Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : LP c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1146

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-748

ENTRE :

L. P.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Virginia Saunders
Date de l’audience par
vidéoconférence :
Le 12 novembre 2020
Date de la décision : Le 10 novembre 2020

Sur cette page

Décision

[1] La requérante, L. P., n’est pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[2] La requérante a 52 ans. Elle était auparavant planificatrice financière, mais elle n’a pas travaillé dans ce domaine de manière notable depuis 2009. Elle a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC en février 2019. Elle a déclaré qu’elle était incapable de travailler depuis avril 2009 en raison d’une psychose et d’un trouble mental graveNote de bas de page 1.

[3] Le ministre de l’Emploi et du Développement social du Canada a rejeté sa demande. Le ministre a déclaré que les limitations de la requérante ne l’auraient pas continuellement empêchée d’effectuer tout type de travail lorsqu’elle a rempli pour la dernière fois les conditions de cotisation pour une pension d’invalidité du RPCNote de bas de page 2.

[4] La requérante a fait appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Elle a fait valoir qu’elle ne peut plus travailler depuis 2009 en raison de son état mental et d’un problème au genou. Elle a déclaré que ses tentatives d’emploi par la suite ont aggravé ses problèmes de santéNote de bas de page 3.

Ce que la requérante doit prouver

[5] Pour obtenir gain de cause, elle doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2012. Cette date est fondée sur les cotisations qu’elle a versées au RPCNote de bas de page 4. Son invalidité doit avoir continué depuis ce temps-làNote de bas de page 5.

[6] Le RPC définit ce qu’est une invalidité « grave » et « prolongée ». Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Elle est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner le décèsNote de bas de page 6.

[7] La requérante doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle soit atteinte d’une invalidité.

Motifs de ma décision

[8] J’estime que la requérante est présentement atteinte d’une invalidité grave. Cependant, je ne peux pas conclure qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2012. Elle n’est donc pas admissible à une pension d’invalidité du RPC.

Les problèmes médicaux de la requérante

[9] La requérante est atteinte de schizophrénie épisodique, ce qui se caractérise entre autres par des idées paranoïaques, de l’insomnie, un discours et une pensée désorganisés et de l’anxiétéNote de bas de page 7. Elle voit son psychiatre, le Dr Pityk, depuis juin 2017Note de bas de page 8. Le Dr Pityk a déclaré que la requérante avait des délires de persécution et des hallucinations auditives. Cela a eu des répercussions importantes sur son fonctionnement, car elle sentait qu’elle devait se cacher de ses ennemis. Elle restait à l’intérieur de sa maison et bloquait les portes et les fenêtres avec des couverturesNote de bas de page 9. Le Dr Pityk a témoigné à l’audience. Il a expliqué que la schizophrénie de la requérante est résistante au traitement. Elle continue d’avoir des délires et d’autres symptômes. Il est certain qu’elle ne peut pas travaillerNote de bas de page 10.

[10] À l’audience, la requérante m’a dit qu’un grand groupe de personnes la poursuivait depuis de nombreuses années. C’est pourquoi elle n’a pratiquement pas travaillé depuis 2009Note de bas de page 11. Elle passe tout son temps à se cacher du groupe. Elle a peur de sortir. Elle a rassemblé des boîtes de papiers pour documenter ses problèmes. Elle a dû déménager dans une autre ville parce que le groupe a découvert où elle se trouvait. Elle a eu un emploi dans un café pendant six mois en 2016 et en 2017, mais elle a démissionné parce qu’elle a commencé à s’inquiéter que le groupe l’ait trouvée. Elle a ensuite trouvé un emploi dans une banque. Cependant, en juin 2017, la situation avec le groupe s’est aggravée. Il fallait qu’elle en parle à quelqu’un, mais elle ne faisait pas confiance à la police. Elle s’est rendue aux urgences, où elle a rencontré pour la première fois le Dr Pityk. Il lui a dit d’arrêter de travailler. Elle n’a pas travaillé depuis ce temps-là.

La preuve médicale ne démontre pas une invalidité grave au 31 décembre 2012

[11] Il est évident que la requérante n’a pas pu travailler depuis juin 2017. Cependant, je dois d’abord me concentrer sur son état de santé jusqu’au 31 décembre 2012. Il doit y avoir des éléments de preuve médicale objective de son invalidité liée à cette dateNote de bas de page 12. La preuve médicale ne démontre pas que la requérante était atteinte d’une invalidité grave au 31 décembre 2012.

[12] Premièrement, le problème au genou de la requérante n’a pas causé une invalidité ou n’y a pas contribué à ce moment-là. Je reconnais qu’elle s’est blessée au genou et s’est fait opérer il y a de nombreuses années. Je reconnais également qu’elle a maintenant quelques difficultés avec de la douleur au genou. Cependant, rien ne prouve que des problèmes de genou l’empêchaient de travailler au 31 décembre 2012.

[13] Je suis arrivée à la même conclusion en ce qui concerne la santé mentale de la requérante. J’accepte la preuve du Dr Pityk selon laquelle la schizophrénie de la requérante a probablement commencé vers 2009, bien qu’elle n’ait reçu son diagnostic qu’en 2017Note de bas de page 13. Toutefois, je ne me concentre pas sur le moment où un problème de santé commence ou est diagnostiquéNote de bas de page 14. Je dois me concentrer sur la question de savoir si la requérante avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vie au 31 décembre 2012Note de bas de page 15. De plus, je ne peux pas me fier uniquement aux souvenirs de la requérante. Il doit y avoir des éléments de preuve médicale de toute limitation découlant d’une invaliditéNote de bas de page 16.

Les rapports du Dr Koka et du Dr Joseph

[14] La seule documentation médicale des limitations de la requérante avant juin 2017 se trouve dans les rapports de deux psychiatres qui l’ont vue en 2009 : le Dr Joseph et le Dr Koka.

[15] En janvier 2009, le Dr Joseph a déclaré que la requérante n’avait aucun symptôme biologique de dépression, n’était pas anxieuse et ne présentait pas de caractéristiques psychotiques ou de troubles cognitifs. Il n’a constaté aucune limitation fonctionnelle et a déclaré qu’elle était émotionnellement apte à un retour progressif au travailNote de bas de page 17.

[16] En juillet 2009, le Dr Koka a constaté que la requérante était triste, déprimée et en colère. Il n’a vu aucune preuve d’un trouble du cours de la pensée, de délires ou d’hallucinations. Il n’a pas effectué de tests formels, mais a observé que les fonctions cognitives de la requérante semblaient intactes. Elle avait une bonne perspicacité et son jugement semblait normal. Il a reconnu qu’elle avait vécu un événement important lorsqu’elle a perdu son entreprise, et que des symptômes de dépression étaient liés à celaNote de bas de page 18.

[17] Ces deux rapports indiquent que la requérante se sentait déjà persécutée par d’autres personnes. Cependant, aucun des deux médecins ne pensait qu’elle était délirante. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle ne l’était pas. Cela signifie qu’à cette époque, elle n’avait pas peur du groupe et ne se cachait pas chez elle pour qu’on ne la trouve pas. Cette peur et ce besoin d’isolement social sont l’une des principales raisons pour lesquelles elle ne peut pas travailler actuellement. Puisque deux psychiatres n’ont pas observé cette limitation ou toute autre limitation importante qui aurait empêché la requérante de travailler en 2009, je pense qu’il est probable qu’il n’y en avait pas.

[18] Je reconnais que la requérante n’est pas satisfaite de ces rapportsNote de bas de page 19. Cependant, je ne vois aucune raison de remettre en question ce que le Dr Joseph et le Dr Koka ont observé au sujet de la requérante. Bien que le Dr Pityk pense que les auteurs n’ont peut-être pas reconnu que la requérante était atteinte de schizophrénie, il a également déclaré que cela était courantNote de bas de page 20. Il n’a pas mis en doute leur professionnalisme, leurs observations ou leurs conclusions. Les rapports sont pertinents, car ils décrivent la requérante comme étant une personne qui fonctionnait encore bien et qui n’avait pas de déficience mentale importante en 2009.

[19] Le Dr Pityk a noté que la requérante s’était fait dire par son précédent médecin en avril 2009 qu’elle ne devrait pas travaillerNote de bas de page 21. Il n’a pas fourni la source de cette information. Je présume que cela provenait de la requérante. Compte tenu de ce que le Dr Joseph et le Dr Koka ont signalé au cours de cette période, il est peu probable qu’ils auraient donné ce conseil. La seule autre preuve médicale datant de cette période est celle du Dr Crichton, le médecin de famille de la requérante de 2000 à 2009. Il n’a pas dit que lui ou quelqu’un d’autre avait dit à la requérante de ne pas travaillerNote de bas de page 22.

La preuve du Dr Pityk

[20] Il n’existe aucune preuve médicale après juillet 2009, et ce, jusqu’en juin 2017, date à laquelle le Dr Pityk a vu la requérante pour la première fois. Je ne peux pas conclure à partir de la preuve du Dr Pityk que la requérante avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient d’occuper un emploi convenable au 31 décembre 2012.

[21] Le Dr Pityk n’avait pas de connaissance personnelle de l’état de santé de la requérante à ce moment-là, mais son opinion est objective et se fonde sur ses observations de la requérante et sur ce qu’il sait de la schizophrénie. Cependant, il était seulement prêt à dire qu’en décembre 2012, le comportement de la requérante était probablement affecté par la psychose, ce qui aurait affecté la manière dont elle fonctionnait au travail. Elle aurait été désorganisée, et son jugement n’aurait pas été optimal à cause de la maladieNote de bas de page 23. Le Dr Pityk pensait que la requérante aurait pu occuper un petit emploi comme celui d’empileuse de boîtes chez Wal-Mart, mais qu’elle n’aurait pas pu faire face à un emploi où elle devait interagir avec les clients ou effectuer un travail complexeNote de bas de page 24.

La requérante avait une certaine capacité à travailler au 31 décembre 2012

[22] Pour être graves, les limitations de la requérante doivent l’empêcher de gagner sa vie en occupant tout type d’emploi, et pas seulement son emploi habituelNote de bas de page 25. Le critère consiste à évaluer si elle était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Le concept de « véritablement rémunératrice » n’est pas défini par les revenus antérieurs de la requérante, mais par la loiNote de bas de page 26.

[23] Au moment de décider si la requérante aurait pu travailler, je ne me contente pas d’examiner ses problèmes de santé. Je dois également examiner son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vieNote de bas de page 27. Ces facteurs m’aident à décider si la requérante avait une certaine capacité à travailler dans un contexte réaliste au 31 décembre 2012.

[24] En 2012, la requérante avait 44 ans. Sa langue maternelle est l’anglais. Elle possède un diplôme universitaire et a des années d’expérience dans le monde des affaires. Rien de tout cela ne l’empêcherait de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[25] Si la requérante peut travailler dans un contexte réaliste, elle doit alors démontrer qu’elle a essayé de trouver et de conserver un emploi. Elle doit également démontrer que ses efforts ont été infructueux en raison de son état de santéNote de bas de page 28. Pour trouver et conserver un emploi, une personne doit se recycler ou chercher un emploi adapté à ses limitationsNote de bas de page 29.

[26] Je reconnais que la requérante a essayé de travailler en 2016 et en 2017. Elle a eu un emploi dans un café où elle interagissait avec les clients toute la journée, puis elle a travaillé dans une banque en tant que planificatrice financière. Ces emplois ont aggravé son état de santé. Cependant, cela a eu lieu bien après 2012. De plus, ces deux emplois n’étaient pas convenables selon les critères du Dr Pityk.

[27] Je ne suis pas convaincue qu’au 31 décembre 2012, la requérante n’aurait pas pu exercer régulièrement un emploi qui n’exigeait pas de compétences interpersonnelles et qui n’était pas mentalement exigeant. Par conséquent, je ne peux pas conclure qu’elle était atteinte d’une invalidité grave à cette date.

Conclusion

[28] Puisque la requérante n’était pas atteinte d’une invalidité grave au 31 décembre 2012, je n’ai pas à décider si elle était atteinte d’une invalidité prolongée. La requérante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du RPC.

[29] L’appel est rejeté.

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