Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : SY c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1153

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-1738

ENTRE :

S. Y.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Nicole Zwiers
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 12 novembre 2020
Date de la décision : Le 10 décembre 2020

Sur cette page

Décision

[1] Le requérant n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] Le requérant reçoit des prestations de retraite du RPC depuis octobre 2018. Le requérant a 62 ans à la date de l’audience. Il fonde sa demande de prestations d’invalidité du RPC sur les problèmes qu’il a aux hanches, aux genoux et aux épaules ainsi que sur son orteil en marteau et sur la diminution de sa mémoire et de son endurance. Le requérant est propriétaire d’un restaurant dans lequel il continue à travailler. Il a traversé une période très difficile récemment avec le décès de sa femme et de son fils. À l’audience, je lui ai adressé mes condoléances pour la perte difficile qu’il a subie.

[3] Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité du requérant le 9 novembre 2018. Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision. Le requérant a fait appel de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[4] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, le requérant doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, il doit être déclaré invalide au sens du RPC au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA repose sur les cotisations que le requérant a versées au RPC. J’estime que le requérant a deux PMA. Sa première PMA a pris fin en septembre 2018, soit un mois avant que le requérant ne commence à recevoir ses prestations de retraite du RPC. La deuxième PMA est pour une prestation d’invalidité après-retraite parce que le requérant n’a pas encore 65 ans et reçoit une pension de retraite du RPC. La deuxième PMA a pris fin en décembre 2019.

Questions en litige

[5] Les problèmes de santé du requérant ont-ils fait en sorte qu’il était atteint d’une invalidité grave, c’est-à-dire qu’il était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en septembre 2018 ou en décembre 2019?

[6] Le cas échéant, l’invalidité du requérant s’est-elle étendue sur une période longue, continue et indéfinie en septembre 2018 ou en décembre 2019?

Analyse

[7] Une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 1. Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès. Une personne doit prouver que, selon la prépondérance des probabilités, son invalidité satisfait aux deux volets du critère. Autrement dit, si le requérant satisfait seulement à un volet, il n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

Le requérant ne satisfait pas au critère d’invalidité du RPC

[8] Le requérant a déclaré qu’il est toujours propriétaire de son restaurant et qu’il continue à y travailler. Selon la preuve du requérant, il participe beaucoup moins aux activités quotidiennes du restaurant et il s’appuie sur son personnel. Le requérant a déclaré qu’il essaie d’aller au restaurant tous les jours, mais qu’il trouve cela difficile, car il ne peut pas conduire puisqu’il n’a pas de permis valide. Il doit prendre l’autobus pour se rendre au restaurant, car il a perdu son permis de conduire pour avoir conduit en état d’ébriété. Le requérant a affirmé qu’il se rend au restaurant environ 4 fois par semaine. Il y passe une à deux heures et emballe les ustensiles, paie les factures et salue son personnel. Le requérant a déclaré qu’il est capable de balayer et de laver les planchers, et de faire la vaisselle. Cependant, en novembre 2019, il a dû réduire ses heures de travail et il a engagé plus de personnel pour l’aider, car il était fréquemment à l’hôpital avec sa femme qui était malade. 

[9] Selon le témoignage du requérant, il était incapable de travailler à temps plein à partir de septembre 2018, mais travaillait à temps partiel. Il n’est plus capable de travailler depuis décembre 2019. Le requérant a affirmé qu’on lui avait demandé de vendre son restaurant, mais qu’il ne l’a pas fait parce qu’il aurait perdu beaucoup d’argent. Le requérant a convenu qu’il devrait payer quelqu’un d’autre pour faire le travail qu’il fait au restaurant, mais il n’a pas l’impression de vraiment faire le travail au restaurant. Le requérant paie un comptable pour faire ses déclarations d’impôts et de revenus. 

[10] Dans le questionnaire du RPC du requérant qui a été estampillé le 9 novembre 2018, le requérant a répondu qu’il pouvait effectuer des travaux légers, mais pas de travaux exigeants sur le plan physiqueNote de bas de page 2. Il a déclaré avoir effectué des tâches légères, comme l’installation et le nettoyage de son restaurant. De plus, le requérant a répondu qu’il était toujours un travailleur indépendant et qu’il travaillait pour son entreprise. Le requérant a décrit son travail au restaurant comme étant un travail à temps partiel de 3 à 5 heures par jour, 7 jours par semaineNote de bas de page 3.

[11] Les documents médicaux déposés auprès du Tribunal indiquent que le requérant a eu une arthroplastie totale du genou gauche et une correction de l’orteil gauche en marteau D2 en octobre 2018. Dans une lettre datée du 26 juin 2019, le Dr Kraemer (chirurgien) a noté que le requérant se portait relativement bien huit mois après l’intervention chirurgicaleNote de bas de page 4. On a encouragé le requérant à continuer ses activités quotidiennes et à marcher plus souvent. Une évaluation de suivi quatre mois plus tard a été notée comme étant le prochain suivi.

[12] Une lettre du Centre des sciences de la santé Sunnybrook datée du 21 mai 2019 indique que le requérant présente une déchirure massive de la coiffe des rotateurs à l’épaule droite. Les déchirures sont chroniques. L’intervention chirurgicale était prévue pour avril 2019, mais a été annulée en raison de la consommation d’alcool et des convulsions du requérant. Il a été noté que le requérant présente des symptômes douloureux avec une amplitude de mouvement limitée au niveau de son épaule droite. Il a également été noté qu’il est propriétaire d’un restaurant et qu’il a besoin de se rétablir rapidement. Le plan consistait à discuter de la possibilité d’une intervention chirurgicale avec l’équipe d’anesthésie afin de déterminer les risques de l’opérationNote de bas de page 5. Une lettre datée du 10 octobre 2018 indique que le requérant devait se faire opérer à l’épaule quatre ans plus tôt, mais qu’il ne s’était pas présenté à la date prévueNote de bas de page 6.

[13] Une radiographie du bassin et des deux hanches du requérant, datée du 9 janvier 2019, faisait suite aux arthroplasties totales bilatérales des hanches du requérant. Il a été noté que les composants étaient bien alignés par rapport à leur position précédente, et qu’il n’y a eu aucune complication matérielle évidenteNote de bas de page 7. Une autre radiographie a révélé de l’arthrite grave au niveau de la première articulation métatarso-phalangienne du requérantNote de bas de page 8.

[14] Le rapport médical du RPC du Dr Malcolm est daté du 9 novembre 2018. Le requérant a reçu un diagnostic de problème de santé graveNote de bas de page 9. Ses problèmes de santé ont été décrits comme étant de l’arthrose dans les hanches, les genoux et l’épaule depuis plus de 20 ans. Le requérant aurait les problèmes de santé suivants : une arthrose avancée avec une arthroplastie de la hanche gauche en 2000, une arthroplastie de la hanche droite en 2006 et une arthroplastie de la hanche droite et d’un orteil en marteau en 2017Note de bas de page 10. Il a été noté que le requérant avait de l’arthrose aux deux épaules et des déchirures bilatérales de la coiffe des rotateurs. Le requérant devait avoir une arthroplastie du genou gauche au cours du mois suivant.

[15] Le Dr Malcolm a indiqué que le requérant marche en boitant et est incapable de marcher, de se tenir debout ou de s’asseoir pendant des périodes prolongées en raison de son arthrose au niveau des hanches et des genoux. Le requérant était seulement capable de transporter, de soulever, de pousser ou de tirer des charges légères et ne pouvait pas effectuer de travaux pour lesquels il devait placer ses bras au-dessus de la tête. Il a été noté que le requérant était atteint d’une maladie du foie associée à un abus d’alcool depuis plus de 5 ans. De graves pertes de mémoire ont également été constatées, ainsi que des problèmes cognitifs, notamment l’aptitude à effectuer plusieurs tâches à la fois. De la fatigue causée par une maladie du foie a été indiquée. Les hanches, les genoux et l’épaule du requérant étaient susceptibles de se détériorer. De plus, son alcoolisme et sa maladie du foie risquaient de s’aggraver.

[16] Il a été noté que le requérant était atteint depuis plus de 5 ans d’un trouble épileptique lié à un abus d’alcool et qu’il n’était plus en mesure de conduire. Le Dr Malcolm pensait que ces problèmes resteraient probablement les mêmesNote de bas de page 11. Il a été recommandé au requérant de cesser de travailler environ 5 ans plus tôt. Le Dr Malcolm ne s’attendait pas à ce que le requérant reprenne le travail dans le futurNote de bas de page 12.

[17] Le témoignage du requérant, tel qu’il est étayé par les documents médicaux, est qu’il a un certain nombre de problèmes physiques aux hanches, aux genoux, à l’épaule droite ainsi qu’une maladie du foie et des convulsions. Mis à part le rapport du RPC du Dr Malcolm, les documents médicaux ne montrent pas que le requérant est incapable de travailler régulièrement en raison de ses problèmes de santé.

[18] L’évaluation du Dr Malcom selon laquelle le requérant ne pouvait pas travailler a été fournie en novembre 2018 alors que le requérant travaillait quotidiennement au restaurant. Bien que je reconnaisse que le requérant a des limitations physiques, il a travaillé dans les limites de ses capacités et a effectué certaines tâches plus légères au restaurant qu’il est capable de faire, comme emballer des ustensiles, balayer et laver le plancher, faire la vaisselle et payer les factures. Le questionnaire du RPC du requérant indique qu’il estimait pouvoir effectuer des tâches légères, mais pas des tâches exigeantes sur le plan physique en novembre 2018.

[19] Selon la preuve dont je dispose, le requérant travaillait dans son restaurant en novembre 2018, de 3 à 5 heures, 7 jours par semaine. J’accepte le témoignage du requérant selon lequel il a depuis ce temps réduit le nombre d’heures et de jours qu’il passe au restaurant. Cependant, le travail du requérant au restaurant est un travail pour lequel il devrait autrement payer quelqu’un d’autre. Bien que je comprenne que le travail du requérant soit moins intensif qu’auparavant et qu’il ne fasse plus de travail exigeant physiquement, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un travail qu’il effectue régulièrement. Cela démontre une capacité à travailler, comme je l’explique plus en détail ci-dessous.

Le requérant a une capacité de travail

[20] Je dois évaluer la gravité du critère dans un contexte réalisteNote de bas de page 13. Cela signifie qu’au moment de décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de facteurs comme l’âge, le niveau de scolarité, les compétences linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de la vie. Le requérant était âgé de 62 ans le jour de l’audience. Il a depuis longtemps des problèmes d’abus d’alcool (y compris des problèmes de foie), des convulsions et de l’arthrose au niveau des hanches, des genoux et de l’épaule, et il a subi une opération de remplacement. Il a également été opéré pour corriger son orteil en marteau, mais selon le requérant, l’opération n’a pas été faite correctement et a provoqué le développement d’une callosité douloureuse. Le requérant parle couramment l’anglais, a fait des études supérieures et a de nombreuses années d’expérience professionnelle, notamment dans la gestion d’un restaurant. Il est important de noter que le requérant continue à travailler régulièrement dans son restaurant. 

[21] Le Dr Malcolm a indiqué dans le rapport médical du RPC que le requérant ne pouvait pas conduire en raison de convulsions, ce qui n’a pas été étayé par le témoignage du requérant. Le requérant a déclaré qu’il avait perdu son permis de conduire il y a quelque temps parce qu’il avait conduit en état d’ébriété et qu’il n’avait pas tenté de faire rétablir son permis. Le requérant a soutenu qu’il prend les transports en commun pour se rendre à son restaurant et qu’il prend souvent un taxi pour rentrer chez lui. Il vit maintenant seul dans un appartement et peut faire ses propres courses et acheter ses effets personnels depuis le décès de sa femme. Il fait sa propre lessive et son propre nettoyage quand cela est nécessaire.

[22] Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je ne peux pas conclure que le requérant était invalide au sens du RPC en septembre 2018 ou en décembre 2019. Le questionnaire du RPC que le requérant a rempli deux mois après la fin de sa première PMA en septembre 2018 indique qu’il travaillait tous les jours de la semaine pendant 3 à 5 heures. Cela montre clairement une capacité à travailler. Les éléments de preuve dont je dispose et qui datent de décembre 2019 jusqu’à aujourd’hui démontrent également une capacité à travailler malgré les problèmes de santé et l’âge du requérant.

[23] Le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à établir si la personne est atteinte de graves problèmes de santé, mais plutôt à décider si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. La détermination de la gravité de l’invalidité d’une personne ne dépend pas de son incapacité d’occuper son emploi régulier, mais plutôt de son incapacité de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 14. Même si le requérant n’a pas travaillé à temps plein, je dois tenir compte du travail à temps partiel pour décider s’il est en mesure de gagner sa vie. Le travail continu du requérant et la supervision de son restaurant, y compris le paiement des factures, démontrent que ses problèmes de santé ne l’empêchent pas de gagner sa vie. 

[24] Le requérant n’a pas fourni de témoignage au sujet de ses revenus, mais il est noté dans le dossier que lors d’une conversation téléphonique avec Service Canada, le requérant a déclaré avoir gagné 17 000 $ en 2018Note de bas de page 15. Ce montant est supérieur à ce qui pourrait être considéré comme étant le seuil d’une occupation véritablement rémunératrice.

[25] Je dois évaluer l’état de santé du requérant dans son ensemble. Je dois donc tenir compte de toutes les détériorations possibles, pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principaleNote de bas de page 16. Le requérant a de nombreux problèmes de santé et prend des médicaments. De plus, il a subi de multiples opérations chirurgicales qui, d’après les documents médicaux, semblent avoir été largement réussies et n’ont nécessité qu’un suivi minimal. Bien que la preuve du requérant soit qu’il continue à avoir des douleurs et une amplitude de mouvement limitée ainsi qu’une callosité constante due à une réparation chirurgicale inadéquate de son orteil en marteau, le fait que le requérant ait continué à travailler et les documents médicaux ne permettent pas de conclure à une invalidité grave.

[26] Lorsqu’il existe une preuve de capacité de travailler, une personne doit montrer que les efforts qu’elle a déployés pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santéNote de bas de page 17. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, le requérant continue à travailler régulièrement, y compris à effectuer les tâches nécessaires au bon fonctionnement de son restaurant, comme le paiement des factures. Il n’a pas démontré qu’il était incapable d’obtenir et de conserver un emploi en raison de ses problèmes de santé en septembre 2018 ou en décembre 2019.

[27] Je conclus que le requérant n’a pas démontré qu’il est atteint d’une invalidité grave. Une fois cette conclusion tirée, il n’est pas nécessaire que j’examine s’il a établi l’existence d’une invalidité prolongée. 

Conclusion

[28] L’appel est rejeté.

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