Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : SE c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1143

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-827

ENTRE :

S. E.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Raymond Raphael
Date de l’audience par téléconférence : Le 19 novembre 2020
Date de la décision : Le 24 décembre 2020

Sur cette page

Décision

[1] Le requérant n’est pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] Le requérant est né au Sri Lanka. Il est arrivé au Canada en 1984. Il a demandé une pension d’invalidité du RPC en mai 2018, à l’âge de 59 ans. Son dernier emploi consistait à charger et décharger des camions de livraison. Il a été blessé dans un accident routier en janvier 2006 et n’a pas travaillé depuis. Dans son questionnaire d’invalidité, il a affirmé qu’il était incapable de travailler depuis janvier 2006 en raison de ses blessures dues à son accident et d’une dépressionNote de bas de page 1. Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision. Le requérant a fait appel au Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Le ministre reconnaît que le requérant pourrait maintenant être atteint d’une invalidité grave. Cependant, il estime que la preuve ne démontre pas qu’un problème de santé grave l’empêchait de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la date limite de son admissibilité à une pension d’invalidité du RPC, soit au termede juin 2006.

[4] Aux fins du RPC, une invalidité est une déficience physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 2. L’invalidité est grave si elle rend le requérant régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Son invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie.

[5] Pour avoir gain de cause, le requérant doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était invalide à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Sa PMA, c’est‑à‑dire la date à laquelle il doit prouver qu’il était invalide, est établie d’après ses cotisations au RPCNote de bas de page 3. Sa PMA a pris fin le 31 décembre 2005.

[6] Le requérant a aussi réalisé des gains de 2 247 $ en 2006Note de bas de page 4. Ce montant est inférieur au seuil minimal requis pour faire des cotisations valides au RPC. Si le requérant n’était pas atteint d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2005, la loi permet de calculer ses gains au prorata pour l’aider à répondre aux exigences de cotisations. Le requérant sera admissible à une pension d’invalidité s’il était invalide avant la fin de juin 2006.

Questions en litige

  1. Les problèmes de santé du requérant le rendaient-ils régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au terme de juin 2006?
  2. Si tel est le cas, son invalidité devait-elle durer pendant une période longue, continue et indéfinie?

Analyse

Invalidité grave

Au terme de juin 2006, l’état de santé du requérant l’empêchait de reprendre son dernier emploi, mais pas d’occuper un autre emploi.

[7] Je dois m’intéresser à l’état de santé du requérant au terme de juin 2006. Pour ce faire, je dois évaluer son état dans son ensemble et prendre en considération toutes les déficiences qui nuisaient alors à son employabilité, et pas seulement les déficiences les plus importantes ou la déficience principaleNote de bas de page 5.

[8] Le RPC est un régime d’assurance sociale à cotisations. En vertu du RPC, le requérant est uniquement couvert pour des problèmes de santé graves à l’échéance de sa PMA ou avant cette date. Il n’est pas couvert pour des problèmes de santé qui sont devenus graves par la suite.

[9] Comme la PMA précède l’audience de plus de 14 ans, je me suis davantage fondé sur la preuve documentaire que sur la preuve testimoniale.

[10] Dans des décisions récentes, la Cour fédérale a statué que pour avoir gain de cause, une personne requérante doit fournir des éléments de preuve médicale de son invalidité en date de sa PMA. La Cour fédérale a ajouté que les éléments de preuves médicale postérieurs à la PMA ne sont pas pertinents si la partie ne parvient pas à prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave avant la PMANote de bas de page 6.

[11] Le requérant soutient que plusieurs problèmes le rendent incapable de travailler depuis son accident, notamment des douleurs chroniques au bas du dos et au cou, des migraines, le diabète et l’hypertension. Dans son avis d’appel, il a déclaré qu’il souffrait depuis 2006 d’hypertension, d’un trouble dépressif majeur, de migraines, d’une discopathie dégénérative affectant L4-L5 et de diabèteNote de bas de page 7.

[12] Lors de l’audience, le requérant a affirmé qu’il n’avait pas été capable de travailler depuis son accident de la route parce qu’il avait toujours mal [traduction] « de la tête au pied ». Il éprouve une douleur constante aux épaules, au cou et aux genoux. Il a toujours mal à la tête. Il est dépressif.

Preuve médicale en date de la PMA calculée au prorata

[13] Des rayons X effectués le 25 janvier 2006 ont révélé de légers changements dégénératifs à C4-C5 et un léger pincement discal à L4-L5Note de bas de page 8.

[14] Son médecin de famille, le docteur Chan, l’a vu cinq ou six fois dans les six premiers mois de 2006.Note de bas de page 9 Ses notes cliniques montrent que le requérant souffrait de douleurs au cou et de maux de tête dus à une entorse cervicale et de douleurs au bas du dos dues à une entorse lombaire. Le docteur Chan a traité le requérant de façon conservatrice à l’aide d’analgésiques et de médicaments anti-inflammatoiresNote de bas de page 10.

[15] Le docteur Goldman, neurologue, est le seul spécialiste que le requérant a consulté avant le 30 juin 2006. En mai 2006, le docteur Goldman a affirmé que le requérant avait été impliqué dans ce qui lui paraissait être un petit accident. Il s’en était sorti sans coupure ni ecchymose. Il se plaignait de maux de tête et de douleurs au cou. Le docteur Goldman a diagnostiqué une légère blessure au cou donnant lieu à des douleurs musculosquelettiques. Le docteur Goldman a noté d’importantes complications fonctionnelles (un symptôme médical sans cause connue). Il a ordonné un électroencéphalogramme compte tenu des maux de tête qui préoccupaient le requérantNote de bas de page 11. L’électroencéphalogramme du 31 mai 2006 s’est avéré normalNote de bas de page 12.

L’état de santé du requérant s’est détérioré après le 30 juin 2006

[16] La preuve médicale révèle que l’état de santé du requérant s’est détérioré après la PMA calculée au prorata. Cependant, cette détérioration ne change rien à la question de savoir s’il était invalide à la fin de sa PMA calculée au prorata. En effet, pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, le requérant doit démontrer qu’il était atteint d’une invalidité grave à l’échéance de sa PMA.

[17] Selon les notes du docteur Chan, le requérant s’est plaint de photophobie (sensibilité à la lumière) pour la première fois le 26 juillet 2006. En août 2006, il s’est plaint pour la première fois de cécité transitoire à l’œil droitNote de bas de page 13. Le docteur Chan l’a dirigé vers un neurologue et un ophtalmologue.

[18] Entre septembre 2006 et août 2007, le requérant a vu trois fois le docteur Dindar, neurologue. Celui-ci a affirmé que les symptômes visuels du requérant étaient probablement liés aux migraines causées par son problème au couNote de bas de page 14. En août 2007, le docteur Dindar a fait savoir que les douleurs lombaires du requérant étaient intermittentes et qu’il semblait bien s’en tirer avec les analgésiquesNote de bas de page 15.

[19] En septembre 2006, le docteur Karunanithy, optométriste, a affirmé que la vision du requérant s’embrouillait occasionnellement pendant quelques secondesNote de bas de page 16.

[20] L’état physique et mental du requérant s’est détérioré au milieu de 2007. En mai 2007, le docteur Chan a noté pour la première fois que le requérant faisait état de douleurs articulaires multiples, de fatigue, de raideurs matinales et d’une aggravation de ses douleurs au cou, aux épaules et au bas du dos. Le docteur Chan l’a dirigé vers un centre de gestion de la douleur. L’anxiété est nommée pour la première fois dans une note du 30 mai 2007 du docteur Chan : [traduction] « très anxieux, névrose d’angoisse ». Le premier indice de dépression figure dans la note de juillet 2007 : [traduction] « dépressif, désengagé, très déprimé, Celexa ». En octobre 2007, le docteur Chan a orienté le requérant vers le docteur Sooriabalan, psychiatreNote de bas de page 17.

[21] Trois rapports montrent que le requérant était incapable de travailler en mai 2007. Toutefois, cette date succède de près d’un an l’échéance de sa PMA du 30 juin 2016, calculée au prorata.

  • En mai 2007, le docteur Jacobson, du centre de gestion de la douleur, a affirmé que le requérant souffrait de graves douleurs chroniques au cou et à la tête depuis son accident de janvier 2006. Il a également spécifié que ces douleurs le rendait incapable de travailler. Le docteur Jacobson a posé des diagnostics de douleur chronique au cou, d’entorse cervicale chronique et de céphalées cervicogènesNote de bas de page 18.
  • En octobre 2007, le docteur Chan a affirmé que le requérant était devenu dépressif à cause de son invalidité. Le docteur Chan a conclu que, compte tenu de son invalidité et du développement d’une dépression, le requérant était incapable d’occuper tout emploi rémunérateurNote de bas de page 19.
  • En novembre 2007, le requérant a confié au docteur Sooriabalan qu’il était déprimé depuis sept à huit mois. Il pleurait beaucoup. Il avait du mal à dormir. Il n’avait plus d’intérêt dans la vie et manquait de motivation. Il avait également des maux et des douleurs physiques ainsi que des maux de tête. Le docteur Sooriabalan a affirmé que le requérant présentait des troubles cognitifs, y compris un retard psychomoteur. Le docteur Sooriabalan a diagnostiqué un trouble dépressif majeur et a augmenté la dose de son antidépressifNote de bas de page 20.

[22] Le dossier d’audience contient de nombreux rapports rédigés après 2007 qui décrivent une aggravation des problèmes physiques et mentaux du requérant. Je n’ai pas traité de ces rapports parce qu’ils ne sont pas pertinents à la question de la gravité de l’invalidité.

[23] Je n’ai pas non plus traité du diabète et de l’hypertension du requérant, comme celui-ci n’a pas affirmé que ces problèmes étaient invalidants lors de son témoignage. De plus, aucun élément de preuve médicale ne démontre qu’ils affectaient sa capacité de travail.

Mes conclusions

[24] Bien que la preuve médicale corrobore une invalidité grave à l’heure actuelle, elle ne démontre pas que les problèmes de santé du requérant le rendaient incapable d’occuper un autre emploi au terme de juin 2006.

[25] À l’époque, le requérant souffrait de maux de tête et de douleurs au cou et au dos. Sa dépression et l’aggravation de ses douleurs ne sont survenues qu’en mai 2007, soit près d’un an après la fin de son admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Le seul spécialiste consulté avant l’échéance de sa PMA avait diagnostiqué une légère blessure au cou et des complications fonctionnellesNote de bas de page 21.

[26] Les blessures au cou et au dos du requérant l’empêchaient de reprendre son emploi physiquement exigeant qui consistait à charger et décharger des camions. Cependant, la preuve ne démontre pas qu’elles l’empêchaient d’occuper un autre emploi moins exigeant physiquement.

Le requérant n’a pas prouvé qu’il était atteint d’une invalidité grave

[27] Une invalidité est grave si elle empêche une personne requérante de gagner sa vie. Je dois évaluer le critère de la gravité dans un « contexte réaliste ». Pour déterminer l’« employabilité » du requérant, je dois donc prendre en considération des facteurs tels que son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vieNote de bas de page 22.

[28] Un dossier du RPC ne se joue pas sur la nature ou le nom de problèmes médicaux, mais bien sur l’effet de ces problèmes sur la capacité de travail de la personne requérante.Note de bas de page 23 C’est la capacité du requérant à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de son invalidité dans le cadre du RPCNote de bas de page 24.

[29] Comme le requérant était incapable de reprendre son emploi physiquement exigeant, la principale question que je dois trancher est de savoir s’il était régulièrement capable d’occuper un autre emploi au terme de juin 2006.

[30] Le requérant avait seulement 46 ans à la fin de sa PMA, soit près de 20 ans en moins que l’âge habituel de la retraite. Ce facteur joue en faveur d’une capacité à occuper un autre emploi. Il a obtenu l’équivalent d’un diplôme d’études secondaires au Sri Lanka. Il a travaillé là-bas sur la ferme de son père et comme vendeur dans un magasin de détail. Au Canada, il a seulement occupé des emplois manuels non spécialisés. Il a notamment travaillé comme plongeur, aide de cuisine, ouvrier d’usine, agent de sécurité et livreurNote de bas de page 25.

[31] Ses aptitudes en anglais sont limitées. Il ne parlait pas l’anglais à son arrivée au Canada. Ici, il a suivi quelques cours à temps partiel d’anglais langue seconde. Il a eu besoin d’un interprète durant l’audience. Il a affirmé qu’il peut lire [traduction] « un peu » en anglais. Il peut seulement écrire son nom et son adresse. Il se rend à la banque pour payer ses factures. Il a recours à des interprètes pour la plupart de ses rendez-vous médicaux.

[32] Même si son employabilité a pu être limitée à cause de sa maîtrise rudimentaire de l’anglais et de son manque d’expérience professionnelle, je ne suis pas convaincu que le requérant n’était pas capable d’accomplir du travail léger et peu exigeant physiquement.

[33] En août 2008, le docteur Sooriabalan a conseillé au requérant de chercher un emploiNote de bas de page 26. En décembre 2008, le docteur Sooriabalan a noté que le requérant n’était toujours pas motivé à chercher un emploi à cause de ses douleurs physiquesNote de bas de page 27. J’ai déjà conclu que son état de santé ne l’empêchait pas en juin 2006 d’occuper un autre emploi moins exigeant sur le plan physique.

[34] Le requérant a reconnu ne pas avoir fait d’efforts pour trouver un autre emploi. Il a aussi admis ne pas avoir fait d’efforts pour améliorer ses compétences en anglais et ses compétences professionnelles.

[35] Comme il n’a pas cherché d’autre emploi, le requérant n’a pas démontré qu’il était incapable d’obtenir ou de conserver un emploi en raison de son état de santé. Il incombait au requérant d’établir qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à l’échéance de sa PMA. Je conclus qu’il ne s’est pas acquitté de ce fardeau.

[36] Le requérant n’a pas établi qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était atteint d’une invalidité grave conformément aux exigences du RPC.

[37] Comme il n’a pas fait la preuve d’une invalidité grave, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur le caractère prolongé de l’invalidité.

Conclusion

[38] L’appel est rejeté.

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