Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : HS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 28

Numéro de dossier du Tribunal: AD-20-792

ENTRE :

H. S.

Appelant

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimé


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Kate Sellar
DATE DE LA DÉCISION : Le 1er février 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] Je rejette l’appel. La division générale n’a commis aucune erreur. Cette décision écrite explique les raisons pour lesquelles je rejette l’appel.

Aperçu

[2] H. S. (requérant) a travaillé comme vendeur pour un concessionnaire de tracteurs de mars 2013 à juin 2015. En juin 2015, il a subi une blessure au travail lorsqu’une poutre lui a écrasé le pied. Il s’est ensuite fait opérer deux fois pour sa blessure au pied.

[3] Le requérant explique qu’il est atteint d’un syndrome de douleur chronique qui affecte le bas du dos et ses pieds, de problèmes de sommeil, de maux de têtes et de fatigue. Il a de la difficulté à rester assis ou debout pendant des périodes prolongées ainsi qu’à se pencher et à s’étirer. Il est dépressif, d’humeur maussade, triste et a des problèmes de mémoires et de concentration. Il explique qu’il ne peut pas faire de tâches ménagères et qu’il a besoin d’aide pour ses besoins personnels.

[4] Il a demandé une pension d’invalidité du Régime de pension du Canada (RPC) le 26 septembre 2018.

[5] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, le requérant devait démontrer qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA)Note de bas de page 1. La PMA est calculée en fonction des cotisations du requérant au RPC. La PMA du requérant a pris fin le 31 décembre 2015.

[6] Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision. Le requérant a fait appel au Tribunal. La division générale a rejeté l’appel. Je dois décider si la division générale a commis une erreur prévue par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS).

[7] La division générale n’a commis aucune erreur. Je rejette l’appel.

Question en litige

[8] Il y a trois questions en litige :

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en ignorant certains éléments de preuve médicale concernant l’incidence de l’état de santé psychologique du requérant sur sa capacité de travailler?
  2. La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en faisant abstraction du témoignage du requérant au sujet de l’incidence de ses médicaments sur sa capacité de travailler?
  3. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de l’incidence des problèmes de santé et de la situation personnelle du requérant sur sa capacité de se recycler?

Analyse

Examen de la décision de la division générale

[9] La division d’appel ne donne pas aux parties l’occasion de présenter à nouveau leurs arguments lors d’une nouvelle audience. Elle examine plutôt la décision de la division générale afin de déterminer si elle contient une erreur. La LMEDS définit les erreurs ou les « moyens d’appelNote de bas de page 2 » que je peux prendre en considération. Ces erreurs sont les suivantes : la division générale a commis une erreur de fait, de droit ou de compétence ou a négligé d’offrir un processus équitable.

[10] La LMEDS prévoit que la division générale commet une erreur de fait lorsqu’elle fonde « sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 3 ». Une erreur au sujet des faits doit être grave au point où elle pourrait influer sur la décision rendue (c’est ce que l’on appelle un « fait essentiel »). L’erreur doit découler du fait d’avoir écarté des éléments de preuve, d’avoir statué sciemment à l’opposé de la preuve ou d’avoir formulé un raisonnement qui n’est pas guidé par un jugement continuNote de bas de page 4.

La division générale a-t-elle ignoré des éléments de preuve médicale concernant l’état de santé psychologique du requérant?

[11] La division générale n’a pas commis une erreur de fait en ignorant des éléments de preuve médicale concernant l’état de santé psychologique du requérant. Elle n’a pas ignoré les notes du médecin de famille du requérant ni le rapport de mars 2016.

[12] Je dois présumer que la division générale a tenu compte de tous les éléments de preuve même si elle n’en a pas discuté dans sa décisionNote de bas de page 5. Il y a une exception à cette approche. Lorsque des éléments de preuve sont suffisamment importants pour qu’il faille les aborder, il se peut que l’on ne puisse pas présumer que la division générale les a examinés. Dans cette situation, il se peut que la division générale ait ignoré des éléments de preuve et ait donc commis une erreur de fait importanteNote de bas de page 6.

[13] La division générale a conclu que la preuve médicale du requérant ne démontrait pas qu’il était atteint d’une invalidité grave au sens du RPC. Pour en arriver à cette conclusion, la division générale s’est appuyée sur les éléments de preuve suivants :

  • le rapport de mars 2016Note de bas de page 7;
  • le rapport postopératoire de mars 2017Note de bas de page 8;
  • le rapport du médecin de famille de septembre 2018 qui mentionnait la dépression comme étant l’un des problèmes de santé du requérantNote de bas de page 9;
  • une note de consultation du médecin de famille datée du 10 août 2018 qui indiquait que la santé physique et la santé mentale du requérant semblaient généralement normalesNote de bas de page 10.

[14] La division générale a conclu ce qui suit :

Je juge important que le rapport de consultation de mars 2016 indique que le requérant pourrait reprendre un emploi sédentaire. Ce rapport a été rédigé peu après la fin de la PMA du requérant. Si le requérant était régulièrement capable d’exercer un quelconque emploi véritablement rémunérateur, son invalidité ne répond pas à la définition d’une invalidité grave au sens du RPCNote de bas de page 11.

[15] Le requérant a soutenu que la division générale a ignoré les notes cliniques de son médecin de famille, qui montraient que son état ne s’améliorait pas. Il a aussi soutenu que la division générale a ignoré le rapport de mars 2016, en particulier les parties de ce rapport qui traitent de ses résultats à des tests qui sont cohérents avec la présence de facteurs psychologiques importants influant sur sa perception de sa douleur et de son invaliditéNote de bas de page 12. Le rapport recommande que le requérant demande de passer une évaluation de l’humeur (pour un possible trouble dépressif de l’humeur) et une consultation avec un spécialiste pour explorer les options de traitement pour soulager sa douleur. Le rapport signale la présence de facteurs nuisibles chez le requérant, notamment des barrières psychologiques à son rétablissement et à son retour au travailNote de bas de page 13.

[16] Le ministre soutient que la division générale n’a ignoré aucun des éléments de preuve relatifs à l’état psychologique du requérant. Le fait que la décision de la division générale ne reprenne pas les parties exactes du rapport sur lesquelles le requérant s’appuie ne signifie pas que la division générale a ignoré le rapport. Ce même rapport, qui met en évidence les facteurs nuisant au fonctionnement psychologique du requérant, indique également que le requérant était en mesure d’occuper un emploi sédentaire. Le principal soignant du requérant pour sa dépression était son médecin de famille. Les notes du médecin de famille du requérant donnent des indications sur l’état de celui-ci après le rapport faisant état des facteurs nuisibles. Les notes du médecin de famille montrent que l’état du requérant était stable.

[17] À mon avis, la division générale n’a pas commis d’erreur en ignorant des éléments de preuve concernant l’état psychologique du requérant. La division générale a pris en considération les notes du médecin de famille et a accordé de l’importance à une note qui indiquait que l’état de santé du requérant était stable. La division générale n’est pas tenue de mentionner toutes les notes du médecin. Quoiqu’il en soit, il y a des notes du médecin de famille qui démontrent que le requérant a commencé à prendre un antidépresseur en 2017, qu’il se sentait mieux avec ce médicament, que sa santé mentale semblait être normale et qu’il allait mieuxNote de bas de page 14. La division générale doit examiner et apprécier la preuve. Elle a accompli cette tâche, notamment en examinant le rapport qui fait état de barrières psychologiques à un retour au travail.

[18] Il est clair que la division générale a tenu compte de l’ensemble de ce rapport, même si elle n’a pas cité les sections concernant les barrières psychologiques du requérant. La division générale a accordé de l’importance à la conclusion de ce rapport. Selon celui-ci, le requérant n’avait pas de restrictions médicales et était en mesure d’occuper un emploi sédentaire.

[19] Le rapport est le résultat d’un processus d’évaluation exhaustif. Si des facteurs psychologiques nuisibles empêchaient le requérant d’occuper un emploi sédentaire, la conclusion du rapport irait en ce sens. La division générale n’a pas ignoré ou mal interprété ce rapport.

[20] Bien que la décision de la division générale décrive brièvement la preuve, elle témoigne à mon avis d’une volonté d’utiliser un langage clair et de s’adresser directement au requérant, qui n’a pas obtenu gain de cause en appel. Il n’y a pas d’erreur de fait.

La division générale a-t-elle fait abstraction du témoignage du requérant au sujet de ses médicaments?

[21] La division générale n’a pas commis d’erreur de fait en faisant abstraction du témoignage du requérant au sujet de ses médicaments. La division générale n’a pas abordé ce témoignage dans sa décision, mais il n’était pas suffisamment important pour qu’il soit nécessaire de l’aborder. Je tire cette conclusion en me fondant en particulier sur les éléments de preuve médicale qui indiquent que le requérant était capable d’occuper un emploi sédentaire.

[22] À l’audience de la division générale, le requérant a déclaré qu’il avait pris de la morphine et du Percocet pendant environ un an après son accident. Il a déclaré que ces médicaments avaient une incidence sur sa capacité de concentration. Après avoir cessé de prendre ces médicaments, il a commencé à prendre du Tylenol no 3, et il en prenait toujours au moment de l’audience. Le Tylenol no 3 n’atténuait pas ses douleurs et lui causait des étourdissementsNote de bas de page 15.

[23] La division générale reconnaît dans sa décision que le requérant éprouvait des douleurs constantes, des engourdissements et des problèmes de sommeil en mars 2017Note de bas de page 16. La décision indique également que le médecin de famille du requérant a déclaré en août 2018 que la santé physique et la santé mentale du requérant semblaient généralement normalesNote de bas de page 17. La division générale a également accordé beaucoup de poids au rapport de consultation préparé quelques mois après la fin de la PMA en mars 2016, qui indique que le requérant pouvait reprendre un emploi sédentaireNote de bas de page 18.

[24] Le requérant soutient que la division générale a fait abstraction de son témoignage au sujet de l’incidence de ses médicaments sur sa capacité à travailler pendant la PMA, et qu’il s’agit là d’une erreur de fait. Il fait valoir qu’en raison de ses problèmes de santé et des médicaments qu’il prenait au moment de la PMA, il était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[25] Le ministre soutient que la division générale n’a pas ignoré les éléments de preuve concernant l’incidence des médicaments du requérant sur sa capacité à travailler. Le ministre fait remarquer que les éléments de preuve (auxquels la division générale a accordé plus de poids) appuient la notion selon laquelle le requérant avait cessé de prendre de la morphine et du Percocet très peu de temps après la fin de sa PMA, soit en mars 2016. Le ministre reconnaît que la première note au dossier concernant le fait que le requérant prenait du Tylenol no 3 date de décembre 2018. Dans cette note, le médecin de famille du requérant souligne que les activités quotidiennes du requérant étaient « stables » avec le Tylenol no 3Note de bas de page 19.

[26] Je présume que la division générale a tenu compte du témoignage du requérant au sujet de l’incidence de ses médicaments. Ce témoignage n’était pas suffisamment important pour que la division générale soit tenue de l’aborder étant donné le poids qu’elle a accordé aux éléments de preuve médicale concernant la capacité de travailler du requérant.

[27] La division générale s’est amplement appuyée sur les éléments de preuve médicale datant de quelques mois après la PMA et des années suivantes (bien après que le requérant ait cessé de prendre du Percocet et de la morphine) qui montrent que le requérant avait une certaine capacité de travailler.

[28] Le dossier médical ne contredit pas le témoignage du requérant au sujet de ses analgésiques dans l’année suivant son accident. En décembre 2015, moins d’un an après son accident, le requérant aurait eu de la difficulté à se concentrer au travail en raison des analgésiques qu’il prenait. Cependant, en mars 2016, le requérant a cessé de prendre ces médicaments et prenait plutôt du Tylenol no 3 pour soulager ses douleurs.

[29] Le requérant doit démontrer qu’il était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au plus tard à la fin de sa PMA. L’invalidité doit également être prolongée. Étant donné ces exigences juridiques, je ne peux pas conclure que la division générale a ignoré l’incidence des analgésiques sur le requérant. La division générale n’a pas discuté du témoignage du requérant parce qu’elle a accordé beaucoup d’importance à la preuve médicale, qui elle-même mentionnait que le requérant prenait des médicaments, mais qui indiquait aussi clairement qu’il était capable de travailler.

La division générale a-t-elle commis une erreur dans son analyse de la capacité du requérant à se recycler?

[30] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit dans son examen de la capacité du requérant à se recycler. La décision de la division générale est brève, mais elle a examiné si le requérant aurait été capable de se recycler.

[31] Lorsqu’il existe une preuve d’une capacité de travailler, la partie requérante doit démontrer que les efforts qu’elle a déployés pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de ses problèmes de santéNote de bas de page 20. J’appellerai cela le « critère relatif à l’occupation d’un emploi », qui s’applique lorsqu’il existe une preuve d’une capacité de travailler. Dans certains cas, les facteurs qui ont une incidence sur l’employabilité réelle d’une partie requérante (comme son âge, etc.) sont moins importants. C’est notamment le cas lorsqu’il existe de nombreux éléments de preuve médicale montrant que la partie requérante peut reprendre un travail léger et qu’elle ne déploie pas d’efforts pour retourner retour au travail ou se recyclerNote de bas de page 21.

[32] La division générale a estimé que le requérant n’avait pas déployé des efforts raisonnables pour trouver un emploi convenable ou parfaire son éducation afin progresser vers un emploi qu’il pourrait exercerNote de bas de page 22. Au cours de l’audience, la division générale a demandé au requérant quel genre d’emploi il pensait pouvoir exercer, et celui-ci a affirmé qu’il avait pensé à devenir agent immobilier. Le requérant a donné quelques raisons pour lesquelles il ne l’avait pas fait, mais ces raisons n’étaient pas liées à son état de santé. La division générale a tenu compte des facteurs qui ont une incidence sur l’employabilité réelle du requérant, notamment son âge.

[33] À mon avis, le membre de la division générale n’a commis aucune erreur de droit dans l’évaluation de la capacité du requérant à se recycler. Le membre de la division générale a examiné les éléments de preuve médicale portés à sa connaissance et le témoignage du requérant, et a tiré une conclusion. Le requérant soutient devant la division d’appel qu’il ne peut pas se recycler ou perfectionner ses compétences en raison de ses problèmes de santé et que la division générale a commis une erreur en omettant de reconnaître ce fait. Cependant, la division générale s’est simplement appuyée sur le témoignage du requérant devant la division générale concernant la possibilité pour lui de se recycler ou d’occuper un autre emploi. Cette approche n’équivaut pas à une erreur de fait ou à une erreur de droit.

[34] J’ai examiné le dossierNote de bas de page 23. La division n’a pas ignoré ou mal interprété la preuve. La division générale a analysé des éléments de preuve tangibles d’une capacité de travailler immédiatement après la fin de la PMA et d’une capacité de travailler continue par la suite. Il est vrai que la décision de la division générale était brève. Cependant, elle comporte des notes de bas de page dans lesquelles les rapports pertinents sont cités, et l’analyse était claire : la division générale a accordé une grande importance aux éléments de preuve qui laissaient entendre que le requérant était capable d’exercer un emploi sédentaire.

[35] La décision de la division générale aurait peut-être pu traiter plus en détail des problèmes de santé et des limitations fonctionnelles du requérant. Toutefois, compte tenu de la grande importance que la division générale a accordée aux éléments de preuve démontrant une capacité de travailler et le manque d’efforts de la part du requérant pour trouver un emploi, les motifs de la division générale ne contiennent aucune lacune qui pourrait constituer une erreur.

Conclusion

[36] Je rejette l’appel. La division générale n’a commis aucune erreur.

 

Date de l’audience :

Le 8 janvier 2018

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

J. D., appelante
P. S., pour l’appelante
Jean-François Cham, pour l’intimé

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