Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : VK c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 67

Numéro de dossier du Tribunal: AD-21-29

ENTRE :

V. K.

Demandeur

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Défendeur


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


Décision relative à une demande de
permission d’en appeler rendue par :
Valerie Hazlett Parker
Date de la décision : Le 22 février 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[2] V. K. (requérant) possède un diplôme d’études secondaires ainsi que plusieurs titres professionnels, notamment ceux de planificateur financier et d’assureur-vie agréé. Il a été impliqué dans un grave accident de la route en 2014. En janvier 2017, le requérant a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Le ministre de l’Emploi et du Développement social a agréé sa demande, lui accordant le maximum de versements rétroactifs possible d’après la date à laquelle sa demande avait été présentée.

[3] Le requérant a fait appel au Tribunal de la décision concernant la date où débutait le versement de sa pension. La division générale a rejeté son appel. Le requérant a ensuite fait appel à la division d’appel du Tribunal. La division d’appel a renvoyé l’affaire pour réexamen auprès de la division générale, parce que celle-ci n’avait pas assuré un processus équitable.

[4] La division générale a de nouveau rejeté son appel. Dans sa décision, elle a expliqué que le requérant pourrait uniquement recevoir davantage de versements rétroactifs s’il avait été incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande avant la date où il l’a réellement faiteNote de bas page 1. Elle a conclu que le requérant n’avait pas été frappé d’une telle incapacité.

[5] C’est pour cette décision que le requérant souhaite maintenant obtenir la permission de faire appel à la division d’appel du Tribunal. Il soutient que la division générale s’est montrée partiale et qu’elle a fondé sa décision sur de nombreuses erreurs de fait importantes. La permission d’en appeler est refusée puisque l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[6] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès parce que la division générale aurait fondé sa décision sur au moins l’une des erreurs de fait importantes suivantes?

  1. Le requérant peut conduire et a toujours un permis de conduire;
  2. Le requérant était conduit et aidé par un ami;
  3. Le requérant n’avait pas besoin d’une procuration;
  4. Rien ne démontrait que le requérant était incapable de prendre des décisions liées à sa santé;
  5. Le requérant a vu les docteurs Siddiqui et Chue contre sa volonté;
  6. Il a fallu un certain temps pour convaincre le requérant de suivre certaines thérapies;
  7. Aucun médecin n’a dit que le requérant était capable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande;
  8. La division générale a accordé peu de poids à une évaluation médicale particulière, et a accordé davantage de poids à d’autres évaluations médicales;
  9. Le requérant a fait erreur en affirmant qu’une autre personne était la principale responsable de ses enfants;
  10. Le requérant n’était pas capable de fonctionner après l’accident en raison d’un manque de sommeil;
  11. La division générale a manqué de souligner ses maux de tête, son acouphène et d’autres blessures physiques.

[7] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès du fait que la division générale se serait montrée partiale?

Analyse

Question juridique dans cet appel

[8] Le versement de la pension d’invalidité du RPC commence après qu’une personne requérante devient invalide. La personne ne peut être réputée invalide plus de 15 mois avant la date où elle présente sa demande de pensionNote de bas page 2. Il existe néanmoins une exception à cette règle. Une personne requérante peut être réputée être devenue invalide à une date antérieure si elle était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire sa demande, et ce pendant une période continue, avant de l’avoir véritablement faiteNote de bas page 3. Ce critère juridique n’est pas simple à remplir. La division générale l’a correctement énoncé dans sa décisionNote de bas page 4. Elle a cependant jugé que le requérant n’avait pas rempli ce critère. Le requérant fait maintenant appel de cette décision.

Moyens d’appel

[9] Un appel à la division d’appel du Tribunal ne sert pas à instruire de nouveau la demande originale. Le rôle de la division d’appel se limite plutôt à décider si la division générale :

  1. n’a pas assuré un processus équitable;
  2. a omis de trancher une question qu’elle devait trancher, ou a tranché une question qu’elle ne devait pas trancher;
  3. a commis une erreur de droit;
  4. a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas page 5.

[10] Il est toutefois nécessaire que la personne requérante obtienne d’abord la permission d’appeler de la décision qu’elle conteste. La division d’appel peut lui refuser cette permission si son appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas page 6. Ce critère est plus facile à remplir que celui qui doit être rempli lors de l’instruction de l’appel. Le requérant n’a pas à prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’il aura gain de cause en appel; il doit seulement prouver qu’il existe une chance raisonnable qu’il ait gain de cause.

Erreurs de fait importantes

[11] Selon le requérant, le fait que la division générale a fondé sa décision sur différentes erreurs de fait importantes confère à son appel une chance raisonnable de succès. Pour avoir gain de cause sur ce fondement, si son appel est instruit sur le fond, le requérant devra prouver les trois choses suivantes pour chacune des erreurs de fait alléguées :

  1. la conclusion de fait est erronée (fausse);
  2. la division générale a tiré cette conclusion de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance;
  3. la décision est basée sur cette conclusion de faitNote de bas page 7.

[12] Un certain nombre des conclusions de fait que le requérant qualifie de fautives sont en réalité justes, et fondées sur sa propre preuve. Les voici :

  1. Le requérant était capable de conduireNote de bas page 8. Il ne conteste d’ailleurs pas ce fait, mais défend qu’il choisissait de ne pas conduire, et demandait plutôt à d’autres personnes de le conduire. Toutefois, si le requérant a gardé son permis, c’est qu’il était capable de conduire. Cette conclusion de fait n’est pas erronée.
  2. Le requérant recevait l’aide d’un ami. La division générale en a pris acte dans sa décision. Elle a expliqué que le requérant avait besoin d’aide pour faire la cuisine, son entretien ménager et ses coursesNote de bas page 9. Un ami avait aussi dû l’aider à temps plein au moins pendant les cinq mois qui ont suivi son accidentNote de bas page 10. Il n’y a donc pas d’erreur dans cette conclusion de fait.
  3. Le requérant n’a pas besoin d’une procuration. Cette conclusion de fait est juste. Le requérant admet ce fait dans sa demande à la division d’appel. Il a affirmé que même s’il possédait ce document, il ne l’utilisait pasNote de bas page 11.

Comme ces conclusions de fait ne sont pas fautives, elles ne donnent aucune chance raisonnable de succès à son appel.

[13] Le requérant avance également que des erreurs ont été commises par rapport aux éléments de preuve médicale suivants :

  1. Aucune preuve médicale ne porte à croire que le requérant était incapable de prendre des décisions relativement à sa santé. La division générale a analysé la preuve à cet égard. Dans sa décision, elle a notamment fait référence aux documents du requérant qui dressent la liste de ses nombreux symptômes, ainsi qu’à des rapports médicaux rédigés par des médecins qui le traitaient et avaient été embauchés par la compagnie d’assurance. Il existe un fondement probant pour conclure que le requérant s’occupait de ses soins de santé et prenait des décisions quant à sa santéNote de bas page 12. Cette conclusion de fait n’est donc pas fautive.
  2. Le requérant avance que la preuve médicale aurait dû être appréciée autrement. Il soutient notamment que les docteurs Siddiqui et Chue avaient été consultés dans le contexte d’une réclamation d’assurance, et que leurs rapports méritent donc moins de poids. Il conteste également le poids accordé à la déclaration d’incapacité préparé par le docteur KhanNote de bas page 13. Toutefois, un désaccord quant au poids que la division générale accorde à la preuve ne constitue pas un moyen d’appel à la division d’appel. Il revient à la division générale d’accepter les éléments de preuve déposés par les parties, de les apprécier, et de rendre une décision au regard du droit et des faits. La division générale n’a pas le mandat d’apprécier de nouveau la preuve afin de parvenir à une conclusion différenteNote de bas page 14. Ce motif d’appel ne relève aucune erreur factuelle importante.

[14] Le requérant affirme également que la division générale a conclu à tort qu’il avait dit à Service Canada qu’une autre personne était la principale responsable de ses enfants. Néanmoins, la division générale n’a pas fondé sa décision sur la question de savoir qui était le principal responsable de ses enfants. Elle a toutefois fondé sa décision, en partie, sur le fait qu’il avait été capable de communiquer avec Service Canada et de lui fournir certains renseignements. La division fédérale n’a pas commis d’erreur à ce point de vue.

[15] Enfin, le requérant soutient que la division générale a fondé sa décision sur des erreurs concernant son manque de sommeil, et qu’elle n’a pas tenu compte de ses autres problèmes physiques. La division générale a constaté le fait qu’il était atteint de troubles du sommeil et d’autres problèmes physiques, et que ceux-ci affectaient sa cognitionNote de bas page 15. En invoquant ce motif d’appel, le requérant demande à la division d’appel d’apprécier la preuve de nouveau pour parvenir à une conclusion différente. La division d’appel ne peut pas considérer ce moyen d’appel.

[16] J’ai lu la décision de la division générale ainsi que le dossier écrit. Aucune information importante n’a été ignorée ou mal interprétée par la division générale.

[17] Pour ces raisons, l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès sur le fondement que la décision de la division générale serait basée sur une erreur de fait importante.

Partialité

[18] La division générale est tenue d’assurer l’équité du processus. En effet, chaque partie doit pouvoir présenter ses arguments et se défendre contre ceux de la partie adverse. Ce principe suppose aussi un décideur indépendant et impartial. Le requérant avance que la division générale s’est montrée partiale, et qu’elle était encline à trancher l’affaire en sa défaveur.

[19] Les décideurs sont présumés être impartiauxNote de bas page 16. Il est toutefois possible de réfuter cette présomption. Le critère juridique pour la partialité consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »Note de bas page 17

[20] Une simple allégation de partialité ne suffit pas. Cette allégation doit être appuyée par une preuve. Le requérant soutient que les erreurs contenues dans la décision de la division générale démontrent sa partialité. Néanmoins, l’appel du requérant n’a aucune chance raisonnable de succès sur la base d’erreurs de fait importantes commises par la division générale. Comme ce même fondement sous-tend son argument selon lequel la division générale se serait montrée partiale, ce motif ne confère pas, lui non plus, une chance raisonnable de succès à son appel.

[21] Rien ne laisse croire que la division générale aurait commis une erreur de droit.

Conclusion

[22] Pour les raisons qui précèdent, la permission d’en appeler est refusée.

Représentante :

Loretta Edlund, avocate du demandeur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.