Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : VR c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 121

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-549

ENTRE :

V. R.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : George Tsakalis
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 16 février 2021
Représentant de la requérante : Geoffrey Hume
Date de la décision : Le 26 février 2021
DATE DU CORRIGENDUM : Le 3 mars 2021 Le 9 mars 2021

Sur cette page

Décision

[1] La requérante, V. R., est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Les versements doivent être faits à compter de mai 2017. J’expliquerai la raison pour laquelle j’accueille l’appel dans la présente décision.

Aperçu

[2] La requérante est née en 1960. Elle a terminé sa 12e année puis elle a suivi des cours d’informatique dans les années 1980 ou 1990, et elle a appris à taper et à utiliser des logiciels de traitement de texte et des feuilles de calcul. Toutefois, elle n’a jamais travaillé avec des ordinateurs. Elle a plutôt travaillé dans des restaurants et des usines. Le dernier emploi qu’elle a occupé était comme porteuse. Elle a arrêté de travailler en décembre 2015. Elle prétend être incapable d’occuper un emploi parce qu’elle fait de l’hypertension. La requérante n’a pas avoué avoir un problème de boisson, mais la preuve médicale démontre qu’elle boit à l’excès.

[3] La requérante a fait une demande de pension d’invalidité le 18 avril 2018. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande parce que la preuve médicale ne démontrait pas une invalidité au titre du RPC. La requérante a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

Ce que la requérante doit prouver

[4] Pour que la requérante obtienne gain de cause, elle doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à compter du 31 décembre 2018. Le RPC appelle cette date la « période minimale d’admissibilité » (PMA). Cette date est fondée sur les cotisations d’une personne au RPCNote de bas de page 1. [Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Elle est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 2.]

Les motifs de ma décision

[5] J’estime que la requérante est atteinte d’une invalidité grave et prolongée depuis décembre 2015. Je suis arrivé à cette décision après m’être penché sur les questions qui suivent.

L’invalidité de la requérante était-elle grave?

La requérante a des limitations fonctionnelles qui ont une incidence sur sa capacité à travailler

[6] Ma décision concernant la question de savoir si l’invalidité de la requérante est grave n’est pas fondée sur son diagnostic. Elle est fondée sur la question de savoir si elle a des limitations fonctionnelles qui l’empêchent de travailler.Note de bas de page 3 Je dois examiner l’ensemble des problèmes de santé de la requérante et réfléchir à la façon dont ceux-ci pourraient avoir des répercussions sur sa capacité à travaillerNote de bas de page 4.

[7] La requérante a affirmé qu’elle n’avait pas cherché de travail depuis décembre 2015. Elle a obtenu un diagnostic d’hypertension dans les années 1990. Elle a rempli un questionnaire pour accompagner sa demande d’invalidité d’avril 2018. Elle a signalé avoir de la difficulté à se tenir debout, à marcher, à se souvenir de certaines choses, à se concentrer, à se pencher, à dormir et à subvenir à ses besoins personnels ainsi qu’à effectuer des tâches d’entretien ménagerNote de bas de page 5. Dans ce questionnaire, elle a aussi confirmé que ses problèmes de santé avaient contribué à ce qu’elle arrête de travaillerNote de bas de page 6.

[8] La requérante a affirmé qu’elle buvait six à huit boissons alcoolisées par jour en 2018. Elle a toutefois nié avoir un problème lié à l’alcool. Elle a aussi nié que sa médecin lui avait recommandé un traitement en lien avec sa consommation d’alcool. Elle a dit que sa médecin lui avait expliqué que l’alcool et la cigarette pouvaient augmenter sa tension artérielle. Elle a fait des démarches pour fumer moins.

[9] La requérante a affirmé qu’elle avait de la difficulté à marcher en 2018 en raison de la fatigue. Elle a dit qu’elle avait de la difficulté à soulever des choses parce qu’elle n’avait pas assez de force. Elle effectuait seulement des tâches ménagères qui n’étaient pas trop exigeantes. La requérante n’a pas travaillé avec des ordinateurs à ses emplois précédents. Elle a suivi des cours d’informatique il y a plusieurs années, mais elle ne croit pas être capable de travailler à un bureau ou à l’ordinateur en raison de ses problèmes de santé.

[10] La requérante doit fournir des éléments de preuve médicale objective pour prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité en date du 31 décembre 2018. Si elle n’arrive pas à prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave avant cette date, la preuve médicale datant d’après n’est pas pertinenteNote de bas de page 7.

[11] La preuve médicale démontre que la requérante avait des limitations fonctionnelles qui avaient une incidence sur sa capacité à travailler en date du 31 décembre 2018.

[12] Une note clinique de la médecin de famille de la requérante datée du 7 mars 2016 confirme que la requérante n’a pas travaillé depuis décembre 2015 parce qu’elle se sent faible. Il a été noté que les cheveux de la requérante étaient malpropres et décoiffés. Sa médecin de famille a aussi noté qu’elle était anxieuse. La requérante buvait et sa tension artérielle était élevéeNote de bas de page 8.

[13] Dans une note clinique datée du 13 mai 2016, la médecin de famille de la requérante dit que la requérante oublie de prendre ses médicaments. La requérante boit à l’excès, mais ne souhaite pas recevoir des services de toxicomanieNote de bas de page 9.

[14] Dans une note clinique datée du 21 juin 2016, la médecin de famille de la requérante affirme que la requérante se sent étourdie lorsqu’elle prend ses médicaments pour l’hypertensionNote de bas de page 10.

[15] Dans une note clinique datée du 28 novembre 2017, la médecin de famille de la requérante a dit que celle-ci ne prenait pas de médicaments pour l’hypertension parce qu’elle n’en avait pas les moyens. La requérante a des étourdissements et des maux de tête en raison de son hypertensionNote de bas de page 11.

[16] La médecin de famille de la requérante a rédigé un rapport médical pour le ministre le 17 avril 2018. Elle est la médecin de la requérante depuis 2011 et elle a posé les diagnostics suivants : hypertension et consommation chronique d’alcool et de tabac. Elle a aussi noté que cela fait de nombreuses années que l’hypertension de la requérante n’est pas contrôlée. La requérante s’est rendue à l’urgence à plusieurs reprises en raison de son hypertensionNote de bas de page 12.

[17] La requérante a continué de boire à l’excès en 2018. Toutefois, le ministre a soutenu que la requérante n’avait pas un problème de santé menant à une invalidité grave au titre du RPC. Le ministre utilise plusieurs dossiers médicaux pour appuyer son argument, y compris une note clinique du 18 octobre 2018 de la médecin de famille de la requérante qui dit que la tension artérielle de la requérante est bien contrôléeNote de bas de page 13. La médecin de famille a aussi écrit au ministre le 7 décembre 2018 pour lui dire que la requérante n’avait pas le souffle court, de maux de tête, de douleurs à la poitrine, de palpitations ou d’étourdissements lorsqu’elle l’a vue pour la dernière fois en octobre 2018Note de bas de page 14.

[18] Toutefois, je suis d’accord avec le représentant juridique de la requérante pour dire que celle-ci était généralement atteinte d’hypertension grave, même si sa tension artérielle était contrôlée à certains moments. Je juge aussi que le problème de santé invalidant principal de la requérante n’est pas l’hypertension, mais bien l’alcoolisme. La requérante a nié avoir un problème de boisson, mais les dossiers médicaux confirment qu’elle a un problème de consommation excessive d’alcool. Elle a aussi confirmé à son audience qu’elle buvait six à huit boissons alcoolisées par jour en 2018. Je pense que la consommation d’alcool de la requérante a contribué à son hypertension et à son incapacité de travailler.

La requérante n’a aucune capacité de travailler

[19] Pour décider si la requérante est capable de travailler, je ne peux pas seulement tenir compte de ses problèmes de santé ou de leur incidence sur son fonctionnement. Je dois aussi tenir compte de son âge, de son niveau de scolarité, de ses aptitudes linguistiques ainsi que de son expérience de travail et de vie. Ces facteurs m’aident à décider si la requérante peut travailler dans un contexte réalisteNote de bas de page 15.

[20] J’estime que la requérante n’avait aucune capacité à travailler dans un contexte réaliste le 31 décembre 2018. La requérante avait 57 ans au moment de sa PMA. Elle a terminé sa 12e année. Elle comprend l’anglais. Elle a seulement occupé des emplois manuels. Elle a suivi des cours d’informatique dans les années 1980 ou 1990, mais je pense qu’ils étaient désuets au moment de sa PMA. J’estime que la requérante était régulièrement incapable de détenir toute occupation véritablement rémunératrice à la fin de sa PMA en raison de ses problèmes de santé.

[21] Je ne crois pas que la requérante aurait pu faire quelque travail physique que ce soit au moment de sa PMA en raison de la fatigue qu’elle ressentait. Je ne crois pas non plus qu’elle aurait pu faire quelque travail sédentaire que ce soit en raison de sa fatigue et de ses problèmes de mémoire. Je ne crois pas que la requérante aurait pu poursuivre ses études et travailler à l’ordinateur au moment de sa PMA en raison de sa fatigue. La requérante n’avait pas de permis de conduire, mais de toute façon je ne crois pas qu’elle aurait pu occuper un emploi où elle devait conduire en raison de sa consommation excessive d’alcool. J’accepte l’argument de son représentant juridique selon lequel elle ne pouvait pas travailler avec le public en raison de son manque d’hygiène. J’estime que la requérante est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice depuis son dernier emploi en décembre 2015.

La requérante n’a pas suivi les conseils médicaux, mais elle est tout de même admissible à une pension d’invalidité

[22] La règle générale est qu’une partie requérante doit suivre les conseils médicaux qui lui sont prodigués pour obtenir une pension d’invaliditéNote de bas de page 16. La requérante a nié avoir un problème d’alcool à l’audience. Les dossiers médicaux montrent aussi qu’elle a refusé de suivre un traitement pour ses problèmes d’alcool.

[23] Même si l’on pouvait considérer l’alcoolisme comme un problème de santé volontaire et auto-infligé, de par sa nature même, il peut toucher chaque personne différemment. Chaque cas d’invalidité lié à l’alcoolisme doit être jugé indépendamment et suivant les circonstances et les faits particuliers du casNote de bas de page 17. J’estime que la preuve de la requérante selon laquelle elle n’avait pas de problème avec l’alcool n’était pas fiable. Je ne peux pas accorder de poids à cette partie de son témoignage. La preuve médicale de la médecin de famille de la requérante contredit le témoignage de celle-ci.

[24] Je suis d’accord avec le représentant juridique de la requérante pour dire que la requérante ne devrait pas être blâmée de ne pas avoir suivi de traitement pour sa consommation d’alcool. Lorsque j’examine le fait que la requérante n’a pas suivi de traitement, je dois aussi examiner ses circonstancesNote de bas de page 18. La requérante ne peut pas chercher à se faire traiter, ou se faire traiter, pour un problème qu’elle ne croit pas avoir. Même si la requérante avait cherché à se faire traiter pour sa consommation d’alcool, il est extrêmement hypothétique d’anticiper que cela aurait eu un résultat positif.

[25] La médecin de famille a aussi noté que le manque de discernement et de compréhension de la requérante par rapport à l’hypertension a contribué à ce qu’elle ne prenne pas ses médicaments. Toutefois, je ne pense pas que la requérante ait négligé son hypertension. Les dossiers médicaux confirment qu’elle prenait des médicaments pour l’hypertensionNote de bas de page 19.

L’invalidité de la requérante était-elle prolongée?

[26] L’invalidité de la requérante n’est pas prolongée.

[27] Le problème de santé de la requérante a commencé en 2011Note de bas de page 20, il était présent lorsqu’elle a cessé de travailler en décembre 2015, et il est toujours présent aujourd’hui.

[28] Je ne crois pas que la preuve médicale montre que la médecin de famille de la requérante ait envisagé un retour à un emploi véritablement rémunérateur.

[29] La médecin de famille de la requérante a aussi affirmé qu’elle pensait qu’il était peu probable que les problèmes de santé chroniques de la requérante s’améliorentNote de bas de page 21.

Conclusion

[30] J’accueille cet appel.

[31] La requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en décembre 2015, qui est la dernière fois où elle a travaillé. Toutefois, selon le RPC, elle ne peut pas être considérée comme étant invalide plus de 15 mois avant la date à laquelle le ministre a reçu sa demande d’invalidité. Après cela, il y a une période d’attente de quatre mois avant le début des versements. Le ministre a reçu la demande de la requérante en avril 2018. Cela signifie qu’elle est réputée être devenue invalide en janvier 2017. Le versement de sa pension commence à compter de mai 2017.

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