Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : ID c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 264

Numéro de dossier du Tribunal: AD-20-863

ENTRE :

I. D.

Appelante

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Valerie Hazlett Parker
DATE DE LA DÉCISION : Le 9 juin 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] La requérante, I. D., a travaillé comme médecin en Russie avant de déménager au Canada. Elle a ensuite obtenu un diplôme universitaire au Canada. Elle a travaillé dans un bureau jusqu’en 2008, puis de façon épisodique par la suite.

[3] La requérante a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle affirme être invalide en raison d’un certain nombre de problèmes de santé, notamment la maladie de Ménière, des crises de panique et la dépression, ainsi que de la douleur au dos.

[4] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande. La requérante a fait appel de cette décision au Tribunal. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel. Elle a décidé que bien qu’il soit possible que la requérante ne soit pas capable de travailler présentement, la preuve n’était pas suffisante pour démontrer qu’elle avait une invalidité grave avant la fin de sa période minimale d’invalidité (PMA, avant la fin de laquelle une partie requérante doit démontrer qu’elle est invalide pour recevoir une pension d’invalidité). La PMA de la requérante a pris fin le 31 décembre 2012.

[5] J’ai accordé la permission d’en appeler relativement à cette décision devant la division d’appel du Tribunal. L’appel avait une chance raisonnable de succès parce que la division générale pourrait avoir omis d’offrir un processus équitable lorsque l’interprétation à l’audience était imprécise.

[6] J’ai maintenant lu les arguments écrits des parties et écouté leurs arguments oraux. J’ai aussi lu la décision de la division générale et écouté les parties pertinentes de l’enregistrement de l’audience à la division générale. La division générale a offert un processus équitable. Elle n’a pas fondé sa décision sur des erreurs de fait importantes. Par conséquent, l’appel est rejeté.

Affaires préliminaires

[7] À l’audience de la division d’appel, la représentante de la requérante a fait valoir que je devrais être convaincue par une décision de la division générale dans une autre affaire. Elle n’avait pas déposé de copie de cette décision auprès du Tribunal. Les parties ont convenu que la représentante en déposerait une copie auprès du Tribunal, et que la représentante du ministre y répondrait par écrit. J’ai tenu compte des arguments des parties à ce sujet dans ma décision.

[8] La requérante a présenté de nombreux rapports médicaux pour appuyer sa cause en appelNote de bas page 1. Cependant, la division d’appel n’accepte généralement pas les nouveaux éléments de preuve en appelNote de bas page 2. Par conséquent, je n’ai pas tenu compte de ces éléments de preuve.

[9] La requérante a aussi présenté deux déclarations sous serment avec sa demande à la division d’appelNote de bas page 3. Ces déclarations n’avaient pas été présentées à la division générale. La représentante du ministre a soutenu qu’il s’agissait de nouveaux éléments de preuve qui ne devraient pas être pris en compte pour rendre la décision de cet appel. J’ai examiné les déclarations sous serment. La première est une répétition de la preuve qui a été déposée à la division générale. La deuxième déclaration reprend certains éléments de preuve et des arguments formulés dans d’autres observations écrites. Par conséquent, je n’ai pas tenu compte des déclarations sous serment pour rendre la présente décision.

Questions en litige

[10] La division générale a-t-elle omis d’offrir un processus équitable :

  1. parce que l’interprétation à l’audience était imprécise;
  2. parce qu’elle a donné un préavis d’audience insuffisant à la requérante?

[11] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit parce qu’elle a omis de tenir compte de l’état de santé global de la requérante?

[12] La division générale a-t-elle commis une erreur dans sa façon de soupeser la preuve?

[13] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur au moins l’une des erreurs de fait importantes suivantes :

  1. que les saignements en continu de la requérante n’étaient pas liés à sa chirurgie de 2011;
  2. que les problèmes de santé mentale de la requérante n’existaient pas avant la fin de la PMA;
  3. que la requérante était intolérante aux médicaments;
  4. que la requérante pourrait avoir contracté une maladie auto-immune à la suite d’une transfusion sanguine;
  5. que la requérante a développé un goitre lorsqu’elle a eu une thyroïdite à cause de l’hépatite C?

Analyse

[14] Un appel à la division d’appel du Tribunal n’est pas une nouvelle audience de la demande originale. La division d’appel peut seulement décider si la division générale :

  1. a omis d’offrir un processus équitable;
  2. a omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher, ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. a commis une erreur de droit;
  4. a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas page 4.

Processus équitable

[15] Le Tribunal doit fournir un processus équitable. Cela signifie que toutes les parties doivent avoir l’occasion de présenter pleinement leur cause au Tribunal, de connaître les arguments de l’autre partie et d’y répondre, et d’obtenir une décision fondée sur le droit et les faits et rendue par un décideur indépendant et impartial.

[16] La requérante affirme que la division générale n’a pas offert un processus impartial de deux façons.

[17] Premièrement, la requérante affirme que la division générale n’a pas offert un processus équitable parce que l’interprétation linguistique était inadéquate. Lors d’une audience, le service d’interprétation n’a pas besoin d’être parfait. Il doit être continu, précis, impartial, compétent et simultané. Par « précis », on entend que l’interprétation doit illustrer la preuve sans en améliorer la forme ou la grammaire ni apporter d’autres embellissements. Par « compétent », on entend que la qualité de l’interprétation doit être suffisamment élevée pour assurer que la justice soit faite et paraisse être faiteNote de bas page 5.

[18] La requérante affirme que l’interprétation était inadéquate parce que le ton de l’interprète était dur et ne reflétait pas ce qu’elle disait, et qu’il a mal interprété ses mots. Cependant, en dépit des demandes qui lui ont été faites, la requérante n’a pas fourni d’exemples de mots ou de phrases qui ont été mal interprétés ou prononcés sur un ton dur.

[19] De plus, avant de commencer à témoigner à l’audience de la division générale, la requérante a affirmé qu’elle n’avait pas besoin de l’interprétation complète pendant l’audience, mais seulement de quelques mots, par exemple lorsqu’elle est fatiguée ou lorsqu’il est question de ses symptômesNote de bas page 6. Le reste de l’audience s’est déroulé en anglais.

[20] De plus, la requérante et sa représentante n’ont soulevé aucun problème pendant l’audience au sujet de l’interprétation ou de son caractère inadéquat. Cela aurait pu être fait facilement pendant le témoignage ou les observations finales de la représentante.

[21] Pour ces raisons, je ne suis pas convaincue que la division générale ait omis d’offrir un processus équitable en ce sens.

[22] Deuxièmement, la requérante affirme que la division générale n’a pas offert un processus équitable parce qu’elle a donné un préavis d’audience de seulement dix jours. Bien que l’avis n’ait pas été fourni longtemps à l’avance, ce n’était pas injuste. La requérante a déposé un avis de procéder au Tribunal en mai 2020. Dans ce document, elle mentionnait qu’elle était prête à aller de l’avant avec l’audience, et qu’elle avait déposé tous ses documents. L’audience a eu lieu environ six mois plus tard, en septembre 2020. Cette période de six mois a permis à la requérante de disposer de plus de temps pour bien se préparer en vue de l’audience.

[23] Par ailleurs, si la requérante avait besoin de plus de temps pour se préparer, elle aurait pu demander que l’audience soit ajournée. La représentante de la requérante dit qu’elle ne l’a pas fait parce que le processus d’appel avait été tellement long, et que la requérante se trouve dans une situation financière très difficile. Cependant, la requérante aurait pu demander un court ajournement ou à tout le moins se renseigner pour savoir si cela était possible. Elle ne l’a pas fait.

[24] Finalement, les parties ont souvent la possibilité de déposer des documents pertinents supplémentaires après l’audience pour pouvoir plaider pleinement leur cause. Une fois de plus, la requérante n’a pas fait une telle demande.

[25] Pour toutes ces raisons, l’argument de la requérante voulant que la division générale n’ait pas donné un préavis suffisant ne tient pas.

L’état de santé de la requérante a été examiné dans son ensemble

[26] La division générale doit tenir compte de l’état de santé d’une partie requérante dans son ensemble pour décider si elle est invalideNote de bas page 7. La requérante affirme que la division générale a commis une erreur parce qu’elle n’a pas fait cela.

[27] Cependant, la division générale a tenu compte des éléments de preuve concernant tous les problèmes de santé de la requérante, y compris des complications découlant de l’hépatite C qu’elle a contractée dans sa jeunesse, de la chirurgie gynécologique et de ses problèmes de santé mentaleNote de bas page 8. La décision conclut que la preuve médicale ne montre pas que les problèmes de santé de la requérante, seuls ou ensemble, ont eu une quelconque incidence sur sa capacité de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 9. Cela montre que la division générale a tenu compte de l’état de la requérante dans son ensemble.

[28] Ce moyen d’appel est donc rejeté.

La preuve

[29] La requérante n’est pas d’accord avec la façon dont la division générale a soupesé la preuve qu’elle a présentée. Par exemple, elle affirme qu’il aurait fallu accorder plus de poids aux rapports rédigés par son médecin de famille. Cependant, il revient à la division générale de recevoir tous les éléments de preuve des parties, de les soupeser et de rendre une décision fondée sur les faits et le droit. La division d’appel n’a pas le mandat d’apprécier de nouveau la preuve afin de parvenir à une conclusion différenteNote de bas page 10. Par conséquent, l’appel ne peut pas être accueilli sur le fondement que la requérante n’est pas d’accord avec la façon dont la division générale a soupesé la preuve.

[30] La requérante demande aussi à la division d’appel d’accorder plus de poids à la preuve médicale qui a été présentée au Tribunal après que la division générale a rendu sa décision. Cependant, en règle générale, la division d’appel n’accepte pas les nouveaux éléments de preuve en appelNote de bas page 11. La preuve médicale sur laquelle la requérante souhaite s’appuyer ne correspond pas aux exceptions à cette règleNote de bas page 12. Cet élément de preuve ne peut donc pas être pris en considération.

[31] Par conséquent, ce moyen d’appel est rejeté.

Erreurs de fait importantes

[32] La requérante fait valoir que l’appel devrait être accueilli parce que la division générale a fondé sa décision sur certaines erreurs de fait importantes. Pour avoir gain de cause sur ce fondement, elle doit prouver trois choses :

  1. qu’une conclusion de fait était erronée;
  2. que la conclusion de fait a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale;
  3. que la décision était fondée sur cette conclusion de faitNote de bas page 13.

[33] Les raisons pour lesquelles l’appel est rejeté sur ce fondement sont expliquées ci-dessous.

Saignements post-chirurgicaux de la requérante

[34] La première erreur de fait signalée par la requérante est l’affirmation concernant ses saignements en 2011 dans la décision de la division générale. La décision de la division générale résume la preuve de la requérante, notamment son témoignage selon lequel ses médecins ont établi que ses saignements n’avaient rien à voir avec sa chirurgieNote de bas page 14. La décision mentionne aussi que les dossiers médicaux montrent que la requérante a été examinée pour différentes raisons après sa chirurgie, y compris des saignementsNote de bas page 15.

[35] Cependant, la division générale ne tire pas de conclusion de fait concernant la cause de ses saignements. La décision n’est pas non plus fondée sur leur cause.

Problèmes de santé mentale de la requérante

[36] La deuxième erreur de fait signalée par la requérante concerne ses problèmes de santé mentale. Elle affirme que la division générale a conclu que ses problèmes de santé mentale n’existaient pas parce qu’elle n’avait pas été orientée vers un ou une psychiatre. La division générale n’a toutefois pas tiré cette conclusion de fait.

Intolérance aux médicaments de la requérante

[37] Troisièmement, la requérante affirme que la conclusion de fait de la division générale voulant qu’elle soit intolérante aux médicaments est fausse. La décision mentionne que la requérante a affirmé que lorsqu’elle était jeune, elle a été malade et elle est devenue intolérante à de nombreux médicamentsNote de bas page 16. Il ne s’agit pas d’une erreur de fait mais bien d’une partie du résumé du témoignage de la requérante.

[38] De plus, la décision n’est pas fondée sur l’intolérance aux médicaments de la requérante.

Maladie auto-immune de la requérante après la transfusion

[39] Quatrièmement, la requérante affirme que la conclusion de fait de la division générale voulant qu’elle ait développé une maladie auto-immune après avoir reçu une transfusion sanguine était fausse. La division générale n’a toutefois pas tiré de conclusion de fait à ce sujet. La décision de la division générale mentionne que la requérante a affirmé avoir reçu des transfusions sanguines à la suite d’une appendicectomie lorsqu’elle était enfant, et qu’elle pourrait avoir contracté l’hépatite C ou une autre maladie auto-immuneNote de bas page 17. Il s’agit simplement d’un résumé de la preuve de la requérante sur cette question.

Complications de l’hépatite C

[40] Finalement, la requérante dit que la division générale était dans l’erreur lorsqu’elle a écrit qu’elle avait développé un goitre vers 2002Note de bas page 18. Elle dit avoir développé une thyroïdite à cause de l’hépatite C, et non un goitre. Une fois de plus, l’affirmation au sujet du goitre qu’a développé la requérante n’est pas une conclusion de fait, mais une partie du résumé du témoignage de la requérante. De plus, la décision n’était pas fondée sur la question de savoir si la requérante avait développé un goitre ou un autre problème de santé à cause de l’hépatite C.

[41] La division générale n’a pas ignoré ou mal interprété un renseignement important.

Décision convaincante

[42] Finalement, la requérante affirme que la division d’appel devrait accueillir l’appel et que la décision de la division générale dans un autre appel est similaire et qu’elle devrait orienter le processus décisionnel du présent appelNote de bas page 19. Je ne suis pas convaincue que je devrais suivre cette décision. Les faits sont différents de ceux de l’affaire qui nous occupe. Dans l’autre décision, la requérante avait seulement travaillé comme coiffeuse. Elle est devenue invalide après un accident de voiture. La division générale s’est appuyée sur le témoignage de la requérante parce son contenu était confirmé dans la preuve écrite, et la division générale avait trouvé que la requérante était crédible.

[43] Dans la présente affaire, la requérante a obtenu des diplômes d’études postsecondaires dans deux pays et possédait de l’expérience comme médecin en Russie et comme employée de bureau au Canada. Le témoignage de la requérante et la preuve médicale différaient. Par conséquent, je n’appliquerai pas le raisonnement ni la conclusion de cette décision.

Conclusion

[44] L’appel est rejeté pour ces raisons.

Date de l’audience :

Le 1er juin 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

I. D., appelante
Connie Oliverio, représentante de l’appelante
Viola Herbert, représentante de l’intimée

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.