Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : MC c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 278

Numéro de dossier du Tribunal: AD-21-138

ENTRE :

M. C.

Demanderesse
(Requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimé
(Ministre)


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


Décision relative à une demande de permission
d’en appeler rendue par :
Neil Nawaz
Date de la décision : Le 14 juin 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] La permission d’en appeler n’est pas accordée à la requérante.

Aperçu

[2] La requérante est une ancienne gouvernante et aide ménagère âgée de 57 ans. Elle a travaillé pour la dernière fois en juin 2018.

[3] Plus tard en 2018, elle a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle a déclaré qu’elle ne pouvait plus travailler en raison de douleurs chroniques au dos et de la dépression. Le ministre a rejeté sa demande parce qu’à son avis, la requérante n’avait pas montré qu’elle avait une invalidité grave et prolongée.

[4] La requérante a porté en appel la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a tenu une audience par vidéoconférence et a rejeté l’appelNote de bas de page 1. La division générale a examiné la preuve médicale et a conclu que les problèmes de santé de la requérante ne l’empêchaient pas de travailler. La division générale a également conclu que la requérante n’avait pas fait de démarches pour trouver un emploi mieux adapté à ses limitations.

[5] La requérante a demandé la permission d’en appeler devant la division d’appel. Elle prétendait que la division générale avait omis d’examiner la gravité de ses douleurs au dos.

[6] Le Tribunal a ensuite envoyé une lettre à la requérante pour lui rappeler que la division d’appel ne pouvait qu’examiner des erreurs précises que la division générale aurait pu commettre. Le Tribunal a demandé à la requérante de fournir plus de détails sur les raisons de son appel.

[7] La requérante a répondu plusieurs semaines plus tardNote de bas de page 2. Elle a de nouveau exprimé son désaccord avec la décision de la division générale, mais cette fois, elle a aussi accusé la membre de la division générale de l’avoir traitée de façon injuste pendant l’audience. La requérante a plus précisément affirmé que la membre

  • a expédié l’audience, après avoir utilisé seulement la moitié du temps prévu pour celle-ci;
  • a ignoré les rapports médicaux pour lesquels la requérante avait déboursé d’importants frais de copie;
  • a montré de l’impatience et de l’ennui alors qu’elle écoutait les témoignages;
  • a faussement accusé un témoin de tenter de conseiller la requérante en dehors du champ de la caméra.

[8] La requérante a également soutenu que la division générale avait conclu qu’elle était capable de travailler malgré ses importantes lésions au bas du dos et malgré le fait qu’elle n’avait fait que du travail de nature physique au cours de sa carrière.

[9] J’ai examiné le dossier médical de la requérante ainsi que la décision de la division générale. J’ai conclu que l’appel de la requérante n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[10] Il n’existe que trois moyens d’appel devant la division d’appel. Une partie prestataire doit montrer que la division générale :

  • a agi de façon inéquitable;
  • a commis une erreur de droit;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 3.

[11] Un appel peut être instruit seulement si la division d’appel accorde la permission d’en appelerNote de bas de page 4. À cette étape, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 5. Il s’agit d’un critère relativement facile à satisfaire, car le requérant doit présenter au moins une cause défendableNote de bas de page 6.

[12] Je dois décider si la requérante a soulevé une cause défendable.

Analyse

[13] La requérante soutient que la membre de la division générale qui a tranché l’affaire avait eu un comportement qui l’avait rendue mal à l’aise et nerveuse. Elle se demande si elle a eu droit à une audience équitable et impartiale.

[14] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience devant la division générale au complet. J’estime que les allégations de la requérante sont sans fondement.

Il n’y a aucune cause défendable selon laquelle la division générale aurait expédié l’audience

[15] Comme l’indique l’avis d’appel, la division générale a prévu 90 minutes pour l’audience par vidéoconférence de la requérante. L’enregistrement indique que du début à la fin, l’audience a duré 66 minutes, bien plus que 45 minutes, comme le prétendait la requérante.

[16] La durée de l’audience n’est pas un indicateur fiable de sa qualité. Une décideuse ou un décideur bien préparé n’a souvent pas besoin de beaucoup de temps pour recevoir les éléments de preuve qui doivent être reçus et pour poser les questions qui doivent être posées.

[17] Dans ce cas-ci, je n’ai rien entendu qui laisse entendre que la membre voulait en finir le plus vite possible avec l’audience. Au contraire. La membre était bien au fait des détails du dossier. Elle a posé des questions pertinentes. Elle a permis à la requérante et à son témoin de prendre leur temps pour y répondre. Je n’ai pas entendu la membre couper la parole à la requérante ni lui demander de se dépêcher. L’audience s’est tenue efficacement, mais à un rythme naturel et régulier.

Il n’y a aucune cause défendable selon laquelle la division générale aurait ignoré les rapports médicaux

[18] La requérante soutient que lors de l’audience, la division générale n’a accordé aucune importance à ses rapports médicaux, pour lesquels elle avait investi beaucoup de temps et d’argent à obtenir.

[19] J’estime que cet argument ne confère pas de chance raisonnable de succès à l’appel. Les membres veulent habituellement que les parties prestataires aient en main leur dossier médical complet pendant l’audience. Cela ne veut pas dire qu’ils ont l’intention d’aborder chacun des éléments de la preuve médicale (il ne serait pas pragmatique ni pertinent de le faire dans les circonstances). Toutefois, il est parfois utile de faire référence à un résultat de test en particulier ou à l’avis d’un médecin. Le fait que la membre de la division générale n’ait pas fait mention d’un rapport en particulier pendant l’audience ne signifie pas qu’elle n’en a pas tenu compte. En effet, on présume que les membres ont tenu compte de tous les éléments de preuve au dossier, sauf si l’on peut prouver le contraireNote de bas de page 7. Dans ce cas-ci, la requérante n’a fourni aucune preuve à cet effet.

Il n’y a aucune cause défendable selon laquelle l’attitude de la membre de la division générale a terni l’audience

[20] La requérante affirme que l’ennui et l’hostilité évidents de la membre de la division générale l’ont rendue nerveuse et mal à l’aise pendant l’audience.

[21] J’estime que cet argument ne confère pas de chance raisonnable de succès à l’appel.

[22] La requérante a sans doute ressenti un certain degré d’anxiété lorsqu’elle s’adressait à la membre. La plupart des personnes qui se retrouvent dans la position de la requérante trouve cela stressant de discuter de leurs problèmes médicaux avec une personne étrangère, surtout lorsque celle-ci a le pouvoir de leur accorder ou de leur refuser des prestations gouvernementales importantes. Toutefois, je n’ai rien entendu dans l’enregistrement de l’audience qui laisse entendre que la membre de la division générale ait été impolie ou impatiente, ou qu’elle ait fait preuve de la moindre nonchalance dans le dossier. Elle a adopté un ton contrôlé, mais amical. Elle a écouté la requérante et son témoin et a aussi posé des questions qui visaient à obtenir des renseignements importants de leur part. À une seule exception (voir ci-dessous), la requérante n’a montré aucun signe laissant entendre qu’elle était mal à l’aise. La plupart du temps, elle semblait calme et posée, et elle a pu présenter ses preuves sans difficulté.

Il n’y a aucune cause défendable selon laquelle la division générale a faussement accusé un témoin de tenter de conseiller la requérante

[23] Dès le début de l’audience, la membre de la division générale a dit à la requérante que son témoin et son conjoint de fait devraient être dans une autre pièce pendant qu’elle livrait son témoignage. Exclure les témoins est une pratique courant dans le cadre des audiences devant la cour ou les tribunaux, puisque cela empêche que le témoignage de l’un soit teinté par le témoignage de l’autre.

[24] Par consentement, le témoin de la requérante a témoigné en premier. Il est ensuite sorti hors du champ de la caméra et l’attention s’est tournée vers la requérante. Vers la fin de l’audience, la membre a posé des questions au sujet de problèmes de santé qui n’avaient pas été abordés précédemment. À un certain momentNote de bas de page 8, lorsque la membre a posé des questions à la requérante sur ses problèmes d’ouïe, on pouvait entendre distinctement une autre voix en arrière-plan. Un peu plus tard, on peut entendre cet échange [traduction] :

Membre : Avez-vous d’autres problèmes de santé qui nuisent à votre capacité de travailler?

Prestataire : Je dirais que c’est principalement mon dos et juste ma santé mentale... [pause] Mentalement, oui.

Membre : Est-il derrière en train de vous dire quoi dire?

Requérante : Oh, non. Il m’a juste entendu parler.

Membre : [Gloussement] D’accord.

Requérante Non, non, il est dans l’autre pièce. Il a juste dû m’entendre dire « mentalement ». Je veux dire, il le voit bien, n’est-ce pas?

Témoin : [Parle à distance de façon inaudible dans l’enregistrement]

Prestataire : Oui, c’est ce qu’il veut dire, que je suis déprimée tout le tempsNote de bas de page 9.

[25] Cela m’indique que la division générale était légitimement préoccupée du fait que le conjoint de fait de la requérante a pu tenter de donner de l’information à la requérante ou à tout le moins de l’inciter à approfondir davantage ses réponses. Les mots prononcés par la requérante confirment cela : même s’il se trouvait dans une autre pièce, son conjoint de fait a réagi à quelque chose qu’elle a dit lors de son témoignage. Toutefois, la membre ne semblait ni fâchée ni bouleversée. Elle n’a pas « accusé » la requérante d’enfreindre les règles. Elle a simplement demandé à la requérante, en utilisant un ton posé, ce que faisait son conjoint de fait. La membre a accepté l’explication de la requérante, non sans une touche humoristique, puis elle est passée à autre chose.

[26] Je ne vois pas en quoi la membre a enfreint la règle de l’équité procédurale en soulevant cette question lors de l’audience.

Il n’y a aucune cause défendable selon laquelle la division générale aurait ignoré des éléments de preuve

[27] La requérante soutient que la division générale a rejeté son appel sur le fondement de la preuve médicale montrant qu’elle était atteinte notamment d’une douleur invalidante au bas du dos.

[28] J’estime que cet argument ne confère pas de chance raisonnable de succès à l’appel.

[29] Un des rôles de la division générale est de tirer des conclusions de fait. Pour ce faire, elle a une certaine marge de manœuvre dans sa façon de soupeser la preuve. Dans ce cas-ci, la division générale a pris note de ce qui suit :

  • La Dre Cheryl Smith, médecin de famille, a déclaré que les occasions d’emploi de la requérante étaient limitées. Toutefois, elle n’a pas exclu un possible retour au travailNote de bas de page 10.
  • Le Dr David Smith, un spécialiste de la douleur, a dit que la requérante répondait bien aux injections contre la douleur et qu’elle aurait avantage à faire de l’activité physique. Il n’a pas exclu qu’elle puisse se rétablir encore davantageNote de bas de page 11.
  • Il n’y a aucune preuve indiquant que les démarches de la requérante pour se recycler professionnellement ou pour occuper un emploi non physique ont été vaines en raison de son état de santé.

[30] Je ne vois aucune cause défendable selon laquelle la division générale aurait tiré une conclusion de fait erronée. Selon mon analyse de la décision, la division générale a examiné attentivement le témoignage de la requérante et son dossier médical, en tenant compte de son âge, de sa scolarité et de son expérience professionnelle. La division générale a reconnu que la requérante avait certaines limitations fonctionnelles, mais a conclu qu’elle était toujours régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la fin de sa période d’admissibilité.

[31] La requérante n’est peut-être pas d’accord avec la décision de la division générale, mais cette dernière avait le droit de soupeser la preuve disponible et de tirer des conclusions de fait raisonnablesNote de bas de page 12. La requérante me demande de réexaminer la preuve et de remplacer la décision de la division générale avec la mienne. Je ne peux pas faire cela. Ma compétence comme membre de la division d’appel se limite à trancher la question de savoir si les raisons invoquées par le requérant pour porter appel correspondent aux trois moyens d’appel permis et si l’une de celles-ci confère à son appel une chance raisonnable de succès.

[32] Rien ne laisse entendre que la division générale a ignoré ou mal interprété des éléments de preuve lorsqu’elle a conclu que la requérante n’était pas invalide.

Conclusion

[33] Le requérant n’a invoqué aucun moyen d’appel qui conférerait à son appel une chance raisonnable de succès. Ainsi, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

 

Représentant :

M. C., non représentée

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