Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : DC et TC c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 265

Numéro de dossier du Tribunal: AD-21-52

ENTRE :

D. C.

Appelant

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimé

et

T. C.

Mise en cause


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Neil Nawaz
DATE DE LA DÉCISION : Le 8 juin 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli. Je renvoie l’affaire devant la division générale pour la tenue d’une nouvelle audience.

Aperçu

[2] Cette affaire concerne un litige entre parents au sujet de la prestation d’enfant de cotisant invalide (PECI).

[3] L’appelant et la mise en cause ont été mariés pendant 20 ans et ont eu deux enfants. En 2014, l’appelant a commencé à recevoir la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). En même temps, il a commencé à recevoir la PECI au nom des enfants, qui, à l’époque, avaient encore moins de 18 ans.

[4] En novembre 2017, la mise en cause a demandé de recevoir la PECI. Elle a déclaré que les enfants étaient sous sa garde et sa surveillance depuis juin 2016. Après avoir mené une enquête, le ministre a donné raison à la mise en cause et lui a accordé la PECI. Le ministre a également établi que l’appelant recevait une prestation à laquelle il n’avait pas droit depuis juillet 2016. Il a évalué le trop-payé à près de 7 500 $.

[5] En mars 2019, l’appelant a fait appel de la décision du ministre auprès de la division générale du Tribunal. Il a soutenu qu’il continuait à avoir la garde et la surveillance des enfants, et il a fait valoir que la PECI devait lui revenir de droit.

[6] La division générale a décidé qu’une audience orale n’était pas nécessaire. En dépit des objections de l’appelant, elle a mené l’audience par le biais de questions et de réponses écrites. Le 1er décembre 2020, elle a accueilli l’appel en partie. Dans ses motifs écrits, la division générale a conclu que bien que les parties aient pu avoir la garde légale conjointe des enfants jusqu’en mai 2018, la mise en cause a assumé la garde et la surveillance de fait des enfants à partir du 28 décembre 2016, lorsqu’elles ont quitté le foyer familial.

[7] L’appelant a ensuite demandé la permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal. L’appelant a soutenu, entre autres, que la division générale avait nié son droit à une audience complète et équitable en procédant par questions et réponses écrites.

[8] Au début de cette année, j’ai donné à l’appelant la permission d’aller de l’avant avec l’appel parce que j’estimais qu’il avait soulevé une cause défendable.

[9] La mise en cause soutient que la division générale a agi correctement et que sa décision doit être maintenueNote de bas de page 1. Le ministre reconnaît que la division générale a enfreint une règle d’équité procédurale et demande que l’affaire soit renvoyée à la division générale pour la tenue d’une nouvelle audienceNote de bas de page 2.

[10] Dans le cadre de cet appel, je n’ai pas jugé nécessaire de tenir une audience et j’ai fondé ma décision sur l’examen du dossier documentaire existant. J’estime que la division générale n’a pas respecté une règle d’équité procédurale en refusant à l’appelant la possibilité de témoigner en son propre nom.

Question préliminaire

[11] Le 28 mai 2021, l’appelant a présenté une demande d’annulation ou de modification de la décision de la division générale de décembre 2020, soit la décision même qui fait l’objet du présent appel. L’appelant a joint à sa demande un grand nombre de documents relatifs aux procédures judiciaires en cours avec son ancienne épouse. Il affirme qu’aucun de ces documents ne pouvait être découvert lorsque la division générale a décidé d’accorder la PECI à la mise en cause.

[12] La division d’appel suspend habituellement les appels des décisions qui risquent d’être annulées ou modifiées, mais je ne vois pas la nécessité de le faire ici. Lorsque j’ai pris connaissance de la demande de l’appelant, j’avais déjà décidé d’annuler la décision de la division générale et d’ordonner la tenue d’une nouvelle audience. Cela signifie que la décision que l’appelant cherche à annuler ou à modifier a été rendue invalide et n’a plus aucune valeur juridique.

Questions en litige

[13] Il existe quatre moyens d’appel devant la division d’appel. La partie doit démontrer que la division générale :

  1. n’a pas suivi les principes d’équité procédurale;
  2. a commis une erreur de compétence;
  3. a commis une erreur de droit; ou
  4. a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 3.

[14] Dans le présent appel, j’ai dû répondre aux questions en litige suivantes :

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis des erreurs?

Question en litige no 2 : Le cas échéant, quelle est la réparation appropriée?

Analyse

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis des erreurs?

[15] La justice exige qu’une partie soit entendue. Autrement dit, toute personne ayant un intérêt dans l’issue d’une procédure devant un tribunal ou une cour a le droit de présenter sa cause de la meilleure façon possible. J’ai décidé que la division générale a privé l’appelant de ce droit.

[16] L’appelant fait valoir que les questions et réponses écrites constituent un mode d’audience [traduction] « nettement inférieur » qui ne permet pas de vérifier la crédibilité des témoins. Il soutient également que, contrairement à la conclusion de la division générale, aucune ordonnance d’un tribunal ne l’empêchait de comparaître avec la mise en cause dans une instance judiciaire.

[17] La mise en cause n’est pas d’accord. Elle fait remarquer qu’une ordonnance de probation datant de février 2020Note de bas de page 4 interdisait à l’appelant de la contacter ou de communiquer avec elle [traduction] « de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, par tout moyen physique, électronique ou autre », sauf en vertu d’une ordonnance d’un tribunal de la famille ou [traduction] « dans le but de mener ou de défendre une procédure d’un tribunal de la famille ». La mise en cause soutient que la demande de PECI de l’appelant n’avait rien à voir avec un tribunal de la famille. Elle affirme que, en l’absence d’ordonnance contraire d’un tribunal de la famille, l’appelant n’est pas autorisé à communiquer avec elle, que ce soit directement ou indirectement.

[18] Comme je l’ai mentionné, la position du ministre est que la division générale a agi inéquitablement lorsqu’elle a choisi de tenir son audience par le biais de questions et de réponses écrites. Il affirme que le fait de procéder de cette manière a empêché l’appelant de faire pleinement valoir qu’il avait la garde et la surveillance des enfants de juin 2016 à novembre 2017.

[19] Je suis d’accord avec l’appelant et le ministre.

[20] J’hésite habituellement à intervenir en ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire de la division générale de décider du mode d’audience approprié, mais j’estime qu’il y a dans cette affaire un motif pour faire exception. Le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale autorise la division générale à choisir parmi plusieurs modes d’audienceNote de bas de page 5, mais ce pouvoir ne peut être exercé sans tenir compte de l’équité procédurale. L’appelant insiste sur le fait que, depuis décembre 2016, il a plus de contrôle sur ses enfants que ce que le dossier indique.

[21] J’ai trouvé que les motifs de la division générale pour tenir une audience sur papier étaient contradictoires. La division générale a reconnu que l’ordonnance de probation de février 2020 a influencé sa décision de procéder uniquement par le biais d’un examen documentaire. Parallèlement, la division générale n’a pas complètement exclu la possibilité d’une audience orale. Elle a laissé entrevoir la possibilité de poursuivre par téléconférence si elle avait des « doutes sur la capacité des parties à plaider leur cause par écritNote de bas de page 6 ». Cela suggère que la division générale ne se considérait pas comme soumise à l’ordonnance de probation.

[22] À mon avis, l’ordonnance de probation de février 2020 ne s’appliquait pas à la demande de PECI de l’appelant, demande qui, je dois le supposer, a été présentée par l’appelant dans un effort de bonne foi pour recouvrer les prestations auxquelles il estime avoir droit. Je constate que l’appelant a d’abord contesté la décision du ministre de mettre fin à sa PECI plusieurs mois avant la délivrance de l’ordonnance de probation. L’ordonnance interdisait à l’appelant de communiquer avec la mise en cause, sauf dans le but de mener ou de défendre une procédure devant un tribunal de la famille. Cependant, le litige concernant la PECI est essentiellement une extension de la procédure de l’appelant et de la mise en cause devant un tribunal de la famille. Il s’agit de savoir qui a la garde et la surveillance des enfants et qui doit recevoir une prestation destinée à couvrir leurs besoins fondamentaux, tels que le logement, la nourriture et les vêtements. En empêchant l’appelant de témoigner ou d’appeler des témoins, la division générale l’a effectivement privé de son droit d’être entendu.

Question en litige no 2 : Quelle est la réparation appropriée?

[23] La division d’appel a le pouvoir de réparer les erreurs de la division générale. J’ai établi que la division générale a ignoré une règle d’équité procédurale, ce qui me laisse essentiellement deux options. Je peux renvoyer l’affaire à la division générale pour la tenue d’une nouvelle audience, ou je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 7.

[24] Le ministre a recommandé que je renvoie l’affaire à la division générale pour la tenue d’une nouvelle audience. Je suis d’accord.

[25] Il n’y a pas assez d’informations dans le dossier pour me permettre de trancher cette question moi-même. En effet, la division générale a refusé d’entendre le témoignage de l’appelant ou de la mise en cause sur la question de savoir qui avait la garde et la surveillance de leurs enfants. Contrairement à la division d’appel, le mandat premier de la division générale est d’entendre la preuve et de tirer des conclusions de fait. À ce titre, elle est mieux placée que moi pour décider qui, entre l’appelant et la mise en cause, avait droit à la PECI.

Conclusion

[26] J’accueille l’appel parce que la division générale a refusé aux parties leur droit d’être entendues. Je renvoie l’affaire à la division générale pour la tenue d’une nouvelle audience, laquelle aura lieu par téléconférence ou vidéoconférence.

[27] Ce litige porte sur une prestation gouvernementale, mais il s’inscrit également dans le cadre d’un conflit plus large, chargé d’émotion et portant sur une série de questions relatives au droit de la famille. Au Tribunal, l’appelant et la mise en cause ont parfois eu du mal à s’abstenir d’argumenter sur des choses qui n’ont que peu ou rien à voir avec la question en cause : le droit à la PECI.

[28] Pour cette raison, j’ordonne également à la division générale d’examiner soigneusement les observations ultérieures pour en vérifier la pertinence. La division générale ne doit admettre que les documents qui, selon son jugement, sont directement liés à la question de savoir qui avait la garde et la surveillance des enfants après juillet 2016. L’appelant et la mise en cause sont avisés que tout document qui ne répond pas à cette question ne sera pas pris en considération.

Mode d’audience :

Sur la foi du dossier

Représentants:

D. C., appelant

T. C., mise en cause

Suzette Bernard, représentante du ministre

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