Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : MW c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 123

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-1883

ENTRE :

M. W.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Carol Wilton
Requérante représentée par : John Hammond [Robert H. Littlejohn]
Date de l’audience par vidéoconférence : Le 21 janvier 2021
Date de la décision : Le 28 février 2021
DATE DU CORRIGENDUM : Le 23 mars 2021

Sur cette page

Décision

[1] La requérante est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), payable à compter de mai 2021.

Aperçu

[2] La requérante avait 59 ans lorsqu’elle a demandé une pension d’invalidité du RPC, en janvier 2019. Elle travaillait comme chef de bureau d’un service de sténographes judiciaires depuis 1997. Elle a d’abord soutenu qu’elle était incapable de travailler depuis juillet 2014, après une seconde greffe de rein. Elle travaillait toujours en date de l'audience. Durant celle-ci, elle a affirmé qu’elle était incapable de travailler depuis le 1er janvier 2021, en raison d’une douleur chronique au dos et au genou gauche et de son obésité.

[3] Le ministre a rejeté la demande de la requérante après un premier examen, puis de nouveau après révision. La requérante a donc fait appel de la décision de révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[4] Le ministre soutient que la requérante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du RPC puisqu’elle travaillait encore.

Ce que la requérante doit prouver

[5] Pour avoir gain de cause, la requérante doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au moment de l’audience.Footnote 1

[6] Le RPC définit les qualificatifs « grave » et « prolongée ». Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceFootnote 2. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinieFootnote 3.

Questions en litige

[7] La requérante était atteinte d’une invalidité grave et régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en raison de ses problèmes de santé ?

[8] Dans l’affirmative, son invalidité doit-elle vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ?

L’invalidité de la requérante est grave

L’invalidité de la requérante nuit à sa capacité de travailler

Problèmes physiques

[9] La requérante est atteinte d’une douleur chronique au dos et au cou, ainsi que d’arthrose et d'une discopathie dégénérative à plusieurs endroits. Elle a également de l’arthrose au genou et une douleur à l’épaule. Sa douleur se manifeste aussi sous la forme de fibromyalgie et de polyneuropathie (dysfonctionnement simultané de multiples nerfs périphériques partout dans le corps). Elle a des antécédents d'obésité et d’insuffisance rénale.

Douleur chronique au dos et au cou

[10] La douleur touchant le cou, le bas du dos et le genou gauche de la requérante est bien documentée. Les problèmes suivants sont indiqués dans des rapports d'imagerie récents :

  • Rapport d’imagerie de la colonne lombaire, mai 2018: arthrose facettaire de stade avancé de L3-4 à L5-S1;Footnote 4
  • Rayons X de la colonne lombaire, novembre 2020 : discopathie dégénérative de stade avancé à L3-4, et arthrose facettaire de stade avancé à S1Footnote 5;
  • Rayons X de la colonne cervicale, novembre 2020: discopathie dégénérative de stade avancé sur trois niveaux, et sténose neurale dégénérative sur quatre niveauxFootnote 6.

[11] En avril 2016, la requérante a confié à son médecin de famille, le docteur David Handley, qu’elle avait mal au bas du dos depuis sa seconde greffe rénale de 2014Footnote 7. En janvier 2019, la docteure Beshay, omnipraticienne, a noté que la requérante souffrait depuis des années d’une douleur lombaire associée à une radiculopathie et à une neuropathieFootnote 8.

[12] En décembre 2019, la requérante a vu le docteur Stefan Konasiewicz, neurochirurgien, à une clinique de traitement de la douleur. Elle a confié au médecin qu’elle ressentait une douleur pulsatile constante au dos, dont le degré était généralement de 10/10 (10 étant la pire douleur imaginable). Le docteur Konasiewicz a affirmé que la douleur résultait probablement des changements dus à la spondylose révélée par l’IRM. Il a affirmé qu’une sacro-illite était un autre facteur probable, de même que des problèmes de nature myofasciale et un déconditionnement. La douleur à ses deux jambes provenait sûrement du pincement et de l’irritation d’un nerf causés par la sténose intervertébrale et centraleFootnote 9.

[13] Le dossier d’appel contient les comptes rendus des visites hebdomadaires de la requérante chez le docteur Konasiewicz, qui lui administrait des injections au bas du dos, à la jambe gauche, entre les épaules et au bas droitFootnote 10. En janvier 2021, le docteur Konasiewicz a noté que la requérante ressentait encore une douleur de 10 sur 10 au dos. Les injections ne soulageaient sa douleur que cinq joursFootnote 11. La requérante a témoigné que le soulagement procuré par les injections était seulement temporaire. Elles faisaient descendre sa douleur à un niveau de 8 sur 10. Il est à noter que la requérante devait observer certaines instructions quand elle recevait ses injections. Elle ne pouvait pas conduire pour le reste de la journée ni soulever des objets de plus de 10 livres pendant 24 heures. Il lui fallait aussi éviter de se tordre et de se pencherFootnote 12.

[14] En janvier 2021, la docteure Beshay a prescrit du Percocet à la requérante pour sa douleur lombaireFootnote 13.

Douleur au genou

[15] En avril 2017, une IRM du genou gauche de la requérante a révélé la présence d’une déchirure complexe du ménisque interne, ainsi que d’arthrose légère à modérée, d’un épanchement articulaire modéré et d’une bursiteFootnote 14. En août 2017, le docteur Christopher Porte, chirurgien orthopédiste, a affirmé que la requérante présentait de l’arthrose de stade avancée au compartiment médian du genou ainsi qu’une déchirure du ménisque. Il lui a injecté de la cortisone au genouFootnote 15.

[16] Le docteur Porte a expliqué que la requérante finirait par avoir besoin d’une arthroplastie du genou, mais qu’il lui faudrait perdre [traduction] « beaucoup de poidsFootnote 16 ». En mai 2018, il a déclaré qu’elle n’était pas une candidate à cette opération en raison de son poids et de son problème aux reinsFootnote 17. En janvier 2019, la docteure Beshay a affirmé que la requérante souffrait depuis des années de douleur chronique et d’arthrose grave au genou. En mai 2019, la requérante a vu un physiothérapeute pour son genou, qui lui a recommandé certains exercices. Une attelle de genou lui a aussi été prescriteFootnote 18.

Douleur à l’épaule

[17] La requérante a témoigné qu’elle était tombée dans la baignoire en février 2020. En mars de la même année, elle a affirmé que sa douleur à l’épaule était exacerbée par l'activité physiqueFootnote 19. En mai 2020, une échographie de son épaule droite a révélé la présence d’une tendinose, d’une paraténonite, d’une déchirure sur toute l’épaisseur d’un tendon, ainsi que d’un fluide sous l’un des muscles de son épauleFootnote 20.

Fibromyalgie et neuropathie

[18] En mars 2016, la requérante a vu le docteur Kenneth Yuen, rhumatologue, pour une sensation de brûlure aux pieds. Il était d’avis que ses symptômes étaient d’origine neurologique. Il a recommandé du Lyrica ou de la nortriptylineFootnote 21. En août 2016, le docteur Handley a augmenté sa dose de Lyrica, notant que sa douleur aux pieds était essentiellement causée par une neuropathie périphériqueFootnote 22.

[19] En janvier et en juin 2019, le docteur Alex Jahangirvand, neurologue, a examiné la requérante pour sensation de brûlure et une douleur aux pieds qui persistaient. La requérante prenait du Lyrica (médicament pour la douleur névralgique) depuis trois ans. Le docteur Jahangirvand a affirmé que la requérante présentait des caractéristiques de la polyneuropathie généralisée. Ses facteurs de risque incluaient l’hyperglycémie, l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie et l’obésité, ainsi que la néphropathieFootnote 23.

[20] En juin 2019, la docteure Beshay a substitué le Cymbalta au Lyrica pour traiter la fibromyalgie et la neuropathie de la requéranteFootnote 24. En août 2019, la docteure Beshay a noté que le Cymbalta ne parvenait pas à éliminer la douleur de la requéranteFootnote 25.

Obésité

[21] En décembre 2014, la requérante a été vue par Sandra Mattock, infirmière autorisée au bureau de transplantation rénale. Celle-ci a affirmé que la requérante avait pris beaucoup de poids depuis son opération de juin 2014, malgré un régime de moins de 1500 calories par jourFootnote 26. En janvier 2019, la docteure Beshay a affirmé que la requérante souffrait d’obésitéFootnote 27. En août 2019, la docteure Beshay a affirmé que la requérante avait de la difficulté à perdre du poids depuis des années. Elle avait essayé des médicaments à cet effet, sans obtenir de réels résultatsFootnote 28. Il était difficile pour la requérante de faire de l’exercice et de perdre ainsi du poids à cause de douleur chronique.Footnote 29 La requérante avait été recommandée pour une chirurgie bariatrique, mais on lui avait dit que le risque de complications était trop élevéFootnote 30.

Problèmes aux reins

[22] La requérante a des antécédents d’insuffisance rénale et a eu une greffe de rein en 1995. Elle a fait des traitements de dialyse à partir de 2010 et jusqu’à sa seconde greffe, en 2014. Elle a affirmé qu’elle voit toujours un néphrologue pour des examens annuels.

[23] En juin 2019, les chevilles de la requérante sont devenues très gonflées et douloureuses, un effet attribuable à son problème rénalFootnote 31. La docteure Beshay lui a prescrit du Lasix pour diminuer l’enflure, mais il a nui à sa fonction rénaleFootnote 32.

[24] Son problème aux reins limite aussi ses possibilités de traitement pour la douleur. À cause de ses greffes, la requérante ne peut pas prendre d’anti-inflammatoiresFootnote 33. Elle prend aussi des immunosuppresseurs pour son problème rénal. Une opération au genou ou une chirurgie bariatrique visant la perte de poids sont donc trop risquées pour elle, compte tenu du risque d’infectionFootnote 34.

Autres problèmes physiques

[25] En novembre 2018, la requérante a subi une opération de l’hallux valgus (oignon au pied)Footnote 35. Elle a affirmé durant l’audience que cette intervention avait soulagé sa douleur plantaire.

[26] En janvier 2019, la docteure Beshay a affirmé que la requérante était atteinte d’hypothyroïdie et d’anémie chronique. Elle prenait du Synthroid pour son problème à la thyroïdeFootnote 36.

[27] En mars 2019, la requérante s’est plainte d’une perte d'audition notable, qui avait commencé cinq ans plus tôt. Le docteur Glenn Thornley, oto-rhino-laryngologiste, a inséré un tube dans son oreille droiteFootnote 37.

[28] Lors de l’audience, la requérante a affirmé qu’elle avait d’importants maux de tête à l’arrière de la tête. Elle avait reçu des injections à cet endroit en 2020, sans en tirer de bénéfices. En janvier 2021, le docteur Konasiewicz a noté que la requérante présentait une douleur au cou et au cuir cheveluFootnote 38.

Problèmes de santé mentale

[29] La requérante souffrait déjà d’une dépression et d’un trouble de l’humeur en 2014. Elle avait accepté d’en parler à son travailleur social en néphrologie. Elle avait commencé à prendre des antidépresseurs (Celexa) en avril 2015Footnote 39. Elle avait cessé d’en prendre, puis avait recommencé à en prendre en 2016Footnote 40. En août 2019, la docteure Beshay a affirmé que la requérante souffrait d’un trouble de l’humeur et de dépression. Elle avait commencé à prendre des antidépresseurs, qui amélioraient partiellement son état.Footnote 41

Limitations fonctionnelles

[30] La requérante a soutenu qu’en raison de ses problèmes de santé, elle a de la difficulté à rester debout ou assise longtemps, à marcher sur de longues distances, à utiliser les escaliers, à soulever des objets et à se pencher. Depuis la fin de 2018, elle est obligée de monter les escaliers à quatre pattes. La douleur la réveille la nuit, malgré les somnifèresFootnote 42. Il lui est arrivé, certains jours, de s’endormir sur son bureau à cause des effets secondaires de ses médicaments ou de la fatigueFootnote 43. Il lui est impossible de prendre des anti-inflammatoires à cause de sa greffe de reinFootnote 44. Puisqu’il lui est difficile de bouger, elle ne peut pas faire d’exercice et a de la difficulté à perdre du poidsFootnote 45, ce qui l’empêche de subir une arthroplastie du genouFootnote 46. Elle a des problèmes de concentration et de mémoire. Elle a aussi de la difficulté à travailler à l’ordinateur en raison de ses maux de tête.

[31] La requérante affirme que son époux a pris la relève pour ce qui est des courses et de la cuisine. Elle peut nettoyer la maison, mais cet exercice lui cause énormément de douleurFootnote 47.

[32] Les médecins de la requérante appuient sa version de faits. En avril 2016, le docteur Handley a affirmé que la douleur au bas du dos la requérante s’aggravait si elle montait ou descendait des escaliers.Footnote 48 En janvier 2019, le docteur Jahangirvand a déclaré que la requérante boitait en marchant en raison de la douleur à son genou gaucheFootnote 49.

[33] En janvier 2019, la docteure Beshay a affirmé que la colonne lombaire de la requérante avait une amplitude de mouvement réduite. La requérante pouvait seulement rester debout 15 minutes à cause de sa douleur au dos et au genou. Elle devait alterner entre la position assise et la position debout. Elle pouvait seulement marcher sur de courtes distances et monter les escaliers de façon limitéeFootnote 50.

[34] En août 2019, la docteure Beshay a affirmé que le problème thyroïde de la requérante lui causait beaucoup de fatigue. Elle manquait d’énergie pour accomplir les activités courantesFootnote 51.

[35] La requérante a de la difficulté à rester assise et debout et à marcher en raison de ses problèmes de santé. Sa douleur trouble son sommeil. Elle a des problèmes de concentration et de mémoire et de la difficulté à utiliser un ordinateur à cause de ses maux de tête. Je suis convaincue que ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler.

La requérante est incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice

[36] L’employabilité est l’élément déterminant de l’invalidité au sens du RPCFootnote 52. Cela dit, un requérant qui détient une occupation véritablement rémunératrice n’est pas forcément inadmissible à la pension d’invalidité du RPC. En effet, il faut examiner d’autres facteurs, comme de savoir si le requérant travaille en dépit d’un avis médical contraire, s’il éprouve des difficultés en travaillant, s’il est régulièrement capable de travailler, et s’il travaille pour un employeur bienveillant. Je dois aussi tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les antécédents professionnels et l’expérience de vie de la requérante afin de déterminer son employabilité eu égard à son invaliditéFootnote 53.

[37] Comme chef de bureau d’un service de sténographes judiciaires, la requérante s’occupait notamment de la prise de rendez-vous, des relations avec la clientèle, des horaires, des factures, de la comptabilité, de la perception, de la commande de matériel et du serviceFootnote 54.

[38] L’occupation actuelle de la requérante est véritablement rémunératrice. Depuis 2014, « véritablement rémunératrice » se dit d’une occupation qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invaliditéFootnote 55. En 2019, le montant maximal de la pension d’invalidité du RPC s’élevait à 16 347,60 $. La requérante a touché un revenu de 38 610 $ en 2019Footnote 56.

[39] D’autres facteurs, toutefois, portent à conclure que la requérante est atteinte d’une invalidité grave. En août 2019, la docteure Beshay a déclaré qu’elle avait déconseillé à l’appelante de travailler à temps pleinFootnote 57. À l’audience, la requérante a déclaré que la docteure Beshay lui avait offert, en décembre 2020, de lui écrire une note pour la mettre en arrêt de travail à l’époque. On peut donc croire que la docteure Beshay jugeait que la requérante n’aurait pas dû travailler à l’époqueFootnote 58. La requérante a déclaré qu’elle n’avait pas demandé cette note en décembre 2020 parce qu’elle n’était pas certaine de vouloir cesser de travailler, principalement pour des raisons financières. Elle a effectivement dit qu’elle et son mari perdraient leur maison si elle ne travaillait pas. On peut raisonnablement en déduire que la requérante travaillait en dépit d’un avis médical contraire, en date de l’audience.

[40] La requérante éprouve d’importantes difficultés pour continuer de travailler. En août 2019, son employeur a affirmé qu’elle [traduction] « travaillait encore, mais avec beaucoup de difficultéFootnote 59. » En novembre 2020, la docteure Bashey a noté que la requérante ne trouvait pas les anesthésies tronculaires suffisamment efficaces. Sa douleur la faisait [traduction] « souffrir énormément ». Elle devait traîner ses pieds pour se rendre au travail. Son sommeil était toujours troublé; elle était [traduction] « tellement fatiguéeFootnote 60 ». À l’audience, la requérante a affirmé que sa douleur était vraiment accablante. Elle a dit qu’elle a 61 ans et qu’elle est [traduction] « épuisée de se battre ».

[41] Les antécédents de travail de la requérante ne démontrent pas une capacité de travail. En août 2019, son employeur a qualifié de [traduction] « mauvaise » son assiduité au travail. La requérante avait dû s’absenter pour des opérations, des rendez-vous médicaux et des changements de prescriptions. Elle manquait aussi des jours de travail à la fin de la semaine si elle était trop active. Son employeur ne pouvait pas compter sur sa présence au travailFootnote 61. En août 2019, la docteure Beshay a noté que la requérante avait souvent pris congé pour aller à ses rendez-vous médicaux et parce qu’elle était si souvent maladeFootnote 62.

[42] La requérante a déclaré qu’elle avait commencé en 2019 à prendre congé les jeudis après-midi pour ses rendez-vous médicaux. En janvier 2020, un nouveau propriétaire avait repris l’entreprise. La requérante l’avait informé qu’elle ne travaillerait pas du tout le jeudi, comme elle fixe ses rendez-vous chez le médecin et ses injections ce jour-là. En décembre 2020, elle avait fait une partie de son travail depuis la maison en raison de ses problèmes de santé. En janvier 2021, elle avait manqué deux jours et demi de travail pour des raisons de santé.

[43] L’employeur de la requérante était un employeur bienveillant à certains égardsFootnote 63. La requérante était productive, certes. Selon l’employeur, elle était [traduction] « une employée exemplaire » lorsqu’elle était au travail. Toutefois, elle n’était pas une employée fiable. Son assistante devait l’aider durant les journées occupées. Il fallait aussi que son assistante soit prête à assumer ses fonctions à tout moment si la requérante était trop malade pour venir travailler. La requérante avait besoin de l’aide de ses collègues pour monter et descendre les escaliers, soulever des objets et mettre de l’ordre dans les salles de conférence. Elle était incapable d’assumer son travail d’un point de vue physiqueFootnote 64.

[44] La requérante a une éthique de travail très forte. À l’audience, elle a affirmé qu’elle avait sacrifié sa santé pour assurer la poursuite des activités de l’entreprise. Elle a affirmé qu’on l’avait élevée selon la croyance qu’il faut essentiellement travailler jusqu’à sa mort. Je ne pense pas que le RPC impose une norme aussi sévère. La requérante a fait des efforts louables pour continuer de travailler. Elle ne devrait pas être pénalisée pour avoir tenté de continuer à travailler en dépit des problèmes de santé notables avec lesquels elle était aux prises.

[45] La requérante parle anglais et a fait un an d’études collégiales. Elle compte 24 impressionnantes années de service auprès du même employeur. Aucune de ces caractéristiques ne devrait nuire à ses possibilités d’emplois. Elle était toutefois âgée de 61 ans en date de l’audience. Bien qu’elle puisse travailler, elle le fait avec grande difficulté. Ses problèmes de santé l’empêchent d’être présente au travail de façon régulière. La prévisibilité est essentielle pour déterminer si une personne travaille régulièrement au sens du RPCFootnote 65. Qui plus est, vu la grande difficulté que la requérante éprouve à faire un emploi qu’elle occupe depuis des décennies, je juge très peu probable ou réaliste, compte tenu de ses nombreuses affections, que la requérante soit en mesure d’occuper un autre emploi dans un marché du travail concurrentiel.

[46] Je suis convaincue que la requérante est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Je conclus donc qu’il est plus probable qu’improbable que son invalidité est grave.

L’invalidité de la requérante est prolongée

[47] La requérante est atteinte d’une maladie rénale depuis 1995. Depuis de nombreuses années, elle est aussi atteinte de douleur chronique au dos, au cou, au genou et à l’épaule, entre autres. Elle a affirmé que son état se dégrade.

[48] L’invalidité de la requérante dure pendant une période longue, continue et indéfinie. Je conclus donc que son invalidité est prolongée.

Conclusion

[49] La requérante avait une invalidité grave et prolongée en janvier 2021, quand la docteure Beshay lui a prescrit du Percocet pour traiter sa douleur. Une lettre du 1er février 2021 de la docteure Beshay confirme aussi la conclusion selon laquelle la requérante était invalide au moment de l’audience, en janvier 2021Footnote 66. La pension est versée à partir du quatrième mois suivant la date de l’invalidité, soit à compter de mai 2021.Footnote 67

[50] L’appel est accueilli.

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