Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 53

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-1995

ENTRE :

A. S.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Tyler Moore
Requérant représenté par : Rahul Soni
Date de l’audience par vidéoconférence : Le 6 janvier 2021
Date de la décision : Le 11 janvier 2021

Sur cette page

Décision

[1] Le requérant, A. S., est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Sa pension doit lui être versée à compter de mai 2018. La présente décision explique pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[2] Le requérant a occupé son dernier emploi à temps plein comme opérateur de machine à travailler les métaux, de janvier 2015 à janvier 2018. Il a expliqué qu’il ne pouvait plus travailler depuis cette date en raison d’une douleur chronique touchant son cou, ses épaules et le bas de son dos, de son anxiété, et d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT). Il a été impliqué dans un accident routier en janvier 2018.

[3] Le requérant a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 26 novembre 2018. Le ministre de l’Emploi et du Développement social du Canada a rejeté sa demande parce que le requérant n’avait pas essayé de faire un travail plus léger et parce que les examens médicaux ne révélaient aucune pathologie notable chez lui. Le requérant a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

Ce que le requérant doit prouver

[4] Pour avoir gain de cause, le requérant doit prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave lorsque j’ai entendu son appelNote de bas de page 1

[5] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 2.

Motifs de ma décision

[6] Je conclus que le requérant est atteint d’une invalidité grave et prolongée depuis janvier 2018. J'ai examiné les questions qui suivent pour rendre ma décision.

L’invalidité du requérant est-elle grave?

Le requérant présente des limitations fonctionnelles nuisant à sa capacité de travail

[7] Pour décider si l’invalidité du requérant est grave, je ne me base pas sur les diagnostics qu’il a reçus. Ma décision est plutôt basée sur les limitations fonctionnelles qui l’empêchent de travaillerNote de bas de page 3. Je dois examiner son état de santé global et penser à la façon dont ses problèmes médicaux peuvent nuire à sa capacité de travaillerNote de bas de page 4.

[8] Le requérant affirme qu’une douleur chronique, une fracture au cou, une dépression et un stress post-traumatique l’empêchent de marcher pendant plus de 10 minutes, de rester assis pendant plus de 20 minutes, de dormir la nuit plus de 4 ou 5 heures, et de se pencher avec aisance, en plus de lui causer des pensées envahissantes, des cauchemars, des problèmes de concentration et de mémoire, de l’isolement social, et une phobie de conduire. Depuis l’accident, il dépend de son épouse pour organiser ses médicaments chaque jour, le conduire à ses rendez-vous médicaux et aller le chercher, et pour toutes les tâches liées à la préparation des repas et à l’entretien ménager. Le requérant n’a pas conduit depuis son accident.

[9] L’argument du requérant est corroboré par des résultats objectifs d’imagerie et par la preuve médicale des docteurs Matsuda, Reis et Sharma. Une discopathie dégénérative et le pincement des racines nerveuses de L5 ont été décelés grâce à une IRM du bas de son dos effectuée en août 2018. Un tomodensitogramme du cou fait en avril 2019 a révélé une fracture sans déplacement de C4. Des rayons X du cou pris vers la même époque ont révélé des signes d’une hyperostose diffuse idiopathique.

[10] En novembre 2018, la docteure Matsuda a affirmé que le requérant était atteint d’une douleur chronique au cou, aux épaules et au dos, d’un TSPT et d’une dépression. En janvier 2019, elle a fait savoir que son humeur n’était pas bien prise en charge et qu’il présenter toujours d’importants symptômes de la dépression. En mars 2019, le docteur Reis, psychologue, a rapporté que le requérant était aux prises avec des difficultés persistantes liées à son humeur, incluant un manque de motivation, une anxiété contrôlante, ainsi que des problèmes de mémoire et de concentration qui l’empêchaient de recommencer à travailler. Le docteur Sharma, psychiatre, a confirmé que le requérant souffrait d’un TSPT et d’une douleur chronique au cou et au dos. Il a noté que le requérant était triste la plupart des jours, n’avait d’intérêt pour aucune activité, souffrait d’insomnie et de cauchemars, et avait des pensées suicidaires. En octobre 2019, le docteur Sharma a déclaré que le requérant serait incapable de s'acquitter de ses fonctions ou de celles d'un autre emploi compte tenu de l'ensemble de ses problèmes physiques et psychiatriques. Il ressentait une douleur chronique incessante, n’avait pas recommencé à conduire, voyait son anxiété croître et faisait face à des troubles du sommeil y compris de cauchemars.

[11] La preuve médicale montre que le requérant avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler en date de l’audience.

Le requérant est incapable de travailler

[12] Pour décider si le requérant est capable de travailler, je ne dois pas me limiter à ses problèmes de santé et à leur effet sur son état fonctionnel. Je dois aussi tenir compte de son âge, de son niveau d’instruction, de ses aptitudes linguistiques, de ses antécédents de travail et de son expérience de la vie. Ces facteurs m’aident à sa s’il est capable de travailler dans un contexte réalisteNote de bas de page 5.

[13] Je conclus que le requérant n’a pas la capacité de travailler dans un contexte réaliste. Il est âgé de 60 ans et maîtrise l’anglais. Il a obtenu un diplôme en génie aéronautique aux Philippines, mais a seulement travaillé comme manœuvre d’usine au Canada. Ses compétences transférables sont restreintes.

[14] Eu égard à l’incidence de son âge, de ses compétences transférables limitées et de ses nombreuses limitations psychologiques et fonctionnelles, je juge que le requérant n’est pas un bon candidat pour se recycler ni pour faire du travail de bureau. Il est incapable de rester longtemps dans la même position, n’a pas d’endurance physique, a une mauvaise mémoire et est incapable de se concentrer.

[15] Le requérant n’a pas essayé de recommencer à travailler depuis son accident. Il a affirmé que, malgré son arrêt de travail, son état ne s’était pas suffisamment amélioré pour lui permettre de recommencer à travailler. J’admets que le requérant retournerait travailler s’il le pouvait. J’estime qu’il n’est pas réaliste de s’attendre à ce qu’un employeur, sur un marché du travail concurrentiel, fournisse continuellement au requérant des mesures d’adaptation pour pallier ses limitations.

Le requérant a fait des efforts raisonnables pour suivre le traitement recommandé

[16] Le requérant a déployé des efforts raisonnables pour suivre les conseils médicauxNote de bas de page 6. À l’heure actuelle, il est suivi par son médecin de famille et son psychiatre, ainsi que par un algologue tous les trois mois. Il était également suivi par un psychologue, mais avait mis fin à ce traitement en août 2020 en raison de son coût, qu'il devait lui-même assumer. Le requérant a aussi fait de la physiothérapie après son accident, sans en tirer de bénéfices durables.

[17] Le requérant prend actuellement les médicaments suivants : zopiclone, pantoprazole, escitalopram, Tylenol 3, oxazépam, amlodipine, Aspirine, périndopril, fumarate de bisoprolol et rosuvastatine. Pour ce qui est de l’activité physique, il essaie de marcher sur son tapis roulant pendant cinq à dix minutes par jour.

[18] Le requérant reçoit des injections de stéroïdes au bas du dos à quelques mois d’intervalle, dans une clinique antidouleur. Ses dernières injections remontent à septembre 2020. Elles soulagent le bas de son dos pendant environ un mois. Une opération au dos aurait été discutée avec le requérant, mais on lui a recommandé, pour l’instant, de continuer à recevoir les injections de stéroïdes.

[19] Je suis conscient que la douleur au bas de son dos n'est qu’une seule facette de son état de santé global. Toutefois, même si une opération à son dos était réussie, le requérant souffrirait encore de douleur chronique au cou et de plusieurs problèmes psychologiques.

[20] Mis à part l’opération au bas du dos, aucun autre traitement ne lui a été recommandé. Malheureusement, les traitements qu’il a suivis jusqu’à maintenant n'ont pas amélioré son état fonctionnel de façon notable.

L’invalidité du requérant est-elle prolongée?

[21] L’invalidité du requérant est prolongée. Il est dans cet état depuis janvier 2018. Malgré plusieurs consultations auprès de spécialistes, des traitements conservateurs et effractifs et des médicaments, son état de santé ne s’est pas amélioré durablement. Vu la chronicité de ses symptômes, j’estime peu probable que son état s’améliore au point de lui permettre régulièrement de détenir une occupation rémunératrice.

Conclusion

[22] J’accueille cet appel. L’invalidité du requérant est devenue grave et prolongée en janvier 2018. Une période de quatre mois doit être observée avant le versement de la pension d’invaliditéNote de bas de page 7. La pension lui est donc payable dès mai 2018.

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