temporomandibulaires, àessai de plaquesà aucune chirurgie, pont 2º, a perdu sa cousine récemment – accident avec un orignal.

– garde de ses enfants – pourrait prendre la garde de son fils de 16 ans

– ++ traumatisme lié au stress

– s’inquiète au sujet de son fils SyklerNote de bas de page 14

[39] La consultation suivante de la requérante a eu lieu le 20 novembre 2003. La Dre Ashfield a pris note des plaintes de la requérante concernant de la douleur au pouce gauche et à l’épaule gauche. Elle a attribué cette douleur à l’accident de voiture de la requérante, qui a eu lieu dix mois auparavant.

[40] Il est clair qu’avant le 31 décembre 2003, la requérante parlait à sa médecin de douleurs locales dues à son accident de voiture subi plus tôt cette année-là. Toutefois, la Dre Ashfield n’a rien mentionné au sujet d’une prescription de Tylenol no 3 ni d’autres médicaments. La première mention de Tylenol no 3 date de la troisième consultation de la requérante, le 27 janvier 2004 :

[traduction] aucune amélioration au pouce – utilisation de T3 Ø2 jours

Examen de la lettre de Dr Richardson à aux plasticiensNote de bas de page 15

[41] À partir de là, la Dre Ashfield a fait mention de Tylenol no 3 à plusieurs reprises. La division générale a résumé ces notes comme suit :

La représentante de l’appelante soutient que le fait que l’appelante ait commencé à prendre du Tylenol no 3 peu après avoir commencé à consulter la Dre Ashfield est important. Je ne suis pas d’accord. La Dre Ashfield a mentionné le Tylenol no 3 pour la première fois dans sa note du 27 janvier 2004, mais rien n’indique que ce médicament était utilisé pour contrôlé une douleur chronique généralisée. En fait, la Dre Ashfield laisse entendre que le Tylenol no 3 était utilisé pour contrôler la douleur au pouce, écrivant dans ses notes [traduction] « Aucune amélioration au pouce - utilisation de T3 ». Elle a ensuite aiguillé l’appelante vers le Dr Lalonde. (La note de la DreAshfield du 20 novembre 2003 indique que l’appelante s’était blessée au pouce dans un accident automobile subi en janvier 2003. L’appelante n’a pas avancé que sa blessure au pouce gauche contribuait de façon importante à son invalidité.) La Dre Ashfield a mentionné le Tylenol n3 à nouveau dans sa note du 7 mai 2004, mais elle semble attribuer son utilisation à des symptômes liés aux sinus et à des maux de tête. Elle a écrit [traduction] « Dimanche - glandes enflées, maux de tête - utilisation de T3 ». La première mention des problèmes de sinus et de maux de tête date du 30 avril 2004. La note laisse entendre que les symptômes avaient commencé trois semaines plus tôt (après la fin de la PMA), puisque la Dre Ashfield a écrit : [traduction] « Malade x 3 semaines. Apparition de maux de têteNote de bas de page 16. »

[42] Cet extrait me semble être une analyse exhaustive et exacte des notes de consultation de la Dre Ashfield. Certainement, la division a tiré des conclusions défavorables à la requérante, mais je ne crois pas que ces conclusions sont allées trop loin. La division générale a expliqué de façon logique pourquoi elle pensait que l’absence de mention de Tylenol no 3 dans les deux notes cliniques datant d’avant le 31 décembre 2003 signifiait probablement que la requérante ne prenait pas d’antidouleurs narcotiques à ce moment. La division générale a également expliqué pourquoi il était important que lorsque la Dre Ashfield a prescrit Tylenol no 3, ce n’était pas pour des douleurs généralisées, mais seulement pour des douleurs locales.

[43] Je remarque que la requérante a semblé confirmer l’interprétation des faits de la division générale pendant l’audience. Après le témoignage de la requérante au sujet de ses douleurs continues au pouce et à l’épaule après son accident de voiture, il y a eu cet échange entre la requérante et son avocateNote de bas de page 17 : 

[traduction]

Avocate : Puis, peu après le 27 janvier 2004, vous avez consulté votre médecin à nouveau parce que vous aviez toujours des douleurs et vous avez commencé à prendre les antidouleurs prescrits. Est-ce juste?

Requérante : Tylenol no 3.

Avocate : D’accord. Donc, à peu près dans le mois qui a suivi votre consultation avec votre médecin de famille, vous avez commencé à prendre les antidouleurs?

Requérante : Oui.

Même si la division générale ne s’est pas fondée sur ce témoignage, il laisse entendre que la requérante n’a pas commencé à prendre d’antidouleurs narcotiques avant le début de 2004. Il correspond également à la conclusion de la division générale selon laquelle lorsque la requérante a commencé à prendre du Tylenol no 3, c’était pour des douleurs locales seulement.

[44] Comme je l’ai mentionné précédemment, la division générale avait le droit, comme juge des faits, de tirer des conclusions raisonnables à partir de la preuve disponible. Dans ce cas-ci, je ne vois aucun indice que la division générale a mal interprété les notes de la Dre Ashfield, comme la requérante le laisse entendre ni qu’elle a analysé la preuve de façon sélective.

Question en litige n6 : La division générale a-t-elle accordé trop peu de poids au deuil de la requérante?

[45] La requérante soutient que la division générale n’a pas accordé assez de poids à la preuve selon laquelle pendant la PMA, elle [traduction] « prenait des doses de plus en plus importantes de narcotiques et composait avec un deuil insurmontable en plus de ses douleurs débilitantes »Note de bas de page 18,

[46] Je ne vois pas de fondement ici. Un preneur de décision est présumé avoir tenu compte de l’ensemble des éléments portés à sa connaissance, et il n’est pas tenu de faire mention de chacun des éléments de preuve en expliquant ses motifsNote de bas de page 19. Cela étant dit, la division générale était au courant du deuil de la requérante pendant la période menant au 31 décembre 2003, faisant mention dans sa décision du « deuil de sa cousine, dont elle était très proche »Note de bas de page 20. Par ailleurs, la division générale a accordé de l’attention à la note de consultation de la Dre Ashfield d’octobre 2003, qui abordait diverses plaintes de nature physique de la requérante en plus du stress et du traumatisme associé à la mort de sa cousine et de la possibilité de prendre la garde de son fils.

[47] La division d’appel ne peut pas annuler une décision simplement parce qu’elle n’est pas d’accord avec l’évaluation que la division générale a faite de la preuve portée à sa connaissance. La division générale a le droit d’analyser la preuve comme bon lui semble, tant et aussi longtemps qu’elle ne fonde pas sa décision sur une erreur de fait. En l’absence d’une telle erreur dans le cas présent, je ne peux pas réviser la façon dont la division générale a accordé du poids au stress de la requérante lié au deuil.

Question en litige n7 : La division générale a-t-elle fait des présomptions, sans preuve à l’appui, concernant les discussions entre la requérante et sa médecin de famille?

[48] La requérante s’oppose aux inférences faites par la division générale à partir des notes de consultation de sa médecin de famille. Plus précisément, elle prétend que la division générale n’était pas fondée à présumer que sa consultation de janvier 2004 avec la Dre Ashfield ne concernait que sa blessure au pouce. [traduction] « Puisque [la membre] n’était pas présente pendant ces consultations, [elle] ne peut pas présumer de ce que moi et la Dre Ashfield avons pu discuter »Note de bas de page 21.

[49] J’estime que cet argument n’est pas convaincant. La Dre Ashfield est une professionnelle dont le travail est en large partie de documenter de façon précise les problèmes de santé de ses patients. Comme tous, les médecins font occasionnellement des erreurs, mais je crois qu’il est raisonnable de présumer que leurs notes de consultations sont généralement fiables.

[50] Pour cette raison, je ne crois pas que la division générale ait commis d’erreur en se fondant sur les notes de consultation de la Dre Ashfield. Il s’agissait des seuls renseignements médicaux disponibles datant de la PMA. Elles ont été écrites par une médecin qui était bien placée pour faire des observations sur l’état de santé global de la requérante. Comme nous l’avons vu, la division générale a résumé de façon précise les notes de consultation de la Dre Ashfield, qui indiquaient avec assez de détail ce que la requérante disait au cours de plusieurs consultations qui ont eu lieu à la fin de 2003 et à la première moitié de 2004. Les notes indiquent que la requérante se plaignait de différents maux, y compris des maux de tête, des douleurs à l’épaule et au pouce, et une dysfonction des articulations temporomandibulaires, mais elles ne font pas mention de la douleur et de la fatigue généralisées qui sont apparues plus tard et qui forment le fondement de sa demande de prestations d’invalidité. Dans ce contexte, il n’était pas déraisonnable que la division générale déduise que la requérante a commencé à utiliser Tylenol n3 pour traiter ses douleurs locales. Il n’était pas plus déraisonnable que la division générale conclue que la Dre Ashfield n’avait pas prescrit de Tylenol n3 à la requérante avant janvier 2004, lorsqu’elle en a fait mention pour la première fois dans ses notes de consultation. La requérante s’oppose à ces conclusions, mais la division générale ne faisait que suivre ce que la preuve lui indiquait. Rien ne me laisse à penser que la division générale a fait des présomptions illogiques et infondées.

Conclusion

[51] Pour les motifs énoncés ci-dessus, la requérante ne m’a pas démontré que la division générale a commis une erreur qui correspond aux moyens d’appel qu’il est possible d’invoquer.

[52] L’appel est donc rejeté.

Date de l’audience :

Le 26 novembre 2020

Mode d’instruction :

Vidéoconférence

Comparutions :

P. M., requérante
Susan Johnstone, représentante du ministre

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