Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : SS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 17

Numéro de dossier du Tribunal: AD-20-808

ENTRE :

S. S.

Appelante

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimé


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Valerie Hazlett Parker
DATE DE LA DÉCISION : Le 22 janvier 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen.

Aperçu

[3] S. S. (requérante) détient plusieurs diplômes universitaires et parle six langues, dont le français et l’anglais. Elle a travaillé pour la dernière fois comme adjointe administrative de direction. Elle a quitté cet emploi après avoir perdu connaissance deux fois au travail et avoir été harcelée.

[4] La requérante a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle affirme avoir plusieurs problèmes de santé, y compris des problèmes cardiaques, de l’apnée du sommeil, de la dépression et d’autres problèmes de santé mentale. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. La requérante a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale (TSS). La division générale du TSS a rejeté l’appel. Elle a décidé que les problèmes de santé de la requérante, considérés seuls ou dans leur ensemble, ne constituaient pas une invalidité grave avant la fin de la période minimale d’admissibilité (PMA - date à laquelle la requérante doit être invalide pour recevoir la pension d’invalidité).

[5] La permission d’en appeler à la division d’appel du TSS a été accordée. L’appel avait une chance raisonnable de succès parce que la division générale avait possiblement fondé sa décision sur une erreur de fait importante. J’ai maintenant tenu compte des arguments oraux et écrits des parties, de la décision de la division générale et du dossier écrit. L’appel est accueilli parce que la division générale a fondé sa décision sur des erreurs de fait importantes. L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen.

Question préliminaire

[6] Le TSS n’a pas fourni aux parties une copie de l’enregistrement de l’audience de la division générale avant l’audience de la division d’appel. À l’audience, la requérante a fait valoir que la décision de la division générale ne tenait pas compte de son témoignage et qu’elle avait présenté un point de vue très différent de la preuve écrite énoncée dans la décision de la division générale. L’audience a été ajournée pour permettre au TSS de déterminer pourquoi l’enregistrement de l’audience de la division générale n’avait pas été fourni aux parties.

[7] L’enquête a révélé qu’il n’y a pas d’enregistrement de l’audience de la division générale. Les parties ont eu le temps de déposer des observations écrites au sujet du fait qu’il n’y avait pas d’enregistrement de l’audience et de son impact sur l’appel. J’ai tenu compte de ces observations dans ma décision.

Questions en litige

[8] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur au moins une des erreurs de fait importantes suivantes :

  1. elle a indiqué que la requérante n’était pas déprimée;
  2. elle a omis de tenir compte de la preuve du mari de la requérante, ou;
  3. elle n’a pas tenu compte des rapports médicaux qui indiquaient que la requérante était incapable de travailler (rapports des Drs Kyrollos, Vania, et O’Donnell).

[9] La division générale a-t-elle omis d’offrir un processus équitable parce qu’elle n’a pas enregistré l’audience qu’elle a tenue?

Analyse

[10] Un appel devant la division d’appel du TSS ne sert pas à instruire à nouveau la demande initiale. La division d’appel peut seulement déterminer si la division générale a :

  1. omis d’offrir un processus équitable;
  2. omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher, ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. commis une erreur de droit;
  4. fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

Erreurs de fait importantes

[11] Pour avoir gain de cause en appel en invoquant une erreur de fait importante, la requérante devra prouver à la fois ces trois choses :

  1. une conclusion de fait était erronée (fausse);
  2. la division générale a tiré cette conclusion de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance;
  3. la décision repose sur cette conclusion de faitNote de bas de page 2.

La dépression de la requérante

[12] La décision de la division générale indique que la requérante n’était pas déprimée, ne prenait pas de médicaments et ne recevait pas de traitement pour la dépression au moment de l’audience ou à la fin de la PMANote de bas de page 3. La requérante dit que c’était une erreur de fait importante. Elle souligne le diagnostic de dépression qu’elle a reçuNote de bas de page 4. Elle soutient également que la division générale n’a pas tenu compte de son témoignage selon lequel elle était suicidaire.

[13] Le rapport de la Dre Khan indique que la requérante a eu une réaction dépressive aux événements survenus dans son milieu de travail. De plus, la requérante a reçu des diagnostics de dépression et de trouble de stress post-traumatique (TSPT) de la Dre VaniaNote de bas de page 5. Le TSPT n’est pas mentionné dans la décision de la division générale. La division générale n’en a pas tenu compte lorsqu’elle a conclu que la requérante n’avait pas de trouble de santé mentale. Par conséquent, la conclusion de fait selon laquelle la requérante n’était pas déprimée était erronée et ne tenait pas compte de tous les éléments de preuve présentés à la division générale. La décision a été fondée sur cette conclusion de fait.

[14] La décision de la division générale indique également que la requérante ne prenait pas de médicaments pour la dépression. La requérante soutient qu’il s’agit également d’une erreur de fait importante. Elle affirme que dans son témoignage, elle a dit qu’elle ne pouvait pas prendre ce médicament parce qu’il affectait son foie. La division générale n’en a pas tenu compte.

[15] De plus, la requérante affirme que la déclaration de la division générale selon laquelle elle ne suivait pas de psychothérapie était également une erreur de fait importante parce que sa médecin de famille lui offrait des services de counseling. Même si les séances de counseling offertes par sa médecin de famille ne sont peut-être pas appelées de la psychothérapie dans le domaine, il s’agit d’un traitement en santé mentale. Par conséquent, la déclaration de la division générale selon laquelle la requérante ne recevait pas de traitement pour des problèmes de santé mentale est une conclusion de fait erronée.

[16] Cette conclusion de fait a été tirée sans tenir compte de la preuve selon laquelle la requérante faisait du counseling avec sa médecin de famille. La décision était fondée, du moins en partie, sur la conclusion de fait que les problèmes de santé mentale de la requérante n’étaient pas traités. Par conséquent, la conclusion de fait selon laquelle la requérante ne recevait pas de traitement en santé mentale est une erreur de fait importante.

[17] L’appel est accueilli parce que la division générale a commis d’importantes erreurs de fait au sujet de la dépression de la requérante.

Rapports médicaux qui indiquent que la requérante ne peut pas travailler

[18] La requérante soutient également que la division générale a commis une erreur parce qu’elle n’a pas tenu compte de trois rapports médicaux qui indiquaient qu’elle ne pouvait pas travailler. Le premier rapport a été rédigé par le Dr Kyrollos en 2020.Note de bas de page 6 Il indique que la requérante lui a été recommandée en janvier 2020, juste après la fin de la PMA (soit le 31 décembre 2019). Le rapport décrit les problèmes physiques de la requérante, y compris les problèmes cardiaques, l’asthme, les douleurs abdominales et le reflux gastro-œsophagien. Le médecin conclut que la requérante ne peut pas travailler en raison de ses problèmes de santé.

[19] La division générale a tenu compte de ce rapport. La décision de la division générale indique qu’elle n’y a pas accordé beaucoup de poids parce que le médecin n’est pas psychiatre ou psychologue et ne peut donc pas donner une opinion sur l’incapacité de la requérante de travailler en raison de son trouble de santé mentale. Toutefois, le rapport ne commente pas la santé mentale de la requérante. Même si ce médecin conclut que la requérante ne peut tolérer le stress physique ou émotionnel lié au travail, le corps du rapport ne traite que de ses problèmes de santé physique. Par conséquent, la conclusion de fait selon laquelle le Dr Kyrollos a tiré une conclusion au sujet de la santé mentale de la requérante était erronée. Cette conclusion a été rendue sans tenir compte de l’ensemble des éléments du rapport. La décision a été rendue, au moins en partie, sur le fondement de cette conclusion de fait. Par conséquent, l’appel doit être accueilli pour ce motif également.

[20] Le deuxième rapport est rédigé par la Dre Vania, psychiatreNote de bas de page 7. Il est daté de novembre 2019, ce qui approche également de la fin de la PMA. Il conclut que la requérante est atteinte du TSPT, d’une dépression modérée, d’anxiété et d’un trouble du sommeil. Elle a aussi des problèmes physiques. La Dre Vania a conclu que la requérante est incapable de travailler et son pronostic est réservé.

[21] La décision de la division générale tenait compte de ce rapport. La décision indique que le rapport a été préparé pour un litige, que le médecin n’a pas traité la requérante et que le rapport était principalement fondé sur ce que la requérante a ditNote de bas de page 8. La division générale n’a pas accordé beaucoup de poids à ces éléments de preuve pour ces motifs. Elle n’a pas commis d’erreur en agissant ainsi.

[22] Il incombe à la division générale de recevoir la preuve, de la soupeser et de rendre une décision fondée sur le droit et les faits. Toutefois, un rapport médical ne devrait pas être écarté uniquement parce qu’il a été préparé dans le cadre d’un litige. Bien que cela puisse préciser le contexte dans lequel le rapport a été produit, le rapport n’est pas automatiquement tendancieux ou sans fondement. Rien dans ce rapport n’indique que la Dre Vania était partiale ou que ses conclusions n’étaient pas fondées sur l’information dont elle disposait. Il ne faut donc pas l’écarter uniquement parce qu’il a été produit dans le cadre du litige.

[23] Toutefois, la décision de la division générale indique également qu’elle a écarté cette preuve parce que la médecin ne traitait pas la requérante, et que son opinion était fondée sur l’auto-évaluation de la requérante. La division générale n’a pas fait d’erreur lorsqu’elle a accordé peu de poids à ce rapport médical pour ces raisons.

[24] Le troisième rapport a été préparé par la Dre O’Donnell, qui a aussi conclu que la requérante était incapable de travailler à cause de sa santéNote de bas de page 9. La requérante soutient que la division générale a ignoré le témoignage de ce médecin. Toutefois, la division générale en a tenu compte. La décision fait expressément référence à la déclaration de ce médecin selon laquelle on examinait sa tachycardie et qu’il s’agissait d’un problème de santé graveNote de bas de page 10. La décision indique également que ce médecin n’a pas mentionné de trouble de santé mentale dans le rapport médical qui accompagnait la demande de pension d’invaliditéNote de bas de page 11. La division générale n’a commis aucune erreur à cet égard.

Autres questions en litige

[25] La requérante a présenté des arguments fondés sur d’autres motifs d’appel. Toutefois, comme j’ai conclu que l’appel doit être accueilli pour les motifs mentionnés ci-dessus, je n’ai pas à en parler.

Réparation

[26] Si la division d’appel conclut que la division générale a commis une erreur, elle peut offrir une réparation. Elle a le pouvoir de faire ce qui suit :

  1. rendre la décision que la division générale aurait dû rendre;
  2. renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen;
  3. confirmer, infirmer ou modifier la décision de la division généraleNote de bas de page 12;

[27] L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen. Il n’y a pas d’enregistrement de l’audience de la division générale. Ce n’est pas une erreur qui permet à la division d’appel d’intervenir. Toutefois, la requérante a souligné dans ses observations à la division d’appel que son témoignage était crucial pour fournir un contexte et compléter la preuve écrite. La division d’appel ne dispose pas de ces éléments de preuve. Par conséquent, elle ne peut pas évaluer correctement l’ensemble de la preuve et trancher la demande de prestations d’invalidité.

Conclusion

[28] L’appel est accueilli.

[29] L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen.

[30] Afin d’éviter une appréhension potentielle de partialité, l’affaire est assignée à une ou à un membre différent de la division générale.

 

Date de l’audience :

Le 17 décembre 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

S. S., appelante

Frank Van Dyke, avocat de l’appelante

Jordan Fine, avocat de l’intimé

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