Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : MM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 49

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-1052

ENTRE :

M. M.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Connie Dyck
Requérant représenté par : Monique Long, au nom de
l’Institut de planification de la retraite, et par
Mike Moreland
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 20 janvier 2021
Date de la décision : Le 28 janvier 2021

Sur cette page

Décision

[1] Le requérant, M. M., est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Les paiements doivent commencer en juin 2018. La présente décision explique pourquoi l’appel est accueilli.

Aperçu

[2] Le requérant avait 29 ans lorsqu’il a cessé de travailler comme ambulancier paramédical en juillet 2012. Il a cessé de travailler en raison de symptômes du trouble de stress post-traumatique (TSPT), d’anxiété et de dépression, et de dépersonnalisation. Il dit qu’il est toujours invalide et incapable de travailler. Le requérant a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 3 mai 2019. Le ministre de l’Emploi et du Développement social Canada (ministre) a refusé sa demande parce que les symptômes et les activités décrits ne sont pas graves au point d’empêcher un retour à d’autres types d’emplois plus convenables, ce que les médecins n’ont pas découragé. Le requérant a fait appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

Ce que le requérant doit prouver

[3] Pour que le requérant ait gain de cause, il doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable que son invalidité était grave et prolongée au 31 décembre 2015. Cette date est fondée sur ses cotisations au RPCNote de bas de page 1.

[4] L’invalidité d’une personne est grave si elle la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Elle est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie, ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 2.

L’invalidité du requérant était grave

[5] Je conclus que le requérant avait une invalidité grave et prolongée en juillet 2012. Je suis parvenue à cette conclusion en examinant les aspects suivants.

Le requérant a des limitations fonctionnelles qui ont une incidence sur sa capacité de travailler.

[6] Le requérant a reçu un diagnostic de TSPT, de crises de panique et d’anxiété. Toutefois, ma décision relativement à la gravité de l’invalidité du requérant n’est pas fondée sur son diagnostic. Il s’agit de savoir s’il a des limitations fonctionnelles qui l’empêchent de travaillerNote de bas de page 3. Je dois examiner l’état de santé général du requérant et réfléchir à la façon dont ses problèmes de santé pourraient avoir une incidence sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 4.

[7] Les éléments de preuve médicale (médecin de famille, psychologue et psychiatres) indiquent que le requérant ne peut pas retourner à son travail d’ambulancier paramédical Note de bas de page 5. Toutefois, le critère n’est pas de savoir s’il peut retourner au travail en tant qu’ambulancier paramédical. Je dois décider s’il a la capacité de faire un travail véritablement rémunérateurNote de bas de page 6.

[8] Le requérant soutient qu’il est incapable de travailler, quel que soit l’emploi, en raison de TSPT, d’anxiété, de crises de panique, de dépression et de douleurs lombaires chroniquesNote de bas de page 7. Il a déclaré avoir été témoin de nombreux événements traumatisants en tant qu’ambulancier paramédical. Toutefois, d’après ses souvenirs, un appel d’urgence en 2011 concernant la naissance d’un bébé dans une toilette, qui est finalement mort, a été l’événement déclencheur de ses TSPT, de sa dépersonnalisation et de son anxiété. Il a dit que ses symptômes étaient intermittents après cet incident et qu’il a essayé de continuer à travailler. Cependant, en décembre 2011, il avait des crises de panique au travail. À l’époque, sa médecin de famille lui avait dit que les crises de panique étaient attribuables à son emploi. La médecin lui a recommandé de s’absenter de son travail pour un certain temps et il a commencé à prendre des médicaments contre l’anxiété.

[9] En mars 2012, il a tenté de retourner au travail comme ambulancier paramédical. Environ trois mois plus tard, en juillet 2012, il a eu une dépression nerveuse et a arrêté de travailler de nouveau Note de bas de page 8. Il n’a repris aucun emploi depuis juillet 2012. Le requérant a commencé à recevoir des prestations d’invalidité de courte durée. En 2015, la compagnie d’assurance et l’employeur ont décidé que le requérant ne pourrait jamais retourner au travail en tant qu’ambulancier paramédical. Je remarque que le registre des cotisations affiche des revenus pour 2015, mais il ne s’agit pas de travail effectué par le requérant Note de bas de page 9.

[10] Le requérant affirme qu’en raison de son état de santé, il a de la difficulté à exécuter des tâches, à s’adapter facilement à des changements imprévus et à déterminer ce qu’il faut faire lorsqu’il est stressé. Il a aussi de la difficulté à gérer son anxiété et à être en public. Le requérant a dit que ses aptitudes de communication et de raisonnement se situent dans une fourchette allant de médiocre à passable. Il a dit que son état de santé varie et qu’il a de bons et de mauvais jours. Il a ajouté qu’il y avait eu une certaine amélioration depuis sa dernière année de travail en 2012, mais jamais assez pour lui permettre de reprendre un travail, quel qu’il soit. Il a indiqué que depuis 2018 son amélioration a atteint un plateauNote de bas de page 10.

[11] Les éléments de preuve médicale de la Dre Notman (médecin de famille) appuient la description que le requérant a faite de son état de santé et de ses limitations fonctionnelles. Elle a dit que le TSPT du requérant a commencé vers 2011. Les déficiences qui en résultent comprennent des attaques de panique et la dépersonnalisation. Il éprouve aussi de l’anxiété, ce qui l’amène à penser que le pire arrivera et à avoir des craintes irrationnelles. Son anxiété se traduit par de graves épisodes qui entraînent une mauvaise concentration. Il a aussi de la difficulté à établir des relations interpersonnelles Note de bas de page 11.

[12] Je conclus que les éléments de preuve médicale montrent que le requérant avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler en juillet 2012.

Le requérant n’a pas la capacité de travailler.

[13] Le requérant doit fournir des éléments de preuve médicale objective de son incapacité en décembre 2015. S’il ne prouve pas qu’il était atteint d’une invalidité grave avant cette date, les éléments de preuve médicale postérieurs à cette date ne sont pas pertinents Note de bas de page 12.

[14] Le requérant a commencé un traitement psychiatrique avec le Dr Veluri en mars 2012Note de bas de page 13. D’après les notes au dossier, il est évident que le rôle principal du Dr Veluri dans le traitement du requérant était de trouver un médicament approprié pour luiNote de bas de page 14. En mars 2013, le requérant prenait du Wellbutrin, du Clonazepam, du Lorazepam et de la Sertraline. Le Dr Veluri était d’avis que le requérant allait bien avec ce traitement et l’a renvoyé aux soins de sa médecin de famille. Je ne vois pas cela comme une preuve de la capacité de travail ou d’une amélioration importante qui permettrait au requérant de retourner au travail. Je dis cela parce que, même si les médicaments du requérant étaient gérés, il avait besoin d’un traitement psychologique continu en plus des médicaments. Selon l’avis du Dr Lariviere (psychologue) en septembre 2013, le requérant n’avait pas la capacité de travaillerNote de bas de page 15. L’état du requérant exigeait plus que des médicaments pour améliorer sa fonctionnalité. Le Dr Lariviere était d’avis qu’avec des interventions et un soutien appropriés, le pronostic de rétablissement du requérant était passable.

[15] Le requérant a consulté la Dre Young (psychiatre) en mai 2014 à la demande de sa compagnie d’assurance Note de bas de page 16. La Dre Young a donné un diagnostic de TSPT avec des symptômes dissociatifs et un trouble dépressif majeur modéré à grave. Elle a expliqué que les épisodes de panique du requérant consistent en des tremblements, des battements rapides du cœur, de la transpiration et le sentiment qu’il va mourir. Ces incidents se produisaient jusqu’à deux à trois fois par jour et se produisent actuellement de deux à trois fois par semaine. Il pouvait passer plusieurs jours d’affilée sans les avoir, puis ils réapparaissent. Le requérant a dit à la Dre Young que les épisodes de symptômes dissociatifs le préoccupaient le plus. Il a dit que ces symptômes ne s’étaient pas beaucoup améliorés. Ces épisodes se produisent environ trois fois par mois et durent deux ou trois jours à la fois. Malgré le désir du requérant de retourner à un certain type de travail, la Dre Young était d’avis que cela n’était pas possible avec ses symptômes et ses capacités actuelsNote de bas de page 17. Elle a expliqué que ses expériences de dissociation, sa faible concentration et ses épisodes de panique entravaient en permanence la possibilité d’accorder suffisamment d’attention au codage de nouveaux souvenirs et à la gestion de demandes cognitives concurrentes. Ses fonctions exécutives ont été affectées par le fait que sa souplesse mentale, sa capacité de prendre des décisions et de prioriser des mesures complexes poseraient problème aussi en raison de son anxiété et de ses symptômes dépressifs. Cela me démontre que le requérant ne pourrait pas reprendre un travail, même autre que celui d’ambulancier paramédical. De plus, il serait incapable de suivre une formation pour un autre type d’emploi, que ce soit dans une école ou dans le cadre d’une formation professionnelle.

[16] La Dre Young espérait que, si ses suggestions de traitement étaient suivies et si l’état de santé du requérant continuait de s’améliorer, il pourrait retourner au travail dans quelques années. Je remarque que la Dre Notman a examiné les recommandations de la Dre YoungNote de bas de page 18. Elle a expliqué qu’elle évitait habituellement les antipsychotiques recommandés par la Dre Young parce que, selon son expérience, ils entraînaient [traduction] « des effets secondaires horribles pour mes anciens patients ». Elle a dit qu’elle fait appel aux médicaments antipsychotiques en dernier ressort. De plus, la Dre Young n’a fourni aucune garantie que ces antipsychotiques amélioreraient la fonctionnalité du requérant pour lui permettre de travailler. Plus précisément, elle a dit « et si l’état de santé du requérant continuait de s’améliorer », ce qui, à mon avis, indique une possibilité que ce ne soit pas le cas.

[17] Le requérant a également vu le Dr Joseph (psychiatre) en mai 2014. Le Dr Joseph a convenu que le requérant était atteint du TSPT et présentait des symptômes dissociatifs Note de bas de page 19. Comme la Dre Young, il a souligné que le requérant avait des problèmes de concentration et des symptômes de dépersonnalisation. Il a dit que le requérant avait des symptômes d’anxiété et de détresse psychologique et physiologique intense avec une cognition déformée. Le Dr Joseph a indiqué que la crainte du requérant de retourner au travail et de rechuter était réaliste parce qu’il continuait d’avoir des symptômes même s’il n’était plus au travail. Le Dr Joseph était d’avis qu’une « approche ferme » devrait aider le requérant à surmonter son anxiété et les symptômes connexes, et il était possible qu’il puisse retourner au travail. Il a suggéré un changement dans les médicaments du requérant, notamment qu’il cesse de prendre du Zoloft. Le requérant a cessé de prendre du Zoloft en juillet 2014 et a essayé le Cipralex Note de bas de page 20. Toutefois, l’état du requérant ne s’est pas amélioré comme on l’espérait.

[18] Le requérant a également été examiné par la Dre Bishop (psychiatre) en février 2014; le Dr Wigmore (psychologue) en février 2014 et le Dr Stewart (neuropsychologue) en décembre 2016.

[19] J’ai accordé peu de poids au rapport de la Dre Bishop parce qu’il s’appuyait uniquement sur son interprétation des rapports médicaux d’autres médecins Note de bas de page 21. Elle n’a pas personnellement examiné le requérant.

[20] Le Dr Wigmore a également fait son rapport sans avoir personnellement examiné le requérant Note de bas de page 22. De plus, le rapport du Dr Wigmore met l’accent sur les conclusions de la Dre Bishop et du Dr Lariviere. Il n’est pas certain que le requérant pourrait retourner au travail en tant qu’ambulancier paramédical, mais ce n’est pas le critère dont je dispose.

[21] Le Dr Stewart (neuropsychologue) a conclu que le requérant n’avait aucune limitation de ses fonctions cognitives, émotionnelles et sociales du point de vue neurocognitif Note de bas de page 23. Cependant, il affirme que des limitations documentées existent dans ses fonctions sociales, l’adaptation au changement et sa tolérance au stress, attribuables à son diagnostic de TSPT. De plus, ce qui est le plus révélateur dans son rapport, c’est que les symptômes du requérant sont demeurés les mêmes malgré de nombreux traitements et interventions au cours des quatre années précédentes. Le requérant a continué d’avoir des problèmes de cognition, y compris de la difficulté à se concentrer et des pertes de mémoire. Il a continué d’avoir de la difficulté à s’adapter dans divers environnements, à éviter les foules et à se sentir mal à l’aise dans des environnements « incontrôlés ». Il continuait de ressentir de l’anxiété environ cinq jours par semaine et à avoir des crises de panique Note de bas de page 24. Les éléments de preuve me montrent que les limitations cognitives du requérant, ainsi que son anxiété sociale et ses crises de panique, l’empêchaient de se recycler ou de retourner à tout type de travail en décembre 2016 lorsqu’il a vu le Dr Stewart, tout comme elles l’ont fait en mai 2014 lorsqu’il a vu la Dre Young.

[22] En 2015, le requérant a poursuivi son traitement mensuel avec le Dr Lariviere. Bien que le Dr Lariviere ait toujours espéré que le requérant puisse avoir un autre emploi, cela était conditionnel à la rémission de ses symptômes Note de bas de page 25. Tout au long de 2015, le requérant a continué d’avoir des symptômes d’anxiété et de dépression de façon intermittente, et des crises, ce qui lui a rendu difficile de quitter sa maison Note de bas de page 26. En octobre 2015, le requérant a continué d’avoir des symptômes de dépersonnalisation et d’anxiété sous-jacente trois à quatre jours par semaine. Cela a continué d’être le cas même après sa période minimale d’admissibilité (PMA). En juin 2016, la Dre Notman a déclaré que le requérant continuait de souffrir de dépersonnalisation et de déréalisation qui l’empêchaient de participer activement à un emploi satisfaisant Note de bas de page 27. Le Dr Lariviere était d’accord avec la Dre Notman et a déclaré en juin 2016 que les symptômes du requérant demeuraient l’évitement anxieux, les souvenirs perturbateurs et la dépersonnalisation. Le requérant a continué d’éviter les foules, les situations chaotiques et les événements sociaux. Le Dr Lariviere était toujours d’avis qu’un retour au travail dans quelque profession que ce soit n’était pas encore approprié.

[23] J’ai accordé un poids considérable au pronostic du Dr Lariviere quant à la capacité du requérant de retourner au travail. Cela est dû au fait qu’il traite régulièrement le requérant depuis juillet 2012. En mars 2017, soit près de cinq ans après le début du traitement du requérant et bien après sa PMA, le Dr Lariviere a maintenu la position selon laquelle un retour au travail était exclu et que les symptômes du requérant l’empêchaient de retourner sur le marché du travail et de participer à une formation de recyclage scolaire ou professionnel Note de bas de page 28. Il a dit que le requérant souffrait toujours d’anxiété généralisée et de traumatisme.

[24] Le Dr Lariviere, le Dr Joseph et la Dre Young conviennent tous que le requérant ne pourrait pas retourner au travail en tant qu’ambulancier paramédical. Ils conviennent que le requérant souffre de TSPT et d’anxiété/dépression. Ils font tous des recommandations et espèrent que l’état du requérant s’améliorera suffisamment pour qu’il puisse retourner à un certain type de travail. Malheureusement, cela n’a pas été le cas. L’état du requérant a connu certaines améliorations depuis 2012, mais il continue d’avoir des épisodes d’anxiété, de panique et de dissociation imprévisibles et récurrents.

[25] Je conclus que les éléments de preuve médicale montrent que le requérant avait des limitations fonctionnelles qui impactaient sa capacité de travailler au 31 décembre 2015.

Les efforts du requérant en matière d’activités de jardinage et de ferme ne constituent pas une preuve de sa capacité de travail.

[26] Le requérant a vendu sa maison pendant son divorce et il avait besoin d’un endroit où vivre. En 2016, il a acheté une ferme. Celle-ci devait être rénovée et il espérait qu’en le faisant, il pourrait améliorer sa santé mentale. Il y avait une petite plate-bande dans la cour, il a donc cultivé des poivrons pendant qu’il rénovait à son propre rythme. Son psychologue lui a dit d’agrandir la plate-bande et de continuer à cultiver des légumes. Il a donc planté des laitues, des carottes, des poivrons et d’autres légumes. Il espérait pouvoir éventuellement faire un peu d’argent en vendant ses légumes dans un marché fermier. Il a expliqué que ce serait un milieu contrôlé, ce qui signifie qu’il n’aurait pas à y aller s’il avait une mauvaise journée.

[27] Le ministre affirme que la tentative du requérant d’exploiter une ferme d’agrément n’a pas échoué en raison de sa santé mentale, mais plutôt en raison d’une blessure au dosNote de bas de page 29. C’est vrai, cependant, j’estime que ses efforts dans le domaine de l’agriculture d’agrément n’étaient pas une preuve de sa capacité de travailler pour les raisons suivantes. Dans un questionnaire rempli en septembre 2016, il a expliqué qu’il arrosait son jardin au besoin, soit environ deux fois par semaine pendant une heure Note de bas de page 30. Le requérant pouvait travailler à son propre rythme et les jours où il s’en sentait capable. Il a déclaré qu’il y a eu de nombreux jours où il n’a rien fait, sauf s’asseoir sur la véranda. C’était en raison de son anxiété, de sa faible motivation et de ses symptômes de dépersonnalisation. De plus, le requérant ne pourrait pas être un employé fiable en raison de ses crises hebdomadaires régulières. La Dre Notman était d’avis qu’un emploi nécessiterait des mesures d’adaptation spéciales qui dépasseraient les attentes du marché Note de bas de page 31. Les efforts déployés par le requérant pour cultiver des légumes ne sont pas une preuve de sa capacité de travail. Il ne peut arroser ou planter des légumes que pendant de courtes périodes, et son état rend imprévisible le moment où il peut le faire. Il y a de nombreux jours où il ne peut pas quitter sa maison. J’estime que la capacité du requérant de planter ou d’arroser ses légumes lorsqu’il est en mesure de le faire ne constitue pas une preuve de sa capacité de travail.

[28] De plus, les éléments de preuve médicale montrent que, même si son voisin le plus proche se trouve à un quart de mille (400 m) de chez lui et qu’il n’entend pas de bruit ou de sirènes, le requérant a continué d’avoir des symptômes de dépersonnalisation qui l’empêchent de participer activement à un emploi satisfaisantNote de bas de page 32. L’état de santé du requérant s’améliorait lentement et il a dit que le fait d’être à l’extérieur était bénéfique. Toutefois, comme la Dre Notman l’a souligné encore une fois en avril 2017, un an après avoir déménagé à la ferme d’agrément, le requérant a continué de souffrir d’anxiété et de dépression qui l’ont empêché de quitter sa maison certains joursNote de bas de page 33. Cela appuie le témoignage du requérant selon lequel il ne pouvait même pas arroser ses légumes certains jours. Il avait des épisodes persistants de dépersonnalisationNote de bas de page 34.

La situation personnelle du requérant.

[29] Lorsque je décide si le requérant est en mesure de travailler, en plus de ses troubles médicaux je dois tenir compte d’autres facteurs et de leur effet sur sa fonctionnalité. Je dois aussi tenir compte de son âge, de son niveau de scolarité, de ses compétences linguistiques, de ses antécédents professionnels et de son expérience de vie. Ces facteurs m’aident à décider si le requérant peut travailler dans le monde réelNote de bas de page 35.

[30] J’estime que le requérant n’est pas en mesure de travailler dans le monde réel.

[31] Le requérant n’avait que 32 ans au moment de sa PMA. Son âge lui permettrait de travailler pendant de nombreuses années avant l’âge normal de la retraite. Toutefois, il n’a essentiellement aucune compétence transférable. Il a toujours travaillé comme ambulancier paramédical. Son TSPT et son anxiété sont le résultat des événements traumatisants dont il a été témoin en tant qu’ambulancier paramédical. Sa médecin de famille et son psychologue conviennent tous deux que le requérant ne pourra pas retourner au travail comme ambulancier paramédical ou dans un environnement stressant.

[32] Il a terminé sa 13e année et a suivi quelques cours dans un collège d’enseignement professionnel. Je me suis donc demandé s’il pourrait se recycler.

[33] Les limitations fonctionnelles du requérant en raison de son état de santé mentale l’empêcheraient non seulement de travailler comme ambulancier paramédical, mais aussi d’exercer une autre profession ou de se recycler. La Dre Notman a déclaré que le requérant ne pourrait pas participer à un recyclage professionnel parce qu’il a continué (en 2017) de souffrir des effets du TSPT, ce qui l’empêcherait de participer avec succès. Elle a expliqué qu’il souffrait d’anxiété et de dépression persistantes qui l’ont empêché de quitter la maison certains jours. Il avait des épisodes persistants de dépersonnalisation qui n’étaient pas propices à l’apprentissage en classe. Il souffrait d’hypervigilance continue et de troubles du sommeil qui auraient une incidence sur son rendement en réadaptation professionnelle Note de bas de page 36.

[34] Le requérant a déclaré avoir essayé de programmer un ordinateur. Même s’il était intéressé et motivé, cette tentative s’est révélée infructueuse parce qu’il ne pouvait pas se concentrer. Il a dit qu’il ne pouvait pas regarder les écrans très longtemps avant d’entrer dans un [traduction] « brouillard ».

[35] Le requérant se trouve dans l’impossibilité de travailler en raison de sa dépression et de son anxiété, y compris ses problèmes de mémoire et de concentration, et j’estime que, malgré ses attributs personnels, il est incapable de travailler à quelque titre que ce soit. Le requérant continue d’être anxieux en public, évite les gens et est essentiellement confiné à la maison sans motivation et peu énergique les jours où son état s’aggrave. C’est plusieurs jours par semaine. Le requérant ne serait pas en mesure de respecter un horaire de travail, car son anxiété et sa panique surviennent sans déclencheur et sans avertissement. Il ne serait pas un employé fiable. J’estime que dans le « monde réel », il est peu probable que le prestataire soit capable de conserver un emploi ou de se recycler.

[36] J’estime que requérant n’a pas la capacité de travailler dans le monde réel.

Le requérant a fait des efforts raisonnables pour suivre les traitements recommandés.

[37] Le requérant a fait des efforts raisonnablesNote de bas de page 37. En février 2015, il avait déjà essayé plus de huit médicaments psychiatriquesNote de bas de page 38. Il a aussi essayé l’huile de CBD, des médicaments naturels. Il a aussi tenté de ne pas prendre de médicaments, mais seulement de faire de l’exercice et de suivre des techniques de relaxation. Malgré ses efforts, son état ne s’est pas amélioré. Il a suivi un traitement psychiatrique et est pris en charge régulièrement par un psychologue depuis 2012. Il a participé à des thérapies, notamment la thérapie cognitivo-comportementale et la thérapie d’exposition. Ces traitements n’ont pas amélioré la fonctionnalité du requérant.

L’invalidité du requérant est prolongée

[38] Les troubles du requérant ont commencé en 2011, ils étaient présents lorsqu’il a quitté son travail en 2012 et ils continuent aujourd’hui. Cela appuie le fait que l’invalidité du requérant est prolongée. Je ne trouve aucun élément de preuve qui me permettrait raisonnablement de supposer que les troubles du requérant disparaîtront bientôt.

[39] La médecin de famille et le psychologue du requérant, qui prodiguent des soins uniformes au requérant depuis plus de sept ans, conviennent tous deux que le requérant n’a pas pu reprendre un travail de juillet 2012 à aujourd’hui. Bien qu’on espère qu’il pourra retourner à un autre type de travail que celui d’ambulancier paramédical à l’avenir, aucun des deux soignants n’a laissé entendre que cela pourrait se faire dans un avenir prévisible Note de bas de page 39.

Conclusion

[40] Le requérant avait une invalidité grave et prolongée en juillet 2012, lorsqu’il n’était plus en mesure de travailler. Toutefois, selon le RPC, il ne peut être considéré comme invalide plus de quinze mois avant que le ministre ait reçu sa demande de prestations d’invalidité. Par la suite, il y a une période d’attente de quatre mois avant le début des paiementsNote de bas de page 40. Le ministre a approuvé la demande en mai 2019. Cela signifie que le requérant est réputé être devenu invalide en février 2018. Le versement de sa pension commence en juin 2018.

Autre question

[41] Mike Moreland de l’Institut de planification de la retraite est désigné comme représentant autorisé dans le dossier.

[42] M. Moreland a informé le Tribunal que Tami Cogan assisterait à l’audience en son nom.

[43] À l’audience, Monique Long a assisté à l’audience en tant que représentante du requérant. Elle a dit que c’était au nom de M. Moreland et que le requérant avait confirmé qu’elle était sa représentante.

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