Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : PG c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1145

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-1863

ENTRE :

P. G.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Pierre Vanderhout
Requérante représentée par : Steven R. Yormak
Ministre représenté par : Viola Herbert
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 5 octobre 2020 et le 10 novembre 2020
Date de la décision : Le 21 décembre 2020

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Décision

[1] La requérante n’a pas droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] La requérante a 49 ans. Elle est née et a fait ses études au Portugal, mais elle est arrivée au Canada en 1987. Elle travaille actuellement à temps partiel dans l’entretien ménager. Elle dit avoir travaillé à temps plein pour la dernière fois en 2009, quand elle était opératrice de machine dans une usine. Le ministre a reçu sa dernière demande de pension d’invalidité le 23 mars 2016. À ce moment-là, la requérante a dit qu’elle souffrait du syndrome de congestion pelvienne, de migraines, de fibromyalgie, de tuberculose, d’hypertension, d’un niveau élevé de stress et d’une blessure au dosNote de bas de page 1. Le ministre a rejeté la demande une première fois, puis il l’a rejetée de nouveau après révision. La requérante a porté la décision de révision en appel au Tribunal.

[3] Un autre membre de la division générale a rejeté l’appel de la requérante en décembre 2017. Par la suite, la requérante a fait appel à la division d’appel du Tribunal. Dans une décision rendue en novembre 2019, la division d’appel a conclu que le membre de la division générale avait commis une erreur de droit et tiré des conclusions de fait erronées. La division d’appel a renvoyé l’affaire à la division générale pour réexamen. La division d’appel m’a aussi dit de rendre une décision interlocutoire sur les éléments de preuve, les observations et les décisions qu’il m’était possible d’examiner. J’ai rendu cette décision le 20 août 2020.

[4] Pour avoir droit à une pension d’invalidité du RPC, la requérante doit remplir les conditions énoncées dans le RPC. Plus précisément, elle doit être déclarée invalide (au sens du RPC) au plus tard à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations qu’elle a versées au RPC. Je constate que la PMA de la requérante a pris fin le 31 décembre 2011.

Questions préliminaires

[5] Il y a eu deux dates d’audience en 2020 : le 5 octobre et le 10 novembre. Au début de la première audience, la représentante du ministre a laissé entendre que le principe de la chose jugée empêchait la cause de la requérante d’aller de l’avant. Toutefois, la représentante du ministre a abandonné cet argument par la suite. Du même coup, j’ai rendu une décision sur les plus récentes observations du ministre sur la rémunération (pièce « IS19 »). Même si elle a été déposée seulement deux semaines avant l’audience, la pièce IS19 a confirmé que la requérante n’avait pas de gains récents ouvrant droit à pension. Compte tenu de sa pertinence potentielle, de l’absence de préjudice et de l’absence d’objections, j’ai admis la pièce IS19 au dossier.

[6] Après la première audience de 2020, les deux parties ont dit vouloir déposer d’autres documents. Elles l’ont fait toutes les deux avant la deuxième audience de 2020. Ma lettre du 2 novembre 2020 (pièce « IS23 ») a confirmé l’admission des nouveaux documents. Au début de la deuxième audience, j’ai informé les parties que deux autres documents déposés récemment seraient également admis. Aucune des deux parties ne s’y est opposée. Par conséquent, même si les documents ont été déposés après la première audience, toutes les pièces de IS20 à IS24 font partie du dossier du présent appel.

Questions en litige

[7] La requérante a-t-elle une invalidité grave depuis au moins le 31 décembre 2011?

[8] Si oui, l’invalidité de la requérante est-elle également prolongée depuis au moins le 31 décembre 2011?

Analyse

[9] Dans le RPC, l’« invalidité » est définie comme étant une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongéeNote de bas de page 2. La requérante a une invalidité grave si elle est incapable régulièrement de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Son invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décès. La requérante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que son invalidité satisfait aux deux volets du critère. Si elle satisfait à un seul volet, elle n’a pas droit aux prestations d’invalidité.

La requérante a-t-elle une invalidité grave depuis au moins le 31 décembre 2011?

[10] Pour les motifs exposés aux paragraphes suivants, je conclus que la requérante n’a pas une invalidité grave depuis au moins le 31 décembre 2011.

[11] Je dois évaluer l’état de santé de la requérante dans son ensemble, ce qui signifie que je dois tenir compte de toutes les déficiences possibles, et pas seulement des déficiences les plus importantes ou de la déficience principaleNote de bas de page 3. Cette approche est importante parce que la requérante a mentionné plusieurs problèmes médicaux. Lorsqu’elle a demandé des prestations d’invalidité du RPC en 2013, elle a mentionné des migraines, la fibromyalgie et une blessure au dos. Lorsqu’elle a présenté une demande en 2016, elle a mentionné ces problèmes de santé ainsi que l’hypertension, le syndrome de congestion pelvienne, un niveau élevé de stress et la tuberculoseNote de bas de page 4. Certains de ces problèmes de santé, mais pas tous, figuraient dans les rapports médicaux qui appuyaient sa demande. Dans ces rapports, la Dre Zorzitto (médecin de famille) a mentionné explicitement la fibromyalgie, l’hypertension et des douleurs pelviennes chroniquesNote de bas de page 5. Des documents antérieurs mentionnent également une dépressionNote de bas de page 6.

[12] Je dois également évaluer le volet « grave » du critère dans un contexte réalisteNote de bas de page 7. Ainsi, pour décider si l’invalidité de la requérante est grave, je dois tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[13] La requérante avait 40 ans à la fin de sa PMA. Son niveau d’instruction au Portugal équivaut à une huitième année au Canada. Elle n’a pas étudié ni suivi de formation linguistique au Canada. Elle parle un peu l’anglais, mais ne peut pas le lire. Elle a de la difficulté à lire en portugais. Il y avait des interprètes qui parlaient portugais aux audiences, mais la requérante a aussi dit quelques mots en anglais. Elle a travaillé sur une chaîne de montage pendant quelques années à la fin des années 1980. Le personnel parlait portugais là-bas, alors elle n’avait aucun problème lié à la langue. À peu près à la même époque, elle travaillait à l’entretien ménager dans une usine de transformation du porc. De 2000 à 2009, elle a travaillé comme opératrice de machine dans une usine de fabrication de pièces de chaises en plastique. À cet endroit, elle a également été chef d’équipe et a fait du contrôle de la qualité. La langue de travail était principalement l’anglais. Une personne l’a aidée à obtenir un emploi là-bas. Elle a dit qu’elle travaillait avec une personne qui parlait anglais et portugais et qu’au besoin, celle-ci l’aidait à contourner les difficultés liées à la langue. Depuis au moins 2010, elle travaille dans l’entretien ménager.

[14] Bien que la requérante soit plus à l’aise en portugais, je constate qu’elle est quand même capable de communiquer en anglais. Elle a occupé un emploi dans un milieu de travail principalement anglophone pendant neuf ans, mais elle recevait un peu d’aide. À l’audience d’octobre 2020, elle a dit qu’elle pouvait comprenDre un peu l’anglais, mais qu’elle ne pouvait pas le parler en retour. Les documents médicaux remontent au moins à 2006, je vois peu d’éléments de preuve indiquant qu’elle ne pouvait pas communiquer oralement avec ses prestataires de soins. Lors de l’audience d’octobre 2020, elle a dit qu’elle allait parfois voir sa médecin seule, mais que d’autres fois son mari venait aussi avec elle. Il m’est impossible de conclure qu’elle ne maîtrisait pas du tout l’anglais, même si son faible niveau de compétences en anglais limitait peut-être ses possibilités de trouver du travail. Par conséquent, en faisant abstraction de ses problèmes de santé, je juge qu’elle serait capable de faire un travail non spécialisé ou semi-spécialisé pour lequel une excellente maîtrise de l’anglais ou un bon niveau d’alphabétisation ne sont pas nécessaires. L’entretien ménager fait partie de cette catégorie d’emploi. Je vais maintenant faire quelques observations au sujet de la preuve produite par la requérante.

Observations sur la preuve de la requérante

[15] La mémoire de la requérante lui faisait souvent défaut lorsque les membres du Tribunal lui posaient des questions, mais elle avait beaucoup moins de difficulté à répondre aux questions de son représentant. Cela était particulièrement évident pour les questions portant sur ses activités professionnelles et ses traitements médicaux. Elle ne se rappelait pas si ses heures de travail avaient diminué avant sa mise à pied de 2009. Elle ne se rappelait pas quand elle avait commencé à travailler dans l’entretien ménager (cependant, plus tard au cours de l’audience, elle a dit avoir commencé à faire de l’entretien ménager dans des bureaux il y a de trois à cinq ans). Elle ne se rappelait pas combien d’heures elle faisait avant ou après avoir réduit ses heures d’entretien ménager en septembre 2010Note de bas de page 8. Par la suite, elle a dit qu’elle avait complètement cessé de travailler, mais elle ne se rappelait pas quand elle avait recommencé à travailler. Elle ne se rappelait pas si elle était revenue au travail en 2012, quand son mari a cessé de travailler. Lorsqu’on lui a posé des questions sur les prestations d’assurance-emploi (AE), elle ne se rappelait pas s’il fallait qu’une ou un médecin remplisse un formulaire pour qu’elle obtienne les prestations. Elle ne se rappelait pas non plus si elle devait chercher du travail pour pouvoir recevoir les prestations. À l’audience de 2017, la requérante ne se rappelait pas si elle avait signé un formulaire d’AE pour déclarer qu’elle était prête et disposée à travailler et capable de le faire. Elle a eu de la difficulté à se rappeler pourquoi elle ne pouvait pas travailler en 2011.

[16] Les problèmes de mémoire de la requérante touchaient aussi ses traitements médicaux. Elle ne se rappelait pas si elle avait fait les exercices recommandés par le Dr Faraawi (rhumatologue) en 2006. Elle ne se rappelait pas si elle avait suivi une thérapie en piscine après mars 2011. Elle ne se souvenait pas de la Dre Ahluwalia, qui l’a soignée en décembre 2011. Elle ne se rappelait pas quand elle avait cessé de prendre ses médicaments avant son rendez-vous avec la Dre Zorzitto en février 2012. Elle ne se rappelait pas pendant combien de temps elle avait vu le Dr Medeiros (naturopathe), qu’elle avait consulté pour la première fois en mars 2016. Elle ne se rappelait pas si elle avait fait la physiothérapie que la Dre Spadotto (médecin de famille) lui avait prescrite en octobre 2016. Elle ne se souvenait pas non plus des résultats de l’évaluation de ses besoins en matière de réadaptation professionnelleNote de bas de page 9.

[17] En revanche, aux audiences qui ont eu lieu devant moi, la requérante a répondu à des questions très précises posées par son représentant au sujet de ses problèmes de santé à la fin de 2011. Elle a dit qu’elle ressentait des douleurs dans tout le corps. Elle a dit que ses douleurs étaient de 5 à 6 (sur une échelle de 10 points, 10 étant une douleur atroce) certains jours, mais qu’à d’autres moments, elles étaient de 3 à 4 sur 10. Ses douleurs pelviennes étaient de 3 ou 4 sur 10 à ce moment-là. Elle a dit qu’elle pouvait rester debout de une heure à une heure et demie, rester assise pendant 15 à 20 minutes et marcher à un rythme normal pendant 10 à 15 minutes. Elle a dit que se pencher, s’étirer et pousser, tirer ou soulever des objets étaient des gestes qui lui causaient beaucoup de douleurs. Elle pouvait seulement faire des travaux ménagers légers à ce moment-là. Sa fille faisait le reste. Elle a dit avoir cessé d’assister aux séances d’Aquafit [gymnastique aquatique] en 2011 parce que les douleurs revenaient 30 minutes après une séance de 30 minutes. Elle a cessé de faire de l’exercice à ce moment-là parce que les douleurs étaient encore pires qu’au début.

[18] La requérante pouvait également répondre à des questions sur la fin de son emploi en juillet 2009. Elle a dit qu’elle voulait être mise à pied parce que ses douleurs étaient très intenses et qu’on lui prescrivait des médicaments tous les mois. Elle a dit que les effets secondaires comprenaient des étourdissements, de la diarrhée et des problèmes d’estomac.

[19] Les trous de mémoire de la requérante sur ces sujets font qu’il est difficile de se fier à son témoignage. Ainsi, la preuve documentaire sera particulièrement importante pour déterminer le cours des événements. Je remarque qu’elle a relevé des problèmes de mémoire dans ses deux demandes de prestations d’invalidité du RPCNote de bas de page 10. Cependant, à l’audience de 2017, elle a nié avoir des problèmes de mémoire.

Problèmes de santé de la requérante vers la fin de sa PMA

[20] Je vais examiner la période suivant la date à laquelle la requérante a été mise à pied de l’usine de chaises de bureau, soit le 23 juillet 2009Note de bas de page 11. Je juge que son employeur ne l’a pas mise à pied parce qu’elle était incapable de travailler à ce moment-là. Au lieu de cela, elle a probablement demandé à son employeur de la mettre à pied, même si ses problèmes de santé l’ont peut-être poussée à faire une telle demande. Je tire cette conclusion pour plusieurs raisons.

[21] Premièrement, le fait le plus important est que la requérante a admis à l’audience de 2017 qu’elle avait demandé à son employeur de la mettre à pied. Deuxièmement, ses soins médicaux à ce moment-là ne font aucune mention de son incapacité à travailler. La preuve médicale qui précède tout juste sa mise à pied, survenue le 23 juillet 2009, date du 13 mai 2009. La preuve mentionne seulement une langue engourdie et certains problèmes rectaux. Son prochain rendez-vous en août 2009 porte seulement sur la dépressionNote de bas de page 12. Troisièmement, la preuve produite par la requérante au sujet de ses prestations d’AE de 2009 n’est pas convaincante. À l’audience de 2017, elle croyait avoir reçu des prestations régulières d’AE après sa mise à pied, mais elle ne se souvenait pas d’avoir signé un formulaire à cet effet. À l’audience de novembre 2020, elle ne se rappelait pas si sa médecin avait rempli un formulaire (ce qui indiquerait qu’il s’agit de prestations de maladie de l’AE) ou si elle avait dû chercher du travail pour recevoir des prestations (ce qui indiquerait qu’il s’agit de prestations régulières d’AE). Cette distinction est importante parce que les prestations régulières d’AE exigent que les prestataires soient capables de travailler et disponibles pour travaillerNote de bas de page 13.

[22] Quatrièmement, les trous de mémoire de la requérante me mènent également à écarter son témoignage d’octobre 2020 portant sur l’époque de la mise à pied. À cette audience, elle a dit qu’elle souffrait beaucoup au moment de la mise à pied et que sa médecin lui donnait de nouvelles ordonnances tous les mois. Finalement, en 2010, la Dre Ballard (médecine physique) a déclaré que la requérante avait été mise à pied de son emploi précédent, mais qu’elle cherchait du travailNote de bas de page 14. Ces propos laissent entendre qu’elle n’a pas été mise à pied parce qu’elle était incapable de travailler.

[23] Compte tenu des éléments de preuve qui précèdent, je juge également qu’il est probable que la requérante ait reçu des prestations régulières d’AE (au lieu des prestations de maladie) après sa mise à pied.

[24] En ce qui concerne les problèmes de santé survenus après la mise à pied de la requérante, je me pencherai sur la période se terminant en janvier 2014. Si elle n’avait pas une invalidité grave de la fin de sa PMA à janvier 2014, je n’ai pas besoin d’élargir l’analyse jusqu’à la date de l’audience.

[25] La majeure partie des données médicales datant de 2010-2011 portent sur la fibromyalgie. Parfois, la douleur était diffuse. À d’autres moments, il y avait des références précises à des douleurs dans les jambes, les épaules, les genoux, le cou, les chevilles, les mains et le bas du dos. Par exemple, ses douleurs au bas du dos semblaient plus problématiques en mars et en avril 2011Note de bas de page 15. J’ai aussi vu des références à des engourdissements intermittents et à des picotements aux extrémités. Elle a signalé des maux de tête en décembre 2010Note de bas de page 16.

[26] La référence la plus récente aux problèmes rectaux remonte à mai 2009, mais la requérante a dit en mai 2011 avoir tous les mois une douleur rectale aiguë [traduction] « depuis des annéesNote de bas de page 17 ». En septembre 2011 et en janvier 2012, elle a mentionné des douleurs [traduction] « intermittentes » au bas de l’abdomen qui pouvaient être fortes. Les nouvelles douleurs abdominales étaient la seule plainte réelle qu’elle a mentionnée au cours d’un examen approfondi effectué en février 2012 par sa nouvelle médecin de familleNote de bas de page 18. Je ne vois aucune autre plainte jusqu’en septembre 2012, lorsqu’elle a signalé avoir des douleurs aux jambes depuis deux semaines et subir du stress lié aux finances familiales. Ce stress s’est poursuivi jusqu’en octobre 2012, lorsque les douleurs pelviennes sont également réapparues. Cependant, les douleurs semblaient liées à l’activité sexuelleNote de bas de page 19. Par la suite, je n’ai vu aucun autre document avant février 2013.

[27] En février 2013, la fibromyalgie a été le seul diagnostic posé par la Dre Zorzitto aux fins du RPC. Au début de mars 2013, la requérante a signalé des douleurs bilatérales aux jambes qui découlaient probablement de la fibromyalgie. Elle a eu une infection virale en mai 2013Note de bas de page 20. Elle avait une douleur abdominale diffuse en août 2013Note de bas de page 21, suivie de douleurs corporelles généralisées en septembre 2013. Elle a fait une bronchite en janvier 2014Note de bas de page 22.

[28] Si la fibromyalgie semble être le problème de santé le plus souvent mentionné de 2010 à 2014, il se peut que la requérante ait aussi eu d’autres problèmes. Peu importe si ses déficiences étaient dues à un ou à plusieurs problèmes de santé, la Cour d’appel fédérale a affirmé que pour mesurer la gravité d’une invalidité, il ne s’agit pas de savoir si la personne souffre de déficiences graves. La question est plutôt de savoir si l’invalidité l’empêche de gagner sa vieNote de bas de page 23. L’existence de symptômes graves ou même de diagnostics (comme la fibromyalgie, la dépression ou le syndrome de congestion pelvienne) n’est pas déterminanteNote de bas de page 24. La requérante a travaillé pendant près de trois ans malgré un diagnostic provisoire de fibromyalgie reçu en 2006Note de bas de page 25. Je vais maintenant examiner sa capacité de travail vers la fin de sa PMA.

Capacité de travail de la requérante vers la fin de sa PMA

[29] Je constate que la requérante a une capacité résiduelle de travail depuis juillet 2009. Je fais cette constatation principalement en raison des nombreuses références objectives au travail d’entretien ménager qui datent d’après ce mois-là. J’ai également tenu compte des prestations régulières d’AE qu’elle a reçues à compter de juillet 2009. La Cour d’appel fédérale a dit que l’exercice d’un travail à temps partiel démontre une capacité de travailNote de bas de page 26. Les documents médicaux eux-mêmes font état du travail courant d’entretien ménager en septembre 2010, en avril 2011, en mai 2011, en mars 2013 (lorsqu’elle [traduction] « travaill[ait] plus dernièrement »), en septembre 2013, en juillet 2015, en juin 2017 et en novembre 2017Note de bas de page 27. Selon un autre document médical, elle cherchait du travail en octobre 2010Note de bas de page 28. Elle admet avoir travaillé. À l’audience de novembre 2020, elle a admis avoir fait de l’entretien ménager dans des bureaux au cours des trois à cinq dernières années. Dans son questionnaire de mars 2016, elle a admis travailler à temps partiel pendant quatre heures par moisNote de bas de page 29.

[30] La constatation de la capacité de travail depuis juillet 2009 est très importante. Lorsque la capacité de travail est établie, une personne doit démontrer que les efforts qu’elle a déployés pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son problème de santéNote de bas de page 30. La requérante ne semble pas remplir cette exigence. Elle admet avoir travaillé depuis au moins 2016. À l’audience, elle a dit qu’elle faisait l’entretien ménager dans des bureaux depuis [traduction] « trois à cinq ans ». Toutefois, les documents médicaux objectifs indiquent une activité professionnelle depuis au moins septembre 2010. Comme je l’ai déjà souligné, je préfère la preuve objective.

[31] Ma conclusion au sujet de la capacité de travail limite les chances de la requérante de prouver l’existence d’une invalidité grave. Elle pourrait tout de même établir l’existence d’une invalidité grave en démontrant que sa capacité de travail depuis décembre 2011 ne parvenait pas à atteindre le niveau « véritablement rémunératrice ». Elle pourrait aussi démontrer qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, même si elle était capable de travailler de temps à autre.

La capacité de travail de la requérante était-elle véritablement rémunératrice?

[32] Depuis juin 2014, le Règlement sur le Régime de pensions du Canada définit une « occupation véritablement rémunératrice ». C’est une occupation qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale d’une pension d’invalidité du RPCNote de bas de page 31. Ce montant est passé de 14 836,20 $ en 2014 à 16 651,92 $ en 2020.

[33] Avant 2014, la formule « véritablement rémunératrice » a fait l’objet de nombreux débats à la Commission d’appel des pensionsNote de bas de page 32. Néanmoins, en 2013, la Cour d’appel fédérale a reconnu que la capacité de travailler à temps partiel pouvait empêcher de conclure qu’une invalidité est graveNote de bas de page 33. En 2011, la même cour a confirmé une décision refusant des prestations d’invalidité à une demanderesse qui gagnait un certain revenu en gardant des enfants chez elleNote de bas de page 34. En 2018, elle a maintenu une décision antérieure refusant des prestations d’invalidité à un demandeur qui pouvait travailler, mais seulement à des heures réduitesNote de bas de page 35.

[34] Pour l’application du RPC, la requérante n’a déclaré aucune rémunération depuis 2009Note de bas de page 36. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’elle ne travaillait pas. J’ai déjà constaté qu’elle travaille depuis 2010. Elle admet gagner actuellement 300,00 $ par mois. Elle dit qu’elle travaille seulement quatre heures par mois, mais elle ajoute que son mari travaille avec elle. Chaque personne gagne donc un salaire horaire de 37,50 $ et un revenu annuel de 1 800,00 $. Même si je lui attribue tout ce revenu, il est bien inférieur au niveau véritablement rémunérateur. La requérante a également admis gagner un revenu annuel de 2 700,00 $ dans le questionnaire du RPC qu’elle a rempli en 2016 et elle a écrit le même nombre d’heures par mois, soit quatre.

[35] Le problème, c’est que je juge que la preuve de la requérante concernant le travail n’est pas fiable. Dans le questionnaire qu’elle a rempli en janvier 2013, elle a nié avoir fait tout autre travail à part son emploi principal (qui a pris fin en 2009) au cours des deux dernières années. Fait plus important encore, elle a aussi nié avoir fait un autre type de travail au cours des cinq dernières annéesNote de bas de page 37. Ces affirmations contredisent directement de nombreuses références au travail dans l’entretien ménager qui figurent dans les documents médicaux. Je remarque également qu’elle faisait le ménage dans des maisons en septembre 2013Note de bas de page 38. Ce n’est pas la même chose que l’entretien ménager de bureaux. À l’audience, elle a dit qu’elle avait seulement fait de l’entretien ménager dans des bureaux après 2010. En fin de compte, je préfère les documents médicaux à la preuve de la requérante, car de multiples professionnelles et professionnels de la santé n’auraient aucune raison d’inventer des histoires sur son activité professionnelle. Par conséquent, je ne peux pas me fier aux éléments de preuve présentés par la requérante au sujet de son travail ou de sa capacité de travail depuis juillet 2010.

[36] Comme je ne peux pas me fier à la preuve de la requérante, je dois fonder mes conclusions sur la preuve objective. Son registre des gains contredit sa propre preuve sur le travail depuis au moins 2016 et la preuve objective sur le travail depuis 2010. Ainsi, les documents médicaux constituent la seule preuve potentiellement fiable permettant de savoir si sa capacité de travail était véritablement rémunératrice (ou irrégulière). La preuve médicale a été préparée pour des raisons médicales plutôt que professionnelles, mais je dois me pencher sur la preuve dont je dispose. Je ne peux pas obliger les parties à déposer des documents, et mon rôle n’est pas non plus de recueillir des éléments de preuve au nom des parties. De plus, l’audience a déjà été ajournée une fois, en partie parce que les deux parties souhaitaient produire d’autres documentsNote de bas de page 39.

[37] J’aborderai la question par ordre chronologique pour la période clé allant de juillet 2010 à janvier 2014. Cette période comprend la fin de la PMA de la requérante.

[38] En septembre 2010, la requérante avait de la difficulté à sortir du lit le matin. Elle faisait quand même de l’entretien ménager, mais elle a dû ralentir ses activités en raison de douleurs constantes. Cela signifie probablement qu’elle travaillait autant que ses problèmes de santé le lui permettaient. Toutefois, la Dre Parlea (médecin de famille) a aussi dit qu’elle trouvait [traduction] « difficile de soulever un balai certains joursNote de bas de page 40 ». Ce renseignement donne carrément à penser qu’elle travaillait plus que ce qu’elle admet maintenant. Elle travaillait peut-être même tous les jours, même si ce n’était pas à temps plein. Elle était peut-être capable d’occuper un emploi véritablement rémunérateur à ce moment‑là, ce que soutient le rapport d’octobre 2010 selon lequel elle [traduction] « cherchait actuellement du travail », même si elle a aussi affirmé que la plupart des activités aggravaient ses douleursNote de bas de page 41.

[39] Les symptômes de la requérante au cours des mois suivants concordaient avec un diagnostic primaire de fibromyalgie, même si elle signalait également d’autres symptômes de temps à autreNote de bas de page 42. Vers le mois de janvier 2011, ses engourdissements et ses picotements lui faisaient parfois échapper des choses. En mars 2011, se pencher aggravait ses douleurs au bas du dosNote de bas de page 43.

[40] En avril 2011, la requérante avait de nouveau de la difficulté à sortir du lit certains matins et elle dormait mal. Cependant, elle a dit à la Dre Parlea qu’elle [traduction] « continuait de se forcer à aller travaillerNote de bas de page 44 ». Encore une fois, cela laisse entendre qu’elle travaillait régulièrement et aussi souvent que sa santé le lui permettait. Elle a subi une intervention médicale en mai 2011. De mai à septembre 2011, son traitement était axé sur les douleurs abdominalesNote de bas de page 45. Ces douleurs étaient peut-être liées à son syndrome de congestion pelvienne. Les documents ne font aucune mention d’un quelconque travail.

[41] Les documents suivants datent de décembre 2011. La requérante a dit à la Dre Ahluwalia qu’elle avait été mise à pied en juillet 2009, mais qu’elle [traduction] « n’a pas repris le travail depuis ». Je ne vois aucune mention de son travail dans l’entretien ménager, qui s’est clairement poursuivi après juillet 2009. Cependant, les médicaments avaient amélioré son sommeilNote de bas de page 46. La requérante n’a pas parlé de travail à la Dre Parlea non plus, mais elle a dit qu’elle [traduction] « essayait de rester active ». L’imagerie datant de décembre 2011 ne mentionne pas non plus le travailNote de bas de page 47. Par conséquent, il est difficile de dire si elle travaillait en décembre 2011.

[42] En février 2012, la requérante a fait l’objet d’un examen approfondi par sa nouvelle médecin de famille. Sa médecin n’avait [traduction] « aucune préoccupation » au sujet de son bien-être global, et un examen physique général s’est conclu par le commentaire : [traduction] « semble bien aller ». Il n’y avait pas de problème musculosquelettique. Elle ne prenait pas de médicaments, même si elle a déclaré avoir ressenti leurs effets bénéfiques en décembre 2011. Sa médecin l’a décrite comme une [traduction] « femme qui se porte bien » et dont la seule plainte était des douleurs abdominales intermittentes au cours de la dernière semaine. Leur cause était inconnueNote de bas de page 48. Ces renseignements laissent entendre qu’il y avait très peu de limitations à sa capacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[43] Les documents datant de mars 2012 à juin 2012 ne révèlent rien sur le travail ou la capacité de travail. En septembre 2012, la requérante a dit que la marche aggravait ses douleurs aux jambes. Elle avait aussi de la difficulté à dormir à cause de la douleur, du stress financier et d’une humeur tristeNote de bas de page 49. Elle éprouvait encore du stress en octobre 2012 parce que son époux ne travaillait toujours pas. Je ne vois pas d’autres documents médicaux avant le 25 février 2013. À ce moment-là, la Dre Zorzitto a déclaré qu’elle ne pouvait pas effectuer de tâches physiques répétitives en raison de ses douleurs. Elle était aussi fatiguée et sensible à la pression à certains endroits. Je ne vois aucune mention d’un quelconque travailNote de bas de page 50.

[44] Toutefois, seulement 11 jours plus tard (le 8 mars 2013), la requérante a dit à la Dre Zorzitto que ses douleurs bilatérales aux jambes étaient [traduction] « pires à la fin de la journée », car elle [traduction] « travaill[ait] plus dernièrement pour gagner plus d’argent ». Son mari ne travaillait toujours pas. La Dre Zorzitto pensait que le travail aggravait probablement sa fibromyalgie ou causait une poussée de ses symptômes. La Dre Zorzitto lui a conseillé de faire moins d’heures, mais la requérante a dit qu’elle devait quand même travailler pour des raisons financièresNote de bas de page 51. Le commentaire sur les besoins financiers donne carrément à penser que la requérante travaillait plus souvent que juste à l’occasion. Cette conclusion est appuyée par l’affirmation voulant que la requérante [traduction] « travaille plus dernièrement » et par sa déclaration selon laquelle ses douleurs sont [traduction] « pires vers la fin de la journée ». La mention de « travaill[er] plus dernièrement » laisse également enten Dre que la requérante travaillait depuis un certain temps, mais pas autant qu’à l’heure actuelle. Tout cela concorde avec un travail véritablement rémunérateur à ce moment-ci.

[45] En mai 2013, la requérante a parlé à la Dre Zorzitto de divers symptômes (y compris des douleurs et des vomissements) qu’elle avait ressentis au cours des deux derniers jours. Cependant, ils semblaient indiquer une infection viraleNote de bas de page 52. Elle a subi des tests aux résultats essentiellement normaux en août 2013Note de bas de page 53, puis elle a eu un rendez-vous en septembre 2013 pour des douleurs [traduction] « dans tout le corps ». À ce moment-là, la Dre Zorzitto a confirmé le diagnostic de fibromyalgie. Toutefois, la Dre Zorzitto a aussi dit que la requérante [traduction] « fait de l’entretien ménager dans des maisons » et que [traduction] « quand elle travaille, elle se sent bien ». Elle ressentait plus de douleurs après le travail et avait de la difficulté à retourner faire ses choses [traduction] « après s’être assise après le travail ». Elle avait aussi de la difficulté à dormir à cause des douleurs. Ces éléments indiquent qu’elle faisait un travail véritablement rémunérateur durant la journée. Je ne vois pas d’autres éléments de preuve montrant la présence de limitations non passagères jusqu’en janvier 2014Note de bas de page 54.

[46] Dans l’ensemble, même si la requérante avait certaines limitations fonctionnelles vers la fin de sa PMA, elles étaient souvent intermittentes. De plus, je vois relativement peu d’éléments de preuve indiquant qu’elles ont nui de façon considérable à ses activités habituelles. Cela était particulièrement vrai du milieu de 2011 à février 2013. Bon nombre des symptômes dont elle se plaignait sont apparus peu de temps avant ses rendez-vous. Ses limitations se sont intensifiées vers février et mars 2013, et elle avait de la difficulté après ses journées de travail en septembre 2013. Je conclus que de juillet 2010 à janvier 2014, soit elle avait la capacité de faire un travail véritablement rémunérateur, soit elle n’a pas réussi à prouver (selon la prépondérance des probabilités) qu’elle n’avait pas cette capacité. Même si je ne crois pas qu’elle aurait pu travailler à temps plein pendant cette période, une telle capacité n’est pas nécessaire.

[47] La requérante pourrait établir l’existence d’une invalidité grave si elle démontre que sa capacité de travail depuis décembre 2011 n’atteignait pas le niveau « véritablement rémunératrice ». À mon avis, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve fiables pour appuyer cette conclusion. Il incombe à la requérante de prouver ses prétentions. Je juge qu’elle ne s’est pas acquittée de son fardeau pour la période allant de la fin de sa PMA jusqu’à janvier 2014 à tout le moins. Dans le même ordre d’idées, je constate qu’il y a eu une longue période après la PMA pendant laquelle son invalidité était irrégulièreNote de bas de page 55. Plus précisément, la preuve révèle une longue période allant du milieu de 2011 au début de 2013 où ses limitations fonctionnelles étaient minimes. Ces conclusions signifient que son appel est voué à l’échec.

L’invalidité de la requérante est-elle également prolongée depuis au moins le 31 décembre 2011?

[48] La requérante n’est pas atteinte d’une invalidité grave depuis au moins le 31 décembre 2011. Je n’ai donc pas besoin de trancher cette question.

Conclusion

[49] L’appel est rejeté.

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